Inauguration de l’Asile des aliénés de Beauport [1850]

En 1845 a été fondé à Beauport un asile dit provisoire. Il a été aménagé dans le manoir bâti pour Robert Giffard. L’asile déménage quelques années plus tard. Transportons-nous en 1850 alors que le nouvel asile est inauguré.  L’article donne une image très positive de l’asile, exagérée, même.

Le Canadien, 17 mai 1850

UNE FÊTE EXTRAORDINAIRE – Le nouvel Asile des Aliénés à Beauport, sur la terre appartenant autrefois au juge de Bonne, a été inauguré mardi soir par une fête d’un genre nouveau, à laquelle MM. les docteurs James Douglas, Morrin et Frémont, propriétaires de cet établissement, avaient invité l’élite de la société de Québec. Environ quatre cents personnes profitèrent de cette invitation pour visiter le lieu de séjour et de soulagement offert par ces médecins distingués à la plus grande infortune dont l’humanité puisse être atteinte.

Le vaste et bel édifice, éclairé au gaz depuis le rez-de-chaussée jusqu’au dôme, et situé à deux milles environ de Québec, présentait de loin, à la nuit tombante, un coup d’oeil féérique. En y arrivant sur les huit heures, au lieu des cris sauvages et déchirants qu’on s’imaginerait entendre émaner du triste séjour de 170 aliénés, nos oreilles furent agréablement frappées des sons joyeux d’une musique harmonieuse; et après avoir traversé plusieurs appartements tapissés et meublés avec élégance et brillamment éclairés, nous trouvâmes les pensionnaires de l’établissement, de l’un et de l’autre sexe, réunis dans une grande pièce, à l’aile occidentale de l’édifice, occupés à danser. Cette occupation, qui contrastait si étrangement avec les idées qu’on se fait de leur état moral, ils s’y livraient avec autant d’ardeur et de plaisir que pourraient le faire les plus sages de ceux auxquels ils devaient plus tard céder la place. Plusieurs hommes et femmes se groupèrent autour de nous, et en causant avec eux familièrement et de manière à les mettre à leur aise et à leur inspirer de la confiance, nous pûmes nous convaincre, au milieu des divagations de leurs esprits et des romans étranges que nous débitaient quelques-uns d’entr’eux, qu’ils jouissaient de tout le bonheur compatible avec leur triste état, et que les habiles directeurs de cette institution possédaient le véritable secret du traitement de leur maladie. Une femme, entr’autres, qui nous dit être arrivée depuis peu de temps de Montréal, et qui savait bien pourquoi elle était là, nous dépeignit le bonheur dont elle jouissait dans son malheur, avec des accents qui auraient porté cette conviction dans l’esprit le plus prévenu contre l’établissement. L’affection qu’ils témoignent pour leurs bienfaiteurs, et la docilité avec laquelle ils obéissent au moindre signe de leur volonté, en sont d’ailleurs des preuves suffisantes.

Après cette causerie, nous visitâmes toutes les parties de l’édifice, depuis la cuisine, les caves et les lieux d’aisance jusqu’aux mansardes, accompagnés de M. le docteur Frémont, qui mit la plus grande complaisance à tout montrer et expliquer, et nous pûmes admirer l’ordre, la propreté qui règnent partout, la prévoyance et l’attention avec lesquelles tout est disposé pour la santé et le confort des malades, les moyens adoptés pour la salubrité de l’établissement, pour y amener de l’eau pure, pour l’éclairer, le chauffer et l’aérer, et le soin avec lequel tout est fini jusque dans les moindres détails. Nous avons visité quelques-uns des établissements les plus renommés de ce genre dans les États-Unis, tels que le M’Lean Asylum près de Boston, le Retreat for the Insane près de Hartford, où l’on s’est aussi fait un plaisir de nus tout montrer: ces hospices célèbres et richement dotés peuvent sans doute loger des pensionnaires opulents d’une manière plus somptueuse; mais sous le rapport de l’économie intérieure et de l’adaptation aux fins d’une pareille institution nous ne les croyons pas aussi complets, aussi parfaits que l’Asile de Beauport.

Vers dix heures, les aliénés se retirèrent, en apparence très-satisfaits, et la compagnie alla se rafraîchir dans une autre partie du bâtiment où de longues tables, dressées dans un vaste corridor servant de promenade, étaient chargées de pâtisseries et autres bonnes choses, et ornées de distance en distance de cactiers et autres plantes en fleur, provenant de la serre du docteur Douglas.
[…]

Billets reliés
Evadé de l’asile [Beauport, 1866]

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Une possédée en Nouvelle-France [1660]

Inauguration de la prison des femmes [Maison Gomin] à Québec en 1931

Evadé de l’asile [Beauport, 1866]

Le Canadien, 31 octobre 1866

« EVASION. – Un insensé de l’asile de Beauport, nommé William Lannan, s’est échappé de l’asile le 7 du courant, et on n’en a pas entendu parler depuis. Il est âgé de 23 ans et est d’une taille de 6 pieds environ. Sa propension dominante était de se jeter à l’eau. Toutes informations données, soit à l’asile, soit chez le père de l’infortuné, John Lannan, au Lac Beauport, seront reçues avec reconnaissance. »

Selon le ‘Sixth annual report of the board of inspectors of asylums, prisons, &c., for the year 1866’ (PDF, voir p. 83), William Lannan a été admis à l’asile le 9 juillet 1866 (mania). Son état s’étant amélioré, il a obtenu son congé le 3 octobre.

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L’Incendie de l’asile de Beauport, 29 janvier 1875

En prison à huit ans [Kingston, 1845]

Les asiles de la Longue-Pointe [1905]

Note:  l’asile Saint-Jean-de-Dieu (Longue-Pointe) est maintenant connu sous le nom d’ Hôpital Louis-H. Lafontaine.

