Portrait de Sherbrooke en 1906

En 1906 paraît dans l’Album universel un portrait flatteur de la ville de Sherbrooke. On y parle de ses églises, de ses parcs, de ses manufactures et du tout nouveau Monument national. Bienvenue à Sherbrooke!

L’album universel, 20 février 1906

AU CONFLUENT DES RIVIÈRES MAGOG ET ST-FRANÇOIS

SHERBROOKE, jolie petite ville d’environ 15,000 âmes, dans nos Cantons de l’Est, avec ses magnifiques monuments, ses maisons princières et les riches campagnes qui l’environnent, déroule aux yeux du voyageur ravi un panorama digne de la palette d’un peintre.

[…]
Dans la vallée du St. François, la jeune cité s’élève sur une suite de terrasses d’où la vue s’étend à travers les riches campagnes jusqu’aux montagnes qui bornent l’horizon. C’est, en un mot, un Québec en miniature, car on y voit la haute et la basse ville.

Au centre et dominant la cité, apparaissent dans toute leur majesté, le couvent de Notre-Dame, la Cathédrale, ancienne église paroissiale que l’autorité religieuse se propose de démolir pour la remplacer par un temple plus en rapport avec la population catholique constamment croissante de Sherbrooke. A l’est de la ville, en plein centre anglais, les Soeurs du Précieux Sang dont nous avons parlé à l’occasion de la mort de leur sainte fondatrice – soeur Caouette- possèdent un monastère important. Sur des sites pittoresques s’élèvent de splendides villas qui donnent un charme tout particulier à la ville. Mentionnons spécialement les villeas de « Rochmount », « Wilhinshurst », « Mountfield », « Bellevue », et les résidences princières de MM. L.A. Codère, L.E. Panneton, A.J. Genest, N.E. Brooks, Dr Rioux, E.P. Bédard, Dr Ledoux, W. Farwell, L.C. Bachand, Frank Grundy, J.S. Mitchell, C.Millier ainsi que le château – chef-d’oeuvre d’architecture – servant de résidence à la veuve du député W.B. Ives. A l’ouest, sur une colline, l’hôpital du Sacré-Coeur, tenu par les Soeurs Grises.

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Banque des Cantons de l’est et bureau de poste de Sherbrooke, rue Dufferin. De nos jours, on y retrouve le Musée des beaux-arts et la Société d’histoire de Sherbrooke. Extrait de Sherbrooke Railway & Power Company, 1910.

L’industrie et le commerce y ont aussi leurs monuments; pour éviter une énumération fastidieuse contentons-nous de mentionner le « Sun Life Building, la Banque Provinciale des Cantons de l’est, le Magog House, le New Sherbrooke House, le Grand Central Hôtel et le superbe bureau de poste à côté duquel, proportions gardées, notre bureau de poste de Montréal ferait certainement mauvaise figure. Quand au nouveau Palais de justice, où le marbre abonde, et dont, actuellement, les travaux de parachèvement se poursuivent avec diligence, il est très regrettable, selon nous, qu’on ne l’ait pas doté d’un troisième étage; d’autant plus qu’il est construit en contre-bas d’une colline sous laquelle il semble vouloir se cacher comme pour protester contre l’affront reçu. Que dire du parc Victoria, immense forêt de pommiers, d’ormeaux, de sapins, etc? Ce parc, situé sur un plateau élevé, s’étend sur une surface de soixante acres. « C’est, au dire de l’architecte Todd, le plus beau parc qu’il ait jamais vu ». En arrière du parc Victoria s’étendent de vastes terrains où viennent s’ébattre les amateurs de crosse et de jeux athlétiques mais où, aussi, l’Association d’Agriculture des Cantons de l’Est ouvre chaque année une vaste exposition pour les divers produits de la Province.

Magog House, Sherbrooke.

Magog House, Sherbrooke. Extrait de Sherbrooke RAilway & Power Company, 1910.

Et de l’autre côté de la rivière St. François le parc Racine, parc des Canadiens-français, où fréquemment durant la belle saison, résonnent les accents d’une joyeuse fanfare.

Sherbrooke est une ville industrielle par excellence qu’explique tout naturellement sa position topographique; aussi les maisons manufacturières surgissent-elles de tous les côtés semant largement la prospérité et le bien-être. Nulle part peut-être la classe ouvrière ne jouit d’autant de confort et d’aisance.

