On trouve des Audet partout…

même en Australie!

Dans le Sydney Morning Herald du 13 septembre 1859, le mariage suivant est annoncé:

audetmoss
Audet-Moss – August 10th, at the Synagogue York-street, by the Rev. M. R. Cohen, M. J. Audet, son of M. J.W. Audet, of Racjzann, Russian Poland, to miss Elizabeth, daughter of the late Alexander Moss, Of London.

L’heureux marié est Jacob Audet, un artiste photographe. Il est mentionné à plusieurs reprises dans les journaux historiques australiens (Trove).

Un Audet vivant en Australie, mais né en Pologne, c’est intriguant. Comment expliquer cela? Ces Audet polonais avaient-ils une origine française? S’agit-il d’un patronyme modifié? Une descendante de Jacob Audet raconte que dans la famille, on croit que les Audet venaient de France, qu’ils ont habité en Angleterre puis qu’ils se sont établis en Pologne.

Je ne suis pas parvenue à localiser plus précisément le village de Racjzann.

Audet est un patronyme répandu au Québec. Si vous êtes un Lapointe, votre nom de famille, à l’origine, était probablement Audet.

Pour en savoir plus sur Jacob Audet, consultez le site Design & Art Australia.

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L’évasion du patriote Louis Bourdon [1843]

Suite aux Rébellions de 1837-38, 58 patriotes furent déportés en Australie. La plupart rentrèrent au pays après avoir été graciés en 1843. Un patriote réussit pourtant l’exploit de s’évader et de revenir au Bas-Canada. Il s’agit de Louis Bourdon (portrait ici).

Le Canadien, 5 juin 1843

La Minerve publie l’extrait suivant d’une lettre de la frontière en date du 27 mai:
« Monsieur, -Hier soir est arrivé chez moi un de vos pauvres exilés à la terre d’Australie; forcé de s’arrêter au seuil de la patrie, nous lui avons offert avec joie le peu qui nous fait vivre et le repos après de si rudes tempêtes.

« C’est Louis Bourdon, de St-Césaire, où se trouve son épouse avec leurs deux enfants. Il vient de les informer de son arrivée ici, et veut bien me permettre de vous donner cette connaissance, se réservant de donner sur chacun des exilés les renseignements qu’on lui demandera; il me prie de vous le marquer. Un baleinier français fesant la pêche sur les côtés de la Nouvelle-Hollande, offrir au jeune homme le moyen de rompre son ban. Dans ce moment monseigneur Polding était attendu, et son arrivée était regardée déjà par les déportés comme le terme de leurs souffrances. C’est ce que fit que L. B. se livra seul à la générosité de l’officier français. Deux de ses compagnons d’infortune refusèrent ce moyen: « nous allons être graciés, disaient-ils, et nous serons avant vous au Canada! »

« Le 10 septembre dernier, L.B. se jeta à bord du navire qui devait faire voile de suite; il ne partit que le 13, et ces trois jours furent une dure prison pour notre jeune homme qui eut à souffrir pour se dérober aux recherches de la police. Le navire prit sa route par l’Océan Pacifique, doubla, en janvier, le cap Horn, par le 63me degré de latitude méridionale, à travers les glaces où ils coururent les plus grands dangers; longea les côtes d’Amérique jusqu’à Rio de Janeiro, où il aborda le 7 mars. Le baleinier fit voile pour la France après 19 jours, et au bout d’un mois, L.B. prit le navire Russian, cap. Simpson, à qui il fut recommandé par l’officier français du baleinier. Débarqué à New-York le 20 mai, il prit de suite le chemin de la patrie, et s’arrête…

« Ce bonheur de recevoir un enfant de l’exil, vous appartiendrait sans doute, si le moment que vous appelez tous était arrivé. En attendant donc qu’il arrive, sentinelle avancée, nous montrons de tout prè sà ses enfants proscrits, pour les consoler, la patrie qui les voudrait; c’est de la joie sans doute encore, mais elle est mêlée d’amertume, c’est celle que les malheureux éprouvent dans leur consolation. S’ils ne peuvent encore se rendre au sein de leur famille, au milieu de leurs amis, nous adoucirons, par la pensée de Dieu, le souvenir des maux endurés, et nous jeterons sur leur avenir cette espérance que nourrit tout le Canada, le rappel prochain de ses enfants. Deux Canadiens étaient morts sur la terre d’exil: Gabriel Chevrefils et Louis Dumouchel, de Chateaugay.

