Un enfant abandonné [Biddeford, Maine, 1928]

La Justice de Biddeford, 6 janvier 1928

« CET ENFANT ABANDONNÉ

La police de Lewiston a retrouvé la mère de l’enfant qui fut abandonné à l’hôpital Ste-Marie au moins d’août dernier.
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Nos lecteurs se rappelleront sans doute de la mystérieure affaire de Lewiston dont La justice a parlé au mois d’août dernier concernant un enfant qui fut abandonné par sa mère à l’hôpital Ste-Marié.

Voici le rapport que publie le journal français de Lewiston « Le Messager » consernant [sic] cette mystérieuse affaire:

La mystérieure affaire créé [sic] par l’abandon d’un enfant nouveau-né à l’hôpital Ste Marie, au mois d’août, vient d’être éclairci [sic] par la police locale.

La mère a été retrouvée à Lewiston même et avoua sa culpabilité après avoir été identifiée par les infirmières qui prirent soin d’elle durant son séjour à l’hôpital.

Détail curieux, il s’agit d’une fille de Lewiston qui, sans laisser la ville, a pu dépister la police pendant plus de quatre mois.

La malheureuse, qui est Franco-américaine, n’a pas été poursuivie devant les tribunaux parce que la loi du Maine ne pourvoit pas contre une offense du genre. La loi dit qu’il est criminel d’abandonner un enfant et l’exposant à la misère ou à des souffrances, mais dans le cas local le bébé fut laissé sous bons soins.

A la suite d’une entente avec la mère, l’enfant a été placé sous le contrôle de l’Etat et confiée à une bonne famille de Lewiston.

La police ne désire pas dévoiler le nom de la mère, afin d’éviter un scandale inutile et l’affaire est maintenant considérée comme classée.

Nos lecteurs se rappeleront sans doute les détails de cet abandon. Au commencement du mois d’août, une jeune femme se présentait à l’hôpital Ste-Marie et y était reçue sur la recommandation d’un médecin de Lewiston. Elle était enceinte et sur le point d’accoucher. Elle prétendit que son mari était en voyage dans le nord du Maine et mit une petite fille au monde quelques jours plus tard. Au bout d’une dizaine de jours, elle laissait l’institution sous prétexte d’avoir à retirer de l’argent de la banque, et ne reparut plus.

La police, sous la direction du capitaine Picard, fit une longue enquête dans cette affaire. On crut d’abord qu’il s’agissait d’une femme du dehors, mais comme toutes les pistes suivies donnaient un résultat négatif, on fit des recherches à Lewiston. Une jeune femme, depuis longtemps suspecte, fut finalement appréhendée, ces jours derniers et confrontée avec quelques gardes-malades de l’hôpital Ste-Marie. Se voyant reconnue et ne pouvant expliquer son absence de sa famille durant une certaine période correspondant avec la présence de l’inconnue à Ste-Marie, elle s’avoua coupable ».

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Vieilles filles modernes [1928]

La Gazette du Nord, 28 décembre 1928

VIEILLES FILLES MODERNES

Autrefois, la femme qui ne se mariait pas était un type essentiellement incompris.

Le sexe masculin saluait d’un sourire ironique la qualification de vieille fille qu’on lui donnait très prématurément d’ailleurs, sans songer, le cruel inconscient, qu’il en était la cause, car s’il y a des hommes qui restent célibataires par égoïsme, les femmes ne le sont guère que par le fait des hommes.

Donc on raillait les vieilles filles, à ce point que, pour échapper au sentiment douloureux que cela développait dans leur amour-propre et dans leur coeur, beaucoup d’entre elles prenaient le voile.

Aujourd’uhi [sic], le fâcheux préjugé qui s’attachait à ce mot tend à disparaître.

Demain, il aura cessé d’exister, dès que la femme mariée aura su conquérir dans l’activité du monde moderne l’indépendance qui donne l’aisance d’esprit et la grâce physique que l’on se plaît à rencontrer dans la femme mariée.

L’Indépendance! Voilà bien ce qui manquait à la vieille fille d’autrefois. Indépendance! Mais hier encore, elle ne pouvait pas le devenir, la pauvrette, sans braver ce terrible personnage qu’on appelle le qu’en dira-t-on.

Tout se liguait contre elle, tout jusqu’à cette contume insensée d’appeler les vieilles filles les personnes qui ont atteint vingt-cinq ans sans être mariées. Elles sont cependant aussi jeunes que les femmes mariées dénommées jeunes femmes jusqu’à quarante ou quarante-cinq ans, si bien que la femme qui n’est pas mariée mais qui pourtant n’est pas vieille dans l’acceptation du mot, continue d’habiter chez ses parents et d’y rester tout naturellement en tutelle.

