«Les vagues qui s’élevaient à une hauteur prodigieuse» Inondation à Sorel [avril 1865]

Le 15 avril 1865, deux nouvelles faisaient la une: l’assassinat de Lincoln et l’inondation à Sorel. L’article qui suit porte sur l’inondation à Sorel et a été publié dans le journal Le Canadien, édition du 15 avril.

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Sorel vers 1875

GRANDE INONDATION À SOREL

Nous empruntons les détails suivants à L’Echo du Richelieu et à la Gazette de Sorel.

Sorel, jeudi midi, 13 avril.

Depuis quelques jours l’eau avait atteint une hauteur qui faisait craindre beaucoup pour les propriétés situées dans le Chenal du Moine et les Iles avoisinantes. Partout les champs étaient devenus de véritables rivières; les cultivateurs n’entraient plus dans leurs maisons qu’à l’aide de canots; la plupart des familles s’étaient réfugiées dans les greniers des maisons, attendant là, avec patience, la fin de leur malheureux sort; les animaux avaient été relégués dans les greniers des granges, dont une grande partie avait déjà été atteinte par l’élément destructeur et menaçait de jour en jour et à la première forte brise, d’en devenir la proie! Ce jour, hélas! ne s’est pas fait attendre longtemps. Hier midi, une forte brise du Sud commença à souffler avec une violence qui fit craindre plusieurs personnes de la ville pour leurs bâtisses. Quelques bâtiments à voile mouillés à l’entrée de la rivière Richelieu, commençaient à descendre rapidement dans le fleuve, entraînés par le vent qui semblait ne vouloir rien épargner. Cependant, ces bâtiments purent tenir bon, un seul fut démâté, et les vagues qui s’élevaient à une hauteur prodigieuse l’eurent bientôt rempli. Deux jeunes gens laissés à la garde du bâtiment subirent une grande partie de la tempête, mais purent malgré tout, tenir le bâtiment à l’ancre jusqu’à ce qu’on vint à leur secours, et il était bien temps. A part quelques autres petites accidents plus ou moins sérieux, tels que pertes de bois, de hangars, etc, nous n’avons aucun malheur à déplorer dans notre ville.

Montants recueillis en faveur des victimes de l’inondation. La Gazette de Sorel, 29 avril 1865

Mais ce qui était le plus à craindre étaient les souffrances probables que devaient endurer les habitants des Iles de Grâce, Ile aux Ours et du Chenal du Moine, pendant que durait cette affreuse tempête.

En effet, vers dix heures du soir, des nouvelles arrivèrent en ville par l’équipage du propeller Bell, sous les ordres du Capt. Chs Armstrong qui se dévoua si bien en cette occasion, que toutes les maisons et granges des Iles et du Chenal du Moine disparaissaient devant la force de l’élément devenu de plus en plus impétueux. Aussitôt, M. Sincennes donna ordre d’équiper au plus tôt deux des steamers de la Compagnie du Richelieu pour aller au secours des malheureux qui, disait-on, perdaient les uns la vie, les autres leurs propriétés. Vers minuit, le vapeur Terrebonne, sous le commandement de l’habile capitaine Roy, se rendait à toute vapeur sur les lieux du désastre; il arrive à l’île de Grace, où le Cygne qui s’était rendu dans le cours de la journée, avait déjà à son bord grand nombre de personnes échappées au danger pendant la tempête.

A 2 heures, ce matin, l’Etoile se rendait, sous le commandement de l’actif capitaine Mathiot, au Chenal du Moine pour porter, s’il était encore possible, secours aux malheureux inondés de cette partie-là. Le Terrebonne revenait ce matin à 10 heures, le pavillon de détresse à son mât de derrière, et ayant avec lui ce qu’il restait des survivants des Iles de Grace et aux Ours, c’est-à-dire une quarantaine.

Les nouvelles étaient des plus alarmantes: toutes les maisons ou à peu près, avaient été enlevées; 20 ou 25 personnes en partie femmes et enfants avaient trouvé la mort au milieu des flots. Les granges contenant les animaux, moissons, etc., des cultivateurs étaient entièrement disparues. Quelques minutes plus tard, L’Etoile nous ramenait 150 et plus, des pauvres inondés du Chenal du Moine! Rien de plus navrant! ils se trouvent tous dans la plus grande détresse; à peine de quoi se vêtir! La plupart nu tête et nu pieds!

La ville se trouve dans la plus grande excitation! le clergé, les membres de la corporation, S. H. le juge Loranger, M. Sincennes et les premiers citoyens de la ville sont occupés activement à donner asile à ces pauvres gens! Dans ce moment, la plupart sont logés à l’Hôtel-de-Ville, plusieurs reçoivent l’hospitalité dans les maisons privées.

Les abords du quai de la compagnie du Richelieu ont été encombrés depuis ce matin.