*

En 1905, une journaliste de l’Album Universel a eu l’occasion de visiter les lieux et de parler à certains patients. Voici le compte-rendu de sa visite.
Extrait de L’Album universel, 1er juillet 1905

Les Asiles de la Longue-Pointe

[…]

Photographie | Train pour le transport des patients, asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911 | VIEW-11277

Train pour le transport des patients, asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911

Les asiles de la Longue-Pointe, en effet, figurent au premier rang parmi les établissements modèles de ce genre, tant par leur importance que par le confort et les perfectionnements les plus récents dont ils sont dotés. Situés à quelques milles de Montréal, en plein verdoiement de l’Ile, sur les bords du Saint-Laurent, ils couvrent une superficie immense et comprennent une vingtaine de bâtiments susceptibles de contenir plus de 2000 malades. Leur fondation date de 1875, mais les dernières et les plus importantes constructions n’ont été érigées qu’en 1899. Comme on le voit, c’est toute une ville, et une ville qui se suffit entièrement à elle-même. Nous y trouvons des abattoirs, des boulangeries, des ateliers de tous genres, des fermes même. Un chemin de fer électrique relie les différentes dépendances, tandis qu’à l’intérieur même des bâtiments, de minuscules tramways circulent constamment pour le transport du personnel et des marchandises. Quant aux aménagements intérieurs, ils revêtent les formes les plus variées, depuis les immenses salles communes et les dortoirs de l’asile public jusqu’aux appartements luxueux, aux chambres élégamment meublées que pourrait envier plus d’un artistocratique cottage du quartier anglais.Il ne faut pas croire cependant que seul le privilège de la fortune ait établi ces différences.Certes, il conserve dans une certaine mesure sa puissance, Sa Majesté l’Argent, même dans la cité des fous. Mais il n’y est qu’un personnage secondire. Le but est plus élevé, et, avant toute autre considération, il importe d’établir, à n’importe quel prix, le traitement nécessité par chaque espèce distincte d’aberration mentale. C’est la théorie de l’école moderne, des grands maîtres qui en furent les fondateurs et les illustrations, les Morel, les Magnan, les Charcot; c’est aussi celle qui depuis nombre d’années est appliquée aux asiles de la Longue-Pointe avec le plus grand succès par le docteur Bourque, médecin en chef de l’institution, et par le tout aimable et savant surintendant médical, le docteur Georges Villeneuve, professeur de clinique des maladies mentales à l’Université Laval.

Photographie | Théâtre à l'asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911 | VIEW-11274

Théâtre à l’asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911

 »Croyez-le bien, cher monsieur » me disait tout récemment ce dernier, tandis qu’en sa compagnie, je parcourais les merveilles de son immense domaine,  »elle est morte, et bien morte, la légende des cabanons, des coups de fouet et des supplices de toutes sortes que l’on affligeait jadis aux pauvres fous. Ce régime brutal et odieux n’existe plus depuis longtemps. D’ailleurs, pour n’en parler qu’au point de vue pratique, il ne connait et ne pouvait donner aucun résultat. Non, ce que nous cherchons ici, c’est à guérir insensiblement, avec le calme, avec l’éveil des souvenirs, avec la persuasion lente et douce qui pénètre peu à peu le cerveau malade et parvient ainsi à y dissoudre les hallucinations et les erreurs, en quelque sorte à l’insu du patient.

L’aliéné est, avant tout, un être extrêmement susceptible. Ce qui triomphe auprès de lui, c’est le tact, la sensibilité, la politesse. Il importe de ne jamais le froisser, même légèrement. A cet égard, notre personnel a les instructions les plus strictes. Nous appelons toujours les malades: Monsieur, Madame, Mademoiselle, cela à quelque classe sociale qu’ils appartiennent. Le tutoiement est formellement interdit ainsi que toute autre familiarité du même genre. Inutile d’ajouter que la plaisanterie et les rires sont choses inconnues de notre part; et d’ailleurs qui aurait le traître courage de s’égayer devant tant de misères et de détresse? Pour ma part, je ne refuse jamais à un aliéné d’aller le voir en particulier aussitôt qu’il en exprime le désir, même s’il est classé parmi les agités et les furieux. Cela m’a souvent donné d’excellents résultats sans que, jusqu’ici, il me soit arrivé aucune fâcheuse aventure.

Quant au traitement proprement dit, il est des plus simples. Il repose tout entier sur la connaissance psychologique des sujet [sic]. Cette observation nécessite par contre, une attention de tous les instants. Nous devons, en quelque sorte, substituer notre volonté, notre pensée même tout entière à celles du malade. Il nous faut garder constamment le contact avec on cerveau sous peine de voir parfois s’effondrer en quelques heures les résultats d’un travail qui avait exigé des mois entiers.

Photographie | Dortoir à l'asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911 | VIEW-11279

Dortoir à l’asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911

Le traitement matériel consiste dans le repos au lit, dans les bains chauds, et surtout dans les distractions bien mesurées, dans les occupations de tous genres, dans le travail même, travail bien entendu exécuté non dans un but productif mais simplement curatif et surveillé par le médecin. C’est en un mot ce que nous appelons le régime de l »open door », de la bonne et saine liberté, régime basé sur la confiance accordée aux malades et que, je me hâte de le dire, ils justifient pleinement. Nous les laissons circuler à leur guise, non dans un parc soigneusement clos de murs, mais en plein campagne, libres d’errer où bon leur semble, ayant même à leur portée tous les moyens de s’enfuir, puisqu’un tramway conduisant à la ville traverse la propriété. Et cependant, les cas d’évasion sont extrêmement rares. C’est la confirmation de la justesse de la théorie moderne. D’ailleurs, le système de l »open door » a encore un autre avantage, celui de transformer du tout au tout la physionomie des aliénés. Plus de prisons, plus de cachots sombres aux fenêtres grillagés, mais partout l’espace, l’air, la lumière, le bon soleil aux gais rayons, presque la joie et le bonheur, si l’on pouvait prononcer ici ces deux mots sans un serrement de gorge.

La visite était terminée, et tandis que je m’éloignais, l’esprit encore pénétré de cette grande leçon des choses, je songeais au rôle admirable de ce médecin, guérissant l’âme humaine comme un habile luthier répare les cordes d’une harpe brisée, à ce pouvoir quasiment créateur qui lui fait ressusciter les morts d’esprits et rendre à la civilisation des forces et des intelligences qui semblaient devoir être à jamais perdues pour elle.

