Des ossements retrouvés à l’Anse au Foulon [1924]

Le 2 décembre 1924, des ouvriers participant aux travaux d’agrandissement et d’amélioration du port de Québec découvrent des ossements. En tout, six squelettes seront déterrés ce jour-là. Le lendemain, on trouve d’autres ossements. S’agit-il de soldats de Wolfe? D’Amérindiens? D’employés d’un dénommé Roach?

Le journal l’Action catholique sollicite alors l’avis de Pierre-George Roy, archiviste de la Province de Québec.

L’Action catholique, 4 décembre 1924

DES OSSEMENTS DES VICTIMES DE L’ÉPIDÉMIE
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M P.-G. ROY, ARCHIVISTE DE LA PROVINCE RAPPELLE L’EPIDEMIE DE 1832 – DES RECHERCHES HISTORIQUES

La découverte d’ossements à l’Anse au Foulon, à la Pointe de Roach, découverte que nous rapportions hier, a fait énoncer bien des théories. Ces ossement sont-ils ceux des soldats de Wolfe? Sont-ce les restes des victimes du bandit Chambers dont la grotte devrait être située près de cet endroit? Ces squelettes sont-ils ceux des marins ou d’employés de M. Roach? Sont-ce les restes de quelques victimes du choléra asiatique de 1832?

M. Pierre-Georges Roy interrogé à ce sujet a émis l’idée que ces ossements doivent appartenir à des victimes du choléra asiatique apporté ici en 1832 par des marins et à cette époque on sait qu’un commerce considérable se faisait dans Champlain. il était mort 3,451 personnes au cours des quelques mois que sévit cette maladie et des cimetières improvisés avaient été établis à quelques endroits. On avait établi un hôpital temporaire à Prés-de-Ville, petit village à l’extrémité du Cap Blanc.

Le fait qu’on a trouvé au dessus de l’endroit où sont retirés les ossements une couche de chaux donne plus de force à la théorie émise par M. Roy.

Les docteurs O’Callaghan et Von Ifland furent chargés de la direction de l’hôpital de Près-de-Ville. Bien entendu, les morts furent nombreux là aussi. Pour les catholiques il y avait le  »cimetière des picotés » près de la rue Hamel. Il y avait aussi le cimetière de Sainte-Famille; il y avait surtout le cimetière St-Louis, à l’endroit où s’élève aujourd’hui le St. Brigid’s Home. Le cimetière St-Louis étant plus éloigné du centre de la ville, on craignait moins d’y faire l’inhumation des victimes de l’épidémie. Quant aux protestants, ils avaient aussi leurs cimetières mais il est presque certain que ceux qui moururent au Cap-Blanc furent enterrés sur les lieux mêmes, à une assez bonne distance naturellement de l’hôpital.

 »On ne se fait pas d’idée de ce que fut cette épidémie » dit M. P-Georges Roy. »Le choléra asiatique avait sévi en Europe durant toute l’année 1831. Dans l’hiver on prit des mesures pour l’éloigner du Canada et le 9 avril 1832 Mgr Panet ordonna des prières publiques à cet effet. Le 9 juin, la rumeur circula qu’un immigré avait succombé dans une pension de la rue Champlain. Le secrétaire du bureau de Santé, un nommé Young, publia un démenti formel à cette nouvelle. Cela n’empêcha pas que le soir de cette même journée il y avait six morts de choléra à Québec. Le 14 juin entre autres victimes, on signalait l’hon. J.-Thomas Taschereau, père du cardinal Taschereau et grand-père du premier ministre actuel. M. Taschereau était allé le matin aux funérailles d’un ami. La maladie le frappa et deux heures plus tard il était mort. Dans la seule journée du 15 juin, il y eut 143 décès par le typhus à Montréal. C’est cette même journée que fut ouvert l’hôpital temporaire de Près de Ville. L’épidémie ne s’arrêta qu’aux premiers jours de décembre, alors que le froid sévissait. Elle avait fait à Québec, en quelques mois, 3,451 victimes sur une population de 20,000 environ. Cette même année, jusqu’au 27 novembre, 52,000 émigrants étaient arrivés dans la vieille capitale. »

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Incident au port de Québec [Québec,15 juillet 1872]

Pierre-Georges Roy, la passion des archives du Québec (1870-1953)

Le destin de Charles Chambers

Charles Chambers et ses complices ont sévit dans la région de Québec (voir La bande à Chambers, partie 123 et 4.) Il a été condamné, ainsi que son complice Nicolas Mathieu, à la déportation à vie. Alors que l’on sait que Nicolas Mathieu a purgé sa peine en Australie, on ne savait pas trop ce qui était advenu de Chambers. Pendu à Liverpool, jeté par dessus-bord durant la traversée, mort à Botany Bay, plusieurs hypothèses ont été émises.

Qu’est-il arrivé à Charles Chambers?

Nous avons des indices ici:
UK, Prison Hulk Registers and Letter Books, 1802-1849

Le site est payant, mais les invités enregistrés peuvent voir que Chambers a été admis à bord du bateau-prison Justitia, à Woolwich,  le 19 juillet 1837. Les abonnés peuvent voir le document numérisé.

Je tiens à remercier madame Jeannine Ouellet qui m’a permis de voir le document en question.

On y retrouve plusieurs des passagers du Ceres: Nicolas Mathieu, Joseph Côté, Joseph Dolleur, John Nicholson, François Sanschagrin, Zéphyr Laneuville, James Shuter Jr (en réalité Suitor), etc. Il y est écrit que Chas Chambers a été condamné à Québec le 21 septembre 1836 pour cambriolage (burglary). Il est âgé de 26 ans

Note. Il a reçu sa sentence en mars 1837. Il a été emprisonné le 24 août 1836 selon le registre d’écrou de la prison de Québec.

Il a reçu une condamnation à vie.

Sa profession était charpentier (carpenter).

Colonne married or Single: W (Chambers était veuf)

Read or write: est inscrit un C.   Il est le seul qui se voit évalué par un c. Les autres ont des R, des B ou des N. N= deux qui sont analphabètes?

La section Gaoler’s Report est plutôt difficile à lire, car Ancestry a la fâcheuse manie de trop compresser ses images. Je déchiffre ceci:

good disposition connexion respectable orderly.

Commentaires positifs, donc.

