Les frères Dion, champions de billard [États-Unis, XIXe siècle]

Remerciements à François Gloutnay pour avoir porté à mon attention cette histoire.

Dans la Minerve du 4 octobre 1878, on lisait l’avis suivant:

DECES – A Montréal, le 2 octobre courant, Cyrille Dion, de New-York, âgé de 35 ans. Le cortège funèbre partira de la demeure  de sa mère, no 208, rue Bleury, samedi à 8.30. heures am pour se rendre à l’église du Gésu, et de là au cimetière de la Côte des Neiges. Amis et connaissances sont priés d’accepter cette invitation.

L’acte d’inhumation est ici.

Cyrille Dion était un as de billard. Son frère Joseph aussi. Les deux ont eu un destin tragique.

Joseph (à droite) et Cyrille Dion (à gauche)  en compagnie d’autres excellents joueurs de billard. Source: LOC et Wikipédia

Joseph Dion est né le 23 juillet 1840 à Montréal. Son frère Cyrille serait né en mars 1843 à  Montréal (je n’ai pas de date plus précise).  Ils étaient les fils de Joseph Dion et de Lucie Gérard dit Lavérité mariés à Montréal le 4 juillet 1836.

Cyrille était surnommé le  »Bismarck du billard » et  Joseph  »le Prince ».

By the present generation Joe Dion is considered the father of professional billiard

Source: The New York Times, 19 novembre 1885

Cyrille Dion a été couronné champion canadien en 1865.

Le Canadien, 21 juillet 1865

LE TOURNOI DE BILLARD

Hier soir, M. Cyrille Dion a été proclamé le champion des deux Canadas. En lui présentant la magnifique queue montrée en or dont nous avons déjà donné une description, M. Cavitt fit des éloges aux deux frères Dion pour la peine qu’ils se sont donnée en montant ce tournoi et les sacrifices pécuniaires considérables qu’ils se sont imposés pour le mettre sur le même pied que ceux donnés dans toutes les parties des États-Unis. Il dit qu’il avait assisté à tous ces tournois, et il était heureux de déclarer que les efforts des frères Dion avaient été couronnés d’un plein succès – succès dont les amateurs de Montréal doivent être fiers. – Il regrettait de voir que le goût du billard n’était pas bien répandu dans cette ville, d’après ce qu’il pouvait en juger par le petit nombre de spectateurs qui assistaient à chaque séance; cependant de plus belles parties n’avaient jamais été jouées aux États-Unis.

Comme champion des deux Canadas, M. Cyrille Dion devra tous les quatre mois jeter un défi, et si dans l’espace de trois ans, personne ne l’a supplanté cette queue lui appartiendra. Après quelques autres remarques de M. Cavitt, M. C. Dion s’avança au milieu d’un tonnerre d’applaudissements et dit qu’il était loin de s’attendre qu’il sortirait victorieux de la lutte, lorsqu’il s’était vu entouré des premiers joueurs du Haut et du Bas-Canada; il espérait qu’à la prochaine occasion ses adversaires seraient plus heureux.

[…]

Ce soir, à lieu la grande partie de 1500 points pour une bourse $2000 en or. Les Montréalais ont espoir que M. Jos Dion sera le vainqueur.  (Note. Oui, il a gagné) […] (Minerve)

Cyrille Dion a remporté plusieurs compétitions d’importance au cours des années 1870.

Joseph Dion a quand a lui remporté plusieurs matchs de haut calibre, dont un contre Melvin Foster à Montreal le 7 avril 1869.

Deux carrières écourtées

Comme nous l’avons vu en début de texte Cyrille Dion est décédé très jeune. La cause du décès serait une simple grippe (congestion des poumons).

Joseph Dion. Lieu et date inconnue. Merci à François Gloutnay d’avoir porté cette photo à mon attention.

En ce qui concerne Joseph, après la mort de son frère, il a continué à exceller au billard. Entre 1876 et 1881, il a pris une pause (il était alors propriétaire d’une salle de billard à New York, je crois), puis est revenu avec succès au jeu. Il a remporté l’emblème de diamant en 1881.

Joseph aurait épousé Mary Hathorne à Montréal en octobre 1883.

Or, en 1885, Joseph Dion a commencé a avoir un comportement étrange. Le 18 novembre 1885, il est interné à l’hôpital Bellevue, souffrant de paresis. Il aurait été transféré ensuite à l’hôpital psychiatrique de Ward’s Island (New York). Le New York Times du 27 novembre 1885 rapporte que des joueurs de billards new-yorkais avaient l’intention de faire une souscription via des matchs d’exhibition pour payer les frais d’internement de Joseph Dion. Il est écrit dans le Sporting Life du 13 août 1892 que Joseph Dion a été placé à Bloomindgale, puis à Ward’s vers 1891, car son beau-père n’avait plus assez d’argent pour payer sa pension. L’asile de Ward’s accueillait une clientèle plutôt défavorisée.

Lors du recensement de l’état de New York de 1905, Joseph Dion est toujours vivant. On écrit qu’il est âgé de 61 ans et qu’il est aux États-Unis depuis 37 ans.

Joseph et Cyrille avaient également un frère, François, et une soeur, Aurélie. Née le 13 mai 1839, Aurélie a été internée à l’asile St-Jean de Dieu à Longue-Pointe selon le recensement canadien de 1901. En 1911, elle était toujours internée à cet asile.

Le 18 août 1891, le Sporting Life rapporte la rumeur selon laquelle Joseph Dion était décédé, sans toutefois lui accorder beaucoup de crédit. Dans le journal Sporting Life du 29 mars 1913, on mentionne Joseph Dion, en se demandant s’il est encore vivant. Il semble être décédé dans l’anonymat vers 1910, ce qui était le lot de bien des gens internés. La veuve de Dion semble avoir dû aller en cour pour toucher l’héritage, comme le laissent entendre les extraits que l’on peut voir sur Google Books des Rapports Judiciaires de Québec: Cour supérieure, Volume 40 (tapez  »Joseph Dion »).

Bibliographie

The evening world., July 14, 1892, SPORTING EXTRA, p.1

The Sporting Life, 20 janvier 1886, 18 août 1891, 13 août 1892,  4 novembre 1893, 29 mars 1913  (format PDF)

The New York Times, 3 octobre 1878, 19 novembre , 20 novembre,  27 novembre 1885

Wikipedia [en ligne] Cyrille Dion [Page consultée  le 4 août 2012] Adresse URL (en anglais)

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