F. de Chalot.

Montréal, 10 juin 1905.

Photographie | Promenade à l'asile de Longue-Pointe, Montréal, 1911. | VIEW-11272

Promenade à l’asile de Longue-Pointe, Montréal, 1911.

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Folie!

Pendant que nos pas, longuement résonnaient dans les couloirs immenses de Saint-Jean de Dieu, que la voix de la petite religieuse, notre cicérone, disait:  »Laissez-moi vous montrer maintenant les cuisines, puis les réfectoires, puis la buanderie… » ma pensée s’efforçait en vain de n’être point rebelle.

Tout le temps, moi, je songeais à ces multiples intelligences en qui soudain la nuit s’était faite – nuit avec ou sans rêves, mais toujours impénétrable. Je songeais à ce pauvre Nelligan dont l’aurore avait eu tant de promesses et qui rêvait maintenant ses intraduisibles songes en l’une de ces étroites chambres dont les fenêtres ont des grilles.

Puis, me revenait aussi l’image de cette belle jeune femme aperçue tantôt et dont les yeux, si tristement, nous avaient suivies. Regard angoissée de démente, semblant chercher en des efforts infinis à rallumer par delà les prunelles, la flamme maintenant éteinte qui donnait à l’esprit sa vie!

Plus loin, nous avions rencontré une mère dont la fille unique était morte dans des circonstances que la bonne religieuse n’ose tout à fait nous faire connaître, mais que nous devinâmes, affreuses.

 »C’est elle, ma fille », faisait-elle, en saisissant par la main l’une de mes compagnes.  »Non, c’est celle-ci », continua-t-elle en s’approchant d’une autre, et ainsi de chacune de nous jusqu’à ce que, déçue encore pour la centième fois peut-être, elle se détourna, ne voulant plus nous regarder, irritée de n’avoir pu trouver parmi nous l’enfant cherchée. Une autre dont la raison a sombré à la suite d’un incendie dans lequel elle a vu périr ses deux seuls fils, m’a raconté cette scène, les yeux secs et en même tenant le bras comme si elle eut craint que je ne veuille pas l’écouter jusqu’au bout. A de certains moments, je sentais ses doigts rigides m’entrer dans la chair avec une telle force que j’aurais crié de douleur.

Plus loin encore, c’est un homme dans la force de l’âge, dont la folie a été amenée par la perte de sa fortune. Il nous a dit comment la chose était arrivée, et il pleurait tellement à son propre récit que nous nous sentions prêtes à pleurer aussi. Et, que d’autres?

Mais la visite était finie maintenant, et nous marchions lentement dans le grand couloir, pendant que, de sa voix douce de nonne, notre guide achevait de nous expliquer diverses choses: l’instant d’après, nous allions nous retirer lorsque passa par là-bas, au détour d’un escalier, une forme falote et qui nous paru très drôle.

 »Philomène, appela la soeur, voici des dames qui désirent te voir ».

Aucune de nous ne l’avait exprimé ce désir, mais nous l’avions, à coup sûr, toutes éprouvé, et à peine avions nous remercié celle qui l’avait dû lire dans notre regarde, que Philomène nous faisait la révérence.

 »Mesdames, je suis aussi jolie que la plus jolie d’entre vous ».

Ce fut notre bienvenue et le compliment à rebours nous parut d’autant moins flatteur que mademoiselle Philomène possède une laideur incomparable… et indescriptible, c’est pourquoi je m’abstient de faire son portrait.

[…]
Et pendant que le tramway nous ramenait vers la grande ville aux bruits multiples, où se manifeste partout l’humaine intelligence, je songeais à ce monde étrange des fous, monde de douloureuse ou paisible inconscience où les souvenirs sont le présent, où le présent est le rêve et où l’avenir n’existe pas.

Je revoyais tous ces yeux aux flammes fugitives et inquiétantes qui nous avaient au passage suivies sans nous voir peut-être; s’évoquaient toutes ces âmes bizarres et je songeais:

Ne sont-ils pas les heureux?

COLETTE

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L’Incendie de l’asile Saint-Jean-de-Dieu [Longue-Pointe, 6 mai 1890]

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Websérie: Erosion – un regard sur l’abandon

La lecture des mauvais livres [1880]

Websérie: Erosion – un regard sur l’abandon

Erosion – un regard sur l’abandon, est une websérie présentée par TV5 où l’on découvre des lieux abandonnés situés au Québec. La série compte cinq épisodes, dont deux sont toujours disponibles en ligne, en date du 10 mai 2015.

  1. Prison de Winter Sherbrooke
  2. Maison Ponton Montréal
  3. Hôpital psychiatrique St-Julien St-Ferdinand-d’Halifax
  4. Église Ste-Brigide-de-Kildare Montréal
  5. Carrière Francon Montréal

Asile, St-Ferdinand-d’Halifax. vers 1900. Vue éloignée de la façade, un groupe de religieuses et pensionnaires sur la galerie de la maison. Source: BANQ Cote : P910,S3,D6,P10

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La route des phares du Québec

L’Incendie de l’asile Saint-Jean-de-Dieu [Longue-Pointe, 6 mai 1890]

6 mai 1890, un incendie fait rage à l’asile Saint-Jean-de-Dieu de Longue-Pointe, (Montréal). Voici comment le journal La Patrie rapporte cette nouvelle.

L’Opinion publique, 20 août 1874.

Extrait de la Patrie, 7 mai 1890

HOLOCAUSTE!

Le chiffre des victimes évalué à 100

UNE SCENE HORRIBLE!

Les constructions de l’Asile rasées

Actes de dévouement de nos policiers et de nos pompiers – Les pertes – Les assurances – Les lieux de refuge pourvus de toute part – Etendu du désastre

Ce qui était hier une des plus belles constructions de la province, où la charité était pratiquée en faveur des malheureux privés de raison, n’est plus aujourd’hui qu’un amas de décombres recouvrant les restes carbonisés d’une centaine de malheureux qui n’ont pas pu ou n’ont pas voulu être sauvés.

