Le fort de l’ile-aux-Noix doit être restauré [1922]

La Patrie, 4 mars 1922

UNE SENTINELLE FRANÇAISE QUI MONTE LA GARDE!

Le fort de l’Ile-aux-Noix sur la Rivière Richelieu et sa restauration
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Grâce aux démarches faites l’année dernière auprès des autorités fédérales, par la « St-James Literary Society » et la Société Historique de Montréal, les anciennes fortifications de l’Ile-aux-Noix dans le haut Richelieu, seront sauvées de l’oublie et de la ruine et seront préservées comme reliques du passé par la Commission des Parcs Nationaux, qui a assumé la garde et l’entretien de ce soin de terre doublement historique, où se sont déroulés des événements de la plus grande importance pour la colonie, tant sous le régime français, que sous le régime français, que sous celui qui lui succéda en 1760.

Photographie | Homme avec un chien aux quartiers des officiers, Fort Lennox, Île-aux-Noix, vers 1890 | MP-0000.1023.6

Homme avec un chien aux quartiers des officiers, Fort Lennox, Île-aux-Noix, vers 1890

Le vieux fort pittoresque de l’Ile-aux-Noix, dont les lourds remparts s’allongent à l’ombre d’ormes centenaires, à l’intérieur d’un large fossé aux eaux tranquilles, est l’un des plus intéressants de tous ceux qui ont été érigés au cours des premiers siècles de la colonie, pour protéger la route fluviale du Richelieu, qui jusqu’à la création des premières lignes de voies ferrées, était considérée comme étant le chemin le plus direct entre le Bas-Canada et les états de la Nouvelle-Angleterre. Longtemps après la Conquête, des troupes anglaises y furent stationnées, à cause de la proximité de ce point stratégique avec la frontière de la nouvelle république américaine, dont les tentatives pour s’emparer du Canada, d’abord en 1775, puis en 1812, n’étaient pas pour rassurer l’Angleterre. C’est grâce aux énormes travaux que celle-ci y fit exécuter peu après la guerre de 1812-1813, que nous possédons aujourd’hui sur le Richelieu ce magnifique groupe de fortifications, typiques du siècle dernier, qu’il est maintenant de notre devoir de conserver, avant que l’élément dévastateur du temps y ait accompli de trop grands ravages.

Ceux qui se passionnent de l’histoire de notre pays et qui veulent garder intactes les reliques qui nous en rappellent les faits les plus remarquables, seront heureux d,apprendre cette décision du gouvernement, qui assurera le maintient en bon ordre des constructions, des remparts et des ponts du vieux fort. Depuis quelques années, l’Ile-aux-Noix a été laissée sans gardien, et l’oeuvre de détérioration y a avancé d’une façon inquiétante. Les massifs édifices de pierre grise qui s’alignent régulièrement dans le quadrilatère des remparts, commencent à se lézarder, les planchers se défoncent, les fossés se comblent peu à peu et les remparts eux-mêmes s’affaissent lentement menaçant d’écraser sour leur masse argileuse, les caveaux profonds qu’ils abritent sur les côtes nord et ouest du fort.

Peinture | Fort Lennox, Île-aux-Noix, QC, 1886 | M872

Fort Lennox, Île-aux-Noix, QC, 1886

Si elles sont désormais de peu de valeur au point de vue stratégique, les vieilles fortifications de l’Ile-aux-Noix méritent d’être conservées pour les générations futures, au même titre que le fort de Chambly, situé plus bas sur la rivière Richelieu. mieux favorisé que ce dernier par la Nature, le fort Lennox, c’est le nom que les Anglais donnèrent à l’Ile-aux-Noix après la Conquête, s’élève dans un site tout à fait pittoresque, entre les rives vastes et couvertes d’épaisses frondaisons, qui bordent le Richelieu en cette partie de son parcours. Rarement pour un parc historique peut-on trouve un endroit plus enchanteur. A proximité des chemins de fer, l’Ile est encore facilement accessible de la ville de St-Jean, située à une douzaine de milles plus au nord, sur le Richelieu, qui sur toute cette distance, coule ses eaux tranquilles entre des rivages en partie boisée avec des fermes prospères, ou de coquets chalets, habités durant la belle saison par des villégiateurs de la métropole.

La Commission des Parcs devra maintenant faire effectuer les réparations urgentes qui remettront en place dans un état convenable et aussi nommer un gardien compétent pour prendre charge du fort. Celui-ci en sera le conservateur et en même temps le « cicerone » pour les centaines de touristes qui s’y arrêtent au cours de l’été et dont le nombre ne manquera pas de s’accroître avec le nouveau régime. Les autorités fédérales auront accompli une oeuvre véritablement patriotiques en préservant de la ruine un site riche en souvenirs d’autrefois, et dont trop peu de Canadien connaissent l’existence, ou du moins les faits historiques qui s’y rattachent.

