Mgr. Faucher et la moralité des lectures [1929]

L’Action catholique, 29 octobre 1929

MGR A. FAUCHER ET LA MORALITE DES LECTURES

Le Cercle paroissial de N.-D. de Jacques-Cartier a inauguré brillamment hier soir la série de ses conférences musico-littéraires.

Nos lecteurs connaissent le programme musical que nous avons transcrit hier et dont l’exécution fut intéressante.

C’est Monseigneur Adjutor Faucher, curé de l’endroit, qui avait accepté de faire la causerie d’ouverture. Il avait choisi un sujet de grande et de terrible actualité:  »La moralité des lectures ».

Tous, déclare substantiellement le conférencier, tous, nous avons le devoir de bien employer notre temps, de chercher la vérité et de mettre dans nos intelligences plus de lumière. Or, la lecture est le moyen ordinaire de science et d’information.

Mais, comment faire un choix convenable? Des bibliothèques, comme celle de nos bonnes paroisses par exemple, ont accompli un triage judicieux et éclairé pour ceux à qui manque ou le temps ou l’instruction.

Malheureusement, on lit à la vapeur et l’on pratique un éclectisme douteux. L’on prend parfois ce qui tombe sous la main, c’est-à-dire n’importe quoi.

Aujourd’hui, vous trouvez des livres et brochures à la devanture de magasins divers qui écoulent à la foi productions littéraires, chocolats, dragées de toutes sortes. (Paul Bourget voisine avec les boîtes de cigares…!)

Grâce aussi à des libraires trop complaisants, des livres mauvais circulent librement de mains en mains.

Les livres de France sont souvent passionnels. On se demande si nos cousins là-bas n’ont pas juré notre corruption, parfois.

La diffusion de la mauvaise lecture a déterminé, dans plusieurs cas et pour une part prépondérante, la déchéance de la femme.

Il est, par contre, tant de bons ouvrages, bien inspirés, bien écrits, bien intéressants, la Bibliothèque de Jacques-Cartier en surabonde!

Billets reliés

La lecture des mauvais livres [1880]

Pour l’amour des livres (photographies anciennes)

Mise à l’index du roman Les demi-civilisés de Jean-Charles Harvey [25 juillet 1934]

Fondation de l’Institut canadien [Montréal, 1844]

Mise à l’index du roman Les demi-civilisés de Jean-Charles Harvey [25 juillet 1934]

Radio. C.K.A.C. Jamais D'La Vie. Ernest Pallascio- Morin, Jean Charles Harvey. De gauche à droite : Messieurs Ernest Pallascio-Morin, auteur dramatique et Jean-Charles Harvey, directeur de l'hebdomadaire "Le Jour" en ondes dans les studios de la station radiophonique C.K.A.C., située au 980, rue Sainte-Catherine Ouest à Montréal. Par Conrad Poirier, 1939, BANQ.Cote : P48,S1,P22988

Radio. C.K.A.C. Jamais D’La Vie. Ernest Pallascio- Morin, Jean Charles Harvey. De gauche à droite : Messieurs Ernest Pallascio-Morin, auteur dramatique et Jean-Charles Harvey, directeur de l’hebdomadaire « Le Jour » en ondes dans les studios de la station radiophonique C.K.A.C., située au 980, rue Sainte-Catherine Ouest à Montréal. Par Conrad Poirier, 1939, BANQ.Cote :
P48,S1,P22988

La censure frappe!

Extrait de l’Action catholique, 26 juillet 1934

CONDAMNATION DU ROMAN DE M. HARVEY, INTITULE  »LES DEMI-CIVILISES »

La Semaine Religieuse de cette semaine publie la déclaration suivante de son éminence le Cardinal J.-M.R. Villeneuve, O.M.I., archêveque de Québec.

DECLARATION
CONDAMNATION DU ROMAN  »LES DEMI-CIVILISES »

Le roman  »Les demi-civilisés » de Jean-Charles Harvey tombe sous le canon 1399, 3′ du Code de Droit canonique. Conséquemment, ce livre est prohibé par le droit commun de l’Église. Nous le déclarons tel et le condamnons aussi de Notre propre autorité archiépiscopale. Il est donc défendu, sous peine de faute grave, de le publier, de le lire, de le garder, de le vendre, de le traduire ou de le communiquer aux autres.

