Mise à l’index du roman Les demi-civilisés de Jean-Charles Harvey [25 juillet 1934]

Radio. C.K.A.C. Jamais D'La Vie. Ernest Pallascio- Morin, Jean Charles Harvey. De gauche à droite : Messieurs Ernest Pallascio-Morin, auteur dramatique et Jean-Charles Harvey, directeur de l'hebdomadaire "Le Jour" en ondes dans les studios de la station radiophonique C.K.A.C., située au 980, rue Sainte-Catherine Ouest à Montréal. Par Conrad Poirier, 1939, BANQ.Cote : P48,S1,P22988

Radio. C.K.A.C. Jamais D’La Vie. Ernest Pallascio- Morin, Jean Charles Harvey. De gauche à droite : Messieurs Ernest Pallascio-Morin, auteur dramatique et Jean-Charles Harvey, directeur de l’hebdomadaire « Le Jour » en ondes dans les studios de la station radiophonique C.K.A.C., située au 980, rue Sainte-Catherine Ouest à Montréal. Par Conrad Poirier, 1939, BANQ.Cote :
P48,S1,P22988

La censure frappe!

Extrait de l’Action catholique, 26 juillet 1934

CONDAMNATION DU ROMAN DE M. HARVEY, INTITULE  »LES DEMI-CIVILISES »

La Semaine Religieuse de cette semaine publie la déclaration suivante de son éminence le Cardinal J.-M.R. Villeneuve, O.M.I., archêveque de Québec.

DECLARATION
CONDAMNATION DU ROMAN  »LES DEMI-CIVILISES »

Le roman  »Les demi-civilisés » de Jean-Charles Harvey tombe sous le canon 1399, 3′ du Code de Droit canonique. Conséquemment, ce livre est prohibé par le droit commun de l’Église. Nous le déclarons tel et le condamnons aussi de Notre propre autorité archiépiscopale. Il est donc défendu, sous peine de faute grave, de le publier, de le lire, de le garder, de le vendre, de le traduire ou de le communiquer aux autres.

(Can. 1398, 1)

Québec, le 25 avril 1934

J.-M. Rodrigue Card. VILLENEUVE, O. M. I.
Archevêque de Québec

Le lendemain…

Extrait de l’Action catholique, 27 juillet 1934

UNE DECLARATION DE M. JEAN-CHARLES HARVEY

M. Jean-Charles Harvey, nous adresse pour publication, la déclaration suivante, que nous nous empressons de communiquer au public.

 »Après la déclaration de son Eminence le cardinal Villeneuve publiée hier, je consens à retirer du marché mon dernier roman  »Les demi-civilisés », et je prie les librairies et l’éditeur de vouloir bien en tenir compte ».

Jean-Charles HARVEY
***

Par ce geste, notre confrère cause un véritable plaisir à tous ceux qui l’estiment véritablement.

M. Harvey accomplit sans doute un devoir, mais un de ces devoirs dont l’accomplissement honore dans la mesure où il coûte.

Et cet acte marquera l’une des étapes les plus fructueuses de la carrière de l’auteur, si le devoir est accompli avec courage jusqu’au bout.

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L’écrivain André Malraux donne une conférence à Montréal [avril 1937]

Voici la 731e entrée de ce blogue qui fête son quatrième anniversaire aujourd’hui.

En 1937, l’écrivain français André Malraux donne une série de conférences au Canada et aux États-Unis dans le but de récolter des fonds pour les Républicains  (on est alors en pleine guerre civile espagnole). Voici une entrevue qu’il a accordé au journal l’Autorité lors de son passage à Montréal.

André Malraux, prix Goncourt : [photographie de presse] / Agence Meurisse
André Malraux, prix Goncourt : [photographie de presse] / Agence Meurisse
Source: gallica.bnf.fr

L’Autorité, 10 avril 1937

NOS INTERVIEWS
MINUTES AVEC ANDRE MALRAUX

 »Franco, piètre soldat sans idéal, sera vaincu » – Les cas que l’écrivain fait des critiques – La guerre aux femmes et enfants.
__

C’est une foule enthousiaste qui a reçu M. André Malraux dimanche soir à l’hôtel Ford. Il y avait cinq cents personnes au banquet et plus de mille attendaient dans le hall leur tour d’entrer. Les uns portaient l’insigne de Lénine, d’autres la faucille et le marteau, des femmes le fusil brisé et nombre d’autres insignes à croire que de telles insignes sont devenues une spécialité de nos manufactures.

M. André Malraux est le vrai type d’intellectuel qui non seulement combat pour ses idées par la plume mais ne craint pas aussi de mettre volontairement sa vie en danger pour les besoins de la Cause.

Pris à part, M. Malraux a bien voulu répondre aux questions que lui a posé notre représentant.

– Qui pensez-vous aura la victoire en Espagne?

– Franco devait nous battre dans les quatre premiers mois de la révolution espagnole. Alors il avait tout pour lui: surprise, argent, munitions et aviation supérieure. Il a manque son coup. C’est un piètre soldat qui sera justement vaincu parce qu’il n’a pas d’idéal.

– Étant donné que vous représentez certes une valeur intellectuelle, pourquoi risquer continuellement votre vie comme vous le faites? ne croyez vous pas que vous vous devez d’abord à la masse et que votre mort pourrait être une bien plus grosse perte pour elle qu’un aviateur de moins sur le front de Madrid?

– C’est un point de vue qui se défend. Etant avant tout un écrivain révolutionnaire, incitant les masses à se révolter contre le pouvoir despotique des capitalistes sans conscience et de l’esclavage des dictatures il est juste que je récolte ce que j’ai semé avec tous mes camarades et qu’avec eux je vive ou je meure. J’ai horreur du mensonge et de la lâcheté.

