
Savez-vous qui était cet homme?
Il s’agit d’Harry Kendall Thaw. Et il était loin d’être un enfant de choeur.
Triangle amoureux
Harry Kendall Thaw, d’origine américaine, est né en 1871. Il est le fils de William Thaw, qui a fait fortune grâce aux chemins de fer et aux mines. Harry Thaw a une jeunesse dissipée: il est renvoyé à plusieurs reprises des écoles où il étudiait. Il réussit à entrer à Harvard, grâce à la fortune paternelle, mais n’y fait pas grand chose, sinon fêter. Et il découvre la drogue, ce qui le rend encore plus instable et imprévisible.

Evelyn Nesbit vers 1901. Source. Library of Congress
Lorsqu’il voit pour la première fois Evelyn Nesbit, celle-ci a 16 ans. Elle est à l’affiche comme »chorus girl » à Broadway. Elle est sous la »protection » de Stanford White, un architecte, amateurs d’art et des jolies jeunes filles. Ils ont une relation malsaine. White abuse de la confiance de la mère d’Evelyn. Eventuellement, Evelyn doit devenir sa maîtresse.
Pendant une brève période, Evelyn Nesbit a fréquenté l’acteur John Barrymore (le grand-père de Drew). Pour mettre fin à cette idylle, on envoie Evelyn dans une école du New Jersey. Alors qu’elle se remet d’un opération, Thaw lui rend visite. Il emmène ensuite Evelyn et sa mère en voyage à Paris.
Thaw lui demande à plusieurs reprises de l’épouser au cours des mois suivants et elle finit par accepter. La cérémonie a lieu le 4 avril 1905.
Bang! Bang! Bang!
Le 25 juin 1906, Stanford White se trouve au petit théâtre en plein-air, sur le toit du Madison Square Garden, lorsque Harry Thaw s’avance vers lui et tire trois coups de feu mortels. Thaw prétendra plus tard qu’il avait voulu venger l’honneur de sa femme.
Un premier procès a lieu début 1907. Thaw plaide la folie, mais le jury ne parvient pas à s’entendre sur le verdict à rendre. Un deuxième procès est ordonné; il aura lieu en janvier 1908. Thaw est déclaré non responsable pour cause d’aliénation mentale. Il est envoyé à l’asile Mattewan State Hospital for the Criminal Insane à New York.

Thaw à Coaticook, 1913. Source: Library of Congress
Thaw à Coaticook
Le 17 août 1913, Harry Thaw s’évade. Il passe par le Vermont, puis s’arrête pour la nuit à l’hôtel de Ben Cadieux à St-Herménégilde. Cadieux, qui a reconnu le fugitif, alerte les autorités. Thaw est arrêté par le chef de police de la ville de Coaticook, Jean Boudreau. Harry Thaw devient pensionnaire d’une d’une cellule située au sous-sol de l’hôtel de ville de Coaticook.
Thaw n’est pas perçu par tous comme étant un dangereux fugitif, loin de là.
Ainsi,
[..]il arriva que la population de Coaticook prit parti pour Thaw qu’elle considérait comme un innocent persécuté. La fanfare locale allait le sérénader par les soupiraux de la cave de l’Hôtel de Ville où l’idole moisissait dans son cachot. Réf. Roch Dandenault, L’histoire de Coaticook, 1818-1976, p. 256
L’avocat William T. Jerome, qui avait réussit à faire enfermer Thaw à l’asile, et qui s’était déplacé en Estrie, fut même accusé d’avoir »pratiqué avec d’autres personnes sur la voie publique dans leur auto servant ainsi de salle de jeu illégal de cartes »à Coaticook (Le Progrès de l’Est, 5 septembre 1913). Jerome fut rapidement acquitté.
Le New York Time critique, dans cet article, les Canadiens qui sont sympathiques à Thaw.
Pour l’anecdote, le journal sherbrookois le Progrès de l’est du 22 août 1913 mentionne que Thaw »parle le français comme un vrai parisien de race ».
Harryy Thaw est transféré à Sherbrooke où son arrestation est annulée, car jugée illégale par le juge Hutchinson. Thaw est extradé quelques jours plus tard. Les autorités américaines l’arrêtent à Colebrooke, New Hampshire. Thaw subit un autre procès en 1915 et est libéré.

On voit ici le palais de justice de Sherbrooke (aujourd'hui la mairie) et quelques personnes attendant de voir le fameux Harry Thaw.New York Times, 7 septembre 1913.
Ses ennuis n’étaient pas terminés. En 1917, il est reconnu coupable d’avoir retenu contre son gré et agressé un jeune homme de 19 ans. Il retourne à l’asile jusqu’à sa libération en 1924.
Le sort d’Evelyn Nesbit et d’Harry Thaw
Evelyn Nesbit et Harry Thaw ont divorcé en 1915. Evelyn Nesbit a élevé leur garçon Russell William Thaw, né en 1910. Thaw a toujours nié en être le père. Elle est décédée en 1967 à Santa Monica, Californie.
Après sa sortie de l’asile, Harry Thaw a tenté, sans succès, de devenir producteur de films. Bien qu’ayant une réputation d’excentrique, il n’a plus jamais eu à faire face à la justice. Il est décédé en 1947 à Miami.
Le roman et le film Ragtime sont inspirés de l’histoire d’Evelyn Nesbit et d’Harry Thaw.
Bibliographie
PBS, émission The American Experience. [en ligne] The love Triangle. Entretien avec Paula Uburubu. [Page consultée le 17 février 2011] Adresse
Wikipedia [en ligne] Harry Kendall Thaw [Page consultée le 17 février 2011] Adresse
Le Progrès de l’est (Sherbrooke), août-septembre 1913 Adresse
LINDER, Douglas O. [en ligne] The Trials of Harry Thaw for the Murder of Stanford White [Page consultée le 19 février 2011] Adresse
DANDENAULT, Roch. L’histoire de Coaticook 1818-1976, Editions Sherbrooke, 1976, 730 pages.
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