Une liste des personnes décédées lors de l’inondation est publiée dans la Gazette de Sorel du 22 avril 1865

Le nombre des victimes de l’inondation actuellement ici est d’à-peu-près 250 à 300.

Un enfant seulement a été remporté mort; aucun autre n’a encore été retrouvé!

On nous raconte les plus beaux traits sur le courage des personnes qui ont employé toutes leurs ressources au sauvetage de ces malheureux.

DERNIERES NOUVELLES

2 heures P. M.
Une assemblée des citoyens convoqué par Son Honneur le Mair R. H. Kittson, Ecr, a eu lieu cette avant-midi au Palais de Justine; chacun a fait preuve d’une grande libéralité; dans l’espace de quelques minutes la souscription pour venir en aide à ces malheureuses victimes s’élevait à $1,620!

[…]

Dans le chenal du Moine il n’y a pas de pertes de vies à déplorer; le nombre des bâtisses enlevées était tant en maisons que grange s’élève à 60 ou 70; sur ce nombre 24 maisons. Un seul cultivateur du nom de Eno Millet a perdu 13 bâtiments. Il est impossible de dire au juste le nombre de bestiaux perdus, mais il est immense. Dans l’Ile de Grâce, le nombre des victimes, dit-on, est de 19 ou 20. Un nommé Paul Péloquin, cultivateur de l’Ile de Grâce, a perdu 4 de ses enfants et lui-même n’a dû son salut qu’à l’activité de ses sauveurs. Un nommé Etier de l’Ile de Grâce à vu périr sous ses yeux sa femme, sa belle-soeur et deux de ses enfants. Un autre, Joseph Lavallée de l’Ile de Grâce, s’était cramponné aux branches d’un arbre avec sa femme et 4 ou 5 de ses enfants, il y resté pendant 16 heures, ballotté en tout sens par la vague, il a vu périr un de ses enfants, mourir sa femme à ses côtés, et cependant il a conservé assez de force pour résister avec le reste de sa famille jusqu’à ce qu’on put venir à son secours.

[..]
BERTHIER- Les nouvelles qui nous viennent du  »Petit Nord » sont alarmantes, les bâtisses y ont été partout presqu’entièrement enlevées.

On nous dit qu’à l’Ile de Pads (Ile Dupas?) 17 personnes ont perdu la vie.

6 1/2 du soir

Le Terrebonne arrive d’une seconde expédition aux Iles; son pavillon de détresse flotte encore! Il remporte avec lui deux cadavres; celui de la femme de Joseph Lavalléee dont il est parlé plus haut et celui d’un petit enfant, aussi un grand nombre de bestiaux.

Que Dieu nous donne du courage et nous protège au milieu de tous ces désastres.

Pendant que le Cygne pouvait à peine se maintenir sur son ancre, le capitaine Labelle avec deux hommes, se jetaient résolument dans un canot et se dirigeaient à force de rame là où ils entendaient les cris des malheureux qui se noyaient.

Mais leur frêle embarcation résistait difficilement à la tempête; la lame emplissait le canot; ils atteignirent quelques arbres à l’abri desquels ils se mirent. Là se trouvait une jeune fille qui se soutenait d’une main aux branches d’un arbre et se maintenait au-dessus de la vague au moyen d’une cuvette avec laquelle elle avait pu atteindre cet endroit. Voyant arriver le canot, elle s’y précipita, mais ce nouveau poids faillit faire chavirer l’embarcation presque aux trois quarts remplie d’eau. La jeune fille saisit résolument la cuvette et pendant que les hommes retenaient le canot près des arbres, elle réussit à le vider.

Félicitations adressées au capt. Lavallée. La Gazette de Sorel, 6 mai 1865.

Un peu plus loin, une autre fille ayant deux jeunes enfants dans les bras, se maintenait, elle aussi, au milieu d’un arbre qui craquait sous les coups répétés d’un vent violent. Après trois heures de ces terribles angoisses, ces braves gens réussirent à rejoindre le Cygne. A part le capitaine Laforce qui risqua alors son bâtiment, pour porter secours aux naufragés et de ce que nous venons de raconter du capitaine Labelle, on nous dit que M. J. B. Lavallée, de Sorel, qui se trouvait à bord, déploya pendant tout ce temps un courage à toute épreuve et une grande présence d’esprit; sans le concours et l’expérience de cet homme courageux, il est probable que nous aurions à enregistrer la perte du Cygne et conséquemment à déplorer celle de plusieurs existences.

Les passagers des autres vapeurs recueillirent durant cette même nuit et toute la journée hier de nombreux naufragés, hommes, femmes et enfants qu’ils amenèrent à Sorel à demi morts d’angoisse et de misère.

