Dans la nuit du 18 au 19 juillet 1888, la vie de Napoléon Michel a basculé.
Pourtant, tout semblait bien aller. Quelques mois plus tôt, il avait unit sa destinée en l’église de Saint-Julien-de-Wolfestown à Leda Lamontagne, fille de Pierre Lamontagne et de Marie Côté. La jeune épouse, née le 21 septembre 1870, est native de St-Ferdinand d’Halifax. Napoléon, quant à lui, est le fils d’Isaac Michel et de Scholastique Fréchette. Il est né le 7 octobre 1859 également à Saint-Ferdinand d’Halifax.
Un visiteur indésirable
Que s’est-il passé cette nuit-là? Tard le 18 juillet, Napoléon Michel reçoit un visiteur: son beau-frère, Rémi Lamontagne. Celui-ci lui demande si Isaac Michel, le père de Napoléon, est arrivé des États-Unis, car il aurait peut-être des nouvelles de membres de sa parenté. Ce n’est pas le cas. Ils jasent et boivent un peu. Rémi s’en va. Quelques instants plus tard, Napoléon entend du bruit. Napoléon s’approche pour ouvrir la porte et c’est alors que Rémi Lamontagne sort un pistolet et tire trois fois en direction de son beau-frère, puis le pousse par terre.
Napoléon Michel s’évanouit. Quand il se réveille, la maison est en feu.
Napoléon Michel, doté d’une robuste constitution, parvient malgré ses blessures à briser une fenêtre et à s’échapper. Il parcourt ensuite entre 15 et 18 arpents avant d’arriver chez son beau-frère, Arcade Boucher.
Napoléon Michel est en piteux état. Il a une sérieuse coupure à la gorge, une forte entaille au poignet gauche, une balle entre la jointure de l’os du crâne et de la mâchoire et des brûlures. Sa femme Leda arrive chez Arcade Boucher peu après lui.
Malgré ses blessures, il survit jusqu’au 16 août. Les médecins n’en croient pas leur yeux. Il parvient quand même -difficilement- à livrer des bribes de ce qui s’est passé en cette nuit fatidique. Il accuse devant plusieurs témoins son beau-frère Rémi.
Les déclarations de Leda sont incriminantes cette nuit-là (elle changera plusieurs fois de versions). Bernard Epps, dans Tales of the Townships, 1980, p, 38, rapporte qu’elle a dit, à Arcade Boucher:
I want to know… can I be hanged for helping Remi? she whispered and then, seeing the shock in the old man’s eye’s, she hastily added: »No, I didn’t mean that. I take back the word ‘helping ». I mean, can I be hanged for having been there all the time white Remi was shooting my husband and cutting his throat? (Je veux savoir… puis-je être pendue pour avoir aidé Rémi? chuchota-t-elle, mais voyant la réaction du vieil homme, elle ajouta: Je ne voulais pas dire cela. Je retire le mot ‘aider’. Je veux dire, puis-je être pendue pour avoir été là pendant que Rémi tirait sur mon mari et lui coupait la gorge? (traduction V. L.)
Leda est citée à procès suite à l’incendie de la maison et de deux granges. Elle est déclarée non-coupable à Sherbrooke le 9 octobre 1888. Mais elle n’en a pas finit avec la justice.
Rémi Lamontagne est accusé d’avoir tué son beau-frère. Il s’enfuit dans les bois. Il ne se livre à la police qu’après la fin du procès de sa soeur, le 27 octobre. Il va au-devant des policiers accompagné de son beau-frère, James Grimard, qui touche la récompense de 1000$ promise pour sa capture.
Le procès de Rémi Lamontagne, qui devait avoir lieu à Sherbrooke au printemps 1889, est reporté à l’automne, puis au printemps 1890.
Leda témoigne au procès de son frère. Elle a passé les mois précédents aux États-Unis. Au procès, le témoin, que nous qualifierons de peu bavard, refuse à plusieurs reprises de répondre aux questions des avocats, sous le prétexte qu’elle s’incriminerait! Pour son insolence, le juge la condamne à un an de prison et à 250$ d’amende.
Le procès se poursuit et les témoignages sont accablants pour Rémi Lamontagne. Un nommé Brisson rapporte une conversation qu’il a eu avec l’accusé où celui-ci avoue, à demi-mot, avoir tué Napoléon Michel. Le juge Wurtele n’a d’autre choix que de le déclarer coupable de meurtre le 11 octobre 1890. Les articles publiés sur ce procès dans Le Progrès de l’Est de Sherbrooke ont été regroupés dans une publication que l’on peut lire ici.
Une crise cardiaque et une exécution
La veille de l’exécution de Rémi Lamontagne, qui doit avoir lieu le 19 décembre 1890, Leda change encore une fois sa version des faits, accusant un autre résidant de Wolfestown. Mais les dommages sont fait; elle n’a plus aucune crédibilité.
Coup de théâtre à 30 minutes de l’exécution! Le sheriff chargé de la triste besogne a une crise cardiaque! C’est le »deputy sherrif » qui le remplacera. A 9:26. Rémi Lamontagne meurt sur l’échafaud. Son décès est officiel huit minutes plus tard.
Et le motif du crime?
Ainsi, Rémi Lamontagne connut une triste fin sur l’échafaud. Quand à Leda, on dit qu’elle a purgé sa sentence de prison, payé son amende, puis est repartie aux Etats-Unis. On n’en sait pas plus sauf que…
Leda a accouché le 12 janvier 1889 d’une petite fille, Mary Addie, à Amesbury, au Massachussetts (réf). Certains (très jeunes) témoins ont sous-entendu que Rémi et Leda étaient très très proches l’un de l’autre….Même le juge Wurtele, dans son adresse au jury, a fait des commentaires en ce sens…(Réf, p. 42).
Le témoin Marguerite Campbell a souligné que Rémi Lamontagne lui avait confié ne pas aimer que sa soeur soit avec Napoléon Michel parce qu’il était têtu (réf). Et l’accusé d’ajouter que même si son mari mourrait, Leda ne s’en soucierait pas. Aussi, Lamontagne aurait dit au témoin Brisson que lors du crime, il n’était pas ivre et que »c’était une mauvaise heure qu’il avait eue ». (réf).
En somme, les motifs qui ont poussé Rémi Lamontagne à commettre un crime aussi atroce sont nébuleux. Un moment de folie? Jalousie?
Une bien mystérieuse histoire…
Bibliographie
Procès de Rémi Lamontagne, accusé du meurtre de Napoléon Michel le 18 juillet, 1888, et condamné, le 12 octobre, 1890, à être pendu le 19 décembre ; suivi du procès de William Wallace Blanchard, accusé du meurtre de Charles A. Calkins le 18 novembre, 1889, et condamné à être pendu le 12 décembre [microforme] (1890) Adresse URL
EPPS, Bernard. Tales of the Townships, 1980, Sun Books, 102 pages.
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C’est ce qu’on appelle une famille dysfonctionnelle! Un détail m’intrigue : est-ce que cette famille communiquait en anglais ou bien c’est Epps qui a traduit leurs témoignages dans son livre ? J’aime beaucoup votre blog.
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Merci!
Les Michel-Lamontagne comme la plupart des témoins étaient francophones. Bernard Epps a traduit leur témoignage dans son livre Tales of the Townships.
Vicky
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