L’incendie du Château Frontenac [Québec, 1926]

Photographie | Hôtel Frontenac, Terrasse Dufferin, Québec, QC, 1900 | MP-1979.22.188

Hôtel Frontenac, Terrasse Dufferin, Québec, QC, 1900

L’Action catholique, 15 janvier 1926

LE VIEUX CHATEAU FRONTENAC A ÉTÉ DÉTRUIT HIER SOIR PAR UN INCENDIE
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TOUTE LA SECTION LA PLUS ANCIENNE DE LA GRANDE HOTELLERIE DU C.P.R. EST EN RUINES: PERTE DE DEUX À TROIS MILLIONS
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UN SPECTACLE INOUBLIABLE MARQUE CE TRAGIQUE INCENDIE. – LA LUEUR DES FLAMMES ILLUMINE LE VIEUX-QUÉBEC PENDANT UNE PARTIE DE LA SOIRÉE. – UN VIF ÉMOI PARMI LES PENSIONNAIRES, QUI DOIVENT ÉVACUER L’HÔTEL. – LES POMPIERS ONT LUTTÉ TOUTE LA NUIT CONTRE LE FEU. – LA PARTIE LA PLUS LUXUEUSE ET LA PLUS ARTISTIQUE DU CHATEAU EST CONSUMÉE. – LA PARTIE NOUVELLE, BIEN PROTÉGÉE PAR LES COUPE-FEU, RESTE INTACTE
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Le vieux Château Frontenac, la plus ancienne partie de la grande hôtellerie du Pacifique Canadien à Québec, n’est plus ce matin qu’un monceau de ruines calcinées et glacées. La partie neuve du luxueux hotel avec sa tour de vingt étages est restée intacte, mais tout ce qui fut l’ancien Château, érigé en 1892 et dont le style rappelait les vieux Châteaux français du 16e siècle, a été détruit hier soir par un incendie, dont l’origine est inconnu.

Il était six heures moins quart lorsque l’alarme générale appela la brigade du feu au Château.

Quelques personnes qui se livraient à une partie de billard dans la salle de billard du rez-de-chaussée avaient constaté l’odeur de la fumée et donnèrent immédiatement l’éveil au bureau. Il n’y avait pas alors de feu apparent, mais son existence quelque part ne pouvait faire de doute. On appela d’abord les pompiers par téléphone et l’alarme fut ensuite donnée. A leur arrivée, les hommes de la caserne No 1 entreprirent de démolir une partie du plancher du premier étage de la vieille partie et aperçurent le feu qui gagnait les étages supérieurs par une chute servant de conduite aux tuyaux de service.

L'incendie. J.E. Livernois / ANC / PA-024284

L’incendie. J.E. Livernois / ANC / PA-024284

Au même moment, on constata que la chambre 400, au cinquième étage de cette partie de l’hôtel, qui était fermée pour l’hiver et où personne n’avait occupé de pièces depuis trois semaines était en flammes. Le feu se trouvait au cinquième étage de la rotonde, qui est le centre de la plus vieille section de l’hôtel. Les pompiers sous la direction du chef Donnelly entreprirent de combattre l’incendie en mettant en opération plusieurs branches de boyaux avec lesquels ils s’attaquèrent au feu simultanément par l’intérieur et par l’extérieur. Mais le feu assuma rapidement des proportions considérables, qu’un vent violent de l’est contribua à lui donner. Au début, la pression de l’aqueduc laissait un peu à désirer, mais on utilisa le réservoir construit près du Château et que des pompes alimentent en tirant l’eau du fleuve, et cela assura aux pompiers toute l’eau dont ils avaient besoin. Comme cette partie du Château, vieille de plus de trente ans, n’était pas à l’épreuve du feu, les flammes s’y propagèrent avec une grande rapidité, si bien que moins d’une heure plus tard, toute la partie supérieure de la rotonde était un immense brasier dont la lueur se répandait déjà au loin.