Aujourd’hui, on en est revenu de ces préjugés. La société moderne se transforme et se constitue sur de nouvelles bases. Le travail féminin n’y est plus considéré comme une déchéance, au contraire. Il réclame la jeune fille: toutes les carrières lui sont ouvertes et il y en a pour tous les goûts, pour toutes les aptitudes, même pour les situation de fortune et de respect humain; dévouement, art, industrie, commerce, travaux manuels. Sauf les écoles militaires, toutes celles du Gouvernement lui sont accessibles. Donnez donc un appât à l’intelligence de vos filles, mes chères lectrices, que dans cette activité moderne, elles choisissent un but, et que l’attente d’un mariage, toujours problématique, ne soit plus l’unique espoir de leur jeune existence. Alors il n’y aura plus de vieilles filles. Grâce au divin travail, elles connaîtront avant de la devenir l’initiative, l’effort, le succès, enfin tout ce qui constitue la joie de vivre et cette grâce charmante dont nous parlions tout à l’heure.

C’est encore à vous, mes chères lectrices, mères intelligentes et toujours avisées, de leur préparer cet avenir. Le présent est une époque de transition, mais la tâche est belle pour celles d’entre vous dont les filles sont assez jeunes encore pour être sauvées de la triste destinée du célibat d’attente.

Que si par aventure le mari désiré, mais non plus uniquement attendu, se présente un beau jour, il sera le bienvenu. S’il ne vient pas, un travail actif et intéressant consolera, non plus la vieille fille, chagrine ou hargneuse, mais la femme indépendante, libre et fière de la dignité de son rôle dans la société.

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Cette classe d’individus inutiles [1905]

La Patrie, 24 juin 1905

Extrait de la page Royaume des femmes

Il s’agit d’une charge en règle de Joséphine Marchand, madame Raoul Dandurand contre ces messieurs célibataires et ceux qui se marient tard.

Le célibat

On devrait peut-être excuser l’erreur des célibataires, considérant que selon le mot de St-François de Salles, ils font à coup sûr des heureuses, celles qu’ils n’épousent pas… et cependant, le mal que ces oisifs du coeur se font à eux-mêmes et à la société est trop considérable pour qu’on les absolve de s’éloigner systématiquement de la ligne droite, c’est-à-dire du saint-état.

Madame R. Dandurand, auteure de ce texte extrait de la Patrie, 24 juin 1905.

Le mariage ne s’appelle ainsi que pour insinuer, de par la logique des antithèses que le célibat est le contraire. Cette dénomination est un blâme implicite pour ceux quui ont adopté la voie détournée.

Puisqu’on a inventé la loi des cent âcres, il est évident que notre jeune pays n’a pas encore les moyens de tolérer dans son sein, une classe d’individus inutiles – économiquement parlant.

Si nos législateurs sont conséquents, ils se souviendront pour y conformer leurs édits à venir que l’Evangile voue aux flammes certains arbres ne servant qu’à l’ornement.

Nous n’allons pas jusqu’à demander l’extermination en bloc d’un groupe intéressant et perfectible. Pour citer de nouveau la Bible, nous ne voulons pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse.

On pourrait à tout le moins, pour accélérer cette conversion, lui rendre en attendant la vie dure en le grevant par exemple, d’une taxe onéreuse conformément à l’avis de Platon célibataire lui-même, mais timoré ou en l’excluant de toute charge public comme cela se pratiquait dans les âges reculés en temps des civilisations idéales.

Commençons cependant par user de raisonnement.

La grande raison des révoltés de la loi naturelle, va plutôt leur prétexte pour s’affranchir des liens du mariage, c’est leur liberté.

Ils la chérissent de toute la force de leur égoïsme, lui sacrifient gaiement leur avenir et ne s’avisent pas qu’ils adorent une chimère, qu’ils embrassent une mythe.

Quelques-uns mettent une sorte d’honnêteté à ne se vouloir pas lier parce qu’ils se méfient de leurs constance et que la tranquille stabilité de l’état conjugal effarouche leurs vieux papillon de coeur; ils le voient pas avance, s’ébattant éperduement dans un espace circonscrit dans un ciel tout bleu, trop pur, trop serein… Le vertige leur en prend!