Et la finale:

How disposed of

Died November 14 1837

Pour les autres, il est écrit VDL (Van Dieman’s Land) et NSW (New South Wales) ainsi qu’une date, probablement la date de départ.  Pour tous les prisonniers de 16 ans et moins, il y a la date du 21 juillet 1837, ainsi que ce qui ressemblent aux lettres « enrgt », probablement une abbréviation. Mon hypothèse est qu’il s’agit de leur date de transfert, peut-être vers la prison de Parkhurst ou d’enregistrement.

De quoi est-il décédé?  Le Québec Mercury du 27 mai 1837 dit de  Chambers qu’il a l’air  »dejected » (déprimé) alors qu’il s’apprête à embarquer sur le Cérès et  à être déporté. Certains ont émit l’hypothèse que Chambers avait simulé la maladie pour éviter ou retarder sa déportation.Peut-être était-il déjà malade en partant de Québec? Aussi on sait que les conditions de vie à bord des bateaux prisons étaient déplorables…

Le Lundi, le 18 avril 2011, dans le cadre du Tribunal de l’Histoire, on va justement se pencher sur le cas de Charles Chambers.

Entre 1831 et 1835, la « bande à Chambers » commet plusieurs vols et terrorise les citoyens de Québec. Condamné à la pendaison, le chef de la bande voit sa peine commuée en exil dans une colonie pénitentiaire. Embarqué à bord du Cérès, il n’est peut-être jamais arrivé à destination.

Et bien non, il ne s’est pas rendu en Australie.

Et je ne sais toujours pas où et quand il est né. On s’en reparle.

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Généalogie de l’énigmatique Charles Chambers première et deuxième partie

La bande à Chambers, partie 123 et 4.

Généalogie de l’énigmatique Charles Chambers (deuxième partie)

Suite du billet Généalogie de l’énigmatique Charles Chambers (première partie)

Dans son article La Bande de Chambers  paru en 1919 dans Les petites choses de notre histoire. Sixième série, 1919, Pierre-Georges Roy dit que Charles Chambers avait un frère, Robert. C’est ce Robert Chambers qui sera le dernier maire anglophone de Québec. Or, en relisant le témoignage de George Waterworth, complice de Charles Chambers et délateur, on trouve une information intéressante. Contexte: Il s’agit du procès de Pierre Gagnon pour le vol de la chapelle de la Congrégation de Québec, vol auquel a participé également Georges Waterworth et Charles Chambers. Le témoin explique comment on a disposé du fruit du vol.

Extrait du Quebec Mercury du 30 mars 1837, p.2.

Before we went to Broughton I bought a small keg from Gaspard Garneau, Chamber’s brother-in-law, to hold some spirits, Chambers sent me again to the same man to buy a larger one, to put the things into.

Marie Caroline Chambers a épousé Gaspard Garneau à Québec en 1825.

Elle est la fille de Frederic et Marie Wagner.

Frederic Chambers et Marie Wagner se sont épousés à Montréal le 15 novembre 1802 à la Anglican Christ Church Cathedral. Frederic était majeur, mais pas Marie. Un Henry Wagner est témoin, probablement le père de Mary.

Leurs enfants:

Cecilia, née 28 janvier 1804 Montréal (Anglican Christ Church Cathedral,Actes). Peut-être décédée vers le 13 mai  1830 (Montréal (Presbyterian Saint Paul). L’acte mentionne que la défunte avait 26 ans, ce qui concorde.

Marie Caroline, née le 23 octobre 1805 à Terrebonne (St-Louis-de-France). Elle  est décédée le 22 mars 1853 à St-Roch, Québec , à l’âge de 47 ans et (?)  mois.  Elle a épousé Gaspard Garneau à Québec

Marie Henriette, née le 3 juillet 1808, baptisée dans la religion catholique le 23 mars 1835 à Saint-Roch, Québec.

Elizabeth, née le 15 octobre 1814 à Odelltown, baptisée à la cathédrale Notre-Dame de Montréal le 15 mars 1818. Épouse Edouard Robitaille le 12 février 1833 à St-Roch, Québec. Robert Chambers est l’un des signataires de l’acte de mariage. Décède le 6 juin 1834 à Québec, à l’âge de 21 ans.

John décédé le 2 juin 1820 (Montréal (Anglican Christ Church Cathedral,Actes)

*

Mary Wagner  décède à Montréal le 3 décembre 1817  (Montréal (Anglican Christ Church Cathedral,Actes)

Frederic Chambers se remarie avec Elizabeth Christler (Grysler) le 18 octobre 1827  à  Montréal (Anglican Christ Church Cathedral,Actes)

Ils auront au moins trois enfants:

Elizabeth née le 23 janvier 1830 et décédée le 22 mars de la même année. (Anglican Christ Church Cathedral,Actes)

John né 13 février 1831 Montréal (Anglican Christ Church Cathedral,Actes). Décédé le 15 avril 1831, (Anglican Christ Church Cathedral,Actes)

et

Cécile, baptisée le 6 août 1833 et décédée le 17 août  de la même année à St-Roch, Québec, âgée de 18 mois, donc née vers février 1832.

Marie Caroline et Cécile = actes retrouvés dans les registres catholiques. Les autres, chez les anglicans.

Fait intéressant, Frederick Chambers est décédé à St-Roch, Québec, le 10 août 1844, âgé de 65 ans. Charles Chambers habitait St-Roch. Aussi, si l’on compare la signature de Frederick Chambers, sur son acte de mariage, ainsi que celle sur le contrat de mariage de Charles Chambers et Julie Gagné (1834), on constate de grandes similitudes. Aussi, comme je l’ai souligné précédemment, on retrouve dans l’acte de mariage le 21 novembre 1825 de Caroline Chambers et de Gaspard Garneau à Québec la signature de Robert Chambers.

Mon hypothèse est donc que Robert Chambers et Hannah Kelly ont élevé à Québec, certains ou tous les enfants de Mary Wagner et Frederic Chambers, après le décès en 1817 de Mary. C’est pourquoi certaines sources désignent Charles et Robert Chambers comme étant frères et que Robert Chambers signe le contrat de mariage de Caroline. Robert et Frederic seraient-il frères?

Je n’ai pas encore retrouvé les actes de naissance de certains des enfants de Mary Wagner et Frederic Chambers, dont celui de Charles. Ces enfants n’ont visiblement pas été baptisés à la Anglican Church de Montréal, lieu où plusieurs des mariages, naissances et inhumations des Chambers ont eu lieu.

à suivre…

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<Généalogie de l’énigmatique Charles Chambers (première partie)

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Les surprises que peuvent nous révéler la généalogie

Généalogie de l’énigmatique Charles Chambers (première partie)

Charles Chambers était le chef d’une bande de voleurs qui a marqué la petite histoire du crime de la ville de Québec du 19e siècle. J’ai raconté leurs aventures ici (partie 1, 2, 3 et 4) .