UN SPECTACLE ÉMOUVANT

Le Château est resté grand jusque dans sa destruction: pendant plusieurs heures de cette soirée tragique, les flammes qui le ravageaient illuminaient tout le vieux Québec et le fleuve et projetaient leur lueur à des milles de distance, semant partout l’émoi et les regrets, mais donnant en même temps un spectacle et émouvant.

Vers huit heures moins quart, des milliers de personnes, en fait presque toute la population de Québec, étaient groupées sur la terrasse et aux abords du Château pour suivre les progrès de l’incendie. Des détachements de policiers avaient établi des cordons pour empêcher la foule d’approcher.

Un sentiment de tristesse s’empara de la foule immense à qui il avait toujours semblé que la destruction de ce majestueux édifice était chose impossible, lorsque, vers huit heures, les flammes envahirent avec une furie incroyable le dernier étage de la rotonde puis la toiture dont le cuivre prit en un rien de temps la teinte du feu. L’eau que les jets puissants lançaient sur le brasier paraissait d’aucun effet et la lueur des flammes devenait telle qu’elle s’étendait à toute la partie basse de la ville, et illuminait le fleuve comme un puissant réflecteur. Partout aux environs de la ville, on pouvait apercevoir le reflet de l’incendie dans le firmament.

LE PROGRÈS DU FEU

Une à une les jolies petites tourelles de la rotonde s’inclinèrent et croulèrent à l’intérieur. La toiture s’effondra quelques instants plus tard en même temps que le feu gagnait la partie ouest de la section longeant la terrasse. Toute la partie supérieure fut à son tour un amas de flammes, et à peine le feu s’était-il abattu un peu de ce côté, qu’on le voyait envelopper comme un voile toute la partie est allant de la rotonde à la section neuve de l’hôtel, et faisant face au monument Champlain. Ces deux sections surent en moins d’une heure le même sort que la rotonde. La toiture et les étages supérieurs s’effondrèrent, et dans les ruines écroulées aux étages inférieures, le feu poursuivait son oeuvre de destruction avec une activité qui ne se démentait pas.

La superbe tour qui forme le coin de la rue Saint-Louis,envahit ensuite, servit de dernière proie à l’élément destructeur, car à cet endroit se trouvaient les coupe-feux séparant l’ancienne partie de l’hôtel de la nouvelle, et ces murailles de fer réussirent à empêcher le feu de pousser ses ravages plus loin.

Au lendemain de l'incendie. L'action catholique, 16 janvier 1926.

Au lendemain de l’incendie. L’action catholique, 16 janvier 1926.

LE CREPITEMENT DES FLAMMES

Mais pendant des heures encore, toute la section offrir le spectacle navrant des flammes crépitant et s’élevant avec force dans les airs, donnant à ces débris l’aspect d’une immense torche.

Il se dégageait de l’édifice en feu une fumée opaque qui par moment l’enveloppait complètement et rendait le travail des pompiers extrêmement pénible. L’espace était aussi rempli d’étincelles et de débris enflammés que le vent transportait sur des distances considérables et qui, sans la neige qu’il y avait, auraient certainement allumé d’autres incendies dans la ville.

L'incendie. Incendie Château Frontenac, 14 janvier 1926. Credit: J.E. Livernois / Bibliothèque et Archives Canada / PA-023386

L’incendie, 14 janvier 1926. Credit: J.E. Livernois / Bibliothèque et Archives Canada / PA-023386

CHOSES DE LUXE DÉTRUITES

Dans la section incendiée de l’hôtel se trouvait tout ce qui donnait au Chateau Frontenac son cachet historique. Les suites canadiennes, la suite royale et la suite coloniale, qui renfermaient des ameublements antiques et d’une richesse remarquable ont été détruites. Parmi ces suites d’appartements se trouvait celle qu’occupa le prince de Galles et où logèrent également nombre d’autres personnages de marque qui firent à Québec l’honneur de leur visite. Les employés du Chateau Frontenac avaient eu le temps de transporter dans la nouvelle aile un peu de l’ameublement des étages inférieurs mais la plus grande partie fut détruite.

