Un anarchiste canadien-français à New York [1914]

Le 4 juillet 1914, une bombe explose avenue Lexington, à New York. Quatre personnes décèdent, soient Arthur Caron, Charles Berg,  Carl Hanson et Marie Chavez et sept sont blessées.  L’enquête conclut que Caron, Berg et Hanson ont été victimes de l’explosion prématurée de la bombe qu’ils destinaient à l’homme d’affaires John D. Rockefeller.

Arthur Caron, natif du Canada, était âgé de 30 ans au moment de son décès. Veuf exerçant la profession d’ingénieur, il  était le fils de Marie Ross et Joseph Caron (mariés à Beauport, Québec, en 1877).Il est né le 16 décembre 1883 à Beauport (paroisse La-Nativité-de-Notre-Dame) et a été baptisé le jour-même.

Le 3 juillet 1905, à Fall River, Mass, Arthur Caron a épousé Elmina Reeves, fille de Jeremy  et de Almina Cardin.  Elmina Reeves est décédée à Fall River le 5 décembre 1912 quelques jours après la naissance de leur fils Reeves.

Sources: More Powerful Than Dynamite: Radicals, Plutocrats, Progressives, and New York’s Year of Anarchy de Thai Jones et les journaux suivants: The Sun, 7 juillet 1914, page 16 et le New York Times du 5 juillet 1914.

Voici maintenant un article sur l’explosion de juillet 1914.

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La Patrie, 6 juillet 1914

A LA POURSUITE DES ANARCHISTES

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LA POLICE VEUT À TOUT PRIX ÉCLAIRCIR LE MYSTÈRE DE LA BOMBE, QUI A FAIT SAUTER PLUSIEURS DYNAMITEURS À NEW YORK.

FUNERAILLES SOLENNELLES

(Service spéciale de la PATRIE)

Immeuble du 1626, avenue Lexington, New York, suite à l'explosion. Library of Congress

Immeuble du 1626, avenue Lexington, New York, suite à l’explosion. Library of Congress

NEW-YORK, 6. – Une armée de détectives est aujourd’hui aux trousses de Michael Murphy, le jeune anarchiste, qui échappa à la mort, lors de l’explosion samedi, qui détruisit la maison ouvrière du no. 1626 de l’avenue Lexington. C’est, dans l’opinion de la police, l’homme qui peut le mieux les renseigner sur ce qu’il s’est passé exactement dans le logement de Caron.

OU EST MURPHY

Murphy fut pendant quelque temps dans les mains de la police, mais il disparut mystérieusement avant que son identité ait pu être établie. On l’avait recueilli comme étant une des victimes de l’explosion, on lui donna des vêtements pour remplacer les siens qui étaient en lambeaux, mais aussitôt pourvu, il fila sans qu’on s’en aperçut.

On ne dit pas sous quelle accusation Murphy pourrait être gardé; mais on croit qu’on pourrait le décider à parler sur ce qui a amené l’explosion et lui faire donner des explications sur les mouvements mécaniques et autres objets employés pour la fabrication des bombes qui étaient gardées dans la maison qui a sauté.

ILS NE VEULENT RIEN DIRE

Louise Berger, belle-soeur de Carl Hansen, un de ceux qui ont été tués, demeurait au même étage et elle prétend qu’elle ne savait absolument rien de ce qui concerne les explosifs.

Arthur Caron vers 1914. Library of Congress

Arthur Caron vers 1914. Library of Congress

Alexander Berkman et d’autres adeptes du mouvement de la  »libre parole » avec lequel Caron, Hansen et Berg, trois des victimes de l’explosion étaient identifiés, ont déclaré qu’ils croient que ces derniers ont été tués par une bombe qui aura été envoyée par un ennemi, et qu’ils ont été victimes de la cause, qu’ils défendaient. Ces hommes ont déclaré en outre qu’ils se proposaient de faire à leurs amis des funérailles solennelles sur l’Union Square…

FUNERAILLES SOLENNELLES

D’après Berkman plusieurs organisations ouvrières faisaient déjà des préparatifs pour tenir ces funérailles samedi prochain. Il y aurait des discours par lui Berkman, par Leonard Abbott, par Rebecca Eddelson et Charles Plunkett, si tous sont libres à ce moment-là. Berkman ajouta que les corps de leurs amis seraient soumis à l’incinération.