Il est absolument impossible à l’heure actuelle, donner le chiffre exact des victimes qui ont été ensevelies sous les ruines de l’asile, et il se passera probablement quelques jours avant que l’on puisse s’en procurer un nombre préçis. Le docteur Bourque dit qu’il doit y avoir 70 personnes brûlées vives. On est à peu près certain que tous les hommes ont été sauvés et que les femmes seules ont été victimes de l’élément destructeur.

Le feu s’est déclaré vers onze heures et demie hier dans une salle voisine de la chapelle, appelle salle Ste-Thérèse. C’est M. l’abbé Bélaud, le chapelain qui s’en est aperçu le premier à la fumée qui pénétrait dans sa chambre, qui est voisine de la salle Ste-Thérèse. Il s’empressa de donner l’alarme générale, puis il courut à la chapelle afin de sauver le St-Sacrement et les vases sacrées. Il n’y parvint qu’au péril de sa vie; il a eu la barbe et les cheveux en partie brûlés. On peut juger par ce premier incident de ce drame terrible avec quelle rapidité les flammes se sont propagées.

La Salle Ste-Thérèse, où le feu a commencé, se trouvait presque au milieu de cet immense édifice et c’est à l’étage supérieur que l’incendie a éclaté.

Dans les étages supérieurs de l’aile voisine étaient les femmes maniaques et paralytiques. C’est parmi ces malheureuses que se trouvent la plupart des victimes.

Le Dr Bourque, le Dr Prieur, le Dr Barolet, les religieuses et les employées se précipitèrent de ce côté. On faisait sortir les folles de toutes les salles et on les envoyaient libres dehors.

Mais l’incendie accourait avec une telle fureur que bientôt il eût envahi tout le corps de bâtiment dont nous parlons. Les maniques refusaient de sortir. L’incendie les fascinait et plusieurs d’entre eux qu’on s’efforçait de pousser dans les escaliers, s’échappaient en poussant des cris sinistres et retournaient dans les salles en flammes.

Il restait environ douze femmes paralytiques dans la salle supérieure quant tout-à-coup le feu envahit l’escalier et les enferma dans un cercle de flammes infranchissable. Deux ou trois soeurs tertiaires, qui s’étaient dévouées héroiquement pour sauver leurs chères malades, ont malheureusement péri avec les paralytiques.

Lorsque les pompiers de la ville sont arrivés sur les lieux, le chef a constaté immédiatement qu’il était absolument impossible d’arrêter l’incendie avec les moyens à sa disposition, et on s’est borné à aider au sauvetage, en arrêtant autant que possible les progrès du feu. Moins de quatre heures après l’alarme, il ne restait de l’immense asile que quelques pans de mur croulant et cinq ou six grandes cheminées construites plus massivement que le reste de l’édifice. L’une de ces cheminées s’est écroulée hier soir avec un grand tracas. Les autres sont encore debout et c’est tout ce qu’on aperçoit maintenant de l’asile Saint-Jean-De-Dieu en sortant de la ville.

Après l’arrivée des pompiers, ces derniers et avec eux les citoyens de la Longue-Pointe et un grand nombre de citoyens de la ville s’efforçaient, souvent au péril de leur vie, de sauver ces malheureux aliénés.

M. F. Laurin, boucher de la Longue-Pointe, est le dernier qui soit sorti d’une des salles où il y a eu pertes de vie. Il avait trouvé une folle étendue sur le plancher, à demi asphyxiée. Les flammes s’avançaient sur lui au pas de course. Il ne put que la saisir par les pieds et la tirer presque jusqu’à la porte de la salle. Suffoqué lui-même, il fut obligé d’abandonner cette pauvre créature à son brasier pour ne pas succomber avec elle. Il n’eut que le temps de se jeter dans l’escalier; la toiture s’effondra dans la salle qu’il venait de quitter; les pompiers, du pied del’escalier, le couvrirent d’Eau et le sauvèrent.

Le nombre des blessés, c’est-à-dire de ceux qui ont des brûlures qui ne sont pas mortelles, est d’environ une centaine. Un grand nombre de religieuses ont enduré des brûlures très graves en s’efforçant de sauver leurs malades. On mentionne, entre autres, la soeur Bonaventure, qui n’a réussi qu’au prix des plus douloureuses brûlures à sauver un homme dont l’érudition et le talent étaient autrefois fort admirés à Montréal.

Triste spectacle

Les patients ont passé la nuit à l’Asile St-Benoit, tenu par les Frères de la Charité, à l’Asile St-Isidore, à la maison d’école, à la buanderie et aux bâtiments des Soeurs, chez les Sourdes et Muettes, à la Providence, rue Fullum, à la maison de campagne des Jésuites, à Maisonneuve. L’hon. R. Thibeaudeau avait aussi généreusement offert sa résidence pour venir au secours de ces infortunés. Le théâtre de l’incendie offrait, hier soir, un spectacle navrant.

Les asiles temporaires

Le gouvernement a permis aux autorités de l’Asile de faire convertir les bâtisse des l’exposition à Montréal en asile temporaire. Dans quelques jours les aliénés de St-Jean de Dieu seront donc réunis sur les terrains de l’exposition, où ils passeront l’été, en attendant que l’asile soit reconstruit.

Plusieurs patients dont les familles sont riches et qui étaient à l’asile à titre de pensionnaires payants ont été ramenés dans leurs familles. Cependant il y en a que l’on n’a pas retrouvés.

L’honorable M. Garneau, ministre des Travaux Publics, a télégraphié au premier ministre hier après-midi lui disant qu’il pouvait trouver place à l’asile Beauport pour 400 personnes. L’offre sera probablement acceptée et un certain nomre d’aliénés envoyés à Québec aujourd’hui même.

Une centaine de patients ont été conduits à l’asile des sourds et muets. Ils seront logés à cette institution jusqu’à ce qu’on leur trouver un logement.