[…]
Votre très-humble et très obéissant serviteur,
***

« P.S. Ce capitaine français dans son voyage sauva, au milieu de l’océan, tous les passagers du bâtiment anglais en feu, India; 18 périrent, 216 furent sauvés. »

Par la suite, Louis Bourdon fut le premier maire de Farnham (1855) et décéda le 17 août 1863 (courte notice biographique, ville de Farnham).

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Un Patriote de retour d’exil [1846]

Le Monde illustré, vol. 7 no 354. p. 660 (14 février 1891)

François-Xavier Prieur, 1814-1891 Le Monde illustré, vol. 7 no 354. p. 660 (14 février 1891)

François-Xavier Prieur a été exilé en 1839 en Nouvelle-Galles du sud, avec 57 compagnons, suite aux Rébellions de 1837-38.

Le Canadien, 16 septembre 1846

Arrivée d’un Exilé – M. F. X. Prieur, dont nous avons annoncé l’arrivée à Londres il y a quelque temps est enfin de retour à Montréal. Il est arrivé ici mardi matin par la voie de Québec. M. Prieur s’est embarqué à Sidney le 22 février dernier, avec une famille française qui revenait en France et qui a payé son passage jusqu’à Londres où il est débarqué le 24 juin, après une traversée de quatre mois et deux jours. Il est reparti de Londres le 10 juillet sur le vaisseau marchand le Billon, qui n’est arrivé à Québec que samedi dernier, après un passage de près de deux mois. M. Prieur est parti de Montréal hier matin pour aller visiter sa famille qui réside à St. Polycarpe. Avant les troubles, M. Prieur était marchand à Beauharnois; c’était un jeune homme instruit et doué de beaucoup d’intelligence.

On sait que depuis longtemps des fonds ont été expédiés en Angleterre pour pourvoir au retour des exilés. Nous avons fait allusion dernièrement aux difficultés qui existent pour faire passer ces fonds jusque dans la colonie pénale, et aux démarches incessantes qui ont été faites à ce sujet. Des lettres ont été adressées aux autorités de Sidney, annonçant que le passage des exilés seraient remboursées à Londres. Et cependant une fatalité inqualifiable s’est attachée à tous les efforts qui ont été faits pour hâter leur retour. Mais grâce à des renseignements qui ont été obtenus, nous pouvons annoncer avec certitude que les nouveaux moyens qui ont été adoptés pour assurer le passage des onze exilés qui sont encore à Sidney ne peuvent manquer de réussir. – (Minerve).

Vous pouvez lire en ligne Notes du condamné politique de 1838 par F.-X. Prieur.

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Aujourd’hui, un peu de toponymie. En faisant une recherche sur Google Maps (que j’adore), j’ai pu constater qu’il y avait pas mal de routes à travers le monde qui portent le nom de ou du Québec. Alors, je vous convie à un petit voyage virtuel à travers le réseau routier de l’Australie, de la France, de la Grande-Bretagne, des États-Unis et bien d’autres endroits.

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Trove: journaux historiques de l’Australie [XIXe et XXe siècle]

Trove: journaux historiques de l’Australie [XIXe et XXe siècle]

par Vicky Lapointe

Les Australiens ont mis en ligne une quantité phénoménale de journaux anciens via Trove (National Library of Australia). Et quelle mise en valeur exemplaire! D’abord, l’accès aux journaux est gratuit, sans restriction. Ensuite, la présentation du site facilite grandement la recherche.Vous pouvez faire une recherche par mots-clés (le contenu des articles ayant été indexé), par titre de journal, par état ou par date. Il y a plusieurs options de filtrage des résultats. Ainsi, vous pouvez décider de ne conserver que les articles avec illustration. Vous pouvez sauvegarder les articles en format pdf, jpg et txt. Et finalement, chaque article peut être facilement partagé par Facebook et Twitter.