Citons en première ligne la maison « Jenckes Machine », certainement la plus importante au Canada, elle s’élève sur la rue Lansdowne et emploie un grand nombre d’ouvriers. L’importante manufacture de tissus « Patton Mills »; la manufacture Walter Blue, renommée pour la confection des vêtements, et pour celle de tapis cherchant à éclipser les célèbres tapis de Bruxelles; enfin une foule d’autres dans lesquelles tout un peuple d’ouvriers laborieux gagnent largement le pain quotidien pour eux et leur famille. Une chose surtout qui frappe le voyageur au moment où il foule le sol de Sherbrooke, c’est je ne sais quelle impression, quel air de propreté, de fête, de bonheur qui, comme l’atmosphère ambiante, enveloppe la ville-bijou et que l’on rencontre rarement ailleurs.

Walter Blue Wholesale Clothing. Extrait de

Walter Blue Wholesale Clothing. Extrait de Sherbrooke Railway & Power Company, 1910.

Ville essentiellement anglaise, il n’y a pas longtemps encore, Sherbrooke est aujourd’hui un centre où domine l’élément français. Et le nombre de catholiques dans le diocèse de Mgr Larocque s’élève à plus de 80,000 âmes.

A propos de la vieille cathédrale dont je vous parlais il y a un instant, il est bon de noter cette particularité qui ne manque pas d’intérêt: comme je l’ai mentionné, il est question de construire une nouvelle cathédrale. La nouvelle construction engloberait, dit-on, l’ancienne dans laquelle, comme d’habitude auraient lieu les office divins, et qui ne serait démolie qu’après l’achèvement des murs extérieurs de la nouvelle église.

[…]
Les catholiques de langue anglaise possèdent l’église Saint-Patrice, dont le curé actuel est M. l’abbé Fiset, très estimé de tous.

Quant aux alentours de la ville, dont, soit dit entre parenthèses, les rues larges et ombragées pour la plupart, sont d’une propreté remarquable, ils font involontairement rêver à la Suisse. Les panoramas variés, pittoresques et vraiment féériques parfois qu’ils présentent font les délices des nombreux touristes qui, chaque année, accourent de fort loin pour admirer la « merveille » de nos Cantons de l’Est.

A douze milles au nord de la ville, on voit la belle nappe d’eau limpide de dix milles de long, du féérique lac Massawippi, lieu de villégiature favori des Américains, qui ont fait élever sur ses bords de coquettes et luxueuses villas que ne dédaignerait pas d’habiter une tête couronnée.

A huit milles à l’ouest de la ville, le lac « Petit Magog », et, neuf milles plus loin, la grandiose Memphrémagog, lac de trente mille de long, que sillonne un bateau à vapeur. Et au-dessus, dominant la contrée de toute son imposante majesté, le Mont Orford, d’où l’on aperçoit, à cent milles à l’horizon, le Mont-Royal.

Il est fortement question d’un chemin de fer qui conduirait les voyageurs jusqu’au sommet de la montagne Orford.

Comme détails tout récents, faisons remarquer que M. C. H. Olivier, dont le portrait figure dans le groupe que nous publions, des directeurs de l’exposition de Sherbrooke, a, il y a environ trois semaines, été élu maire de cette ville.

Dimanche, le 4 février dernier, grâce à l’initiative et aux efforts multiples du Dr. J.F. Rioux, qui s’est occupé de l’entreprise pendant plusieurs années, ainsi, du reste, que de nombreux personnages de Sherbrooke, était inauguré dans la « reine des Cantons de l’Est », un Monument National.

A l’inauguration dont il s’agit assistaient: Monseigneur Larocque, évêque de Sherbrooke, les premiers magistrats de l’endroit, plusieurs membres éminents de notre clergé et tout ce que la ville compte de notabilité. C’est que le « Monument National » dont on venait d’ouvrir les portes est une oeuvre chrétienne, patriotique et nationale. Le but de cette fondation, obtenue par souscriptions, est tout à la louange de ceux qui la conçurent. Grâce à elle, la jeunesse catholique de Sherbrooke saura désormais où se réunir afin de se distraire, et de s’instruire comme il convient, en écoutant des conférences inspirées par des idées chrétiennes et morales.

Il est presque futile d’ajouter que l’installation matérielle et l’aspect du nouveau Monument National de Sherbrooke font honneur à la très jolie ville qui s’est payé ce luxe de bon aloi.

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