Une visite de la prison de Québec en 1835

L’été 1835 à Québec a été une succession de vols et de cambriolages si on en croit les journaux de l’époque. Cela a eu pour conséquence d’augmenter le nombre de pensionnaires à la prison de Québec rue Saint-Stanislas (auj. Chaussée des Écossais). Le  Centre Morrin est établit de nos jours en ces murs.

La prison sur la rue Saint-Stanislas (Québec ) v. 1830 par James Pattison Cockburn. Source: Bibliothèque et Archives Canada

La prison sur la rue Saint-Stanislas (Québec ) v. 1830 par James Pattison Cockburn. Source: Bibliothèque et Archives Canada

Messieurs les jurés de la Cour du banc du Roi ont visité la prison pour évaluer la situation. Voici comment l’événement est rapporté dans le journal  Le Canadien du 2 octobre 1835, p. 2 et 3.

Terme criminel de sept. 1835

Cour du banc du Roi

District de Québec

[…]

Ils [les jurés] ont trouvé beaucoup de cas amenés devant eux, liés avec la fréquentation des femmes suspectes, mais c’est avec plaisir qu’ils annoncent que le mal n’a pas encore jeté de profondes racines dans le district, si ce n’est chez les vieux delinquans (sic).

Comme chose qui entrait dans leurs devoirs, les grands jurés ont visité la prison commune de ce district, le vingt-cinq présent, et ils prennent la liberté de soumettre les observations suivantes. Ils l’ont trouvée encombrée de prisonniers, mal divisée pour le classement des détenus: ce qui fait que des personnes de tout âge et de tout caractère seulement accusées, se trouvent confondues et mêlées avec des personnes convaincus de crimes et d’autres des plus mauvaises moeurs, et le seul remède que les grands jurés croient devoir suggérer à cet état de chose, est l’établissement d’un pénitentiaire.

En procédant à cette visite, ils ont remarqué avec surprise que la prison n’est aucunement calculée pour la détention sûre des prisonniers tant criminels qu’autres. Les murs étant construits avec de si mauvais matériaux, et dans certaines parties, si minces, qu’il est notoire que des détenus avec les morceaux les plus faibles, sont parvenus, à les percer d’outre en outre, pour effectuer leur fuite: quant aux plafonds, n’étant que lattés, ils offrent aux détenus un autre moyen facile de se sauver.

C’est avec plaisir que les Grands Jurés rapportent avoir trouvé cette prison ainsi que la maison de correction pour les femmes, dans le meilleur ordre de propreté possible, eu égard au nombre de détenus qui y sont, ce qui fait honneur aux gardiens d’icelles.

Les Grands Jurés croient devoir rendre publics les témoignages donnés par les détenus sur la conduite bienveillante et honnête tenue envers eux par le Sheriff et les gardiens des dites prison et maison de correction.

Et justement, il y en a qui tentent de s’évader… sans succès.

Il y eut avant-hier la nuit une tentative d’évasion de la prison de cette ville dans la section C.4. Les détenus avaient déjà poussé leur travail assez loin pour ouvrir dans la cheminée un trou assez grand pour permettre à un homme d’y passer. Mathieu * était même déjà monté dans la cheminée, lorsque le geolier entendant du bruit, se rendit à l’endroit d’où il provenait et décrit tout. » (Réf. Le Canadien, 21 octobre 1835, p.2.).Voir aussi le Quebec Mercury, 20 octobre 1835, p2.

* Selon le  Quebec Mercury, l’évadé se nomme Michel Mathieu,  impliqué dans l’affaire Severach. En fait, il s’agit  de Nicholas Mathieu, impliqué dans le meurtre du capitaine Sivrac (voir La bande à Chambers, première partie).

On se questionne: bâtir une nouvelle prison ou bien déporter le trop-plein de prisonniers? [Voir Le Canadien, 16 novembre 1835, p.2 ] A court terme, on va opter pour la déportation…

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Patrimoine: des prisons qui ont une deuxième vie (première partie)

Les prisons projettent souvent une image négative, mais elles font partie de notre patrimoine. Lorsque ces bâtiments cessent de servir de lieu d’emprisonnement, qu’en fait-on? Voici un billet (premier d’une série de deux) qui présente quelques exemples de reconversion de prisons.

    1. Centre Morrin, Québec

De 1712 à 1808, à l’endroit où s’élève le Centre Morrin, on retrouve la Redoute royale, où l’on garde des prisonniers de guerre. Ensuite, entre 1808 et 1813, on bâti une prison à cet endroit . Elle sera en fonction jusqu’en 1868. Parmi les prisonniers célèbres qui y ont séjourné, on retrouve Philippe Aubert de Gaspé auteur de Les anciens canadiens , le Docteur l’Indienne , un meurtrier en série ainsi que le journaliste Étienne Parent qui a pris part à la révolte des Patriotes. De 1862 à 1902, la prison devient lieu du savoir et fait place au Morrin College. Le nom du centre fait référence au docteur Joseph Morrin. Notez qu’au Morrin College  »les femmes furent diplômées dès 1885, soit 20 ans avant qu’elles puissent être admises à l’Université Laval » (Réf). En 1868, la bibliothèque de la Literary and Historical Society of Québec s’installe en ces lieux.
Le Centre Morrin est aujourd’hui un centre culturel géré par la Literary and Historical Society of Québec. Il accueille le festival celtique de Québec. Dès 2010, on pourra visiter les cellules de l’ancienne prison qui ont été restaurées. On peut visiter la bibliothèque qui contient de nombreux volumes anciens.

    1. La vieille prison de Trois-Rivières

La prison de Trois-Rivières est entrée en fonction en 1822. Elle ferme ses portes 164 ans plus tard, soit en 1986. (Réf). Ses plans sont l’oeuvre de l’architecte François Baillargé.

La vieille prison est maintenant un centre d’interprétation qui recrée la vie des prisonniers des années 1960-1970. On peut voir sur youtube des vidéos qui nous font visiter cet établissement.

Pour en savoir plus, consultez l’article La vieille prison de Trois-Rivières, par Benoît Gauthier, publié dans la revue Cap-aux-diamants, p.31-36, No 98, 2009.

    1. Musée national des Beaux-arts du Québec, pavillon Charles-Baillargé, Québec

Située sur les plaines d’Abraham, les plans de cette prison sont crées par Charles Baillargé. L’inauguration a  lieu en 1867. L’édifice a une fonction carcérale jusqu’en 1970. Ensuite, pendant quelques années, il sert d’auberge jeunesse. En 1991, le bâtiment est intégré au Musée national des Beaux-arts. Des visites guidées sont offertes.

Photographie | Monument à Wolfe et prison en construction, Québec, QC, vers 1875 | MP-0000.1676

Monument à Wolfe et prison en construction, Québec, QC, vers 1875

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