Quelques exemples d’articles:

Un accident de train près de Lévis en 1895 http://nla.gov.au/nla.news-article3608305

Les célébrations du tricentenaire de la fondation de Québec, 1906 http://nla.gov.au/nla.news-article37577710

Les joies du toboggan à Montréal, 1923 http://nla.gov.au/nla.news-article44762821

L’incendie du Château Frontenac en 1926 http://nla.gov.au/nla.news-article43900624

Décès du capitaine J.-E. Bernier, explorateur de l’Arctique, 1935 http://nla.gov.au/nla.news-article55540731

Mariés depuis 70 ans (John Marceau, probablement le fils du patriote Joseph Marceau) http://nla.gov.au/nla.news-article17302333

La Conférence de Québec (Roosevelt, Churchill, Mackenzie King) 1944 http://nla.gov.au/nla.news-article59323600

Les Patriotes exilés en Australie, 1945 http://nla.gov.au/nla.news-article27926911

Un document liés aux Rébellions de 1837-1838 retourné au Canada, 1949 http://nla.gov.au/nla.news-article55780304

Le décès d’une des quintuplées Dionne, Emilie, en 1954 http://nla.gov.au/nla.news-article23431158

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Les archives du New York Times

JSTOR – articles publiés avant 1923 (Etats-Unis) et 1870 (autres pays) en accès libre

La bande à Chambers, 3e partie: Sur les traces de Charles Chambers

J’ai consacré, ces derniers jours, deux billets à la bande de Charles Chambers, responsable de plusieurs crimes commis dans la région de Québec entre 1831 et 1835 (voir La bande à Chambers, première partie et  deuxième partie).

Nous avons vu que le chef, Charles Chambers et un de ses acolytes, Nicholas Mathieu, ont été condamné à mort, puis ont vu leur sentence commuée en exil dans une colonie pénale. Or, il existe plusieurs versions concernant la suite des événements (voir La bande à Chambers, deuxième partie).  Charles Chambers a-t-il été jeté par-dessus bord? Pendu à Liverpool? Est-il mort en Australie? Quelle version est la bonne?

On sait, grâce au Convict Index des Archives de la Nouvelle Galle du Sud, qu’un certain Nicholas Mathieu est arrivé en Nouvelle-Galles du sud par le Waterloo en 1838. S’agit-il de l’acolyte de Chambers? Si on retrouve Mathieu, retrouvera-t-on Chambers par la même occasion?

J’ai donc suivi la piste du Ceres. Les sources indiquent que Chambers, Mathieu et d’autres condamnés ont embarqué à bord du Ceres du capitaine Squire à Québec le 27 mai 1837. La destination était l‘Angleterre (Le Populaire, 31 mai 1837).  J’ai donc reconstituée la liste des passagers du Ceres grâce au registre d’écrous des prisons de Québec au 19e siècle mis en ligne par BANQ . Le registre des écrous  nous révèle que les passagers du Ceres sont des hommes condamnés entre 1833 et 1837. L’article de Pierre-Georges Roy sur la bande à Chambers, dans son livre Les petites choses de notre histoire, septième série, a aussi fourni plusieurs noms.

Le Morning Chronicle de Londres, en date du 21 juillet 1837, mentionne le Ceres et le capitaine Squire. Le Ceres est probablement arrivé à Londres un peu avant cette date.  (Réf.British Newspapers 1800-1900 mots-clés  »squire » et  »ceres ». Le site est payant, mais l’aperçu montre que le bateau provient de Québec).

J’ai ensuite consulté le Index to Tasmanian convicts (maintenant intégré au Tasmanian Name Index) et le Convict index of New South Wales archives pour voir s’il y avait des concordances (nom du prisonnier, date d’arrivée, endroit où il a été jugé, etc). Les informations mises en ligne sont fragmentaires, mais suffisantes la plupart du temps pour affirmer qu’il s’agit bien des prisonniers du Ceres. Voici un résumé de ce que j’ai trouvé.