On sait peu de chose à propos de Charles Chambers. Où est-il né? Quand? Quel a été son parcours? On peut toujours lire Cambray ou les Révélations du crime par François-Réal Angers (1836), mais jusqu’à quel point peut-on faire confiance à ce récit?

Pour trouver des informations sur Charles Chambers, j’ai pris comme point de départ son frère, Robert Chambers, dont j’ai tracé brièvement la biographie ici. En retraçant des actes concernant Charles ou Robert Chambers, son frère , j’escomptais trouver des renseignements sur eux et leur famille. Voici le résultat de mes recherches.

D’abord, que sait-on à propos de Charles Chambers?

Registre d’écrou de la prison de Québec au 19e siècle. Charles Chambers, en 1836, est désigné comme étant d’origine ethnique canadienne,  âgé de 24 ans et  mesurant 5′ 10 ¾ »

-Article La Bande de Chambers par Pierre-Georges Roy, Les petites choses de notre histoire. Sixième série, 1919. Dans cet article, Pierre-Georges Roy cite Cambray ou les Révélations du crime par François-Réal Angers. Il mentionne que Chambers a épousé Julie Gagné, catholique de 17 ans, le 2 juillet 1834. Il a un frère, Robert Chambers, né le 17 mars 1809, admis au barreau en 1834. Robert Chambers  est décédé le 1er janvier 1886 à Québec. En 1835, lors de sa première arrestation, Chambers avait environ 30 ans.

Le roman d’Angers mentionne le père de Charles Chambers, sans le nommer. Il était probablement vivant vers 1835-1836. Chambers habitait le quartier Saint-Roch.

Charles Chambers serait donc né au Canada entre 1805 et 1812 environ.

Son frère  Robert Chambers a été enterré au Mount Cemetery de Sillery (Québec). On peut consulter en ligne des informations tirées du  registre d’inhumation de ce cimetière pour le 19e siècle. Sa fiche nous apprend qu’il est né à Hull et qu’évidemment, il était protestant.

On fouille les actes

Le Fonds Drouin est une ressource importantes pour les actes de baptême, mariage et d’inhumation canadiens.

Dans le registre du Montréal (Presbyterian Saint Gabriel) de 1809, on trouve un Patrick Robert Chambers. Voici une retranscription de l’acte.

Robert Chambers of Hull (le mot qui désigne son métier est difficile à lire) and Hannah Kelly his wife had a son born on the seventieth day of March & was baptized this nineteenth day of August one thousand eight hundred & nine named Patrick Robert in presence of those witnesses. Signé R Chambers et Chm White*

Les informations concordent avec ce que l’on sait déjà sur Robert Chambers.

En consultant les actes de la ville de Québec, on peut établir une liste (probablement incomplète, par contre) des enfants de Robert Chambers et de Hannah Kelly, outre Charles et Robert. Il y a donc:

Mary Ann née 16 novembre 1796 à Québec

Anne née 9 septembre 1799 à Québec. La profession de Robert est alors  surveyor of the land

Robert décédé 7 février 1803 à Québec (pas de date de naissance).

Edward né 9 février 1804 à Québec décédé dans cette même ville le 17 novembre 1810.

Ils ont tous été baptisés à la Holy Trinity Church de Québec.

Aussi, il y aurait Elizabeth, décédée le 26 février 1823 à Québec âgée de 17 ans. Robert Chambers est parmi les témoins qui signent. Elle serait née vers 1806.

Autre cas problématique. On retrouve dans l’acte de mariage le 21 novembre 1825 de Caroline Chambers et de Gaspard Garneau à Québec la signature de Robert Chambers. Quel est son lien de parenté? Habituellement, si je ne me trompe pas, c’est le père  ou un membre important de la famille qui signe l’acte de mariage… Il existe une Marie Caroline Chambers née le 23 octobre 1805 à Terrebonne, fille de Frédéric Chambers et de Marie Waghner. Frédéric Chambers est décédé à St-Roch, Québec, le 11 août 1844. Caroline a épousé Gaspard Garneau et est décédée le 26 mars 1853 à Québec.

Robert Chambers à Hull

Dans le livre Hull, 1800-1950, par Lucien Brault, on apprend p, 187, que le 27 août 1807, Robert Chambers ouvre la première classe de la région de Hull, dans la maison de Philemon Wright, fondateur de Hull. On sait qu’il a reçu son salaire jusqu’en juillet 1810. En  novembre, il est de retour à Québec où décède son fils Edward.

Robert  est né lors de cette parenthèse. Il n’a pas été baptisé à Hull, dont la colonisation en était à ses premiers balbutiements. Pour faire baptiser les enfants, il fallait aller ailleurs, à Montréal, par exemple. Je n’ai pas trouvé d’acte de naissance pour Charles, ni à Québec, ni à Montréal, pour la période 1805-1812, pour le moment. Où a-t-il bien pu être baptisé, s’il est né au cours de cette période?

D’autres traces de Robert Chambers

Dans les années 1820, un dénommé Robert Chambers appose sa signature sur deux actes de décès:

Dorothy, femme de Richard Chambers, âgée de 28 ans, décédée à Québec le 25 janvier1822.

Richard Chambers, décédé le  4 juin 1826 à Québec, âgé de 39 ans.

S’agit-il de Robert Chambers père? Quel est son lien de parenté avec Richard Chambers? Son frère? S’il s’agit du bon Robert Chambers, il aurait donc été  présent à Québec en 1822 et en 1826.

J’ignore quand est décédé le père de Robert et Charles Chambers.

Les recensements

Si on regarde du côté des recensements paroissiaux de la paroisse Notre-Dame de Québec, on retrouve le nom de Chambers à trois reprises: 1795, 1798 et 1805. Dans le registre des protestants de Québec, 1768-1786 (fonds Drouin), pour ce qui est des Chambers, il y a Anne, deux Charles, deux Elizabeth, Hariet, Mary Ann, Richard (stringer), Robert et Sarah. Mais il n’y a pas de Hannah Kelly (était-elle catholique?). Les dates ne concordent pas, mais le nom des enfants, oui. Dommage.

