L’explosion d’un colis cause un décès à Sherbrooke [1913]

Le Progrès de l’Est, 17 juin 1913

TRAGÉDIE MYSTÉRIEUSE
__
MORT DE Mme A. BILODEAU
_

Victime du plus lâche, horrible et odieux crime, Mme Alphonse O. Bilodeau, épouse de l’entrepreneur bien connu résident de la rue Sanborn, au coin de la rue Wellington, est morte instantanément ce matin, vers 11.20h. avant-midi, dans la cuisine saccagée de sa résidence.

Voici la résidence où a eu lieu le drame. La Patrie, 18 juin 1913

Voici la résidence où a eu lieu le drame. La Patrie, 18 juin 1913

Cette nouvelle a stupéfié et consterné notre population.

Voici les faits résumés:

A son usuelle tournée de passage vers les dites 11.20h. le facteur postal habituel du quartier, M. Omer Gaumont, remettais à Mme Bilodeau, occupée dans sa cuisine, un petit paquet ficelé et deux lettres. Quelques minutes après sa sortie et à peine lui arrivé; au bas de la rue, sur la rue Wellington, distance d’une cinquantaine de pieds, une forte explosion détonnante mis en pièces les vitres des fenêtres de cette cuisine, et le facteur aperçut quelque fumée sortir de la pièce et entendit crier, appeler au secours de l’endroit en question. Alors il fit jouer le signal avertisseur aux pompiers qui accoururent sans retard, et l’on vit, non pas un incendie, mais un spectacle affreux.

Le journaliste décrit ensuite de façon détaillée le cadavre de Mme Alphonse O. Bilodeau. Vous me permettrez d’omettre ce passage. Sur les lieux du drame, on trouve aussi la belle-soeur de madame Bilodeau.

M. et Madame A. O. Bilodeau. Le Progrès, 20 juin 2013

M. et Madame A. O. Bilodeau (Célanire Allaire). Le Progrès, 20 juin 2013

A côté, haletante, blessée, en sang, la belle-soeur de la victime, Mlle Anna Bilodeau, de St-Flavien, qui était hôte de la famille depuis une quinzaine, se trouvait blessée, ayant tout le visage en sang, les yeux à demi-voilés et brûlés; mi-évanouie; elle criait lamentablement par atroces souffrances.

Police et docteurs furent vivement appelés pour faire les premières constatations légales et pour donner les soins les plus urgents en ce triste état des victimes.

Après examen des Drs Bachand, Ledoux, Ethier et Bertrand, il fut reconnu que Mme Bilodeau était bien morte du coup fatal d’explosion subite, et qu’il y avait nécessité de faire transport aussitôt Mme Bilodeau à l’hôpital St-Vincent de Paul, où ensuite des premiers soins et calmants par le Dr Ethier, elle put reprendre connaissance et ainsi expliquer les causes de l’accident tout criminel.

Le facteur qui a livré le colis. La Patrie, 18 juin 1913

Le facteur Omer Gaumont a livré le colis fatal. La Patrie, 18 juin 1913

A l’arrivée du facteur, elle avait demandé si pour elle il y avait une lettre qu’elle attendait. La réponse fut négative. Les deux lettres reçues étaient pour la maison. Restait le petit paquet, en petite boîte en forme de boîte de gants. Les deux femmes, en hâte de curiosité, voulaient en connaître le contenu. Mme Bilodeau se mit en devoir de l’ouvrir à l’aide de la lame d,un couteau, et alors il s’ensuivit la brusque terrible explosion dont on vient de rapporter les suites.

M. Bilodeau qu’on était allé prévenir avec quelque ménagement arriva et resta hébété, stupéfié devant le triste spectacle auquel il ne pouvait croire. Un peu redevenu maître de lui-même, il essaya quelques explications, quelques suppositions de basse et lâche vengeance à son adresse à lui-même plutôt qu’à la malheureuse victime.

Les trois jeunes enfants absents heureusement arrivèrent de leurs écoles, à l’heure du midi. Comprendre leur douleur navrante de se voir si subitement orphelins est tout naturel!

Toute sérieuse que soit la position de Mlle Bilodeau, il n’y aurait d’autre gravité que celle pour elle de rester défigurée.

Des deux lettres remises: une a été retrouvée intacte par terre, elle était à l’adresse du fils Alfred Bilodeau et portait le cachet oblitérateur de Chicago; l’autre lettre a été en partie détruite par l’explosion, quelques morceaux informes ont pu être retrouvés et pourront peut-être servir à quelque renseignement lors de l’enquête du coroner.

Quant au petit paquet, cause de tout le mal, c’était, à dit le facteur O. Gaumont qui n’a pas remarqué le cachet postal de départ, une petite boîte genre de boîte à gants en carton épais, mesurant environ 6 X 2 pouces, enveloppé dans un papier attaché avec ficelle, adressé à la victime, et à l’apparence non suspecte d’aucun soupçon de danger ni de délit. Selon une déclaration rapportée du Dr Noël en possession d’un débris de cartouche trouvé incrusté dans un morceau de bois au lieu de l’accident, – la boîte était une machine infernale oeuvre élémentaire d’anarchiste et munie d’un petit appareil en fil de fer et caoutchouc devant servir en ressort de détonateur mécanique dès l’ouverture de la boîte chargée de matière explosible et détonnante.

La police provinciale de Québec aurait été avisée afin de faire des investigations pouvant arriver à percer le mystère qui entoure cette terrifique affaire sans précédent ici, et comme conséquence, à faire connaître l’auteur d’un pareil crime, horreur anarchiste, qui est le premier du genre à inscrire dans les annales de la si paisible ville de Sherbrooke de tout temps passé et présent.

L’enquête légale du coroner Dr Bachand a été fixée à ce soir mardi à huit heures, sur place même, devant les restes mutilés conservés de l’infortunée victime. Après cette enquête, on fixera le jour des funérailles, que la présence du public bien affecté de la catastrophe rendra plus imposantes.

La défunte qui était en plein état de santé, est survécue par son mari et par cinq enfants: Alberta 21 ans, Alfred 19 ans, lydia 16 ans, Oliva 14 ans, et Félix 12 ans.

[..]
Nous adressons à M. Bilodeau, à ses enfants, à sa soeur et à toute la famille, nos plus sympathiques condoléances pour la cruelle épreuve qu’ils traversent si opinément et qu’apaisera le Dieu vengeur à qui rien ne peut échapper!

N.D.L.R. La supposition admissible de la petite machine infernale est qu’elle doit être l’élémentaire simili bombe Orisini explosible par simple répercussion ou frottement et que le détonnant devait être tout simplement: les poudres nitroglycérinées de fulmigate mélinite et dynamite mélangées dont l’effet foudroyant en rate hélas! jamais.

Trois semaines avant le drame, les Bilodeau avaient reçu un colis anonyme contenant des pilules et une lettre clavigraphiée (La Patrie, 19 juin, p. 14) Madame Bilodeau, après avoir pris connaissance de la lettre, jeta le tout au feu.

Le 27 juin 1913, la police arrêta M.L. A. Dufresne, un arpenteur de Sherbrooke mais il fut libéré quelques jours plus tard. Entre-temps, le témoin Salomon Ouellette quitte la ville pour une raison inconnue (La Patrie, 2 juillet 1913 et Le Progrès de l’est, 4 juillet 1913).

A ma connaissance, cette affaire n’a jamais été résolue.

Billets reliés

Explosion au Parlement [Québec, 11 octobre 1884]

Le fantôme de Mary Gallagher (Griffintown, Montréal, 26 juin 1879)

Un anarchiste canadien-français à New York [1914]

Le vinum colchici est dangereux pour la santé (Tabb’s Yard, Montréal, 1873)

Singulier effet de la fermentation des substances spiritueuses [Louisiane, 1836]

L’histoire suivante se déroule en Louisiane.

La Gazette de Québec, 1er octobre 1836

Singulier effet de la fermentation des substances spiritueuses

Nous apprenons que, ces jours derniers, le curé de la paroisse Saint-Charles, se promenant en plein midi, sur la galerie de son domicile, dépendant de l’Église-Rouge, entendit tout à coup un grand bruit comme celui que produirait l’explosion d’une mine. Sa révérence avait les regards tournés du côté du cimetière, et soit qu’il vit la chose, soit que d’après la direction du son il comprit qu’un événement avait eu lieu dans cet endriot, il s’y transporta en toute hâte. Mais quelle fut sa surprise, en voyant une tombe entr’ouverte et les débris épars ça et là à une grande distance***** Il s’approcha de la tombe et découvrit de premier abord que l’explosion avait été produite par la fermentation de l’eau-de-vie que contenait le cercueil dans lequel on avait déposé le corps de M. Destréhan, fils, pour le transporter de New-York, où il était décédé, à la paroisse Saint-Charles, ancienne résidence de sa famille.

Billets reliés

Liste des noms de lieux d’origine française aux États-Unis

Chronicling America – les journaux historiques américains

Journaux francophones en ligne hors-Québec 19/20e siècle Canada/États-Unis

Quelques livres numérisés sur les Franco-Américains (1872-1920)

Sur le web: 1682-1803 La Louisiane française

La poudrière explose [Québec, 4 mars 1864]

Extrait du Canadien du 4 mars 1864

TERRIBLE EXPLOSION

A midi moins vingt minutes une forte détonation s’est fait entendre par toute la ville et a été immédiatement suivie d’une commotion souterraine qui s’est fait sentir jusqu’à notre établissement. Quelques minutes après nous apprenions que la poudrière à côté de la porte St. Jean avait fait explosion.Voici les détails que nous avons pu recueillir à ce sujet:

Au moment de l’explosion le capitaine Mahon était dans le laboratoire avec 17 soldats occupés à la confection des cartouches. 12 à 15 de ces derniers ont été tués et les autres sont plus ou moins blessés. Les sapeurs avec une compagnie de soldats sont actuellement occupés à retirer des décombres les victimes de cet épouvantable accident.

Le capt. Mahon a été retiré dans un état désespéré.

Le choc de l’explosion a brisé une partie des vitres des maisons de la rue St. Jean et les débris lancés dans toutes les directions ont plus ou moins endommagé les bâtisses environnantes  dans un rayon assez étendu.

La plupart des magasins sont fermés, de la porte St. Jean jusqu’ à la côte du Palais, leurs vitrines ayant été en grande partie mises en pièces.

Le choc s’est fait sentir jusqu’à la maison Bilodeau, rue La Fabrique, ou une des vitrines a été mise en pièces malgré que le verre eût un demi pouce d’épaisseur.

On pense que pas moins de 500 maisons ont été plus ou moins atteintes dans cette fatale explosion, et nous avons vu des pièces de bois jusqu’à 12 pieds de longueur sur un pied lancées à près de 100 pieds du lieu de l’accident.

Il y avait, paraît-il, environ 1,200 à  1,300 livres de poudre dans la bâtisse qui a fait explosion.

L’édition du 7 mars 1864 (page 2) du Canadien donne plus de détails sur la tragédie

Billets reliés

Faits divers: l’histoire des soeurs Hurley [Québec, juin 1904]

Un jeu dangereux [Québec, été 1869]

Explosion au Parlement [Québec, 11 octobre 1884]

Quelques évasions signées Bis Belleau [Québec,1869-1871]

Francis Zuell, victime d’un brutal assaut [Québec, 20 septembre 1864]

Un enfant abandonné [Québec, 27 février 1864]

Hier matin, une femme de mauvaise vie… [Québec, 25 février 1864]

Explosion au Parlement [Québec, 11 octobre 1884]

Photographie | Vue de la ville de Québec depuis l'escalier de la Citadelle, QC, vers 1884 | VIEW-1465

Vue de la ville de Québec depuis l'escalier de la Citadelle, QC, vers 1884

Dans ce cas-ci, on ne parle pas de députés qui se chamaillent, mais d’une explosion bien réelle…

Dans le Canadien du 13e octobre 1884, on lisait ceci:

LA DYNAMITE A QUEBEC
EXPLOSION DU PARLEMENT

DOMMAGES CONSIDERABLES

TERRIBLE PANIQUE

Il ne manquait plus à Québec, pour le signaler à l’attention universelle, qu’une explosion de dynamite, et c’est précisément ce que nous avons eu aujourd’hui.

A l’heure qu’il est, de partout le globe, on sait, grâce aux communications télégraphiques, que le Parlement de Québec, qui n’est même pas terminé, à été l’objet de la malveillance de dynamiteux.

Cet événement, aussi impromptu que terrible, est arrivé à une heure moins un quart, alors que les nombreux ouvriers employés   aux édifices parlementaires s’en allaient, après avoir dîné sur le pouce, reprendre leurs travaux.

Une terrible détonation s’est soudain fait entendre et a été répétée jusque dans la gorge des Laurentides. Cela ressemblait ni à la foudre ni à un coup de canon, et cependant on entendait dire à quelques personnes que c’était l’annonce du départ du transatlantique.

L’incertitude n’a pas été d’une longue durée, car comme l’éclair la nouvelle s’est aussitôt répandue dans la ville que le parlement venait de sauter.

Un instant après, une foule immense, anxieuse de connaître les détails de la catastrophe, stationnait en face des édifices parlementaires, sur la pelouse qui s’étend devant la partie en construction.

Des pierres de toutes les grosseurs jonchaient le sol il y en avait une qui pesait pas moins de 200 livres et qui portait des traces non équivoques de dynamite.

Au deuxième étage de la façade de l’édifice, la dernière fenêtre au sud et contiguë aux bâtisses départementales, n’existait plus. La pierre était enlevée autour sur une largeur de deux pieds. De plus, le mur était lézardé et disjoint en tout sens.

En pénétrant à l’intérieur de l’édifice, on était frappé des dégâts qu’avaient causé l’explosion.

En effet, chacun a pu voir et peut encore voir que dans les bureaux, les portes de quelques secrétaires ont été brisées et que la plupart des vitres sont cassées. Partout, le parquet est jonché de débris.

En sortant dans la cour intérieure, on demeure terrifié en voyant  tout autour des bâtisses les vitres brisées et jusqu’aux châssis enfoncés et flottant dans le vide.

Enfin, dommage énorme, le mur d’arrière opposé à la façade où l’explosion a eu lieu, est repoussé d’environ trois pouces sur une  certaine étendue, et tous deux devront être démolis et reconstruits.

Les dommages doivent s’élever par conséquent à une  quinzaine de mille piastres.

Voici maintenant ce qui a été possible d’apprendre jusqu’ici sur les causes de cette terrible catastrophe, qui aurait certainement eu des conséquences lamentables si elle fût arrivée une demi-heure plus tard, alors que tous les ouvriers sont au travail.

Ce matin, un ouvrier du nom de Petit travaillait au deuxième étage du parlement, lorsqu’il aperçut sur le plancher une petite valise qui lui paru assez singulier de trouver en cet endroit mais dont il ne s’occupe pas autrement que pour la placer plus loin, parce qu’elle lui nuisait.

Nous croyons cependant qu’il la fit voir à un de ses compagnons nommé Parent.

On comprend que cette espèce de valise n’était ni plus ni moins qu’une machine infernale qui devait faire exploser à heure fixe.

Par qui cet engin destructeur a-t-il été déposé là? Mystère?

M. Charlebois a travaillé à son bureau, hier soir, avec ses employés, jusqu’à onze  heures, et il n’a rien vu de suspect.

Dans la soirée, M. Lefebvre, comptable chez MM Beaudet & Chinic, a vu sortir des nouvelles bâtisses quatre individus.

Un ouvrier qui se trouvait sur le toit du parlement au moment de l’explosion, a été lancé sur la gouttière des édifices départementaux où il a eu le bonheur de se cramponner.

Un menuisier nommé Elzéar Martel a reçu au cou une pierre grosse d’un demi pouce qui a pénétré dans les chairs et qu’à extraite le Dr Jackson. La blessure n’est pas dangereuse.

M. Charlebois lui-même a failli y passer.  Au moment de l’explosion, il écrivait à son bureau, le dos tourné à la fenêtre.

Celle-ci a été enfoncée par une pierre et les débris ont été projetés dans toutes les directions.

Les dégâts ne se sont pas bornés au parlement, où les murs intérieurs sont tous démantelés. Les vitres ont été brisées jusque dans la rue Lachevrotière et dans tout le voisinage immédiat des édifices parlementaires.

Inutile de dire que cette catastrophe extraordinaire a mis toute la population sur pied.

Photographie | Édifices du Parlement, Québec, QC, vers 1890 | VIEW-2343.A

Édifices du Parlement, Québec, QC, vers 1890

Mais ce n’est pas tout..

SECONDE EXPLOSION

NOUVEAUX DOMMAGES

A peine notre population affolée était-elle revenue de ses émotions qu’une seconde détonation se faisait entendre. Il était trois heures moins le quart, juste deux heures après la première explosion.

Notre reporter se rendit de suite sur les lieux et constata qu’une nouvelle cartouche de dynamite placée au second étage, au coin nord de la même façade venait de causer des dégâts considérables. Un immense bloc de pierres de taille, qui forme partie de la base de l’édifice a été sortie du mur qui reste chancelant.

En quelques minutes, il y avait foule sur le terrain et les bruits les plus sinistres étaient mis en circulation. Partout dans les groupes, on nous assurait qu’une dizaine d’hommes avaient été ensevelis sous des décombres provenant de la chute du mur de revêtement. Il n’en était rien heureusement.

Tout cette partie du mur est tellement brisée qu’elle devra nécessairement être démolie sans retard.

Le juge Chauveau était sur le théâtre du désastre au moment où nous le quittions.

On s’attend de minutes en minutes à une nouvelle explosion plus désastreuses que les deux premières. Un cordon d’hommes de police maintient les spectateurs à distance.

Des soldats et des ouvriers ont ensuite inspecté la bâtisse et n’ont rien trouvé.

Une récompense de 500$ était offerte à toute personne pouvant fournir des renseignements menant à l’arrestation des responsables de l’explosion.

Avis publié dans Le Canadien, 14 octobre 1884

Le lendemain, Le Canadien nous livre le témoignage d’une femme qui raconte qu’elle suspecte quatre de ses pensionnaires d’être impliqués dans l’affaire (voir page 1).

Selon le site web de l’Assemblée nationale du Québec:

 D’innombrables rumeurs courent sur l’identité des auteurs de l’attentat. Une enquête est menée, mais elle est abandonnée quelques mois plus tard, faute de piste. (Réf.)

Billets reliés

Québec en 1870 par le photographe Louis-Prudent Vallée (1837-1905)

Le domaine Spencer Wood (auj. Bois de Coulonge), Québec

Photographies de Québec (1886-1910) par Frederick C. Würtele

Histoire parlementaire du Québec

Évasion à la Citadelle de Québec, 16 octobre 1838

L’explosion d’Halifax, Nouvelle-Écosse, 6 décembre 1917

Le 6 décembre 1917, un navire français, le Mont-Blanc, et un navire norvégien, l’Imo, entraient en collision dans le port d’Halifax.

Le Mont-Blanc prit feu et explosa, tuant 2 000 personnes et en blessant des milliers d’autres. L’explosion engendra un tsunami, et une onde de choc si puissante qu’elle cassa des arbres, plia des rails de chemin de fer et démolit des édifices, transportant les fragments sur des centaines de mètres. L’explosion fut entendue à 420 kilomètres de distance.

Ce fut la plus grande explosion créée par l’activité humaine jusqu’au premier essai atomique en 1945 et elle figure toujours parmi les plus grandes explosions non-nucléaires artificielles. (Source: Wikipédia)

L’aide afflua de plusieurs endroits, dont Québec et Montréal.

Extrait de La Patrie, 10 décembre 1917.

LES SECOURS DE QUEBEC A HALIFAX

Québec, 10. Les autorités militaires de Québec n’ont pas perdu de temps pour courir au secours des sinistrés d’Halifax. Dès samedi, plusieurs médecins de Québec, cinq gardes-malades, cinq charpentiers sont partis de Québec apportant avec eux de nombreux colis contenant des remèdes, des provisions et des vêtements de toutes sortes. Parmi les médecins qui sont partis, on remarque les chirurgiens-majors Hubbard, Todd, Carrick, Cairns, Nelson, Saint-Amand, Delage, Parker et Cox.

Source: la Patrie, 10 décembre 1917

A Montréal, on amassa  des vêtements, des chaussures, des denrées, des médicaments, des matelas, des lits pour enfants, etc. pour les envoyer à Halifax. Il y eut des souscriptions.

Georges Leblanc, résident de Lévis, Joseph J. Boiseau, Joseph Chartrand, Walter Tucker,  Peter Vallee de Montréal, Ludger Adelard Lebel de Hull et Pontleon(?) Lemieux, du Québec, figuraient parmi les victimes.

Voici quelques photographies montrant l’ampleur des dégâts.

Source: Library of Congress

Source: Bibliothèque et Achives Canada

Vue d’Halifax, après le désastre, à partir de Pier 8. Sources: Bibliothèque et Archives Canada

Vue nord-sud des dommages causés par l’explosion. Source: Bibliothèque et Archives Canada

Soldats participant aux opérations de secours. Source: Bibliothèque et Archives Canada

Après l’explosion, rue Gottingen, Halifax. Source: Bibliothèque et Archives Canada

Pour en savoir plus:

Un reportage diffusé au Téléjournal de Radio-Canada le 5 décembre 1987 (On y entend Margaret Boulay, témoin du drame)

Wikipédia [en ligne] Explosion de Halifax [Page consultée le 5 décembre 2011] Adresse URL 

Site web des archives de la Nouvelle-Écosse qui contient entre autres des films totalisant 13 minutes montrant Halifax peu après l’explosion.

Billets reliés

Le naufrage du Lunenburg (4 décembre 1905, Iles de la Madeleine)

Le naufrage du Titanic d’après les journaux québécois de l’époque

La tragédie de l’Empress of Ireland, 29 mai 1914, d’après les journaux de l’époque

La tragédie de l’Empress of Ireland, 29 mai 1914, en images

Le naufrage du Lady Seaton (Iles de la Madeleine, 4 décembre 1847)

Explosion au chemin de fer de la Baie des Ha! Ha! [14 avril 1910]

Voici une histoire qui illustre bien les risques auxquels s’exposaient les hommes qui ont travaillé à la construction du réseau ferroviaire du Québec.

Nous sommes en 1910. On construit alors le chemin de fer entre Chicoutimi et la Baie des Ha! Ha!

Dans le journal La Patrie du 15 avril 1910, on pouvait lire l’article suivant:

EPOUVANTABLE CATASTROPHE A BAGOTVILLE DE CHICOUTIMI

Les entrepreneurs Stanislas Gagné et O’Brien ainsi que quatre ouvriers sont tués par l’éboulement d’une grande étendue de terre – Plusieurs blessés

Dépêche spéciale de La Patrie. Chicoutimi, Qué, 15 – Une terrible explosion de dynamite et de poudre s’est produite, hier, à Bagotville, sur la ligne du chemin de fer en construction de la Baie des Ha Ha!

Les deux entrepreneurs Gagné et O’Brien, ingénieurs civils et quatre travailleurs ont été tués; plusieurs autres ont été blessés.

L’accident est arrivé hier après-midi, à trois milles du village de Bagotville à l’endroit des Chutes, dans une coupe de terre pratiquée pour la construction de la ligne.

Une grande quantité de dynamite et 200 quarts de poudre éclatèrent, et un éboulis de terre sur une étendue de 75 000 verges en retombant, ensevelit le camp où dormait l’équipe de nuit.

Sous les décombres a été trouvé Stanislas Gagné, ingénieur, fils de François,  de Saint-Joseph d’Alma. Il fit ses études à l’Université de Toronto, et était l’associé d’O’Brien. – En outre des deux entrepreneurs, ont été tués un nommé Jennings, de Toronto et un Danois.

Un autre Danois et un Suédois, Wm Peterson, sont mourants.

Olsen, Suédois, a subit des lésions graves. Un nommé Soucy, de Sainte-Hedwige, Lac-St-Jean, a eu une jambe cassée.

Le 16 avril, le portrait de la tragédie se précise:

LE DESASTRE DE BAGOTVILLE

Quebec 16. Nous apprenons de Chicoutimi, que l’éboulement meurtrier de jeudi dernier à Bagotville a couvert un terrain de vingt arpent carrés sur une épaisseur d’environ dix pieds. La mine avait été chargée de cinq mille livres de poudre de dynamite. L’explosion a pris une direction autre que celle que l’on attendait et c’est ce qui explique le désastre.

Plus d’un millier de personnes ont visité les lieux hier malgré le mauvais état des chemins. L’endroit est à cinq milles du village de St-Alphonse et à neuf milles de la ville de Chicoutimi.

Trois bâtiments de cent pieds par trente ont été détruits et couverts par les débris. Jusqu’ici, deux victimes ont été retirées des décombres.

Ce sont deux Suédois dont les noms sont inconnus. Trois blessés, deux Suédois et un Canadien, du nom de Soucy, de St-Edwige, Roberval. Celui-ci n’a qu’une jambe fracturée.

Il reste deux victimes sous les décombres: un Suédois inconnu et m. Ladislas Gagné, ingénieur bien connu à Toronto, et dans toute notre région; les entrepreneurs du chemin de fer sont MM O’Brien et Jennings, de Toronto. Les fouilles sont poussées avec ardeur, mais on croit qu’il sera impossible de trouver les deux dernières victimes, si elles ne  sont pas toutes sous les décombres des bâtiments écroulés. Il y avait une cinquantaine d’hommes sur les lieux lors du sinistre. L’ingénieur Gagné était dans un des bâtiments, mais le cuisinier qui a réussi à se sauver était tellement transporté qu’il ne sait si Gagné est sorti.

Tancrède Gagné et J. T. Armand courtier, de Montréal, frère et beau-frère du jeune ingénieur Stanislas Gagné, sont partis pour la scène du désastre hier soir.

***

Une du Quebec Chronicle du 15 avril 1910

Le corps de l’ingénieur Gagné a été retrouvé deux jours plus tard selon La Patrie du 18 avril. Il restait sous les décombres Olsen, père de famille. L’un des blessés, mourant, était  identifié comme étant un dénommé Torenfen. Dans l’édition suivante, La Patrie publie une autre liste des victimes: Ladislas Gagné (31 ans), Alex Robertson (40 ans), Marius Quinen (35 ans) et Olsen, 40 ans. Robertson et Quinen étaient de nationalité danoise. L’article précise que les travailleurs sur le chantiers étaient Italiens,  Finlandais et Suédois.

La tragédie de Bagotville a laissé sa marque dans la toponymie québécoise. Ainsi, l’événement est commémoré par le lieu-dit  L’Éboulis.

Vous pouvez voir ici de quoi avait l’air le réseau ferroviaire dans la région en 1913 (site du Ministère des Ressources naturelles du Canada).

Bibliographie

La Patrie, 15, 16 et 18 avril 1910

Noms et lieux fascinants du Québec [ressource électronique] / [COPAM] Concertation des organismes populaires d’alphabétisation en Montérégie, Châteauguay, Québec, 1998. Adresse URL

Billets reliés

Explosion à Hochelaga [26 mai 1888]

Un incendie dévastateur au Saguenay-Lac-Saint-Jean, 19 mai 1870

Bibliothèque numérique: Les classiques des sciences sociales

Le photographe Alexander Henderson (1831-1913)

Villages disparus du Québec (première partie)

Explosion à Hochelaga [26 mai 1888]

En 1888, Hochelaga (Montréal) était éclairée grâce au gaz depuis plus de 16 ans. Pour fournir ce gaz, la Montreal Gaz Company avait bâti un énorme gazomètre de 50 pieds de hauteur, 120 pieds de circonférence, ayant une capacité de stockage de 700 000 pieds cubes (Daily Witness, 26 mai 1888). Le réservoir avait été construit en briques et en fer.

Carte de 1879 représentant Hochelaga. Les installations de la Montreal Gaz Company sont en bas, à gauche, dans la zone verte. Source: BANQ. Pour voir la carte agrandie, cliquez sur celle-ci puis sélectionnez la carte numro 74. 

Le 26 mai 1888, à 8:30 du matin, une douzaine d’employés sont présents sur les lieux. La catastrophe survient. Puis un énorme bruit se fait entendre. Les curieux se précipitent pour voir ce qui s’est passé. Et on constate que c’est sérieux.

Le gazomètre a complètement été détruit.

Ce vaste réservoir n’était plus qu’un amoncellement de briques, poutres en fer brisées et tortues, solives en charpie, rejetées du réservoir, rempli d’eau sale et verdâtre, et sur lequel s’était aplatie la grande couverture en tôle. Source

L’explosion avait fait cinq morts et plusieurs blessés.

Selon les journaux de l’époque, sont décédés:

Samuel McCaffee, né en Irlande, âgé d’une vingtaine d’années;

Sam Bell (surveillant du gazomètre ou ingénieur), 42 ans;

John Angell, 22 ans;

Joseph Angell, frère de John;

James ou Thomas Stacey, peintre de la Montreal Bridge Co, Indien de Caughanawaga, âgé de 27 ans;

Blessés (brûlures, etc):

Angus Guy  (peintre de la Montreal Bridge Co, Indien de Caughanawaga, âgé de 27 ans);

Georges Fischer, peintre de la Montreal Bridge Co,  américain âgé de 24 ans

Gerard Donohue, 31 ans;

Robert Culquhoan, environ 35 ans et

Richard Peachey.

La scène du désastre. Extrait du Monde illustré, 2 juin 1888

Les causes du drame

M. Joseph, président de la Montreal Gaz Company:

la couverture s’étant effondrée et que la compression de l’air avait fait éclater les taurailles (?); en un mot, une simple question de construction. Source

Un ingénieur:

c’est Angell qui est venu chercher une lampe ici et il  faut que le feu ait été causé par le feu, car l’explosion a eu lieu quelques minutes après son départ, le temps de se rendre au réservoir. Source

Mr Angell, cousin du défunt:

celui-ci [Angell] lui a dit qu’il voulait inspecter le réservoir. Il lui fit observer qu’il ferait mieux de prendre une lanterne sourde, parce qu’il y avait des fuites de gaz et que c’était dangereux. Source

Le verdict du jury

Nous soussignés, jurés  à l’enquête tenue pour constater la cause de la mort de Samuel  Bell, Thomas Stacey, Joseph Angell, John Angell et Samuel McAfee, déclarons que ces personnes sont mortes des blessures qu’elles ont reçues à la suite d’une explosion d’un mélange d’air et de gaz carbonique, contenu dans un gazomètre construit sur un terrain et dans un bâtiment appartenant à la nouvelle compagnie du gaz, sur la rue du Havre, quartier d’Hochelaga, en la cité de Montréal, et faisant partie des usines de la dite compagnie; que cette explosion a été causée par l’introduction d’une lampe allumée dans le dit gazomètre par Joseph Angell, un des employés de la dite compagnie et l’une des victimes de l’explosion. Nous déclarons, en sus, que ledit Joseph Angell, en s’introduisant ainsi, avec une lampe allumée, dans le gazomètre, a agi par ignorance et par imprudence, et non pas par malice ou avec l’intention de blesser ou de causer de tort à qui que ce soit. Source. la Minerve, 7 juin 1888.

Bibliographie

Le Canadien, 28 mai 1888

The Daily Witness, 26 mai 188828 mai 1888 ,  29 mai 1888

La Minerve, 28 mai 1888, 29 mai 1888, 30 mai 1888, 7 juin 1888

L’enseignement en milieux défavorisés. Energie: le gaz. Sous la direction de Robert Cadotte [n’est plus en ligne] Site consulté le 13 août 2011.

Billets reliés

Trois-Rivières brûle! 22 juin 1908

Basculer dans le vide [Beloeil, 29 juin 1864]

Le fantôme de Mary Gallagher (Griffintown, Montréal, 26 juin 1879)

Un chemin de fer sur le Saint-Laurent [1880-1883, Hochelaga-Longueuil]

Tragédie au pont de Québec: les effondrements de 1907 et de 1916

Un incendie dévastateur au Saguenay-Lac-Saint-Jean, 19 mai 1870

L’incendie de l’hospice Saint-Charles [Québec, 14 décembre 1927]