Évasion à la Citadelle de Québec, 16 octobre 1838

Il y avait de l’action à Québec en octobre 1838. Entre autres, deux prisonniers qui avaient participé aux rébellions au Haut-Canada, soit William Wallin Dodge et Edward Alexander Theller,  s’évadèrent de la citadelle grâce aux patriotes Charles Drolet et John Heath. Theller avait été condamné à mort, puis sa sentence avait été commuée en déportation. En attendant, Theeller et Dodge furent envoyés à Québec où, visiblement, ils ne se plaisaient pas.  Voici comment l’événement fut rapporté dans les journaux.

Extrait du journal le Canadien, publié à Québec, le 17 octobre 1838, p. 2

Evasion de prisonniers politiques – Grand mouvement hier matin parmi la garnison et la police de cette ville, et par contre-coup vive sensation parmi les citoyens, à la nouvelle que cinq des Prisonniers du Haut-Canada s’étaient évadés, pendant la nuit, de la citadelle où ils étaient étroitement gardés et surveillés de près, puisqu’il leur a fallu tromper la vigilance de plusieurs sentinelles, de deux surtout, dont l’une était en faction en dedans de l’enclos de leur prison et l’autre en dehors. Le bruit court qu’ils ont réussi à faire boire à leurs gardes de la boisson dans laquelle ils avaient jetés de l’opium, ce qui les auraient endormis, et on ajouté que quatre soldats ont été mis sous arrêt en conséquence de cette évasion. Le Mercury dit qu’on pense que les évadés ont reçu l’assistance de quelques amis dans la ville.  Ceci n’est guère probable, quand on réfléchit que deux ont été s’adresser et se faire prendre dans une auberge vis-à-vis de la Cathédrale Anglicane, où c’était pour eux aller se jeter dans la gueule du loup, ce qu’ils n’auraient pas fait s’ils eussent de l’assistance de quelques amis.  Un autre a été trouvé dans les broussailles près de la tour no1, ce qui démontre encore qu’ils n’avaient personne pour les assister, car c’est justement l’endroit où se font les premières recherches en pareil cas.

Porte Prescott et vue de la Citadelle de Québec extrait de Canadian Scenery Illustrated, tome 1, par William Henry Bartlett

On apprend en outre que les deux qui ont été pris dans l’auberge avaient erré toute la nuit par la ville, ce qui n’aurait pas pus arriver s’ils eussent eu des rapports avec quelques amis. Ces suppositions sont jetées dans le public pour justifier la conduite vraiment brutale de la police dans l’intérieur du domicile d’un citoyen respectable de cette ville, M. Morin, où l’on ne s’est pas borné à faire les recherches les plus minutieuses, mais où l’on a été jusqu’à bûcher une partie une partie du plafond pour parvenir à un recoin du grenier sans issue, et cela en son absence et sans sa permission, sans que les bucheurs aient montré aucune autorité pour un pareil procédé. M. Morin estime à £7 ou 8 les dégâts que l’on a commis chez lui, sans compter les autres  désagréments qu’il a eu à souffrir; par exemple, on l’a retenu prisonnier chez lui pendant quelques heures, de même qu’un client qui était venu lui parler.

On a aussi fait les recherches les plus minutieuses dans tout le couvent des Dames Ursulines, depuis la grave jusqu’au grenier. Là au moins, on n’a commis aucun dégât; mais l’idée que des évadés de prison auraient cherché et trouvé un refuge dans l’intérieur du cloître des Dames Ursulines, est plus que ridicule en même temps qu’offensante pour ces Dames, puisqu’il est à peu près impossible qu’un homme, et surtout un inconnu s’introduise dans la maison sans qu’elles en aient connaissance. On a aussi fait des recherches dans tous les environs du Couvent, et sur le cap, et ces recherches n’ayant rien d’inconvenant, les citoyens s’y sont soumis avec plaisir. Les recherches qui ont été faite chez M. Morin, et dans les couvents sont dues, dit-on, à ce qu’un soldat ou sergent aurait déclaré avoir vu entrer chez M. Morin, hier matin vers huit heures, Theller, un des évadés. Belle heure et bon endroit pour se montrer dans les rues pour un échappé de prison qui sait que la police et la garnison sont à ses trousses. Certes, si notre police et notre garnison perdent la tête pour si peu de choses, nous sommes bien mal gardés.

[…]

Mais nous n’avons pas encore dit comment l’évasion avait eu lieu. Les évadés après avoir endormi la surveillance des gardes, soit par l’opium soit autrement, ont limé un des barreaux de leur loge, sont montés sur la tour du pavillon, et en on coupé la corde qui les a aidés à se glisser en bas, d’où ils ont pu facilement pénétrer dans la ville. Sur celui qui a été arrêté près de la tour, on a trouvé des limes et autres instruments qui ont pu servir à l’évasion des prisonniers. Sutherland qui était renfermé séparément n’a pas eu l’occasion de s’échapper.

Et après?

A son retour aux États-Unis,

Theller entreprit une tournée triomphale dans plusieurs grands centres des États-Unis. À son grand plaisir, il fut « fêté et traité comme un héros ». D’après lui, cette tournée était « une initiative impudente, mais heureuse », qui fit « plus pour la cause du malheureux Canada » que toute autre chose.

De retour à Detroit en décembre, Theller fut arrêté sans délai pour violation des lois américaines sur la neutralité, puis libéré, probablement sous caution (réf)

Theller a écrit sa version de ses aventures, dans Canada in 1837-38 : showing by historical facts, the causes of the late attempted revolution, and of its failure ; the present condition of the people, and their future prospects, together with the personal adventures of the author, and others who were connected with the revolutiontome 1 et 2, publiés en 1841.

Ensuite, il vécut heureux et eut probablement beaucoup d’enfants.

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Une visite de la prison de Québec en 1835

Registre d’écrou de la prison de Québec: un prisonnier « dead by the visitation of God » (1834)

La déportation d’après les registres d’écrous des prisons de Québec (Bas-Canada, 19e siècle)

Patrimoine: des prisons qui ont une deuxième vie (première partie)

2 réflexions au sujet de « Évasion à la Citadelle de Québec, 16 octobre 1838 »

  1. Très bon billet, comme toujours! Justement, je travaille actuellement sur un « habitué » des évasions de la prison des plaines, un certain Bis Belleau.

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  2. Merci!
    Je viens de taper son nom dans la base de données Personnes incarcérées dans les prisons de Québec au 19e siècle de BANQ. Pierre Belleau avait du vécu, c’est le cas de le dire!

    Vicky

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