Un nommé Lavallée dit Bloche avait vu sa maison s’écrouler sous les coups de la vague et il s’était jeté avec sa femme et 5 enfants ans un canot. Quelques minutes après, le canot se brisa sur les arbres. La pauvre mère saisit les branches d’un arbre et son mari parvint avec ses 5 enfants à un autre. Il se maintint là, un enfant sous chaque bras et les 3 autre auprès de lui pendant 16 heures. La femme épuisée de fatigues se noya sous ses yeux et un de ses enfants expira dans ses bras! Lorsqu’on les recueillit, les enfants étaient engourdis par le froid, mais dès que le père fut dans le canot, il saisit un aviron et il aida courageusement à gagner le vapeur à force de rames. Le corps de la pauvre dame a été repêché hier.

Voulez-vous encore quelque chose de plus saisissant? Lisez. Une pauvre femme était dans son lit à la veille d’accoucher. Le mari voyant que la tempête menaçait d’emporter la maison, demande à sa femme d’avoir le courage de se leve et de se rendre jusqu’au canot. Elle lui répondit:  »sauve-toi avec les enfants si tu peux; quant à moi, je comprends que c’est impossible; nous nous reverrons dans l’autre monde! » Et pendant qu’elle disait cela, la maison croula et tous furent précipités dans les flots! Ca n’est pas du roman que nous faisons; c’est la vérité toute nue que nous racontons. Ces choses se sont passées hier!…Mais c’est assez!

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Peinture: James Peachey et le Bas-Canada en 1784-1785

Biographie

On sait peu de chose sur James Peachey avant sa venue en Amérique. Il est probablement né en Angleterre, mais en quelle année? Par contre, on sait qu’il faisait partie de l’armée britannique. C’est ce qui l’a amené au Bas-Canada où il a fait trois séjours entre 1773 et 1779 approximativement.

D’abord, entre 1773 et 1775, il est chargé à Québec de dessiner des levés pour Samuel Holland, ingénieur-topographe en chef des terres du Québec et du nord de l’Amérique du nord.

Son deuxième séjour à Québec débute en 1780. Encore une fois, il travaille auprès de Samuel Holland, mais cette fois en qualité de topographe-adjoint. A la fin des années 1780, il expose et publie certaines de ses oeuvres.

James Peachy revient en Amérique vers 1788. Il est alors enseigne au premier bataillon du 60e régiment d’infanterie. En 1790, on le retrouve à Montréal. Il continue d’être le topographe-adjoint de Samuel Holland. En 1793, il est transféré à Québec puis en 1794, à Halifax. Il aurait quitté définitivement le Canada en 1797 (Didier Prioul, p. 177)

Il est décédé le 24 novembre 1797 à La Martinique.

Oeuvres

Les oeuvres connues de James Peachey ont été réalisées entre 1774 et 1797. Il s’agit surtout de paysages qui

comptent parmi les premiers paysages exécutés au Canada. (réf )

Pourquoi cette prédilection pour les paysages? James Peachy était un militaire. Or,

Le dessin topographique faisait alors partie des études militaires et l’on enseignait aux cadets officiers à exécuter rapidement des croquis exacts de terrains et de bâtiments dont l’armée avait grand besoin avant l’avènement de la photographie ».  p. 244 Gilles Deschênes, p.244.

Didier Prioul, en commentant le tableau Vue de Montréal ( 1784)- tableau no11 dans la gallerie qui suit- écrit:

Un tel résultat affirme bien le topographe professionnel, bien au fait des conventions picturales. La vue à vol d’oiseau a intégré depuis longtemps la topographie militaire comme l’un des schémas de composition fondamentaux pour tracer le  »portrait » d’un lieu précis dans un rapport d’échelle avec son environnement. Tout un jeu de formulation vient ensuite se greffer sur ce premier substrat structure des voies de communications, nature, répartition et densité de l’habitat, reconnaissance des points névralgiques, etc . Ainsi, il ne faut pas accorder trop d’importance au premier plan. Didier Prioul, p. 178

Pour terminer, voyons maintenant comment James Peachey a immortalisé Sorel, Rivière-du-Loup, Québec, Montréal et bien d’autres villes sises sur les bords du fleuve Saint-Laurent. Les images qui suivent proviennent du site de Bibliothèque et Archives du Canada.

Bibliographie

James Marsch, l’Encyclopédien canadienne [en ligne] Peachey, James [Page consultée le 19 juin 2010] Adresse URL

Bibliothèque et Archives Canada [en ligne] James Peachey [Page consultée le 19 juin 2010] Adresse URL

Didier Prioul, article  »James Peachey » dans. Mario Béland, dir. La Peinture au Québec 1820-1850. Québec, Musée du Québec – Les Publications du Québec, 1991, 608 pages.

Gilles Deschênes. Quand le vent faisait tourner les moulins, Sillery, Septentrion, 2009, 314 pages.

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