[…]
LES RUINES

Ce matin, de la Terrasse, le Château ne présente plus que des ruines. Les murs sont encore debout, mais c’est tout ce qui reste de cette construction dont l’architecture remarquable faisait l’admiration de tous. Les plans du Château avaient été préparés par M. Bruce Price. Depuis sa construction en 1892, il avait subi plusieurs transformations, mais on avait toujours cherché à lui conserver son cachet romantique, qui avait fait sa renommée universelle.

[…]

Durant l’incendie, tout le personnel de l’hôtel est resté à son poste avec une discipline remarquable, les garçons d’ascenseur n’ont pas cessé de conduire les pensionnaires à leurs chambres et les garçons de service se sont multipliés avec toute la courtoisie possible pour aider ceux qui voulaient partir à préparer leurs bagages.

[…]

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L’incendie, 14 janvier 1926. Credit: J.E. Livernois / Bibliothèque et Archives Canada / PA-023385

LA SITUATION CE MATIN
Ce matin, le feu continuait dans les ruines du Château et les pompiers étaient encore sur les lieux, arrosant sans interruption les débris, dont s’échappait toujours une épaisse fumée.

Le bilan de l’incendie est le suivant:

La vieille partie du Chateau Frontenac, qui longe la Terrasse complètement détruite.

Une parte de deux à trois millions.

Deux personnes légèrement blessées.

[…]

LE VIEUX CHATEAU

La partie du Château Frontenac qui a été incendiée hier avait été inauguré en 1894, d’après les plans de l’architecte Bruce. Ouvert aux touristes le 23 décembre 1894, cet hôtel était considéré comme l’un des plus beaux au monde. Il occupait le site du Château St-Louis, bâti en 1694 et incendié en 1834.

L’architecture du Château Frontenac était faite sur le plan d’un castel des XVIe et XVIIe siècles. L’édifice était pour ainsi dire disposée en fer à cheval, entourant une cour de 170 pieds de longueur par 100 pieds de largeur, au centre de laquelle on voyait une superbe fontaine.
[…]

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en anglais:

Opening of the Château Frontenac [1893]

Mr. Fred McMahon, former manager of Chateau Frontenac, returns from west [1915]

Photographies de Québec (1886-1910) par Frederick C. Würtele

Frederick Würtele est un photographe amateur qui a pris plusieurs clichés de la ville de Québec entre 1886 et 1910. Retraçons d’abord les grandes lignes de sa vie pour ensuite nous pencher sur son oeuvre.

Biographie

Quartier Vieux-Québec-Basse-Ville - Rue Sous-le-Cap / Fred C. Würtele . - septembre 1902 Source: BANQ

Quartier Vieux-Québec-Basse-Ville – Rue Sous-le-Cap / Fred C. Würtele . – septembre 1902 Source: BANQ

Frederick Christian Würtele est né le 10 septembre 1842 à Québec. Il était l’époux d’Élizabeth Riddle (quatre enfants).

Il a reçu son diplôme de l’école militaire en 1867, puis il a obtenu le grade de capitaine des Royal Rifles en 1883. Würtele a fait carrière en tant que comptable, mais il a aussi travaillé entre 1870 et 1890 pour son frère et son père, deux marchands de quincaillerie et de fer. Il a été secrétaire-trésorier du High School of Québec en 1892 et de la Protestant Board of School Commissioners (1897-1920). Il est nommé Esquire en 1891. Entre 1877 et 1906, il a occupé presque sans interruption diverses fonctions à la Québec Literary and Historical Society (conservateur des objets et bibliothécaire). Entre 1910 et 1914, il a été secrétaire de l’Archeological Institute of America, Department of Canada, Québec Society.

Frederick Würtele est décédé à Québec le 18 mars 1920.

Un intérêt certain pour l’histoire

Historien, il a publié quelques écrits:

Il a édité Blockade of Québec in 1775-1776 by the American Revolutionists en 1905-1906.
Ses photographies

Les thèmes représentés par les photographies du Fonds Fred. C Würtele sont variés: vues d’ensemble, bateaux, l’histoire, l’architecture, aspect militaire, les églises protestantes, les paysages, l’hiver, les moulins à scie, les institutions d’enseignement,  les ponts et les portraits. (Réf. Fernand Caron, p. 18) Il a croqué sur le vif les conséquences des éboulis de septembre 1889 à Québec, de l’effondrement du pont de Québec en 1908, de la destruction de la tour Martello no3  pour l’agrandissement de l’ancien Jeffery Hale (un hôpital de Québec) en 1904,  etc.