  • D’abord, plusieurs prisonniers sont arrivés en Tasmanie à bord du Neptune le 18 février 1838 (départ de Londres le 7 octobre 1837). (Réf) Ces prisonniers sont: Patrick Fleming, John Wakeman, Jean Thibeau (Thibault), William Hunter, James O’Neil, Patrick Sullivan, Jacques Moiseau (listé sous le prénom Joseph dans le registre) et James Brown (deux entrées sous ce nom le même jour).
  • D’autres sont arrivé en Nouvelle-Galles du sud à bord du Waterloo, probablement le 2 février 1838. Départ du port de Sheerness le 4 novembre 1837. Dans le Sydney Herald, il est écrit que le départ a eu lieu de Londres le 9 octobre 1837 et l’arrivée à Sydney le 8 février 1838 (Réf). Les passagers sont John Johnston (Johnson) (Réf) (il y a aussi un John Johnson arrivé en Tasmanie en 1838 à bord du Neptune), Georges Ryan, Nicolas Mathieu, John McAuliff ( ici et ici sous le nom de McAuliffe), William Cuthbert, Pierre Provost, Ambroise Provost, Gilbert Bernard, John Smith, Alexander Thibett’s, François Larocque, Joseph Tomache, William Audy, Pierre Giroux dit Cloutier(on trouve un Louis Cloutier arrivé par le Waterloo en 1838), Jean-Baptiste Moreau (inscrit sous le nom Jean-Baptiste Morean dans le registre), François Sanschagrin (appelé Francis Lanchagrin ici, serait mort noyé en 1841), Joseph Picard et Joseph Dolleur (épelé Doleur dans le registre).
  • Certains sont arrivés en Tasmanie à bord du Royal Sovereign le 8 janvier 1838 (départ de Downs le 7 septembre 1837). Les voici: William Disney et Patrick Brown.
  • Pour finir, d’autres sont arrivés en Tasmanie à bord du Moffatt le 1er avril 1838 (départ du port de Woolwich le 27 octobre 1837). Il s’agit de William Allen, James Shuter (Suitor) Jr et James Shuter (Suitor) Sr.
  • Yvon dit Fraser: Il s’agit probablement de Louis Fraser, arrivé en NSW par le Lord Lyndoch.
  • Le dénommé Johnson de Trois-Rivières est probablement John Johnson, arrivé lui aussi à bord du Lord Lyndoch.
  • James Gordon: il serait arrivé en Nouvelle-Galles du sud en 1839 par le Theresa ou Teresa, jugé à Montréal.

Mais il y a aussi ceux dont on n’a aucune trace ni en Australie, ni en Tasmanie…

  • Il y a sept prisonniers du Ceres dont on ne peut trouver, à ma connaissance, de traces en Australie: Joseph Côté, Joseph Moisan, Richard Burnard, John Nicholson, Jean-Baptiste Fournel, Zephyr Laneuville…. et Charles Chambers.

Conclusion

La destination du Ceres était l’Angleterre.  Ses  »passagers » ont été ensuite redistribués sur au moins quatre navires à destination de la Nouvelle-Galles du sud et de la Tasmanie.  Sept prisonniers ne figurent pas, à ma connaissance, dans les répertoires des  »convicts » de Tasmanie et d’Australie, soit Jean-Baptiste Fournel, Zephyr Laneuville, Joseph Moisan, Joseph Côté, Charles Chambers, Richard Burnard et  John Nicholson. Il est toujours possible qu’il y ait eu des erreurs de retranscriptions, que certains fonds d’archives n’aient pas été complétement mis en ligne, etc… A cette étape-ci de ma recherche, je dois avouer que j’ai de plus en plus de difficulté à croire que Charles Chambers a mis les pieds en sol australien ou tasmanien…Il ne figure pas dans les index consultés, contrairement à son complice Nicholas Mathieu et à la majorité des autres prisonniers du Ceres.

Chambers est-il décédé avant son arrivée en Australie?  A-t-il été enfermé dans une prison anglaise ou bel et bien exilé en Australie ou en Tasmanie? Et  Côté, Laneuville ainsi que les autres passagers du Ceres, que sont-ils devenus? Existe-t-il des traces de leur destin dans les archives? A suivre…


La quatrième partie de ce billet se trouve ici

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Suite du billet
La petite histoire du crime: la bande à Chambers (Québec et sa région 1831-1835) Première partie

On s’y prend à trois fois afin de condamner Chambers…

Trois procès sont intentés contre Chambers et ses complices.

Le premier procès a lieu le 25 septembre 1835 et concerne le vol du télescope de Georges Holmes Parke. Chambers est déclaré non coupable.

Le deuxième procès a lieu en mars 1836. Charles Chambers et Nicolas Mathieu sont accusés du meurtre du capitaine Louis Sirvac. Ils sont déclarés non-coupables.

Le troisième procès s’ouvre le 28 mars 1837. Georges Waterworth témoigne contre Chambers et Nicolas Mathieu qui sont jugés pour introduction dans la maison de la veuve Montgomery et pour vol. Ils sont reconnus coupables et condamnés à être pendus le 10 avril. Mais coup de théâtre, la peine de Mathieu et de Chambers est commuée en exil en Australie.