Julie Gagné et Charles Chambers

Charles Chambers a épousé Julie Gagné. Le contrat de mariage date du 2 juillet 1834.  Julie Gagné est la fille de Joseph Gagné, un boucher, décédé le 21 juin 1832 à Québec et de Charlotte Françoise Clavette. Le contrat n’indique pas de profession. Elle est désignée comme étant  »spinster » (demoiselle de bonne famille?).  La profession de Charles Chambers n’est pas indiquée. Il y est présenté comme étant célibataire et  »joiner » (fils de bonne famille?). [mise à jour] La signature du père de Chambers est un peu difficile à lire à cause de taches d’encre et de la qualité de l’image (problème rencontré souvent sur le site d’Ancestry…)

Julie Gagné est décédée le 1er mai 1836 à Québec. Son acte ne révèle pas la cause de son décès (et non, on en meure pas de chagrin, comme le veut la légende). Il indique par contre que le métier de Chambers était menuisier. Et qui signe l’acte de décès? Le futur célèbre prédicateur Charles Chiniquy! Le même Chiniquy qui prétendra des années plus tard avoir rencontré un membre de la bande à Chambers en Australie! [à classer dans la rubrique bobards]

Les Chambers de Eaton, des cousins?

Il existe un Charles Chambers qui a épousé le 22 octobre 1821 Martha Lebere et une Harriet Chambers unie à Henri Laberee le 26 février 1816. Les deux unions ont été célébrées à Eaton (aujourd’hui Compton). De plus, il y a une Hannah Kelly, veuve de Robert Chambers, qui est décédée au même endroit en 1852… Charles Chambers est décédé à Eaton le 29 avril 1866.

**

*

Les chemins de la généalogie sont complexes, mais oh combien intéressants… Et Charles Chambers est toujours manquant. .. (deuxième partie de ce billet à lire ici)

Billets reliés

Robert Chambers, le dernier maire anglophone de Québec (1809-1886)

Régis Labeaume est le 37e maire qu’a connu la ville de Québec (voir liste des maires). Aujourd’hui, je vais vous présenter brièvement le 17e homme à occuper cette fonction, Robert Chambers.

Formation

Robert Chambers est né à Hull le 17 mars 1809. Il apprend le métier d’avocat auprès de maitre Hector-Siméon Huot, à Québec et est reçu au barreau le 14 juin 1834. Il va pratiquer le droit à Québec pendant près de 50 ans.

Robert Chambers / Livernois Québec . -V. 1860 Source: BANQ.

Robert Chambers / Livernois Québec . -V. 1860 Source: BANQ.

Un scandale

Peu de temps après son entrée au barreau, plusieurs procès (meurtre, vols) sont intentés contre Charles Chambers, marchand de bois, habitant lui aussi Québec. Reconnu coupable de vol  chez une dame Montgomery en 1837, Charles condamné à mort. Cette sentence est commuée en  déportation. Pour en savoir plus sur cette affaire, consultez les billets suivants: La bande à Chambers 1, 2, 3 et 4 et La déportation d’après les registres d’écrous des prisons de Québec (Bas-Canada, 19e siècle). Certaines sources affirment que Robert et Charles sont frères. Selon mes recherches, ils s’agissaient peut-être de cousins, mais pas de frères.

La même année paraît  Révélations du crime de Cambray et ses complices qui relatent les crimes de la bande de Charles Chambers. Cet écrit est l’oeuvre d’un confrère de Robert Chambers, François-Réal Angers. Chambers devient ici Cambray, peut-être pour

ne pas nuire à la réputation du frère de Charles Chambers, l’avocat Robert Chambers, qui jouissait d’une réputation fort honorable. (Les Révélations du crime ou Cambray et ses complices, Editions Nota Bene, 2003,p.6 présentation de Gilles Dorion).

Une carrière en politique

Malgré le scandale, Robert Chambers parvient à exercer son métier d’avocat et à garder l’estime de ses concitoyens. En 1872, il est élu échevin du quartier Jacques-Cartier. Il siège sur plusieurs comité (chemin, finances, de la Traverse et des règlements) et est nommé pro-maire en 1876-1877. En 1878, il devient maire de Québec, poste qu’il occupera pendant deux ans.

Peu de temps après son entrée en fonction, il fait face à une sérieuse crise. Des hommes engagés pour construire des édifices pour le gouvernement ont voulu réclamer une augmentation de salaire. Le gouvernement leur en a offert une, augmentation qui a été refusée. S’en est suivi de la casse. Le premier ministre Henri-Gustave Joly de Lotbinière a même été attaqué. La situation s’est envenimée et Chambers a dû proclamer la loi sur l’émeute. Pour un récit plus complet des événements, je vous réfère à l’article Québec au printemps 1878: crise constitutionnelle et émeute communiste – Une page reléguée aux oubliettes de l’histoire paru dans le Devoir.

Aussi, au cours de son mandat, on note l’inauguration de la terrasse Dufferin, le 9 juin 1879. On peut voir quelques gravures représentant l’événement dans le journal L’Opinion publique (cliquez ici, puis sélectionnez 26 juin 1879).

Inauguration de la terrasse Dufferin, Québec, 1879. Album de la Princesse Louise. Source: Bibliothèque et Archives Canada

Inauguration de la terrasse Dufferin, Québec, 1879. Album de la Princesse Louise. Source: Bibliothèque et Archives Canada

Robert Chambers s’est retiré de la vie publique en 1880 et il est décédé le 1er janvier 1886.

Bibliographie

Louis-Marie Côté. Les maires de la vieille capitale. Québec, Société historique de Québec, 1980, 122 pages. Adresse URL

Pierre-Georges Roy. Les avocats de la région de Québec, Lévis, Le Quotidien, 1936, 566 pages . Adresse URL

Billet reliés

A la recherche de Charles Chambers, chef de la bande à Chambers (Québec, 1831-1835), 4e partie

Entre 1831 et 1835, une bande de brigands, dont le chef est Charles Chambers, commet plusieurs méfaits dans la région de Québec (voir ce billet ). La justice s’y prend à trois fois avant de condamner Chambers. Lui et Nicolas Mathieu sont finalement condamnés à être pendus. Le jour fatal, la sentence est commuée: ce sera la déportation. Chambers et Mathieu quittent Québec avec d’autres prisonniers à bord du Cérès du capitaine Squire le 27 mai 1837.

Les sources se contredisent quant à la suite des choses (voir ce billet).

On sait que Mathieu et une partie des prisonniers du Cérès ont été déportés en Nouvelle-Galles du Sud (Australie), d’autres à Van Diemen’s Land (Tasmanie). (voir ce billet)

Sept passagers manquaient toujours à l’appel.