Photographie | Quartiers des officiers, Fort Lennox, île aux Noix, rivière Richelieu, QC, 1892 | MP-0000.411.29

Quartiers des officiers, Fort Lennox, île aux Noix, rivière Richelieu, QC, 1892

On poursuit avec quelques faits saillants de l’histoire du fort.

Un détail intéressant qu’il ne faudrait pas oublier de mentionner dans cet article sur l’ile-aux-Noix, c’est que plusieurs patriotes qui furent mêlés à la rébellion de 1837-38, furent gardés prisonniers dans les caveaux que l’on voit encore dans les profondeurs des remparts. C’étaient alors de sinistres et humides cachots, qui ne recevaient qu’un peu de lumière par le judas de la porte. Au milieu du quadrilatère que forment les remparts et les diverses casernes, se trouve le Champ de Mars, qui servait de terrain d’exercice pour les soldats. Au centre, il y avait un cadran solidaire, que des vandales ont jeté par terre, il y a une couple d’années.

Le fort « Lennox » fut occupé par les troupes impériales jusqu’en 1859, date où l’Angleterre retira la plus grande partie de ses forces du Canada. Les vieillards de la région se rappellent encore la belle tenue du fort lorsque les « red-coats » y tenaient garnison. Tout y était dans un état de propreté impeccable et c’était un plaisir que d’aller vendre des previsions dans l’île, pour voir les soldats à l’exercice ou dans leurs quartiers.

Photographie | Porte principale, Fort Lennox, Île-aux-Noix, QC, vers 1890 | MP-0000.1022.12

Porte principale, Fort Lennox, Île-aux-Noix, QC, vers 1890

Depuis au-delà de soixante ans, l’Ile-aux-Noix est déserte et l’écho des tambours et des clairons a depuis longtemps cessé de se répercuter dans les bois qui bordent les rives ombragées du Richelieu. La forteresse qui était imprenable en 1812, ne soutiendrait pas un siège de 24 heures aujourd’hui, contre un ennemi pourvu de canons modernes. Cependant la vieille place a encore une apparence de solidité et de force qui fait plaisir à voir.

Il y a une quarantaine d’années, on tenta d’établir une école de réforme dans l’Ile, mais à cause des difficultés de communications à cette époque, l’entreprise ne fut pas jugée pratique. C’est la seule fois depuis le départ des troupes régulières, qu’on tenta de tirer parti de l’Ile.

C’est cet endroit historique que l’on veut maintenant sauver de l’oubli et de la ruine et garde comme un monument aux faits héroïques qui s’y sont déroulés au cours des années difficiles de l’établissement de la colonie. Espérons que la Commission des Parcs Nationaux ne tarde pas à s’occuper du vieux fort et d’y nommer un gardien responsable, se rendant ainsi aux voeux de ceux qui se sont donné pour mission de veiller sur les reliques sacrées du passé dans ce pays.

Lieu historique national du Fort-Lennox: http://www.pc.gc.ca/fra/lhn-nhs/qc/lennox/index.aspx

Billets reliés

Les blockhaus [XVIIIe et XIXe siècle]

Fort Le Boeuf ou Fort de la rivière au Boeuf [1753-1763, Waterford, Pennsylvanie]

Fort Duquesne, fort français (Pittsburgh, Pennsylvanie)

Le général Richard Montgomery à Québec [31 décembre 1775]

Les blockhaus [XVIIIe et XIXe siècle]


Les blockhaus [XVIIIe et XIXe siècle]

par Vicky Lapointe
Définition
Un blockhaus, appelé aussi block house, corps de garde ou fortin, est un

un petit ouvrage défensif qui sert notamment d’avant-poste à un fort, de point de contrôle pour un accès stratégique, de halte et d’abri des détachements en mouvement, d’entrepôt de vivres et de munitions ainsi que de caserne pour de petites garnisons. Il est bâti sur le modèle des fortins, à partir de matériaux locaux (bois et pierre)’’ (Réf. : MCCQ. Répertoire du patrimoine du Québec, Blockhaus de la Rivière-Lacolle)

Photographie | Blockhaus à Philipsburg, QC, vers 1895 | MP-0000.2

Blockhaus à Philipsburg, QC, vers 1895

Le blockhaus

compte habituellement deux étages dont le second est légèrement en saillie (encorbellement). Les murs sont faits de grosses pièces de bois équarries, disposées horizontalement les unes sur les autres. (Réf. Les chemins de la mémoire, tome II, p. 320.]