Lorsqu’on consulte le Fichier des prisonniers des prisons de Québec au 19e siècle, il est écrit que Chambers a été reconnu coupable de  »timber stealing » (vol de bois). Chambers était marchand de bois. Voici la fiche de Nicolas Mathieu.

En route vers l’Australie

Le 27 mai 1837, Mathieu et Chambers s’embarquent sur le Cérès pour la Nouvelle-Galles du Sud (Australie) sous la gouverne du capitaine Squire. Il existe plusieurs versions concernant le sort des deux prisonniers. Et la destination du bateau aussi diffèrent. Certains parlent de Botany Bay, d’autres de Van Dieman (Tasmanie).

Selon Jean-Marie Lebel, (Québec 1608-2008: Chroniques d’une capitale voir Année 1837), Chambers est décédé aux Nouvelles Galles du sud, six ans après son arrivée en Australie.

Albert Jobin évoque la Galles du sud comme destination du Cérès.

Selon Louis Fréchette, Chambers devait être expédié à Botany Bay. Mais,

le chef de nos bandits [Chambers] réussit à briser ses fers et deux de plusieurs de ses co-détenus, et faillit s’emparer du navire.

Le complot échoua, et l’abominable coquin fut pendu en arrivant à Liverpool.

(Réf. Mémoires intimes, p. 99-100)

Dans Fifty years, Chiniquy s’attribue le mérite pour la commutation de la peine de mort de Chambers et Mathieu en exil en Australie. Il prétend aussi avoir rencontré un des membres du gang lors d’un séjour en Australie en 1878. (réf. Marcel Trudel, Chiniquy, p.253). A la page 312, l’homme qu’il a soi-disant sauvé lui demande

Do you remember the murderer and thief, Chambers, who was condemned to death in Quebec, in 1837, with eight of his accomplices? » asked the stranger.

Chambers a été condamné avec Mathieu. Il nous manque six personnes… Émettons des doutes quant au témoignage de Chiniquy, qui jamais ne nomme le mystérieux étranger… Chiniquy prétend que ce personnage lui a raconté que Chambers avait été pendu à Liverpool (réf), affirmation que reprendra plus tard Louis Fréchette dans ses Mémoires intimes.

Dans le Convict Index des Archives de la Nouvelle Galle du Sud, il y a trois personnes qui répondent au nom de Charles Chambers. Deux sont arrivées en 1829. Il y a un troisième Charles Chambers. Pas de date d’arrivée, mais il y a mention d’obtention d’un certificat d’émancipation. Nous n’avons pas suffisamment d’informations pour dire s’il est oui ou non le Charles Chambers que nous recherchons.

Il y a un Nicolas Mathieu dans cette base de données.

MATHIEU Nicholas |Waterloo (bateau) |1838| Numéro 46/579 |Ticket of Leave[4/4207; Reel 959]District: Yass; |Born: Canada Quebec; |Tried: Canada low Queb.

Selon ce site, le Waterloo est arrivé en Nouvelle-Galles du sud le 2 février 1838. Il est parti de Sheernerss en Angleterre le 4 novembre 1837. A titre de comparaison, lorsque Hypolite Lanctot est déporté en Australie, le voyage dure du 28 septembre 1839 au 25 février 1840. Le voyage de Lanctot dure 5 mois (sans escale en Angleterre, par contre). Louis Fréchette, dans ses mémoires, mentionne une escale en Angleterre… Dans le cas de Mathieu et de Chambers, peut-être le Cérès a-t-il fait escale en Grande-Bretagne. Ensuite, les deux individus ont peut-être été embarqués sur le Waterloo…Hypothèse à vérifier…

Le Nicholas  Mathieu du  Convict Index a obtenu un  »ticket of leave »? Un  »ticket of leave » c’est

C’était l’habitude de garder un prisonnier en exil dans un camp pour une période de 18 mois à deux ans; ils travaillaient au compte du gouvernement à des travaux publics. Les prisonniers sont ensuite  »assignés » à des particuliers, et si tout va bien, on leur accord la permission de travailler à leur compte. Ce système se nomme  »ticket of leave ».

Réf. (Lanctot, p. 57-58. )

Selon George Gale et James Le Moine McPherson, Charles Chambers a été envoyé à Van Dieman (Tasmanie).