UNE FABRIQUE DE BOMBES

NEW-YORK, 6. – Une grande quantité de dynamite que la police croit avoir été amassées pour fabriquer des bombes, a fait explosion hier, au dernier étage d’une maison ouvrière sise avenue Lexington, No 1626. Toute la partie supérieure de la maison a été détruite, quatre personnes ont été tuées et une douzaine ont été blessées.

 »INDUSTRIAL WORKERS » COMPROMIS

La police dit avoir la preuve que ces explosifs appartenaient à des membres des  »Industrial Workers » et qu’ils étaient destinés à détruire la propriété de John. D. Rockefeller.

Dans les ruines de la maison, on a découvert des preuves certaines que l’appartement d’Arthur Caron, tué par l’explosion, était le centre de la distribution de littérature révolutionnaire, et que, au moment de l’explosion cette chambre s’était transformée en manufacture d’engins de mort. On a retrouvé une presse à imprimerie des pamphlets révolutionnaires, des circulaires, une dynamo électrique, des cartouches, des morceaux de fer. On croit avoir là l’indice d’un complot d’anarchistes.

I.W.W. Committee--Sullivan, Caron, Plunkett, Turner, Woolman,e ntre 1910 et 1914. Library of Congress.

I.W.W. Committee–Sullivan, Caron, Plunkett, Turner, Woolman,e ntre 1910 et 1914. Library of Congress.

CONTRE ROCKEFELLER

Deux des victimes de l’explosion étaient des agitateurs de renom qui devaient être amenés aujourd’hui devant les tribunaux, sous l’accusation de mauvaise conduite, lors de la campagne inaugurée contre John D. Rockefeller, jr, au sujet de son attitude lors de la grève des mineurs au Colorado.

On a retrouvé le cadavre de la quatrième victime. C’est un associé de Caron, du nom de Charles Berge, et connu sous le nom de  »Big Swede ». Les autres victimes sont: Charles Hanson et Mary Claves. Les chefs de l’I.W.W. ont déclaré que Caron ne faisait pas partie de leurs association, qui l’avait refusé.

UNE MAIN CRISPÉE

On a retrouvé une main crispée, tenant encore deux bouts de fils de fer, comme pour les faire se toucher. On croit que celui à qui cette main appartenait se préparait à faire sauter une bombe, lorsque l’explosion se produisit et le déchira en morceaux.

ANARCHISTES ET I.W.W.

Alexander Berkman, anarchiste et associé de Emma Goldman, à la publication du  »Morther Earth », journal anarchiste,a été interrogé par la police hier. Il a déclaré que aucune des victimes ne faisait partie des I.W.W. Il déclare que plusieurs sociétés anarchistes se préparent à faire aux victimes d’imposantes funérailes publiques.

Funérailles d'Arthur Caron, 8 juillet 1914, New York. Library of Congress.

Funérailles d’Arthur Caron, 8 juillet 1914, New York. Library of Congress.

Un groupe de partisans, se rendra à Terrytown, demain, pour y assister au procès des agitateurs de l’I.W.W. Aucune précaution extraordinaire n’a été prise. On ne croit pas qu’il y ait du trouble.

M. John D. Rockefeller s’est rendu hier à l’église du Pocanto Hills comme d’habitude. Il s’y est rendu en automobile, mais il est revenu à pied, accompagné par un ami. On n’a pas vu de partisans des I. W. W autour de la propriété pour quelques temps et les gardes n’ont rien eu à faire.

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