Les voici: Joseph Côté, Joseph Moisan, Richard Burnard, John Nicholson, Jean-Baptiste Fournel, Zephyr Laneuville…. et Charles Chambers, le chef de la bande à Chambers.

J’ai continué mes recherches. Et j’ai fait quelques découvertes.

Jean-Baptiste Fournel et Zephyr Laneuville

En fouillant dans la Australia Convict Collection (base de donnée payante de Ancestry), on retrouve deux noms manquants: Jean-Baptiste Fournel (inscrit Fournelle) et Zephyr Laneuville (inscrit Lephyr Laneuville). Je ne connais pas le nom du bateau qui les a emmené en Australie.

Joseph Moisan

Dans le Tasmania Convicts index, on retrouve un Joseph Moiseau à bord du Neptune, arrivé le 18 janvier 1838, en partance de Londres. Dans le New South Wales and Tasmania, Australia convict Musters, 1806-1849 (base de données Ancestry), on retrouve un Joseph Moisean, arrivé en 1838. Grâce aux archives de Tasmanie, on retrouve une fiche au nom de Joseph Moisean. On y a apprend entre autre qu’il a obtenu un pardon conditionnel en 1843.

Joseph Côté et John Nicholson

Et maintenant, parlons de Joseph Côté et de John Nicholson. Le Telegraph du 3 avril 1837 nous apprend qu’ils sont âgés respectivement de 12 et 13 ans lors de leur condamnation. Joseph Côté a été reconnu coupable de  »petty larceny » et il a été condamné à 7 ans de déportation. John Nicholson a été reconnu quatre fois coupable de  »petty larceny » pour un total de 28 ans de déportation.

A cause de leur  âge, il semble qu’après l’arrivée du Cérès à Londres, en juillet 1837, Nicholson et Côté ont été transférés à la prison pour garçons de Parkhurst (photo ici), située sur l’île de Wight.

Des 1842,  certains prisonniers de Parkhurst ont été transportés en Nouvelle-Zélande ou en Australie pour servir de main-d’oeuvre. Ils voyaient leur peine annulée sous certaines conditions (Réf. 1. et Réf. 2).

En 1842, Nicholson et Côté figurent parmi la liste des passagers du St.Georges, à destination d’Auckland, Nouvelle-Zélande (Réf. 1 et réf. 2). Les âges concordent. Notez que Côté est orthographié  »Cotey » dans chacune de ces listes.

Conclusion

Jean-Baptiste Fournel et Zephyr Laneuville ont été déportés en Australie, alors que Joseph Moisan a été envoyé en Tasmanie. Joseph Côté et John Nicholson ont passé quelques années à la prison Parkhurst pour ensuite être envoyé en Nouvelle-Zélande.

Parmi les passagers du Cérès, je n’ai encore rien trouvé concernant Richard Burnard et Charles Chambers. En retrouvant Burnard, retrouvera-t-on Chambers? À suivre…

L’histoire de poursuit  ici… (Le destin de Charles Chambers)

Webographie
Archives Office of Tasmania. [en ligne] Index to Tasmanian Convicts [Page consultée le 25 mai 2010] Adresse URL: http://portal.archives.tas.gov.au/menu.aspx?search=11

Anthony G. Flude. [en ligne]CONVICTS SENT TO NEW ZEALAND! The Boys from Parkhurst Prison [Page consultée le 25 mai 2010] Adresse URL: http://homepages.ihug.co.nz/~tonyf/parkhurstboys/convicts4.html

Christine Clement [en ligne] NEW ZEALAND PASSENGER LISTS ST GEORGE PORTSMOUTH TO AUCKLAND 03 JUNE 1842 – 24 OCTOBER 1842. [Page consultée le 25 mai 2010] Adresse URL: http://freepages.genealogy.rootsweb.ancestry.com/~sooty/stgeorge1842.html

Rob Nelson et Joan O’Donovan[en ligne] Convicts to Australia [Page consultée le 25 mai 2010] Adresse URL: http://members.iinet.net.au/~perthdps/convicts/park.html

Pearl Wilson. [en ligne] The Boys from Parkhurst Prison, Isle of Wight [Page consultée le 25 mai 2010] Adresse URL:

http://pearlspad.net.nz/ParkhurstBoys.htm

State Record Office of Western Australia. [en ligne] Convicts Record. [Page consultée le 25 mai 2010] Adresse URL: http://www.sro.wa.gov.au/archive-collection/collection/convict-records

Billets reliés
La déportation d’après les registres d’écrous des prisons de Québec (Bas-Canada, 19e siècle)

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Pehr Kalm, un Suédois en Nouvelle-France

Les moulins à eau du Québec: un patrimoine à découvrir

Grosse-île, station de quarantaine, 1832-1937

La bande à Chambers, 3e partie: Sur les traces de Charles Chambers

J’ai consacré, ces derniers jours, deux billets à la bande de Charles Chambers, responsable de plusieurs crimes commis dans la région de Québec entre 1831 et 1835 (voir La bande à Chambers, première partie et  deuxième partie).

Nous avons vu que le chef, Charles Chambers et un de ses acolytes, Nicholas Mathieu, ont été condamné à mort, puis ont vu leur sentence commuée en exil dans une colonie pénale. Or, il existe plusieurs versions concernant la suite des événements (voir La bande à Chambers, deuxième partie).  Charles Chambers a-t-il été jeté par-dessus bord? Pendu à Liverpool? Est-il mort en Australie? Quelle version est la bonne?

On sait, grâce au Convict Index des Archives de la Nouvelle Galle du Sud, qu’un certain Nicholas Mathieu est arrivé en Nouvelle-Galles du sud par le Waterloo en 1838. S’agit-il de l’acolyte de Chambers? Si on retrouve Mathieu, retrouvera-t-on Chambers par la même occasion?

J’ai donc suivi la piste du Ceres. Les sources indiquent que Chambers, Mathieu et d’autres condamnés ont embarqué à bord du Ceres du capitaine Squire à Québec le 27 mai 1837. La destination était l‘Angleterre (Le Populaire, 31 mai 1837).  J’ai donc reconstituée la liste des passagers du Ceres grâce au registre d’écrous des prisons de Québec au 19e siècle mis en ligne par BANQ . Le registre des écrous  nous révèle que les passagers du Ceres sont des hommes condamnés entre 1833 et 1837. L’article de Pierre-Georges Roy sur la bande à Chambers, dans son livre Les petites choses de notre histoire, septième série, a aussi fourni plusieurs noms.

