Hommage au peintre Clarence Gagnon [1942]

Clarence Gagnon. Extrait de La Patrie, 11 janvier 1942

Clarence Gagnon. Extrait de La Patrie, 11 janvier 1942

Le 5 janvier 1942, à Montréal, décédait le peintre québécois Clarence Gagnon. La Patrie lui rend hommage quelques jours plus tard.

La Patrie, 11 janvier 1942

CLARENCE GAGNON, SES PINCEAUX ET SA CANNE À PÊCHE
__
LE CANADA FRANÇAIS PERD UN DE SES GRANDS ARTISTES, UN PEINTRE CÉLÈBRE ET UN INCOMPARABLE PAYSAGISTE. LA RENOMMÉE DE CLARENCE GAGNON AVAIT TRAVERSÉ LES MERS… ELLE PARLAIT DE QUÉBEC AUX PEUPLES LES PLUS ÉLOIGNÉS DE NOTRE VIEILLE PROVINCE
__

Photographie | Paysage, peinture de Clarence Alphonse Gagnon, copie réalisée pour la galerie d'art Watson, 1929 | VIEW-24509

Paysage, peinture de Clarence Alphonse Gagnon, copie réalisée pour la galerie d’art Watson, 1929

Les tableaux de Gagnon possèdent une éloquence que personne ne saurait leur nier. Le grand artiste savait charmer parce qu’il était charmant. Ses amis le citent comme un parfait exemple du camarade, pas trop sérieux et toujours consentant à se joindre « au groupe ». Gagnon, en outre de ses pinceaux, avait deux grands amours… la rivière Jésus, à Ste-Rose, et la région de Baie-St-Paul, de St-Irénée et de la Malbaie. C’était un paysagiste qui aimait passionnément la nature.

***
On a tout dit des études, de l’enthousiasme, des talents, des succès et de la carrière artistique de notre compatriote. Nous permettra-t-on de dire quelques mots de sa vie intime? Le grand peintre était un homme de foyer; il se délassait autour de sa maison et se souciait fort peu des villes. Il vécut longtemps à Ste-Thérèse et à Ste-Rose et affectionnait particulièrement cette région. Mais il ne manquait jamais l’occasion de descendre à la Baie St-Paul ou à l’île d’Orléans.

***

C’était un amateur de pêche comme on en trouve rarement; mais il faut dire que l’artiste montrait une habileté exceptionnelle dans le sport qu’il aimait tant. Ses compagnons de pêche parlent encore « avec respect » des captures extraordinaires de leur camarade. Ses prouesses sont bien connues de toute la gent intéressée à fouiller les lacs et les rivières.

***

On raconte véridiquement que l’artiste décida un jour d’y aller largement et de se procurer « ce qu’il y avait de mieux ». Il s’acheta une canne à pêche de $100. Et dès le lendemain, il était en chaloupe sur la rivière Jésus, à la recherche de captures sensationnelles; mais une fausse manoeuvre lui fit échapper la canne qui disparut sous l’onde. Notre pêcheur ne se tint pas pour battu; il s’empara d’une longue ligne à laquelle il rattacha un triple hameçon et il se mit à fouiller le lit de la rivière. Quelques minutes plus tard, il capturait une énorme « barbue », la plus lourde jamais capturée à Ste-Rose. Le peintre oublia la canne et revint promptement au rivage afin d’exhiber sa capture. Mais au cours de la soirée, il songea tout-à-coup à la canne de grande valeur! Il était debout à l’aurore et retrouva sa canne avant déjeuner!

Très sérieux alors qu’au travail Gagnon était cependant d’une humour irrésistible lorsqu’il se délassait en compagnie de ses amis. Son frère M. Wilfrid Gagnon, architecte de grande réputation, nous raconte qu’au cours d’un voyage en Europe, il avait écrit à l’artiste pour lui dire qu’il serait à Rome à telle ou telle date. La lettre n’arriva pas à destination et l’architecte fut tout surpris de ne pas trouver son frère au rendez-vous fixé.

***

Photographie | Un village en hiver, peinture de Clarence Alphonse Gagnon, copie réalisée pour la galerie d'art Watson, 1936-1937 | VIEW-26047

Un village en hiver, peinture de Clarence Alphonse Gagnon, copie réalisée pour la galerie d’art Watson, 1936-1937

M. Wilfrid Gagnon retournait tristement à son hôtel lorsqu’il reçut une rude tape sur l’épaule et entendit ces mots: « Mais dis-moi donc en quel honneur es-tu en Italie… as-tu l’intention d’entrer à l’opéra de Milan…? » L’architecte Gagnon, fort amusé, demanda à son frère comment il l’avait reconnu de dos… « Mais c’est fort simple, reprit le paysagiste, il n,y a pas un homme au monde qui marche comme toit…! »

Les amis du défunt s’accordent à dire que Gagnon était doué d’un extraordinaire sens s’observation; il voyait dans la nature des choses que personne ne soupçonnait. C’est ce qui explique probablement la réalité parfaite de ses tableaux. On nous dit que les citoyens de Baie St-Paul songent déjà à ériger un monument au grand peintre disparu… ce serait un bel hommage à l’homme qui « déclarait » n’avoir jamais rien vu d’aussi beau que la rive-nord du fleuve St-Laurent… »

Pour en savoir plus sur Clarence Gagnon, vous pouvez consulter le lien suivant, provenant de l’Encyclopédie de l’histoire du Québec du Collège Marianopolis, ‘Clarence.-A. Gagnon, peintre, graveur, illustrateur‘ ainsi que le livre ‘Clarence Gagnon, rêver le paysage’ par Hélène Sicotte et Michèle Grandbois, aux Éditions de l’homme. On peut voir plusieurs de ses oeuvres sur le site du Musée des Beaux-arts du Canada.

Billets reliés

André Biéler, peintre de la ruralité québécoise (1896-1989)

Le peintre Dallaire dans un camp de concentration [1941]

Les oeuvres du peintre Henry Richard S. Bunnett: première partie, Québec en 1886-1887

Les oeuvres du peintre Henry Richard S. Bunnett: deuxième partie Montréal vers 1885-1889

Publicité