– Seriez-vous assez aimable de me dire si vous avec une réponse à faire à ce qu’à écrit un journaliste montréalais à votre égard?

– Je n’ai pas lu. Dites-moi ça en deux mots, je verrai.

– Que vous étiez un missionnaire de sang.

– Je vous répondrai par une courte histoire. Lors de mon dernier séjour à Paris j’étais avec mon grand ami Paul Valéry. Ce dernier venait de recevoir un article critique à son sujet. Après en avoir regardé la longueur, il le mit au feu. Etonné, je lui demandait pourquoi, s’il ne lisait pas l’article, en regardait-il du moins la longueur. –  »Parce que si ce monsieur a passé deux heures à penser à moi, j’en fais autant, mais n’ayant pas de minutes à perdre, j’agis. » J’en dirait autant pour ce monsieur dont j’ai déjà oublié le nom.

M. Malraux est très nerveux, mais quand il répond, il est clair et concis. Après le banque, il se lève et adresse quelques paroles à l’assistance. Il répond à haute voix à toutes les questions qu’on veut bien lui poser. Quand quelqu’un lui demanda la vérité sur les atrocités commises en Espagne, il se redresse pâle comme un mort:

– Nous n’avons jamais bombardé de villes ouvertes. Les rues de Madrid sont bombardés tous les jours ou presque. Les insurgés en veulent aux femmes et aux enfants afin de les terroriser, même tactique que les Allemands ont employée durant la guerre de 1914. Rien que pour soigner les enfants nerveux de Madrid, il faudrait plus d’hôpitaux que nous n’en avons actuellement. Je remercie les Canadiens pour leur encouragement et je suis fier de dire que le service de transfusion du sang du Dr (Normand) Bethune a rendu jusqu’ici d’immenses services.

Les applaudissements deviennent du délire. M. Malraux du poing fermé salue l’assistance. Tout s’estompe dans les derniers accents de l’Internationale.

Jacques ANTOONS

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Oscar Wilde à Montréal [mai 1882]

Oscar Wilde à New York, 1882. Source: Wikipédia

En 1882, l’écrivain d’origine irlandaise Oscar Wilde visitait Toronto et Montréal dans le cadre d’une tournée nord-américaine où il a donné plusieurs conférences. Voici quelques extraits d’articles de journaux concernant sa visite à Montréal.

La Patrie, 15 mai 1882

Oscar Wilde, le seul, le grand Oscar, l’apôtre de l’esthétique, de la culotte, de la crinière à la Chapleau et de la jaquette de velours est en ville et fera ce soir une conférence sur  »l’art dans la décoration ». Tous les cerveaux brûlés, les femmes histériques [sic] et les gommeux décavés sont particulièrement invités à aller entendre et applaudir le seul véritable, l’original et superlativement incroyable Oscar.

The Daily Witness, 15 mai 1882

Mr. OSCAR WILDE

The leader of the aesthetic school has arrived in town, and is staying at the Windsor. Last evening, he was entertained at diner by members of the St. James Club, and was made an honorary member. Today he visits the convent of the Sacred Heart and other places of interest in and about Montreal. Tonight he gives his first and only lecture in Montreal at Queen’s Hall on « Art decoration » and not on the « English Renaissance » or « English Reminiscences » as announced in some of  the city newspapers. The subject is said to be an intensely interesting one, and this, coupled with the fame of the talented lecturer and the praise-worthy object to which the proceeds are to be devoted, should  ensure a bumper house.

The Daily Witness, 16 mai 1882

OSCAR WILDE’S LECTURE

Oscar Wilde on art decoration – The celebrated costume – Art in simple things

The Queen’s Hall was crowded last night. Not only curious seekers after the new and the queer, but men and women who take a deep interest in questions of art, were there in large numbers. About half and hour after the advertised time Mr. Wilde appeared. He was clad in the now famous black velvet old fashioned coat, waistcoat and knee-breeches, black silk hose and buckled shoes. Lace cuffs at the wrists, and lace collar surrounding the neck and falling gracefully over the chest, completed, with the flowing locks, a picturesque costume. After Dr. F. W. Campbell had briefly introduced the lecturer, who had very liberally met the committee’s overture, the tall from advanced, and stood with head erect, body thrown back, and hands clasped in front. Every now and then, the attitude would change, the left hand resting on the hip, while the right hand waved emphasis to emphatic sentences, toyed with a bunch of heavy gold seals, or rested gently on the little desk.

[…]

We had here one of the essentials of art sunlight. Mr. Wilde said that when he went up the hill behind this lovely city, he was delighted with the clear atmosphere, and hope they will never allow it to be polluted with the smoke of factories and tall chimneys, which no man had a right to bring in their midst.

[…]

Mr. Wilde was heartly applauded as he finished his lecture, and without more ado bowed himself on the platform. He gives another lecture in the Queen’s Hall, by special request, on Saturday afternoon, at half past two. (voir The Daily Witness, 22 mai 1882) The object will be the same – the fund of the Women’s Hospital. The subject will be « Exterior and Interior House Decoration » bring the practical application of  the principle of the aesthetic theory to exterior and interior house decoration, and to dress and personal ornamentsL the value of art in education, and the relation of arts to morals.

La Patrie, 17 mai 1882

On dit que le fameux Oscar Wilde a reçu plusieurs invitations des premières familles de notre ville. Ils les auraient refusées presque toutes. La vue de la ville sur la montagne a, paraît-il, frappé son imagination de poète.

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La tragédie de l’Empress of Ireland, 29 mai 1914, en images