Les postes de la police ont recueillit plusieurs des malheureuses victimes qui erraient dans les rues de la ville. Plusieurs sont venus d’eux-mêmes demander un abri qu’on s’est empressé de leur donnerr.

Les patrons du nouvel hôpital protestant, à Verdun, ont offert de prendre trois cents des malades de Longue-Pointe. Leur hôpital est presque terminé.

Dans la dépendance destinée à la paille,au foin et aux grains, situés à environ six arpents en arrière de l’asile, ont pris place environ trois cents cinquante patients, quelques matelats sont étendus sur le plancher, mais la plupart se coucchent sur le foin et la paille. Un grand nombre sont très excités, quoique d’ordinaire bien paisibles. Ils crient, ils vocifèrent et font un grand vacarme.

Une cinquantaine de patients sont temporairement logés dans l’école du village.

Photographie | Asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911 | VIEW-11268.1

Asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911

S’ensuit une description de l’asile avant l’incendie, une estimation des pertes, des exemples d’héroïsme et quelques notes.

Aujourd’hui, on connait l’institution sous le nom d’hôpital Louis-H.-Lafontaine

Photos de l’asile St-Jean-De-Dieu (BANQ)

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L’incendie du théâtre Saint-Louis [Québec, 12 juin 1846]

L’Incendie de l’asile de Beauport, 29 janvier 1875

L’incendie de l’hospice Saint-Charles [Québec, 14 décembre 1927]

Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel (IREPI) de l’Université Laval

Les frères Dion, champions de billard [États-Unis, XIXe siècle]

Remerciements à François Gloutnay pour avoir porté à mon attention cette histoire.

Dans la Minerve du 4 octobre 1878, on lisait l’avis suivant:

DECES – A Montréal, le 2 octobre courant, Cyrille Dion, de New-York, âgé de 35 ans. Le cortège funèbre partira de la demeure  de sa mère, no 208, rue Bleury, samedi à 8.30. heures am pour se rendre à l’église du Gésu, et de là au cimetière de la Côte des Neiges. Amis et connaissances sont priés d’accepter cette invitation.

L’acte d’inhumation est ici.

Cyrille Dion était un as de billard. Son frère Joseph aussi. Les deux ont eu un destin tragique.

Joseph (à droite) et Cyrille Dion (à gauche)  en compagnie d’autres excellents joueurs de billard. Source: LOC et Wikipédia

Joseph Dion est né le 23 juillet 1840 à Montréal. Son frère Cyrille serait né en mars 1843 à  Montréal (je n’ai pas de date plus précise).  Ils étaient les fils de Joseph Dion et de Lucie Gérard dit Lavérité mariés à Montréal le 4 juillet 1836.

Cyrille était surnommé le  »Bismarck du billard » et  Joseph  »le Prince ».

By the present generation Joe Dion is considered the father of professional billiard

Source: The New York Times, 19 novembre 1885

Cyrille Dion a été couronné champion canadien en 1865.

Le Canadien, 21 juillet 1865

LE TOURNOI DE BILLARD

Hier soir, M. Cyrille Dion a été proclamé le champion des deux Canadas. En lui présentant la magnifique queue montrée en or dont nous avons déjà donné une description, M. Cavitt fit des éloges aux deux frères Dion pour la peine qu’ils se sont donnée en montant ce tournoi et les sacrifices pécuniaires considérables qu’ils se sont imposés pour le mettre sur le même pied que ceux donnés dans toutes les parties des États-Unis. Il dit qu’il avait assisté à tous ces tournois, et il était heureux de déclarer que les efforts des frères Dion avaient été couronnés d’un plein succès – succès dont les amateurs de Montréal doivent être fiers. – Il regrettait de voir que le goût du billard n’était pas bien répandu dans cette ville, d’après ce qu’il pouvait en juger par le petit nombre de spectateurs qui assistaient à chaque séance; cependant de plus belles parties n’avaient jamais été jouées aux États-Unis.

Comme champion des deux Canadas, M. Cyrille Dion devra tous les quatre mois jeter un défi, et si dans l’espace de trois ans, personne ne l’a supplanté cette queue lui appartiendra. Après quelques autres remarques de M. Cavitt, M. C. Dion s’avança au milieu d’un tonnerre d’applaudissements et dit qu’il était loin de s’attendre qu’il sortirait victorieux de la lutte, lorsqu’il s’était vu entouré des premiers joueurs du Haut et du Bas-Canada; il espérait qu’à la prochaine occasion ses adversaires seraient plus heureux.

[…]

Ce soir, à lieu la grande partie de 1500 points pour une bourse $2000 en or. Les Montréalais ont espoir que M. Jos Dion sera le vainqueur.  (Note. Oui, il a gagné) […] (Minerve)

Cyrille Dion a remporté plusieurs compétitions d’importance au cours des années 1870.

Joseph Dion a quand a lui remporté plusieurs matchs de haut calibre, dont un contre Melvin Foster à Montreal le 7 avril 1869.

Deux carrières écourtées

Comme nous l’avons vu en début de texte Cyrille Dion est décédé très jeune. La cause du décès serait une simple grippe (congestion des poumons).

Joseph Dion. Lieu et date inconnue. Merci à François Gloutnay d’avoir porté cette photo à mon attention.

En ce qui concerne Joseph, après la mort de son frère, il a continué à exceller au billard. Entre 1876 et 1881, il a pris une pause (il était alors propriétaire d’une salle de billard à New York, je crois), puis est revenu avec succès au jeu. Il a remporté l’emblème de diamant en 1881.

Joseph aurait épousé Mary Hathorne à Montréal en octobre 1883.

Or, en 1885, Joseph Dion a commencé a avoir un comportement étrange. Le 18 novembre 1885, il est interné à l’hôpital Bellevue, souffrant de paresis. Il aurait été transféré ensuite à l’hôpital psychiatrique de Ward’s Island (New York). Le New York Times du 27 novembre 1885 rapporte que des joueurs de billards new-yorkais avaient l’intention de faire une souscription via des matchs d’exhibition pour payer les frais d’internement de Joseph Dion. Il est écrit dans le Sporting Life du 13 août 1892 que Joseph Dion a été placé à Bloomindgale, puis à Ward’s vers 1891, car son beau-père n’avait plus assez d’argent pour payer sa pension. L’asile de Ward’s accueillait une clientèle plutôt défavorisée.