Le Morning Chronicle de Londres, en date du 21 juillet 1837, mentionne le Ceres et le capitaine Squire. Le Ceres est probablement arrivé à Londres un peu avant cette date.  (Réf.British Newspapers 1800-1900 mots-clés  »squire » et  »ceres ». Le site est payant, mais l’aperçu montre que le bateau provient de Québec).

J’ai ensuite consulté le Index to Tasmanian convicts (maintenant intégré au Tasmanian Name Index) et le Convict index of New South Wales archives pour voir s’il y avait des concordances (nom du prisonnier, date d’arrivée, endroit où il a été jugé, etc). Les informations mises en ligne sont fragmentaires, mais suffisantes la plupart du temps pour affirmer qu’il s’agit bien des prisonniers du Ceres. Voici un résumé de ce que j’ai trouvé.

  • D’abord, plusieurs prisonniers sont arrivés en Tasmanie à bord du Neptune le 18 février 1838 (départ de Londres le 7 octobre 1837). (Réf) Ces prisonniers sont: Patrick Fleming, John Wakeman, Jean Thibeau (Thibault), William Hunter, James O’Neil, Patrick Sullivan, Jacques Moiseau (listé sous le prénom Joseph dans le registre) et James Brown (deux entrées sous ce nom le même jour).
  • D’autres sont arrivé en Nouvelle-Galles du sud à bord du Waterloo, probablement le 2 février 1838. Départ du port de Sheerness le 4 novembre 1837. Dans le Sydney Herald, il est écrit que le départ a eu lieu de Londres le 9 octobre 1837 et l’arrivée à Sydney le 8 février 1838 (Réf). Les passagers sont John Johnston (Johnson) (Réf) (il y a aussi un John Johnson arrivé en Tasmanie en 1838 à bord du Neptune), Georges Ryan, Nicolas Mathieu, John McAuliff ( ici et ici sous le nom de McAuliffe), William Cuthbert, Pierre Provost, Ambroise Provost, Gilbert Bernard, John Smith, Alexander Thibett’s, François Larocque, Joseph Tomache, William Audy, Pierre Giroux dit Cloutier(on trouve un Louis Cloutier arrivé par le Waterloo en 1838), Jean-Baptiste Moreau (inscrit sous le nom Jean-Baptiste Morean dans le registre), François Sanschagrin (appelé Francis Lanchagrin ici, serait mort noyé en 1841), Joseph Picard et Joseph Dolleur (épelé Doleur dans le registre).
  • Certains sont arrivés en Tasmanie à bord du Royal Sovereign le 8 janvier 1838 (départ de Downs le 7 septembre 1837). Les voici: William Disney et Patrick Brown.
  • Pour finir, d’autres sont arrivés en Tasmanie à bord du Moffatt le 1er avril 1838 (départ du port de Woolwich le 27 octobre 1837). Il s’agit de William Allen, James Shuter (Suitor) Jr et James Shuter (Suitor) Sr.
  • Yvon dit Fraser: Il s’agit probablement de Louis Fraser, arrivé en NSW par le Lord Lyndoch.
  • Le dénommé Johnson de Trois-Rivières est probablement John Johnson, arrivé lui aussi à bord du Lord Lyndoch.
  • James Gordon: il serait arrivé en Nouvelle-Galles du sud en 1839 par le Theresa ou Teresa, jugé à Montréal.

Mais il y a aussi ceux dont on n’a aucune trace ni en Australie, ni en Tasmanie…

  • Il y a sept prisonniers du Ceres dont on ne peut trouver, à ma connaissance, de traces en Australie: Joseph Côté, Joseph Moisan, Richard Burnard, John Nicholson, Jean-Baptiste Fournel, Zephyr Laneuville…. et Charles Chambers.

Conclusion

La destination du Ceres était l’Angleterre.  Ses  »passagers » ont été ensuite redistribués sur au moins quatre navires à destination de la Nouvelle-Galles du sud et de la Tasmanie.  Sept prisonniers ne figurent pas, à ma connaissance, dans les répertoires des  »convicts » de Tasmanie et d’Australie, soit Jean-Baptiste Fournel, Zephyr Laneuville, Joseph Moisan, Joseph Côté, Charles Chambers, Richard Burnard et  John Nicholson. Il est toujours possible qu’il y ait eu des erreurs de retranscriptions, que certains fonds d’archives n’aient pas été complétement mis en ligne, etc… A cette étape-ci de ma recherche, je dois avouer que j’ai de plus en plus de difficulté à croire que Charles Chambers a mis les pieds en sol australien ou tasmanien…Il ne figure pas dans les index consultés, contrairement à son complice Nicholas Mathieu et à la majorité des autres prisonniers du Ceres.

Chambers est-il décédé avant son arrivée en Australie?  A-t-il été enfermé dans une prison anglaise ou bel et bien exilé en Australie ou en Tasmanie? Et  Côté, Laneuville ainsi que les autres passagers du Ceres, que sont-ils devenus? Existe-t-il des traces de leur destin dans les archives? A suivre…


La quatrième partie de ce billet se trouve ici

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Patrimoine: des prisons qui ont une deuxième vie (première partie)

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Histoire du crime: La bande à Chambers (1831-1835) deuxième partie

Suite du billet
La petite histoire du crime: la bande à Chambers (Québec et sa région 1831-1835) Première partie

On s’y prend à trois fois afin de condamner Chambers…

Trois procès sont intentés contre Chambers et ses complices.

Le premier procès a lieu le 25 septembre 1835 et concerne le vol du télescope de Georges Holmes Parke. Chambers est déclaré non coupable.

Le deuxième procès a lieu en mars 1836. Charles Chambers et Nicolas Mathieu sont accusés du meurtre du capitaine Louis Sirvac. Ils sont déclarés non-coupables.

Le troisième procès s’ouvre le 28 mars 1837. Georges Waterworth témoigne contre Chambers et Nicolas Mathieu qui sont jugés pour introduction dans la maison de la veuve Montgomery et pour vol. Ils sont reconnus coupables et condamnés à être pendus le 10 avril. Mais coup de théâtre, la peine de Mathieu et de Chambers est commuée en exil en Australie.

Lorsqu’on consulte le Fichier des prisonniers des prisons de Québec au 19e siècle, il est écrit que Chambers a été reconnu coupable de  »timber stealing » (vol de bois). Chambers était marchand de bois. Voici la fiche de Nicolas Mathieu.

