L’île d’Anticosti est surnommée le cimetière du Saint-Laurent à cause des 400 naufrages au large de ses côtes.
En 1829, lors d’une tempête, des Madelinots y trouvèrent refuge. Ce qu’ils découvrirent sur l’île dû les marquer pour longtemps.
Voici l’histoire du Granicus.
Coeurs sensibles, s’abstenir.
La Minerve, 25 juin 1829
NAUFRAGE DÉPLORABLE
Québec 22 Mai
Nous avons extrait les détails suivants d’une lettre reçue ici samedi de M. Dawson, agent du bureau de Lloyds aux îles de la Magdelaine.
Vers la fin de mai, un nombre d’habitans des îles à la Magdelaine, se réunirent pour aller en mer, et furent assaillis par une tempête, à la hauteur de l’extrémité nord-est de l’île d’Anticosti, et la glace les força de chercher un abri, à l’endroit où ils savaient que Godin tenait un des postes d’approvisionnement. En débarquant ils apperçurent sur le rivage une chalouppe, qui n’avait reçu aucun dommage. Ils avancèrent jusqu’à la maison, et en y entrant ils furent frappés d’horreur, à la vue de plusieurs cadavres humains, d’une quantité d’ossemens et de chair en putréfaction. En examinant avec plus d’attention, ils distinguèrent les corps de 12 à 13 personnes, 2 femmes, 3 enfans et 7 hommes. Le dernier survivant paraissait être mort de faim et de froid dans son hamac, et d’après son apparence il semblait être un homme au-dessus du commun des matelots. Son nom était B. Harrington, comme on le verra plus bas. Les gens commencèrent par rassembler les valises et autres articles qui étaient dans la maison et enterrèrent les restes des corps et une grande boite d’ossements proprement arrangés, qui se trouvait dans un coin de la chambre. Sur le foyer il y avait un chaudron dans lequel on avait fait cuir de la chair et il en restait un morceau au fond du vase. Ensuite ils furent dans un petit appenti, où ils furent surpris de trouver cinq autres corps, suspendus, par une corde attachée en travers à quelques poutres; les entrailles avaient été tirées des corps, et il n’en restait guère autre chose que des squelettes, la chair paraissant en avoir été coupée. Ils n’enterrèrent pas ces corps, et partirent avec la chaloupe pour les îles de la Magdelaine.
D’après toutes les circonstances connues de ce naufrage, il ne peut presque y avoir de doute que ce vaisseau ne soit la braque Granicus, capt. Martin, qui fit voile de ce port pour Cork, le 29 octobre vers le même temps que le John Howard et le Shamrock, pour le même port, et dont on n’a pas encore entendu parler.
M. Godin qui gardait ce poste était venu à Québec l’automne dernier, en conséquence de certaines difficultés, n’y est pas retourné.
Extrait de la lettre de M. Dawson, en date du 4 juin:-
« Depuis ma lettre d’hier, j’ai vu un jong [sic], apporté de la scène de mort, à Anticosti, en dedans duquel se trouve l’inscription suivante « married J.S. to A.S. 16th april 1822; » et l’on a découvert un papier qui accompagnait les souverains dont j’ai parlé, avec la note suivante écrite au crayon – « Monsieur, – Vous trouverez 48 souverains dans un ceinturon, qui est dans mon hamac; envoyez-les en Angleterre à Mary Harrington, Barrack Street, Cove, vu qu’ils appartiennent à son fils.
B. Harrington.
Mgr Charles Guay a consacré quelques pages fort intéressantes à l’affaire du Granicus dans ses Lettres sur l’Ile d’Anticosti (PDF) p.130 à 140. Il rapporte le témoignage du capitaine Benoît Giasson qui faisait partie du groupe de Madelinots ayant découvert les victimes du Granicus. L’homme au hamac, le dernier à mourir, est décrit comme étant « un mulâtre, de couleur assez noire, ayant plus de six pieds, aux épaules colossales. Il paraissait avoir joui d’une force herculéenne ».
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