On les construisait stratégiquement près d’une route ou d’un cours d’eau, près des frontières, en cas de tentative d’invasion (1776-1777, 1812-1815), de litige frontalier (conflit de l’Aroostook) ou pour protéger des intérêts économiques (ex. Rivière-Lacolle, on voulait protéger la scierie et le phare érigés près de la rivière Lacolle).
Environ 25 blockhaus ont été construits sur l’actuel territoire du Québec au XVIIIe et au XIXe siècle.

Photographie | Blockhaus, îles Sainte-Hélène, près de Montréal, QC, vers 1870 | MP-0000.1828.64

Blockhaus, île Sainte-Hélène, près de Montréal, QC, vers 1870

Voici quelques-uns de ces blockhaus, classés par année de construction. Pour une liste plus exhaustive, consultez Les blockhaus du Canada, 1749-1841, étude comparative et catalogue par Richard J. Young, 1980, Direction des parcs et des lieux historiques nationaux, Ottawa, 193 pages.

  • 1759 Sept blockhaus construits à Québec sur les ordres de Murray.
  • 1776 Quelques blockhaus construit à l’Ile-aux-Noix.
  • 1778 Un blockhaus construit à Saint-François-de-Beace (Beauceville) et un autre est construit face au fort Saint-Jean (Rivière Richelieu).
  • 1779 Deux blockhaus construits près de la Rivière Yamaska.
  • Entre 1781 et 1812. Rivière Lacolle, St-Paul-de-l’île-aux-Noix.
  • 1812. Côteau-du-Lac. Il sera incendié en 1837 pour éviter qu’il ne tombe aux mains des Patriotes.
  • 1812. Châteauguay, érigé suite aux ordres de Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry, détruit en 1830. Un autre blockhaus, construit vers 1812, sera détruit en 1887.
  • 1839-1840 Philipsburg (démoli au début du XXe siècle)
  • 1839-1841 Fort Ingall. Abandonné, il  disparaît à la fin du XIX siècle (le bois aurait été récupéré pour la construction des maisons de ce qui est aujourd’hui Temiscouata-sur-le-Lac, secteur Cabano).
  • 1848. Ile Sainte-Hélène. Reconstruit deux fois, détruit par un incendie en 1997.

Ce qu’il reste des blockhaus

Si la plupart des blockhaus ont été détruits, il subsiste quand même celui de la rivière Lacolle (St-Paul de l’Ile-aux-Noix) que le public peut visiter. Les blockhaus du Fort Ingall (Temiscouata-sur-le-Lac) et de Coteau-du-Lac ont été reconstitués au cours des années 70 et sont aussi accessibles au public. Des fouilles archéologiques à divers endroits ont été entreprises comme par exemple celles de 2009 pour en savoir plus sur les blockhaus de Murray.

Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix (Québec) – Blockhaus Rivière-Lacolle par Pierre Bona. Source Wikipédia.

Le blockhaus de la rivière Lacolle a été classé site historique par le gouvernement du Québec en 1960.

Bibliographie

Comité Culturel et Patrimonial de Beauceville. [En ligne]Le fameux blockhaus de 1778. [site consulté le 14 octobre 2011] Adresse URL: https://sites.google.com/site/wwwccpbca/le-fameux-blockhaus-de-1778

Jean Trudeau.  [n’est plus en ligne] The blockhaus. [site consulté le 14 octobre 2011] Adresse

Mario Fillion. Les chemins de la mémoire, tome II. Article Blockhaus de Lacolle. Québec, Les Publications du Québec. 1991, 565 pages.

Ministère de la culture, des communications et de la condition féminine. [En ligne] Le fort Ingall de Cabano. Page consultée le 14 octobre 2011. Adresse URL: http://www.mcccf.gouv.qc.ca/index.php?id=1980

Ministère de la culture, des communications et de la condition féminine.  [En ligne] Répertoire du patrimoine du Québec, Blockhaus de la Rivière-Lacolle [site consulté le 12 octobre 2011] Adresse URL: http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=92674&type=bien#.VVOPkfl_Oko

Musée virtuel du Canada [En ligne] Fort Ingall, Cabano, Québec. Redécouvrir le conflit de l’Aroostook (Est du Canada) L’organisation des militaires. Page consultée le 14 octobre 2011. Adresse URL: http://museevirtuel.ca/pm_v2.php?id=story_line&lg=Francais&fl=0&ex=00000352&sl=3265&pos=1

Simon Santerre. Le patrimoine archéologique des fortifications du Québec.Étude réalisée dans le cadre de la participation du Québec au Répertoire canadien des lieux patrimoniaux. Volet : Archéologie. MCCCF. Québec, 2009, 154 pages. Adresse URL: http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2008283

Valérie Cardinal. [En ligne] L’étonnant destin du blockhaus de Coteau-du-Lac. Page consultée le 14 octobre 2011. Adresse URL: http://www.1837.qc.ca/1837.pl?out=article&pno=5552

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