Parmi les autres hypothèses, il y a celle où Chambers aurait été jeté à la mer lors de la traversée vers l’Angleterre. (Réf. Hare, Lafrance et Ruddell, p. 208)

Donc, pour le moment, nous croyons que Mathieu et Chambers ont quitté Québec le 27 mai 1837 et qu’ils sont probablement arrivés en Australie ou en Tasmanie après plusieurs mois en mer. Plusieurs questions restent sans réponse. Où exactement ont-ils vécu leur exil? Quand sont-ils décédés?

Dans la littérature

En 1837: François-Réal Angers, avocat, publie une brochure romancée intitulée Révélations du crime de Cambray et ses complices sur cette affaire. Chambers est ici appelé Cambray.

Micheline Cambron précise que les dialogues de l’écrit d’Angers ressemblent beaucoup aux paroles prononcées durant le procès de Chambers. (Réf).

Quelle est la part de vérité et de mensonge dans ce livre?

1844: La fille du brigand d’Eugène L’Écuyer. Dans cette version, Chambers, alias Maître Jacques, meurt noyé.

Puis un tumulte se fait entendre, et on aperçoit une foule qui se presse autour d’un cadavre. M. des Lauriers et M. D. .. en approchant de plus près reconnaissent le corps d’un noyé, c’est celui de maître Jacques.(Réf)

Dans le récit Geneviève d’Alphonse Gagnon (1885), la bande à Cambray (Chambers) fait plonger un honnête homme dans le monde du crime. (Nouvelles et récits, p. 126-162)

James McPherson Lemoine mentionne aussi que l’affaire Chambers

est devenu récemment le sujet [1872] d’un drame joué au Music hall de cette ville. (Réf.)

Conclusion

Avec le temps, les crimes de Chambers et ses acolytes ont été amplifiés. Ils font maintenant partie des légendes de la ville de Québec et de sa région. Le sort de Nicholas Mathieu et surtout de Charles Chambers reste sujet à débat. Chambers a-t-il été pendu en Angleterre ou est-il décédé en Australie? Quand est-il décédé? Plusieurs pistes sont à explorer…

La troisième partie de ce billet  se trouve ici.

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Bibliographie

Monographies

ANGERS, François-Réal. Révélations du crime de Cambray et ses complices. 1837 (1880).

CASGRAIN, René-Édouard. Histoire de la paroisse de l’Ange-Gardien. Quebec, Dussault & Proulx, imprimeurs, 1902, 390 pages.

CONSTANS, Ellen et Jean-Claude Vareille. Crime et châtiment dans le roman populaire de langue française du 19e siècle. Presses universitaires de Limoges, 1994, 426 pages.

FRECHETTE, Louis. Mémoires intimes. Montréal, Fides 1961, 200 pages.

HARE, John, Marc LAFRANCE et David-Thiery RUDDEL. Histoire de la ville de Québec 1608-1871, Boréal, Montréal, 1987, 400 pages.

JOBIN, Albert. Histoire de Québec. Québec, Institut Jean-Bosco, 1947, 366 pages.

LANCTOT, Hypolite. Souvenirs d’un patriote exilé en Australie, 1838-1845. Sillery, Septention, 1999, 222 pages.

LAVIOLETTE, Guy et Alain Gelly. Cap-Rouge 1541-1991 : 450 ans d’histoire. Cap-Rouge, Quebec, Société historique du Cap-Rouge inc., 1991, 340 pages.

LEBEL, Jean-Marie. Québec 1608-2008: Chroniques d’une capitale. Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, 760 pages.

L’ECUYER, Eugene. La fille du brigand; roman canadien. Précédé d’une notice biographique sur l’auteur par Casimir Hébert. Montréal, Bilodeau, 1914, 148 pages.

LE MOINE, James MacPherson. L’album du touriste : archéologie, histoire, littérature, sport.Québec, Augustin Côté et cie, 1872, 394 pages.

ROY, Pierre-Georges. Les petites choses de notre histoire. Septième série. Lévis, 1919, 316 pages.

TRUDEL, Marcel. Chiniquy. Trois-Rivières, Éditions du bien public, 1955, 339 pages.

Site internet

Raymond Mathieu. [en ligne] Nicolas Mathieu [Page consultée le 28 avril 2010] n’est plus en ligne.

University of Texas Libraries, The University of Texas at Austin. [en ligne]  Perry-Castañeda Library Map Collection Historical Maps of Australia and the Pacific [Page consultée le 28 avril 2010] Adresse URL

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