Mesdames, prenez des notes!
L’Action catholique, 26 septembre 1936
L’EPOUSE DE SES REVES
Un »moins de trente ans » fut récemment questionné sur l’épouse de ses rêves. Ecoutez, jeunes filles mes soeurs, tout ce qu’il révéla sur les exigences matrimoniales de la jeunesse masculine moderne.
-Quel est votre idéal de femme? lui fut-il demandé?
– Je désire une femme jolie et coquette (au sens où l’entend l’auteur de l’Introduction à la vie dévote); une femme cultivée parce que je considère que la culture est indispensable à la femme, qu’elle est pour elle et les siens une force immense. La vraie culture, ce n’est pas celle qui donne des clartés de tout et n’approfondit rien, mais celle qui tend à une formation solide du jugement et de l’intelligence, à faire connaître la substance même des idées et des choses, à se réaliser pleinement soi-même, c’est pourquoi j’aimerais tant une intelligence très féminine; une intelligence intuitive, compréhensive, logique, divinatrice, d’une subtilité qui affine la nôtre, la complète; de cette intelligence-là, voyez-vous, Madame, l’homme ne peut se passer, car elle seule permet les délicieux échanges; un jour, elle nous ramène vers le concret, l’observation des faits, les applications pratiques; le lendemain, elle nous ouvrira dans le domaine de la pensée, de la philosophie surtout, des horizons immenses; il est curieux de constater comme la femme évolue à l’aise dans ce domaine; tout le génie de la femme réside dans les antennes mystérieuses de son intuition et dans la valeur de son jugement. Ah! le jugement! Dieu me préserve d’une femme qui en manque! d’une femme sans bon sens, fantasque, étourdie.
Je ne veux pas dominer ma femme, je ne suis pas un sauvage, je la délivrerai même du serment d’obéissance!
Je voudrais la protéger et, en même temps, m’appuyer sur elle. Je la voudrais, à la fois, forte et faible ayant une personnalité accentuée et une heureuse douceur; je voudrais qu’elle m’apporte tout ce qui me manque, qu’elle m’achève, qu’elle me fasse donner mon maximum.
Je ne conçois pas, ajouta cet exigeant spécimen masculin, une femme qui ne serait ni bonne, ni dévouée. En un mot, je voudrais un trésor, car elle devra être un exemple vivant pour nos enfants. Une femme comme cela, j’en aurais un tel soin!
Je n’ignore point non plus que, pour être vraiment accomplie, ma femme devra être bonne ménagère. Mais, cette science est innée chez la femme. D’ailleurs, point n’est besoin d’être bien malin pour y être expert quand on est femme. Ce qui doit être intolérable, par exemple, c’est d’avoir une épouse qui ne parle que du prix des denrées du caractère de la bonne, des nettoyages. Non, tout, excepté une femme pot-au-feu.
La femme de mes rêves n’aura pas besoin de dot… dit négligemment ce »moins de trente ans ».
Il vaut mieux une femme capable, qui sache équilibrer un budget, qu’une autre qui dépensera vingt fois les revenus de sa dot et n’aura pas idée de la valeur de l’argent. Non, nous ne tenons pas exclusivement à la dot; ce à quoi nous tenons, c’est à avoir : 1. une situation qui nous permette de rendre la vie agréable à la femme que nous aimons; 2. – une femme qui aime la vie simple. Aucun de nous ne veut une poupée; nous voulons tous une vraie femme qui augmente notre valeur.Et puis, en riez pas, c’est beaucoup plus grave parce que le problème religieux nous préoccupe tous, et qu’il faut pouvoir en causer avec une femme qui ne soit pas une bigotte confite dans des dévotions de second ordre, mais une croyante qui sache dire lorsqu’on le lui demande pourquoi elle croit et, au besoin, dissiper parfois les doutes qui peuvent nous traverser; la foi du charbonnier, aujourd’hui, ne suffit plus; d’abord les charbonniers n’en ont plus, et puis les croyances sont si discutées que la mère de nos enfants a besoin plus que jamais de savoir réfuter l’erreur; pour cela, il faut qu’une femme soit très instruite des choses religieuses, car si l’exemple d’une foi vécue est d’un exemple contagieux, la raison, chez l’homme, prime toujours le sentiment, surtout dans les problèmes que nous considérons toujours comme les plus grands des problèmes intellectuels. Je crois que c’est Maritain d’ailleurs qui a dit dans la Primauté du Spirituel: Dieu aime l’Intelligence; néanmoins que de femmes très intelligentes dans tous les domaines, sont stupides dans celui de leur foi.
Et voilà, jeunes filles mes soeurs, ce qui semble bien être l’épouse idéale, non pas seulement de ce jeune homme, mais encore de ceux de son temps, de son âge, de sa culture morale, de sa formation intellectuelle.
Comme moi, j’en suis sûre, vous le trouverez exigeant et vous vous demanderez, avec une certaine anxiété, ce qu’ils pourraient, lui et tous ceux qui lui ressemblent, ce qu’ils pourraient offrir en retour de tant de qualités et de charmes féminins.
Car, enfin, le mariage n’a pas été institué pour le seul bonheur de l’époux; l’épouse, elle aussi, a droit au bonheur… Il serait injuste et cruel qu’elle donne sans cesse sans ne jamais rien recevoir. Aimer c’est se donner, se dévouer, au besoin se sacrifier. La femme ne doit pas être seule à vivre la devise de l’amour…
Si vous le voulez, mes amies, dites-mois donc, à votre tour, quel serait l’époux de vos rêves. Je prendrais un plaisir fou à transmettre vos… exigences à la jeunesse masculine par trop exigeante.
Allons! vite, écrivez-moi.
Françoise Michel.
Demain, on donne la parole aux dames.
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