(Can. 1398, 1)

Québec, le 25 avril 1934

J.-M. Rodrigue Card. VILLENEUVE, O. M. I.
Archevêque de Québec

Le lendemain…

Extrait de l’Action catholique, 27 juillet 1934

UNE DECLARATION DE M. JEAN-CHARLES HARVEY

M. Jean-Charles Harvey, nous adresse pour publication, la déclaration suivante, que nous nous empressons de communiquer au public.

 »Après la déclaration de son Eminence le cardinal Villeneuve publiée hier, je consens à retirer du marché mon dernier roman  »Les demi-civilisés », et je prie les librairies et l’éditeur de vouloir bien en tenir compte ».

Jean-Charles HARVEY
***

Par ce geste, notre confrère cause un véritable plaisir à tous ceux qui l’estiment véritablement.

M. Harvey accomplit sans doute un devoir, mais un de ces devoirs dont l’accomplissement honore dans la mesure où il coûte.

Et cet acte marquera l’une des étapes les plus fructueuses de la carrière de l’auteur, si le devoir est accompli avec courage jusqu’au bout.

Billets reliés

Décès de l’historien F.-X. Garneau [nuit du 2 au 3 février 1866]

Fondation de l’Institut canadien [Montréal, 1844]

La lecture des mauvais livres [1880]

Laurentiana: le patrimoine littéraire du Québec

En 1913-1914, que voulait-on que les jeunes Canadiens-français lisent?

Pour l’amour des livres (photographies anciennes)

Protégeons la morale! [Montréal, août 1906]

Dans la Patrie du 9 août 1906, on lit l’histoire d’un homme pris la main dans le sac.

PROTECTION DE LA MORALE

UN JEUNE HOMME ENVOYE EN PRISON POUR AVOIR VENDU DES PHOTOGRAPHIES INDÉCENTES

Le juge Choquet a condamné cet avant-midi, Oscar Boyer, barbier de la rue St Jacques, à trois mois de prison pour avoir eu en sa possession et vendu des photographies indécentes.

L’accusé à prétendu que ces images avaient été laissées chez lui par un tiers, et que le jour où il était censé les avoir vendues, il était à Dorval. Le tribunal a trouvé très ingénieuse l’histoire inventée par le prisonnier, mais comme elle est tout à fait contraire au rapport des deux officiers chargés de police chargés de faire le rapport, et corroboré par un troisième agent de police, il en est venu à la conclusion que Royer était coupable.

Billets reliés

Conduite sacrilège [Québec, 30 octobre 1885]

Sarah Bernhardt suscite la colère du clergé [Québec, 4 et 5 décembre 1905]

Un enfant abandonné [Québec, 27 février 1864]

Hier matin, une femme de mauvaise vie… [Québec, 25 février 1864]

L’incendie du Laurier Palace (Montréal, 9 janvier 1927)

Le 9 janvier 1927 à Montréal, en milieu d’après-midi, des spectateurs, dont une centaine d’enfants, se trouvent au cinéma Laurier Palace, rue Saint-Catherine-Est. Un incendie -mineur- se déclenche à cause d’une allumette ou d’une cigarette. C’est la panique. Les  spectateurs cherchent à sortir de la salle, mais certains enfants sont bousculés, tombent, n’arrivent pas à s’enfuir.

78 enfants décèdent.

La une du journal La Patrie, le 10 janvier 1927.

Il y eu plusieurs arrestations: le propriétaire du cinéma Ameen Lawand, l’assistant-gérant Michel Arie, le chef des placiers Camille Bazzy et le receveur des billets Alex Bazzy.

A la suite de cette tragédie, plusieurs cinémas furent fermés temporairement, d’autres définitivement. Une commission royale d’enquête, présidée par le juge Louis Boyer, fut instituée. Et le clergé eut son mot à dire.

Cet incendie suscitera aussi de nouvelles pressions de la part du clergé qui demandera que l’on règlemente plus sévèrement l’accès aux cinémas pour les enfants et les adolescents. (réf)

Le cinéma, c’était malsain.

L’incendie du Laurier Palace, outre le décès de plusieurs enfants, eu pour conséquence l’adoption par le gouvernement Taschereau en 1928 d’une loi.