En route vers l’Australie

Le 27 mai 1837, Mathieu et Chambers s’embarquent sur le Cérès pour la Nouvelle-Galles du Sud (Australie) sous la gouverne du capitaine Squire. Il existe plusieurs versions concernant le sort des deux prisonniers. Et la destination du bateau aussi diffèrent. Certains parlent de Botany Bay, d’autres de Van Dieman (Tasmanie).

Selon Jean-Marie Lebel, (Québec 1608-2008: Chroniques d’une capitale voir Année 1837), Chambers est décédé aux Nouvelles Galles du sud, six ans après son arrivée en Australie.

Albert Jobin évoque la Galles du sud comme destination du Cérès.

Selon Louis Fréchette, Chambers devait être expédié à Botany Bay. Mais,

le chef de nos bandits [Chambers] réussit à briser ses fers et deux de plusieurs de ses co-détenus, et faillit s’emparer du navire.

Le complot échoua, et l’abominable coquin fut pendu en arrivant à Liverpool.

(Réf. Mémoires intimes, p. 99-100)

Dans Fifty years, Chiniquy s’attribue le mérite pour la commutation de la peine de mort de Chambers et Mathieu en exil en Australie. Il prétend aussi avoir rencontré un des membres du gang lors d’un séjour en Australie en 1878. (réf. Marcel Trudel, Chiniquy, p.253). A la page 312, l’homme qu’il a soi-disant sauvé lui demande

Do you remember the murderer and thief, Chambers, who was condemned to death in Quebec, in 1837, with eight of his accomplices? » asked the stranger.

Chambers a été condamné avec Mathieu. Il nous manque six personnes… Émettons des doutes quant au témoignage de Chiniquy, qui jamais ne nomme le mystérieux étranger… Chiniquy prétend que ce personnage lui a raconté que Chambers avait été pendu à Liverpool (réf), affirmation que reprendra plus tard Louis Fréchette dans ses Mémoires intimes.

Dans le Convict Index des Archives de la Nouvelle Galle du Sud, il y a trois personnes qui répondent au nom de Charles Chambers. Deux sont arrivées en 1829. Il y a un troisième Charles Chambers. Pas de date d’arrivée, mais il y a mention d’obtention d’un certificat d’émancipation. Nous n’avons pas suffisamment d’informations pour dire s’il est oui ou non le Charles Chambers que nous recherchons.

Il y a un Nicolas Mathieu dans cette base de données.

MATHIEU Nicholas |Waterloo (bateau) |1838| Numéro 46/579 |Ticket of Leave[4/4207; Reel 959]District: Yass; |Born: Canada Quebec; |Tried: Canada low Queb.

Selon ce site, le Waterloo est arrivé en Nouvelle-Galles du sud le 2 février 1838. Il est parti de Sheernerss en Angleterre le 4 novembre 1837. A titre de comparaison, lorsque Hypolite Lanctot est déporté en Australie, le voyage dure du 28 septembre 1839 au 25 février 1840. Le voyage de Lanctot dure 5 mois (sans escale en Angleterre, par contre). Louis Fréchette, dans ses mémoires, mentionne une escale en Angleterre… Dans le cas de Mathieu et de Chambers, peut-être le Cérès a-t-il fait escale en Grande-Bretagne. Ensuite, les deux individus ont peut-être été embarqués sur le Waterloo…Hypothèse à vérifier…

Le Nicholas  Mathieu du  Convict Index a obtenu un  »ticket of leave »? Un  »ticket of leave » c’est

C’était l’habitude de garder un prisonnier en exil dans un camp pour une période de 18 mois à deux ans; ils travaillaient au compte du gouvernement à des travaux publics. Les prisonniers sont ensuite  »assignés » à des particuliers, et si tout va bien, on leur accord la permission de travailler à leur compte. Ce système se nomme  »ticket of leave ».

Réf. (Lanctot, p. 57-58. )

Selon George Gale et James Le Moine McPherson, Charles Chambers a été envoyé à Van Dieman (Tasmanie).

Parmi les autres hypothèses, il y a celle où Chambers aurait été jeté à la mer lors de la traversée vers l’Angleterre. (Réf. Hare, Lafrance et Ruddell, p. 208)

Donc, pour le moment, nous croyons que Mathieu et Chambers ont quitté Québec le 27 mai 1837 et qu’ils sont probablement arrivés en Australie ou en Tasmanie après plusieurs mois en mer. Plusieurs questions restent sans réponse. Où exactement ont-ils vécu leur exil? Quand sont-ils décédés?

Dans la littérature

En 1837: François-Réal Angers, avocat, publie une brochure romancée intitulée Révélations du crime de Cambray et ses complices sur cette affaire. Chambers est ici appelé Cambray.

Micheline Cambron précise que les dialogues de l’écrit d’Angers ressemblent beaucoup aux paroles prononcées durant le procès de Chambers. (Réf).

Quelle est la part de vérité et de mensonge dans ce livre?

1844: La fille du brigand d’Eugène L’Écuyer. Dans cette version, Chambers, alias Maître Jacques, meurt noyé.

Puis un tumulte se fait entendre, et on aperçoit une foule qui se presse autour d’un cadavre. M. des Lauriers et M. D. .. en approchant de plus près reconnaissent le corps d’un noyé, c’est celui de maître Jacques.(Réf)

Dans le récit Geneviève d’Alphonse Gagnon (1885), la bande à Cambray (Chambers) fait plonger un honnête homme dans le monde du crime. (Nouvelles et récits, p. 126-162)

James McPherson Lemoine mentionne aussi que l’affaire Chambers

est devenu récemment le sujet [1872] d’un drame joué au Music hall de cette ville. (Réf.)

Conclusion

Avec le temps, les crimes de Chambers et ses acolytes ont été amplifiés. Ils font maintenant partie des légendes de la ville de Québec et de sa région. Le sort de Nicholas Mathieu et surtout de Charles Chambers reste sujet à débat. Chambers a-t-il été pendu en Angleterre ou est-il décédé en Australie? Quand est-il décédé? Plusieurs pistes sont à explorer…

La troisième partie de ce billet  se trouve ici.

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Bibliographie

Monographies

ANGERS, François-Réal. Révélations du crime de Cambray et ses complices. 1837 (1880).

CASGRAIN, René-Édouard. Histoire de la paroisse de l’Ange-Gardien. Quebec, Dussault & Proulx, imprimeurs, 1902, 390 pages.

CONSTANS, Ellen et Jean-Claude Vareille. Crime et châtiment dans le roman populaire de langue française du 19e siècle. Presses universitaires de Limoges, 1994, 426 pages.