L’idée de rentrer toujours à la même heure dans la même maison, de trouver invariablement l’invariable compagne que leur imaginaire énervée leur représente coiffée en bandeau; la perspective du baiser sur son chaste front, de l’éternelle tête-à-tête, des dîners paisibles, des promenades oisives, mesurées, sur un petit pas calme sans autre but que de la rentrée chez soi avec cette personne convenable accrochée au bras, tout, jusqu’à cet air, de mari domestique, fait au joug, l’impossibilité même de secouer ce joug, ni de l’essayer seulement sans provoquer les fameuses scènes, épouvantail vaguement entrevue dans la vie des amis mariés – tout cela avec la pensée survenant en dernier lieu comme pour combler la mesure des enfants braillards qu’il faut bercer, promener, traîner en voyage, les affole littéralement et leur fait rejeter bien loin toute valléité de réforme.

Combien plus douce leur semble la tyrannique de leurs chères habitudes.

Sans appuyer sur leur électisme en fait de relations, au sujet desquelles d’ailleurs, quelque sévère que l’on puisse être, on ne dira jamais tout le mal qu’ils en pensent eux-même, je voudrais bien savoir ce qu’ils trouvent de particulièrement exquis dans ce brouhaha d’une existence indisciplinée.

N’avoir aucun but, aucun intérêt supérieur, ne rien ambitionner que d’user violemment de la vie au lieu d’en user utilemment; fumer, boire à satiété, courir à tous les plaisirs avec une ardeur que rien ne lasse, gaspiller son coeur et ses facultés en mille occasions indignes; arriver à la quarantaine, pourbu, enfin désenchanté, aspirant au calme, jalousant ces benêts de maris qu’on aime et qu’on choie; endurer solitairement sa goutte avec toute les autres peines afflictives, suite d’une vie sans règle; traîner peut-être quelques années sa carcasse hémiplegne et finir dans la compagnie d’une ménagère hargneuse les tristes restes d’une existence vide…

Quel sort digne d’envie!

Pour avoir choisi la voie fleurie des plaisirs faciles, pour s’être écartés de celle des devoirs sérieux et des responsabilités, les vieux garçons n’échappent pas à l’inflexible loi des compensations. Car il est constaté que le bonheur est le prix des efforts énergiques de la volonté. Les succès et la paix absolue sont aux laborieux. Il est avéré qu’en ce monde seule la semence du sacrifice donne la récolte des meilleures récompenses et des joies les plus pures.

Cette vérité est manifestement démontrée par la vie paisible qui couronne les rudes combats des chefs de famille pour conquérir péniblement et pièce à pièce les éléments de ce bonheur stable.

Quelquefois, en vertu de je ne sais quel miséricordieux retour, les trainards du conjungo profitant d’un dernier rayon de jeunesse et reconnaissant tardivement leur erreur au moment de franchir la barrière de l’irrémédiable, se hâteront en un effort suprême de joindre l’armée régulière.

Il ne manque pas de blanches et de pures épousées, pour mettre avec une tendre émotion et une absolue confiance leur petite main tremblante dans leur patte velue.

Sons-ils dignes d’une telle faveur et surtout de cette divine joie des pères d’avoir suspendu au cour, accroché aux bras ou à cheval sur leurs pieds, de frais chérubins dont la chair sent la crème et les roses?

Ont-ils mérité d’avoir pour les chérir et les respecter fanatiquement, ces belles filles qu’on leur envie et qui peuplent de rayons la misère et leurs derniers jours?

Qu’ils répondent. Dans la note attendrie, dans le pieux ravissement de leur reconnaissance je crois avoir un indice certains de leur profonde et légitime humilité.

Ne semble-t-il pas qu’ils serait juste que cette espèce d’époux fut réservée exclusivement aux femmes ayant déjà été mariées? De cette façon personne ne serait dupé. Cette précaution est au surplus toute indiquée par le mot de St-Jérôme aux veuves trop consolables. –  »Prenez un mari plutôt que le diable ».

Mais l’exemple des camarades convertis a-t-il au moins pour effet d’amener les autres à résipucences?

Trop souvent, le courage des résolutions fortes leur manque comme à tous ceux que l’habitude de l’âpre devoir n’a pas aguerris.

Qui nous délivrera donc de ce fléau de familles, de ce brandon de discorde pour les ménages unis, de ce serpent tentateur des maris bien intentionnés.

C’est l’affaire des législateurs de supprimer les dangers publics. Au cas où ils useraient envers celui-ci de la pire sévérité, je crois que personne ne s’élèvera pour les en blâmer, si ce n’est, peut être, une infime minorité de gens, pour lesquels les célibataires sont des oncles à héritages.

Périssent alors les collatéreaux [sic] su bénéfice du plus grand nombre!

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Ressource: Les bases de données en ligne de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ)