On sait que dans la nuit du 4 au 5 mai 1971, il y a eu un glissement de terrain à St-Jean-Vianney (31 morts). Mais saviez-vous que le glissement de terrain le plus meurtrier du 20e siècle au Québec s’est déroulé le 26 avril 1908 à Notre-Dame-de-la-Salette et qu’il a fait 33 morts (37 selon certaines sources)? Voici comment la Patrie du 27 avril 1908 a rapporté l’évènement.
Buckingham., 27. Samedi soir, le coquet petit village de Notre-Dame de la Salette s’est endormi, comme à l’ordinaire, dans le calme et la tranquilité.
Les eaux de la Lièvre qui coulait au bas de la berge taillée à pic étaient grossie par la fonte de la neige, mais pas plus qu’à l’ordinaire, à cette époque de l’année. La rivière charriait de la glace, mais la crue des eaux donnait un passage libre aux glaçons. Tout était donc à l’état normal, lorsqu’une par une, les lumières s’éteignirent dans les petites maisons de ferme et que la nuit s’étendit sur le village.
A QUATRE HEURES
du matin, dimanche, les habitants furent éveillés par un sourd grondement comme le bruit du tonnerre. En même temps, le sol oscilla et les maisons sursautèrent. Brusquement, arrachés de leur sommeil, muets de terreur, les habitants écoutèrent et attendirent, se demandant si ce n’était pas la fin du monde.
Du côté de la rivière, le bruit sourd continuait de se faire entendre, augmentant la confusion des gens. Puis, le bruit cessa et tout rentra dans le silence le plus absolu.
Soudain, l’on entendit un craquement terrible, non plus du côté de la rivière, mais au centre même du village. Il y eut comme une poussée dans l’air et un sifflement comme le bruit d’un cyclone.
OU ÉTAIENT CES MAISONS?
Les villageois s’élancèrent dehors et s’aperçurent que la moitié du village était disparue et que là ou était la côte coulait un impétueux torrent. Là où étaient les fermes et leurs dépendances, s’élevaient des pyramides de glace que les flots tourmentés de la Lièvre assaillaient de toute part.
Quatorze maisons de ferme étaient disparues. Qu’étaient devenus les habitants? Où étaient les quarante personnes qu’abritaient ces maisons? Il n’y avait pas un être vivant dans cet amoncellement de ruines.
[…]
L’EBOULEMENT
Sur l’autre rive de la rivière, là où il y avait une côte de quarante pieds de hauteur, et sur laquelle était située la ferme de Camille Lapointe, il n’y avait plus qu’un trou béant. La ferme, la maison et ses dépendances avaient tout simplement été précipitées dans la rivière et projetée de l’autre côté. Alors, la glace s’est amoncelée et forma un barrage de trente-cinq a quarante pieds de hauteur, l’eau s’élevant de plus en plus.
Le village étant situé dans une petite baie couronnée de hautes collines. C’étaient [sic] la partie la plus basse du sol de la région, et comme les eaux de la rivière devaient se trouver une issue, elles débordèrent, entraînant une masse terrible de glace sur le petite hameau.
Une quinzaine de maisons furent englouties et tous ceux qui les habitaient ont péri. Il n’y eut pas d’appel au secours. En un instant
TOUT ETAIT CONSOMME
Comme un immense raz de marée les flots s’élancèrent dans la rivière au-dessous, et s’étant forcé un chenal autour de dix arpents de terre qui formaient le barrage, la rivière baissa jusqu’à ce qu’elle atteignit un niveau d’environ douze pieds plus élevé que celui de samedi.
[…]
La rivière du Lièvre est large de 100 pieds à cet endroit. Les maisons sont réparties des deux côtés. Du côté ouest, la falaise atteint une hauteur de 40 pieds contre 10 pieds du côté est. A quatre heures hier matin, sur une longueur d’environ un demi-mille, la terre s’est écroulée dans la rivière, engloutissant deux maisons. Le déplacement de l’eau a rejeté les banquises de glace de la rivière sur l’autre rive, une inondation s’est produite, et la glace, projetée avec violence contre les maisons en a détruit 11.
LA CAUSE
du désastre est la formation géologique de la falaise, qui repose sur un lit d’argile et de sable. Les sources qui viennent prendre naissance en-dessous minent le sol peu a peu.
La plupart des victimes ont été inhumées le 28 avril 1908. Voici les noms que j’ai pu retrouver en consultant les actes de la paroisse.
- Alexina Lamoureux, femme de Napoléon Charron et ses enfants, Amanda, quatre ans, Adélard, trois ans et William Charron, sept mois.
- Rose Anna Charron (inhumée le 24 juin), 31 ans, femme d’Augustin Larivière et ses enfants Camille, 10 ans, David, Emma, six ans, Rose, deux ans et Albert, onze mois
- Georges Morissette, 10 ans, fils de Louis et de Sophie Deslauriers.
- Cléophas Deslauriers, 34 ans et sa femme, Célina Paquin, 35 ans ainsi que leurs enfants, Damien, 11 ans et Wilfrid, huit ans et Albert, sept ans, Lucien, cinq ans, Béatrice, trois ans (inhumée le 5 juin) et Alice, six mois.
- Emilie (Emélie) Labelle, 75 ans, veuve d’Emmanuel Lapointe.
- Daniel Lapointe, 19 ans, Eddy, 14 ans, Arthur, 12 ans, Angus, neuf ans et Henri Lapointe, sept ans, fils de feu Camille et de Christian (Christina) McMillan

- Alesina Légaré, 30 ans, femme de Joseph Murray (corps non retrouvé) et ses fils Arsidas,10 ans, Wilfrid, neuf ans (inhumé le 3 juin) et ses filles, Florida, sept ans et Anna, cinq ans (inhumée le 28 mai)
- Adélard Murray, 30 ans, fils de François et de Louise Gagnon
- Emélie Gravel, 39 ans, femme de Paul Desjardins et leur fils Elias, 6 ans
- Florimond Desjardins, 13 ans fils de Paul et Alphonsine Mallette (beau-fils de la précédente?)
Une communauté décimée.
Bibliographie
La Patrie 27, 28, 29 et 30 avril 1908
Bilan du siècle [En ligne] Glissement de terrain à Notre-Dame de la Salette [Page consultée le 15 avril 2012]. Adresse URL
Ressources naturelles Canada. [n’est plus en ligne] L’Atlas du Canada Glissements de terrain [Page consultée le 15 avril 2012].
Sécurité publique Canada. [n’est plus en ligne] Glissements de terrain et avalanches importants des XIXe et XXe siècles [Page consultée le 15 avril 2012]
Ressources naturelles Canada. [n’est plus en ligne] ELes glissements de terrain [Page consultée le 15 avril 2012]
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