Cette loi imposait que les salles possèdent des portes paniques qu’on puisse ouvrir en tout temps de l’intérieur, elle redéfinit les dimensions des zones de circulation et elle interdit l’accès des salles de cinéma aux jeunes de moins de 16 ans, qu’ils soient ou non accompagnés. Cette dernière mesure demeura en vigueur durant quarante années. (réf)

Pour en savoir plus

Sur le site de J’ai la mémoire qui tourne, l’émission de Historia TV, on peut voir des images tournées sur les lieux après la tragédie ainsi qu’aux funérailles des victimes.

Quelques manchettes des journaux montréalais

  • La Patrie, 10 janvier 1927. [Le journal a rassemblée les photographies de quelques-unes des victimes et des blessés], le 11 janvier, on retrouve des articles sur les funérailles, le  12 janvier on rapporte les propos tenus à l’enquête du commissaire des incendies et on parle des autres funérailles.
  • L’Action catholique, 10 janvier 1927.
  • Le Canada, 10 janvier 1927.
  • The Montreal Witness, 12 janvier 1927.

Bibliographie

Bilan du Siècle (en ligne) Incendie du théâtre Laurier Palace à Montréal (page consultée le 13 mars 2011) Adresse

GRAFICS de l’Université de Montréal (en ligne) Le Laurier Palace (page consultée le 13 mars 2011) Adresse

Billets reliés

Anastasie ou la censure du cinéma au Québec

J’ai la mémoire qui tourne (site web de l’émission à Historia)

Le cinéma au Québec au temps du muet (1896-1930)

Sarah Bernhardt suscite la colère du clergé [Québec, 4 et 5 décembre 1905]

L’incendie de l’hospice Saint-Charles [Québec, 14 décembre 1927]

Sarah Bernhardt suscite la colère du clergé [Québec, 4 et 5 décembre 1905]

Mme Sarah Bernhardt dans « Une nuit de Noël sous la terreur » à Londres, Mr Lou Tellegen dans le comte de Kersaint, Agence Rol. 1912.  Source: Gallica

par Vicky Lapointe

Le 4 et le 5 décembre 1905 à l’Auditorium (aujourd’hui le Capitole) de Québec, la divine Sarah Bernhardt, grande actrice française, se produisait pour la première – et dernière- fois dans cette ville. Un événement mémorable.

Le clergé n’aimait pas le programme et la vedette à l’affiche. Allaient être joués La dame aux camélias (le 4 décembre), Angelo, tyran de Padoue et Adrienne Lecouvreur (le 5 décembre).

Mgr Paul Bruchesi, archevêque de Montréal, avait même demandé aux gens de ne pas assister au spectacle de Sarah Bernhardt.

«…Nous supplions donc nos pieuses familles, si attachées encore au devoir et à la vertu, d’être sur leurs gardes, de s’abstenir de ce qu’elles sauront être pour elles une occasion de faute, et de préférer à tout l’honneur de leur foyer et le salut de l’âme de leurs enfants.» (réf.)

Heureusement, plusieurs ne l’ont pas écouté. Le correspondant du Quebec Mercury a,  quant à lui, a bien aimé la représentation du 4 décembre.

L’Auditorium, Québec : J.P. Garneau, éditeur, non-daté. Source: BANQ

Le 5 décembre, dame Bernhardt avait pensé à ses  »amis » du clergé. Une version remaniée d’Adrienne Lecouvreur fut présentée, une version contenant des éléments anti-cléricaux.

Il y eu parmi le public des éléments hostiles à Sarah Bernhardt, car à leurs yeux, elle insultait le catholicisme par son répertoire,  ses déclarations et sa personnalité.

La représentation du 5 décembre est la plus mouvementée, avec la présence d’un groupe de manifestants, partisans d’Henri Bourassa , qui veulent protester au nom du respect de la doctrine catholique. (réf)

Pour couronner le tout, Sarah Bernhardt fit quelques déclarations incendiaires sur les Canadiens-français et leur clergé:

Je ne comprends rien à votre population, dit-elle. Vous avez des Canadiens-anglais [sic), des Canadiens-irlandais [sic], des Canadiens-français [sic], des Canadiens-iroquois [sic]! mais voulez-vous me dire pourquoi vous vous appelez des Canadiens-français [sic]! Vous avez à peine une goutte de sang français dans les veines. […] Vous avez un beau pays, mais c’est tout. Depuis vingt-cinq ans l’agriculture peut-être a prospéré, mais le reste? Vous n’avez pas de peintres, vous n’avez pas de littérateurs, vous n’avez pas de sculpteurs, vous n’avez pas de poètes. Frechette peut-être, et un autre jeune. Mais sapristi, vous n’avez pas d’hommes, vous n’avez pas d’hommes! […] C’est à vous, les journalistes, et à la jeunesse étudiante, à préparer l’avenir et à former le goût et les mœurs d’un pays […] Vous avez progressé depuis vingt-cinq ans mais en arrière […] Vous êtes sous le joug du clergé […]Vous lui devez ce progrès en arrière qui vous fait ressembler à la Turquie.

