Dans le journal La Patrie, édition du 26 avril 1886, on pouvait lire cet article
Toute la ville de Montréal ne parle ce matin que de l’échaffourée de St Vincent de Paul, samedi soir.
C’est la sensation du jour. Les détenus ont voulu s’évader et se sont mis en révolte. Le soulèvement n’a commencé que vers quatre heures et quart samedi. Durant tout l’après-midi, les prisonniers ont été occupés à leurs différents travaux et rien ne faisait prévoir, à leur attitude, qu’ils ourdissaient un vaste complot pour forcer les portes du pénitencier et reprendre leur liberté.
C’est à l’heure que nous venons d’indiquer que les détenus qui travaillaient à tailler la pierre dans la bâtisse située au sud-est s’emparèrent soudainement des gardiens, les garottèrent avec de fortes courroies et se saisirent de leurs armes. Ils étaient quarante et les gardiens n’étaient que deux; comme on peut bien le croire la résistance ne fut pas longue. Ce fut le signal de la révolte. En même temps que ceux-ci se rébellaient, les cordonniers et les tailleurs de drap faisaient de même pour leurs gardiens au nombre de trois. Maîtres des carabines et des pistolets, ils sortirent de leur bâtisse et prirent la direction des murs. C’est alors que M. Laviolette (Godefroy Laviolette), préfet du pénitencier, rentrait dans la cour pour faire sa visite quotidienne. Voyant le soulèvement, il ordonna aux prisonniers de poser les armes et de rentrer dans leurs cellules. On ne lui donna pas le temps de continuer. On se précipita sur lui et avant qu’il eut pu faire un mouvement pour se dégager et de défendre, on s’empara de ses pistolets et l’on fit feu sur lui.
[…] On lui demanda à plusieurs reprises de donner ordre de faire ouvrir les portes, mais M. Laviolette s’y refusa obstinément et fit acte d’une bravoure extraordinaire (l’article rapporte qu’on fit feu sur le préfet à trois reprises, le blessant grièvement)
[…]
Pendant qu’une bande frappait le préfet, au côté nord ouest, une autre, à l’aide d’une échelle faite à la hâte avec des plançons recueillis ça et là, escaladaient le mur de pierre du côté sud-est. Plusieurs avaient déjà atteint le faite lorsque le gardien Sanders, en sentinelle au coin Est, cria au gardien F. Chartrand (Ferdinand) et à l’instituteur fermier Kenyn, qui travaillaient au jardinage de l’autre côté du mur, de faire feu sur les révoltés. Ils obéirent et une balle vint frapper le prisonnier Peters à la tête. Elle ne fit que percer le chapeau. Peters, se croyant blessé, se laissa descendre et tous les détenus qui possédaient des armes firent feu sur Chartrand et le blessèrent à (illisible).
C’est alors que plusieurs ferblantiers et quelques-uns qui s’occupaient aux travaux d’excavations se mirent de la partie et la mêlée devint générale. […]Au moment où M.Laviolette tombait sous les balles de ses assistants, Corriveau, un des chefs de la révolte, à l’aide d’une grande pince, essayait de faire un trou dans le mur de planches pour faciliter l’évasion.
Le gardien Albert Paré le visa et le tua d’un coup de carabine. […] La mort de l’un des chefs jeta le désarroi parmi les prisonniers qui se réunirent tous au milieu de la grande cour et délibérèrent.
Pendant ce temps, le député préfet M. Ouimet, qui se trouvait dans la bâtisse principale, fit sonner la cloche et tous les prisonniers, sans résistance aucune, entrèrent dans leurs cellules en chantant et en disant: c’est à recommencer. A 5 heures, tout était rentré dans l’ordre.
Plusieurs détenus firent face à des accusations suite à cette émeute. L’instigateur de la révolte était un dénommé Louis Viau, purgeant une peine de cinq ans pour vol de grand chemin. Viau écopa d’une peine de 25 ans de prison pour tentative de meurtre envers le gardien Ferdinand Chartrand.
Le préfet du pénitencier, Godfroy Laviolette, resta handicapé suite à ses blessures. Il décéda en 1895.
Bibliographie
La Patrie, 11 juin 1886
Jean Cournoyer [En ligne] Pénitencier Saint-Vincent-de-Paul [Page consultée le 3 décembre 2011] Adresse: http://memoireduquebec.com/wiki/index.php?title=Saint-Vincent-de-Paul%2C_Centre_correctionnel_(prison)
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écoper 25 ans au lieu de purger 5 ans .. il a couru apres
Ils auraient pu réussir leur coups quand meme mais il y aurait eu sans doute plus de morts
tres intéressant ce billet encore une fois
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Oui, il aurait mieux fait de se tenir tranquille. Je me demande s’il est mort en prison. Jacques Beaulieu a retranscris quelques articles sur son procès, on voit que Viau avait l’air d’être tout un personnage. Il a du se défendre lui-même, car son avocat s’est retiré de la cause.
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