Il a surtout photographié Québec et ses environs. Commme la écrit Fernand Caron, dans Fred C. Würtele, photogaphe ,Würtele:

photographie, à l’instar des touristes, les particularités de la ville tels le Vieux-Québec, les environs du Parlement ou bien la rue Saint-Pierre. (p.10)

Quartier Saint-Jean-Baptiste - Boulevard Saint-Cyrille Est - Tour Martello - Numéro 3 / Fred C. Würtele . - août 1904 Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Quartier Saint-Jean-Baptiste – Boulevard Saint-Cyrille Est – Tour Martello – Numéro 3 / Fred C. Würtele . – août 1904 Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Il nous a donné de superbes vues de Québec comme cette photographie prise du toit de la Banque Union et qui montre la rue Saint-Pierre (voir photographie suivante).

Dans l’ensemble, cependant, il a tracé un remarquable tableau de la ville de Québec qu’il sentait évoluer avec inquiétude. Cette affirmation n’est pas gratuite, compte tenu des nombreuses photos de démolitions et d’immeubles qu’ils nous a léguées. (Réf. p.11, Fernand Caron)

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A Québec, il a immortalisé le Morrin College, le Collège des Jésuites, le Marché Champlain, les plaines d’Abraham, le bureau de poste (et sa célèbre plaque du Chien d’or), le Capitole, les Jardins du Gouverneur, la rue Sous-le-Cap, le Bassin Louise, le Château Frontenac, la Grande-Allée, la Terrasse Dufferin, le quartier Saint-Roch, le quartier Latin, l’Esplanade, Place d’Armes, l’Hôtel de ville, et bien plus.

Voici quelques endroits qu’il a photographié: outre Québec, il y a Chicoutimi, Ottawa, Rivière-du-Loup, l’Ile d’Orléans, Chambly, Grand-Mère, Saint-Tite, Boischatel, Trois-Rivières, Saint-Romuald, Saint-André (Lac-Saint-Jean), Lennoxville (Sherbrooke), Toronto, Ottawa, Tewkesbury, Rivière-Ouelle, Lévis, etc.

Voici d’autres photographies:

Quartier Cap-Blanc - Rue Champlain - Catastrophe / Fred C. Würtele . - septembre 1889 Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Quartier Cap-Blanc – Rue Champlain – Catastrophe / Fred C. Würtele . – septembre 1889 Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

 

Beauport - Avenue Royale / Fred C. Würtele . - octobre 1897 Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Beauport – Avenue Royale / Fred C. Würtele . – octobre 1897 Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Le fonds Fred. C. Würtele contient plus de 575 photographies et il peut être vu presqu’entièrement en ligne sur le site de BANQ. Pour voir ces photos, allez sur Pistard, entrez le mot-clé de votre choix, cliquez sur Documents numérisés et validez. Sélectionnez ensuite Fonds Fred Würtele.  Des photographies sont aussi disponibles sur cybermuse.

Conclusion

Les photographies qui sont l’oeuvre de Fred Würtele constituent un témoignage intéressant sur la ville de Québec et ses environs à l’aube du 20e siècle. Elles mettent en valeur le patrimoine bâti, religieux et maritime du Québec. Ses photographies et ses diverses fonctions montrent à quel point il avait à coeur l’histoire et le patrimoine de Québec.

Sainte-Pétronille-de-l’Île-d’Orléans - Camp d'entraînements de l'Artillerie royale canadienne / Fred C. Würtele . - août 1904 Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Sainte-Pétronille-de-l’Île-d’Orléans – Camp d’entraînements de l’Artillerie royale canadienne / Fred C. Würtele . – août 1904 Source: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Bibliographie

CARON, Fernand. Fred C. Würtele, photogaphe.Ministère des Affaires culturelles, 1977, 276 pages.

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