(L’Événement, «Le Canada est un beau pays», 5 décembre 1905). (Source, Cap-aux-Diamants)

Jules Tardivel n’a pas aimé (voir p. 2 du journal La Vérité).

Photographie | Sarah Bernhardt, Paris, France, vers 1880 | MP-1978.78

Sarah Bernhardt, Paris, France, vers 1880

Plusieurs  »charmantes » personnes réunies à la gare ont assisté à son départ, le 6 décembre, lançant généreusement des injures, des morceaux de glace et des oeufs. On lui servit généreusement du  »A bas la juive! ».

Le premier ministre du Canada, Wilfrid Laurier et Henri Bourassa présentèrent leurs excuses à  la comédienne pour ces incidentts.

Le passage de Sarah Bernhardt eu pour conséquence une augmentation de la censure. Entre le 31 décembre 1905 et le 10 janvier 1906, Mgr Louis-Nazaire Bégin ordonna aux gens de ne pas aller voir les pièces de théâtre jouées à l’Auditorium. Aussi, un comité de censure fut institué à l’Auditorium pour éviter que des pièces inappropriées [comprendre, qui déplaisaient au clergé) ne soient jouées en ces lieux.

Bibliographie

Bilan du siècle [en ligne]Passage controversé de Sarah Bernhardt au Québec [Page consultée le 26 février 2011 Adresse

Christian Beaucage.  « La « divine » scandaleuse : Sarah Bernhardt au Québec. Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, n° 35, 1993, p. 38-41 Adresse

Quebec Mercury, 6  décembre 1905.

New York Times, 11 décembre 1905.

Billets reliés

Anastasie ou la censure du cinéma au Québec

Le cinéma au Québec au temps du muet (1896-1930)

Les fêtes du tricentenaire de Québec en images (1908)

Expositions virtuelles des archives de la ville de Québec

Anastasie ou la censure du cinéma au Québec

Yves Lever est un historien du cinéma réputé et il est aussi critique du cinéma. Son plus récent ouvrage, Anastasie ou la censure du cinéma au Québec, analyse la riche histoire de la censure cinématographique au Québec entre 1896 et 2007.
anastasieIl s’attarde à la censure telle qu’exercée par l’état et par l’Église catholique. L’état a instauré des lois pour contrôler qui allait au cinéma et qu’est-ce qui allait être présenté. Des censeurs étaient rémunérées pour évaluer les films et la publicité qui les entouraient. Jusqu’aux années 60, on n’hésitait pas à retrancher des scènes qui allaient à contre-courant des moeurs de l’époque. Ainsi, violence, adultère, divorce, suicide, érotisme, et ainsi de suite n’étaient peu ou pas tolérés par les censeurs.

Cette censure s’est établie et développée avec la bénédiction de l’Église, pour qui le cinéma était la matérialisation de bien des péchés. L’église a tenté d’orienter les fidèles à l’aide de publications, de sermons… et ça n’a pas toujours été un succès. Les gens ont continué d’aller au cinéma, jusqu’à ce que les clubs vidéos apparaissent mais ça, c’est une autre histoire…

Les Québécois ont dû attendre des années pour voir des chefs-d’oeuvre dans leur intégralité. Par exemple, les Enfants du Paradis, sortie en 1945, n’a été totalement approuvé qu’en 1967. Notons aussi que la majorité des films de Gérard Philipe, qui sont classés  »général » aujourd’hui ont subis les foudres de la censure lors de leur sortie au Québec… Ce ne sont que quelques exemples de films censurés. Vous allez vous régaler en lisant quels films étaient censurés et pourquoi. Notre seuil de tolérance a bien évolué depuis des années…

Pour en savoir plus:
Éditions Septentrion
Site internet d’Yves Lever
Extrait d’une série de Télé-Québec sur le cinéma québécois. Entrevue avec Yves Lever

Billets reliés:

Anastasie ou la censure du cinéma au Québec. Yves Lever, Septentrion, 2008, 328 pages.