Lors du recensement de l’état de New York de 1905, Joseph Dion est toujours vivant. On écrit qu’il est âgé de 61 ans et qu’il est aux États-Unis depuis 37 ans.

Joseph et Cyrille avaient également un frère, François, et une soeur, Aurélie. Née le 13 mai 1839, Aurélie a été internée à l’asile St-Jean de Dieu à Longue-Pointe selon le recensement canadien de 1901. En 1911, elle était toujours internée à cet asile.

Le 18 août 1891, le Sporting Life rapporte la rumeur selon laquelle Joseph Dion était décédé, sans toutefois lui accorder beaucoup de crédit. Dans le journal Sporting Life du 29 mars 1913, on mentionne Joseph Dion, en se demandant s’il est encore vivant. Il semble être décédé dans l’anonymat vers 1910, ce qui était le lot de bien des gens internés. La veuve de Dion semble avoir dû aller en cour pour toucher l’héritage, comme le laissent entendre les extraits que l’on peut voir sur Google Books des Rapports Judiciaires de Québec: Cour supérieure, Volume 40 (tapez  »Joseph Dion »).

Bibliographie

The evening world., July 14, 1892, SPORTING EXTRA, p.1

The Sporting Life, 20 janvier 1886, 18 août 1891, 13 août 1892,  4 novembre 1893, 29 mars 1913  (format PDF)

The New York Times, 3 octobre 1878, 19 novembre , 20 novembre,  27 novembre 1885

Wikipedia [en ligne] Cyrille Dion [Page consultée  le 4 août 2012] Adresse URL (en anglais)

Billets reliés

Eugène Brosseau, champion américain de boxe amateur [1916-1917]

Golf: 20 septembre 1913, Francis Ouimet remporte le US Open

Drinkwine, un billet sans alcool [New York, 1920]

Les archives du New York Times

Faits divers: l’histoire des soeurs Hurley [Québec, juin 1904]

A la demande de monsieur Chartrand, voici l’affaire des soeurs Hurley.

La demeure des Hurley était située rue Ferland, à Québec. Le patriarche de la famille, Michael, était peintre. Dans le recensement canadien de 1871, on lit que son épouse était prénommée Catherine. Dans le recensement de 1881, Michael est inscrit comme étant veuf.

Extrait de l’annuaire Marcotte, édition 1896-1897

Michael et Catherine Hurley ont eu au moins quatre filles: Fanny (Frances), Catherine, Anna Maria et Helen Jane.

Catherine est décédée en 1901 suite à une noyade. On en a parlé dans le Quebec Mercury  comme vous pouvez le constater.

Extrait du Quebec Mercury, 3 juin 1901, relativement à la découverte du corps de Catherine.

Michael est décédé le 27 mars 1903 à Québec. Il avait 73 ans.

En juin 1904, il ne restait plus que Fanny, Anna Maria et Helen Jane au domicile familial de la rue Ferland.

Annuaire Marcotte, édition 1903-1904

Et ça n’allait pas bien du tout.

Extrait de la Patrie du 20 juin 1904.

QUINZE ANS SEQUESTREE

LES OFFICIERS PUBLICS FONT D’ÉTRANGES DÉCOUVERTES DANS UNE MAISON HABITEE PAR TROIS ALIÉNÉES

ELLES SERONT INTERNÉES

(Correspondance spéciale)

Québec, 20 juin 1904

La maison qui porte le no 13, de la rue Ferland, est habitée depuis un très grand nombre d’années par trois soeurs du nom de Henley[Note: il s’agit plutôt de Hurley], qui sont idiotes de naissance. Elles sont propriétaires du bloc dans lequel se trouve leur résidence, et jouissent d’un revenu annuel  de plus de quinze cents piastres qu’un nommé Mahoney, l’administrateur de leurs biens, retire et dépose pour elles. A la demande des voisins, les officiers du bureau de santé ont fini par faire une visite à leur domicile samedi, accompagnés du chef de police, d’une couple de constables et des docteurs Parks et Catellier. Ils ont eu d’énormes difficultés à pénétrer dans le logis.  L’une de ces forcenées s’était armée d’une barre de fer.

Les lieux étaient infects, le logis était dans un état de saleté indescriptible.

Lorsque les officiers de santé ont voulu pénétrer jusqu’aux mansardes, on leur a barré le passage. Il a fallu [illisible] toute espèce de moyen de persuasion pour calmer les infortunés et obtenir d’elles l’autorisation de monter au troisième étage. Les médecins seuls ont pu y monter, les docteurs Parks et Catelier, l’un après l’autre, et presqu’à la sourdine, pour ainsi dire. Quelle n’a pas été leur surprise d’apercevoir dans une chambre soigneusement  verrouillée, à travers un guichet pratiqué dans une porte, une femme absolument nue, dans un état affreux, étendue sur un sale grabat de paille, parlant d’une manière incohérente, et hurlant, vociférant de temps à autre. On a su depuis que cette pauvre folle était séquestrée depuis plus de 15 ans. On renouvelait sa litière de temps à autre par une ouverture pratiquée au bas de la porte, et on lui transmettait ses aliments par le petit carreau pratiqué au centre.

Les deux idiotes qui tenaient ainsi leur soeur séquestrée ont dit aux officiers de santé que c’était inutile de la déranger, parce qu’elle n’en avait pas pour longtemps à vivre; elles ont ajouté que dans tous les cas, elles souriaient [souhaitaient?] y voir elles-mêmes si elle n’était pas morte à l’automne.

Les officiers du bureau de santé ont résolu de prendre toutes les mesures nécessaires pour enlever ces trois idiotes du logement en question et de les faire transporter à l’Asile de Verdun. Ce déménagement forcé doit se faire aujourd’hui ou demain au plus tard; ce ne sera certainement pas sans de grandes difficultés. On devra user de force, se servir de courroies.

On s’y attend et on se prépare en conséquence.

Le tuteur de ces trois aliénés, leur oncle, qui réside à New York, est arrivé à Québec, et on m’assure qu’il a consenti à ce que ces trois malheureuses nièces soient internées dans un asile et qu’il a signé en conséquence les documents nécessaires.

Ces trois infortunées sont âgées de 33, 35 et 40 ans respectivement. C’est la troisième que l’on tenait ainsi sous le verrou depuis plus de 15 ans.

Celle qui a été enfermée pendant toutes ces années était Helen Jane. Elle n’a pas survécu longtemps à sa  »délivrance ». Elle est décédée le 15 juillet 1904 à Verdun, probablement à l’asile. Quant à ses soeurs, elles étaient toujours à Verdun en 1911 selon le recensement canadien.

Lorsqu’on consulte les recensements de 1871, 1881*, 1891* et 1901, il y a toujours une section où l’on demandait au recenseur de cocher s’il y avait quelqu’un atteint d’aliénation mentale dans le foyer visité. Rien de tel n’a été signalé chez les Hurley.

Une sombre histoire.

*Le nom Hurley a été orthographié Hurly. En 1891, Michael a été orthographié Michel

Bibliographie

Jean-Marie Lebel. Le Vieux-Québec: guide du promeneur. Sillery, Septentrion, 1995, 340 pages.

Jean-Marie Lebel. Les Chroniques de la Capitale. Québec 1608- 2009. Québec, PUL, 2008, 760 pages.

Registre d’inhumation du Mount Hermon Cemetery (BANQ)

Les enquêtes des coroners des districts judiciaires de Beauce, 1862-1947, de Charlevoix, 1862-1944, de Montmagny, 1862-1952, de Québec, 1765-1930 et de Saint-François (Sherbrooke), 1900-1954 (BANQ)

Billets reliés

Drame à Saint-Alban, 23 février 1890

Une mort mystérieuse (Saint-Julien-de-Wolfestown, 1888)

L’Incendie de l’asile de Beauport, 29 janvier 1875

Le fantôme de Mary Gallagher (Griffintown, Montréal, 26 juin 1879)

Le vinum colchici est dangereux pour la santé (Tabb’s Yard, Montréal, 1873)

L’Incendie de l’asile de Beauport, 29 janvier 1875

L’Institut universitaire en santé mentale de Québec a porté plusieurs noms: Asile de Beauport, puis Québec Lunatic Asylum, Asile des aliénés de Québec, Asile Saint-Michel-Achange, Centre Hospitalier Robert-Giffard.

Le 29 janvier 1875, cet institut du chemin de la Canardière a été le théâtre d’un incendie qui a fait plusieurs victimes.

Source: L'Opinion publique, 25 février 1875

Dans le Canadien du 30 janvier 1875 a été publié l’article suivant:

INCENDIE DE L’ASILE DE BEAUPORT

PERTES DE VIE

IMMENSE PERTE DE PROPRIETE

VAINS EFFORTS POUR SAUVER L’ASILE

LES DERNIERS DETAILS

Hier soir, vers sept heures et demi, notre ville a été jetée dans l’émoi.  »L’Asile de Beauport est en feu! tel est le cri qui nous a glacé d’effroi. Un incendie est toujours terribles, mais l’incendie d’un incendie d’aliénés a quelque chose d’épouvantable.

Plusieurs  mille personnes sont parties presqu’en même temps pour le lieu du sinistre. Le chemin était littéralement couvert de voitures et de piétons. Rien de plus lugubre que le spectacle qui se présentait aux yeux de ceux qui se dirigeaient vers la conflagration. Toute la campagne entre Québec et Beauport était illuminée comme en plein midi, mais c’était une lumière qui faisait frayeur. Un immense nuage de fumée, couleur de feu, était suspendu au-dessus de l’Asile. On aurait dit que le ciel était en flamme.

SCENES NAVRANTES

Notre reporter est arrivée à l’asile au moment où l’on transportait les folles à la bâtisse destinée aux hommes; car c’est à l’aile est occupée par le département des femmes que le feu a pris naissance. Nous avons vu bien des incendies, nous avons la moitié d’une ville dévastée par le feu, mais nous n’avons jamais rien vu d’aussi triste que le spectacle dont nous étions témoin hier soir.  »Comment pourra-t-on jamais décrire cette scène » s’est écrié de nos amis, en voyant le terrible panorama qui se déroulait devant nos yeux.

Imaginez plusieurs cent femmes déjà privées de la raison et rendues furieuses par la vue des flammes qui dévoraient leur seul refuge. Imaginez ces pauvres infortunées, arrachées, à moitié vêtues, de leurs cellules, transportées par un froid intense à une distance de plusieurs arpents. Les unes pleuraient, les autres riaient, d’autres encore poussaient des cris de désespoirs.

On a dû entasser presque toutes les aliénées dans  un seul appartement. Ceux qui n’ont pas vu ce triste assemblage, ne pourront jamais s’en former une idée. Nous n’essaierons pas de le dépeindre. Nous dirons seulement que nous avons admiré le dévouement et le courage des gardiens et des gardiennes qui ont fait des merveilles pour conserver l’ordre, et cela au péril même de leur vie, car on peut facilement croire qu’un appartement remplis de folles, rendues doublement folles par la peur, n’est pas absolument un lien de sûreté.

ACTES HÉROÏQUES

Notre reporter a pu converser un instant avec M. Vincelette, gardien de l’Asile. Une de ses mains était enveloppée dans un mouchoir ensanglanté.  »Ce n’est rien » dit-il.  »Dieu merci, nos pauvres enfants sont sauvées. Nous avons eu bien de la misère pourtant. Elles ne voulaient pas déménager; elles se cachaient partout, sous les lits, dans les passages, partout.

La dernière fois que je suis retourné dans la partie de la bâtisse où le feu a pris naissance, j’ai failli y rester avec mes deux enfants. Je m’étais avancée dans une chambre et j’avais réussi à empoigner deux folles qui ne voulaient point sortir; mais une fois rendu dans le passage, je ne pus plus trouver l’escalier, la fumée m’étouffait, m’aveuglait. Heureusement, un de mes hommes était resté à la tête de l’escalier. Il me tira vers lui, et je suis tombé dans l’escalier avec mes deux enfants. Voilà comment je me suis fait mal à la main. Mais ce n’est rien.  »[…]

L’ORIGINE DU FEU

 »Comment et où le feu a-t-il pris naissance? »  »Je ne puis vous dire positivement comment. Je crois que c’est une de nos patientes qui a mis le feu à son lit; je ne peux pas m’expliquer la chose autrement. Quand je l’ai découvert, l’incendie avait déjà fait des progrès considérables. Le feu a pris naissance tout à fait en arrière de la bâtisse principale. J’ai envoyé tout de suite en ville demander du secours.  »

LE PROGRES DES FLAMMES

Pendant ce temps, les flammes faisaient de rapides progrès. L’élément destructeur avait envahi toute la partie est de la grande bâtisse et menaçait la partie centrale et la partie ouest. Une pompe à bras était, pendant longtemps, tout ce que l’on eût pour retarder la marche de l’incendie.  D’ailleurs, il n’y avait qu’une citerne qui fut bientôt tarie. Son Honneur le maire [Note: Célestin Marcoux] était l’un des premiers hommes rendus sur les lieux. Il donna ordre de suite de faire venir la pompe à vapeur. Mais les chemins étaient très mauvais et cette pompe mis bien du temps à venir. Et l’incendie faisait de plus en plus son chemin; le tiers de l’Asile n’était plus qu’un brasier.

LES ENVIRONS DE L’ASILE

Le magnifique terrain qui entoure l’Asile était jonché de meubles; une foule immense se tenait  auprès, le chemin était encombré de voitures. Plusieurs centaines d’hommes s’organisèrent en corps de sauvetage et se mirent à sortir les effets de la partie menacée par le feu.

UN INCIDENT

Quatre ou cinq hommes avaient traînés une grande armoire de l’Asile et l’avaient déposée à terre. Quelle ne fut pas la surprise de tous de voir une pauvre folle sortir de cette armoire et se jeter au milieu de la foule en jetant des cris perçants. Encore une de sauvée, disait-on; fait cela fait craindre qu’il n’y ait plusieurs autres qui, cachées dans quelques coins de la grande bâtisse, périront dans les flammes.

VAINS EFFORTS

Vers dix heures, la pompe à vapeur était rendue à Beauport. Cette pompe était la seule planche de salut qui restât.  »Si nous pouvons atteindre la rivière St-Charles avec cette pompe, disait son Honneur  le Maire, nous pourrons sauver les deux tiers de la bâtisse. Si non, tout est perdu. On a pu atteindre la rivière, mais il n’y avait plus que de la glace et de la vase.  On se transporta en toute hâte à une citerne, située à quelques distance en arrière de l’Asile. On disait que cette citerne contenait 25 mille gallons d’eau mais au bout de quelques minutes, elle était tarie. On se rendit donc de nouveau à la rivière St-Charles où l’on fit une chaussée avec des matelats dans l’espoir d’obtenir assez d’eau pour faire fonctionner la pompe à vapeur. Vain espoir.

A une heure et demi du matin, lorsque notre reporter laissé l’Asile, le feu avait envahie toute la bâtisse principale; la coupole était tombée, le toit s’écroulait, on n’espérait plus sauver aucune partie de la bâtisse.

DES ELOGES

Avant de terminer ce triste compte-rendu, nous devons faire des éloges de ceux qui ont fait tout ce que l’homme pouvait faire pour arrêter ce terrible incendie. Nos braves pompiers, et les soldats de la citadelle qui se sont rendus de bonne heure à l’asile, ont fait des merveilles. Quand au Dr Roy [François-Elzéar Roy], sa conduite a excité l’admiration de tous. […]

En septembre de la même année, l’asile fût reconstruit.

Gravure parue dans le Canadian Illustrated News du 20 février 1875.

26 femmes sont décédées dans l’incendie.

  • Marie Prussien, 72 ans, de Québec
  • Caroline Boucher, 31 ans, de Québec
  • Euphémie Turcotte, 32 ans, de Québec
  • Virginie Leclerc, 24 ans
  • Angèle Desrosiers, 25 ans
  • Zéphirine Deblois, 38 ans
  • Philomène Vézina, 32 ans, de Saint-Roch,
  • Adèle Brisson, 34 ans, de Saint-Germain de Rimouski
  • Mary Clarke, 45 ans
  • Odile Laberge, 26 ans, Saint-Thomas de Montmagny
  • Julie Elie dit Le Breton, de Saint-Anselme (Dorchester)
  • Mary Newall, 30 ans
  • Sarah Cormier, 67 ans, de St-Joseph (Carleton-St-Omer)
  • Henriette Corriveau, 24 ans, de Québec
  • Anastasie Legault, 24 ans.
  • Josephte Dutilly, 58 ans, de St-Jean-Baptiste de Rouville
  • Mary Cogan, 29 ans
  • Luce Dorion, 65 ans, de Québec
  • Ellen Kennipeck, 60 ans
  • Adélaïde Reault, 48 ans
  • Margaret Parker
  • Honora Wilmoth, 46 ans
  • Eliza Buchanan, 50 ans, de Québec
  • Marie Massicotte, 53 ans, de Saint-Antoine-de-la-Baie-du-Febvre
  • Joséphine Saint-Pierre, 24 ans, de Sainte-Louise-de-L’Islet
  • Zoé Bazin, 34 ans, de  Saint-Vallier-de-Bellechasse

Source: Les enquêtes des coroners des districts judiciaires de Beauce, 1862-1947, de Charlevoix, 1862-1944, de Montmagny, 1862-1952, de Québec, 1765-1930 et de Saint-François (Sherbrooke), 1900-1954, BANQ

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