FRECHETTE, Louis. Mémoires intimes. Montréal, Fides 1961, 200 pages.

HARE, John, Marc LAFRANCE et David-Thiery RUDDEL. Histoire de la ville de Québec 1608-1871, Boréal, Montréal, 1987, 400 pages.

JOBIN, Albert. Histoire de Québec. Québec, Institut Jean-Bosco, 1947, 366 pages.

LANCTOT, Hypolite. Souvenirs d’un patriote exilé en Australie, 1838-1845. Sillery, Septention, 1999, 222 pages.

LAVIOLETTE, Guy et Alain Gelly. Cap-Rouge 1541-1991 : 450 ans d’histoire. Cap-Rouge, Quebec, Société historique du Cap-Rouge inc., 1991, 340 pages.

LEBEL, Jean-Marie. Québec 1608-2008: Chroniques d’une capitale. Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, 760 pages.

L’ECUYER, Eugene. La fille du brigand; roman canadien. Précédé d’une notice biographique sur l’auteur par Casimir Hébert. Montréal, Bilodeau, 1914, 148 pages.

LE MOINE, James MacPherson. L’album du touriste : archéologie, histoire, littérature, sport.Québec, Augustin Côté et cie, 1872, 394 pages.

ROY, Pierre-Georges. Les petites choses de notre histoire. Septième série. Lévis, 1919, 316 pages.

TRUDEL, Marcel. Chiniquy. Trois-Rivières, Éditions du bien public, 1955, 339 pages.

Site internet

Raymond Mathieu. [en ligne] Nicolas Mathieu [Page consultée le 28 avril 2010] n’est plus en ligne.

University of Texas Libraries, The University of Texas at Austin. [en ligne]  Perry-Castañeda Library Map Collection Historical Maps of Australia and the Pacific [Page consultée le 28 avril 2010] Adresse URL

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La petite histoire du crime: la bande à Chambers (Québec et sa région 1831-1835) Première partie

un véritable règne de terreur avait affolé la ville [de Québec] et ses environs. Toute une organisation de bandits, qu’on appelait les brigands du Carouge, avait durant je ne sais combien de temps, tenu la population en alerte et mis au défi tous les efforts et toutes les recherches de la justice. A chaque instant, on signalait de nouveaux crimes dont les auteurs restaient insaisissables. Ce n’étaient que vols à main armée, que meurtres atroces, que maisons pillées, qu’églises saccagées, que sacrilèges inouïs.

Louis Fréchette, Mémoires intimes, p. 100

Estampe | La basse-ville de Québec, depuis le parapet de la haute-ville, 1833 | M22020

La basse-ville de Québec, depuis le parapet de la haute-ville, 1833 James Pattison Cockburn (1779-1847) 1833, 19e siècle

C’est en ces termes que Louis Fréchette évoque le souvenir de la bande à Chambers, des bandits qui ont marqué les annales du crime du Bas-Canada. Nous allons d’abord présenter les membres du gang, puis leurs crimes pour ensuite nous attarder  au destin (oh combien mystérieux) de deux d’entre eux.

La bande

On ne connait pas avec précision le nom de tous les membres du gang à Chambers. Les sources ne s’accordent pas sur leur nombre. Par exemple, Georges Gale prétend qu’il y en avait 19 (Réf).  Pierre-Georges Roy (Réf)  mentionne six comparses.

  • Charles Chambers, le chef, marchand de bois, né v. 1805 ou 1813, époux de Julie Gagné et frère de Robert Chambers, futur maire de Québec de 1878 à 1880.
  • George Waterworth, marchand de bois
  • Nicolas Mathieu
  • François-Joseph Lemire
  • Pierre Gagnon
  • James Stewart (probablement assassiné par Charles Chambers en 1835)

Source:

http://www.ourroots.ca/f/page.aspx?id=691923

Certains documents mis en ligne par Bibliothèque et Archives nationales du Québec font aussi mention de Joseph Hamel et Egleson Knox.

Crimes qu’on leur impute

 

 

  1. 16 juillet 1831. Meurtre des Griffiths (Griffin). François-Réal Angers dans Les Révélations du crime ou Crambray et ses complices soutient que Chambers et ses accolytes sont responsables du meurtre, tandis que Pierre-Georges Roy et Auguste Béchard (Histoire de l’Ile-aux-Grues) penchent pour deux employés des Griffin. Angers situe le crime en 1835, alors qu’il a eu lieu en 1831. Il s’agit  d’une affaire non résolue.
  2. 1834-1835. Deux vols chez un vieillard de l’Ile d’Orléans.
  3. 3 novembre 1834. Vol au bureau de monsieur Atkinson, marchand à Québec.
  4. 3 février 1835. Vol chez le vieillard Paradis à Cap-Rouge.
  5. 9 au 10 février 1835 Vol d’objets liturgiques (vases sacrés, statuettes, candélabre, lampe du sanctuaire) à la chapelle de la Congrégation (20 rue Dauphine) puis vol au bureau de George Holmes Park
  6. 16 mai 1835. Le capitaine Louis Sivrac est gravement blessé durant un vol qui tourne mal. Il a 82 ans et est gardien du phare de l’Islet. Il expire 8 jours plus tard suite aux mauvais traitements qu’il a subit.
  7. 22 mai 1835 Vol de divers objets (bijoux, argenteries) chez madame Montgomery, une veuve, à Cap-Rouge.
  8. Juin 1835. Assassinats de deux habitants à Château-Richer (pas de date). Pierre-Georges Roy précise qu’il n’y a pas de preuves écrites du meurtres et que la tradition n’a pas retenu le nom des victimes. Selon l’abbé Casgrain, dans Histoire de la Paroisse de l’Ange-Gardien (1902) ces deux victimes se nommaient Jacques Huot et J. Trépanier (Réf.1. Et Réf. 2)

A posteriori,

on leur attribua la plupart des meurtres inexpliqués commis dans la région de Québec de 1834 à 1837. (Réf).

La bande choisit ses victimes parmi les gens âgés, réputés riches et vulnérables. Elle n’hésite pas à recourir à la violence pour parvenir à ses fins.

C’est le vol à la chapelle de la Congrégation qui va signer la perte de Charles Chambers et de sa bande…

(à suivre)

Le prochain billet traitera des tentatives de la justice pour coincer Charles Chambers et ses alliés, du destin de Charles Chambers et de son complice Nicholas Mathieu et de la bande à Chambers dans la littérature.

Pour lire la deuxième partie de ce billet, cliquez ici.

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