Où il est question de généalogie, du Rapport de l’archiviste de la province de Québec, du Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay, du sieur de Vincennes et du Bulletin des Recherches historiques.
La Patrie, 8 janvier 1925
LES ETUDES GÉNÉALOGIQUES INTÉRESSENT FORT LE PUBLIC
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CE QU’EN DIT L’ARCHIVISTE DE LA PROVINCE DANS SON RAPPORT – NOMBREUSES CONSULTATIONS CONCERNANT DES PROBLÈMES HISTORIQUES. – LE CONCOURS D’HISTOIRE
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A PROPOS DU LABRADOR
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QUEBEC, 8. (Du correspondant de la « Patrie »). – Nous lisons dans le rapport de l’archiviste de la province, M. Pierre-Georges Roy, soumis au secrétaire provincial, les faits suivants:Pierre-Georges Roy c. 1925. Publié dans Raphaël Ouimet, Biographies canadiennes-françaises, Montréal, 1926, page 167. Source: BANQ/Wikipédia
L’année 1923-1924 a été bien remplie pour les Archives de la province de Québec. La besogne n’a pas manqué dans les différents domaines de notre activité. On s’intéresse de plus en plus dans notre province aux études généalogiques. Hauranne raconte quelque part qu’un colon logé dans une cabane de « bois ronds » lui montra un jour sa généalogie collée au dos d’un petit miroir. Le pauvre hère était tout fier de lui donner le nom de la commune de Normandie d’où son ancêtre était parti pour venir dans la Nouvelle-France. Cet arbre généalogique était pour ainsi dire le seul ornement de la cabane. Le colon et sa nombreuse famille y tenaient comme à la prunelle de leurs yeux. Ce cas n’est plus une exception dans notre pays. De l’autre côté de l’océan, seules les familles nobles ou d’ancienne bourgeoisie s’occupent de retracer leurs ancêtres, et, même, il fut un temps où l’ambition des vieilles familles françaises était de faire remonter leur lignée jusqu’aux croisées. Nos familles canadiennes sont moins exigeantes. Ici, comme dit Benjamin Sulte, l’orgueil de chaque famille est de rattacher son ascendance à un petit village de l’ancienne France. L’acte de mariage qui lui donne le nom de la commune d’où est sorti son premier ancêtre canadien est pour elle la plus belle lettre de noblesse.
Pendant l’année écoulée nous avons reçu près de mille demandes de renseignements généalogiques. La besogne, dans ce domaine, devient si ardue que je me demande s’il ne serait pas mieux, afin de ne pas nuire à l’efficacité des autres services, de confier ces recherches à un employé qui s’occuperait exclusivement de généalogie. Ce spécialiste pourrait en même temps se charger des corrections et des additions au Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay, besogne importante dont j’ai eu l’honneur de parler dans un de mes précédents rapports.
Dictionnaire généalogique des familles canadiennes-françaises depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours
Le Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay est le livre d’or, le liber baptizatorum de la race française sur le continent américain. Cet ouvrage si important doit être corrigé, cependant, et surtout complété. Qui va entreprendre cette tâche patriotique? Des amateurs enthousiastes sont tour à tour entrés en lice pour continuer l’oeuvre de Mgr Tanguay. Ils sont disparus les uns après les autres laissant inachevé le travail commencé avec tant d’ardeur. Le fardeau était trop lourd pour leurs épaules. Les Bénédictins de l’espèce Tanguay ne se rencontrent pas tous les jours. Avouons-le, le Dictionnaire généalogique ne peut être corrigé ni continué par un seul individu. Une société bien organisée ou un gouvernement, seuls, peuvent entreprendre pareille tâche. Le Dictionnaire généalogique de Mgr Tanguay est, de l’aveu de tous, une oeuvre nationale. Pourquoi le gouvernement de la province de Québec ne se chargerait-il pas de lui donner sa pleine utilité en le complétant? Ce travail peut demander vingt ou trente ans de patientes recherches. Qu’importe! Nous n’en verrons probablement pas la fin, mais nous aurons au moins le plaisir de dire avec le poète:
Nos arrière-neveux nous devront cet ombrage.***
Je ne voudrais pas, parce que je viens de dire, vous laisser sous l’impression que le Bureau des Archives de la province de Québec, au cours de l’année 1923-1924, n’a reçu que des demandes d’informations généalogiques. Nous avons été consultés sur des douzaines de problèmes historiques, les uns faciles, les autres d’une solution plus embarrassante, quelques-uns, enfin, auxquels nous n’avons pu répondre.
Plusieurs de ces problèmes d’histoire étaient fort intéressant. Je vous avoue que si la besogne journalière me laissait un peu de répit je m’attarderais volontiers dans l’étude de nos vieux dossiers afin d’éclairer certains points obscurs des enquêtes proposées. Les recherches sont quelquefois longues et ennuyeuses mais le plaisir de trouver un nom ou une date qui fixe définitivement une matière longtemps discutée fait bien vite obulier ces fatigues.
Voulez-vous me permettre, monsieurs le ministre, de vous citer un de ces cas qui font la joie des amis des vieux papiers? Les états de Wisconsin et de Michigan sont depuis longtemps en dispute au sujet de leurs bornes respectives. Dernièrement le préposé aux cartes géographiques de la bibliothèque du Congrès des États-Unis me demandait des renseignements sur la découverte du lac Vieux-Désert, qui sépare partiellement les deux états. Si vous trouvez les pièces que nous cherchons, ajoutait-ils, vous mettez fin à la dispute. Je n’ai pu encore faire toutes les recherches voulues mais j’ai bon espoir tout de même de fournir aux intéressés les pièces qu’ils recherchent.
N’y a-t-il pas pour nous un légitime sentiment d’orgueil? La bibliothèque du Congrès est certainement l’institution du monde entier la mieux fournie en Americana et cependant elle est obligée de recourir aux Archives du Québec pour solutionner un point d’intérêt purement local. D’ailleurs, ce ne ser pas la première fois que les Archives du Québec auront rendu service aux historiens des États-Unis. On a cherché pendant près d’un denmi-siècle à identifier le sieur de Vincennes, fondateur de l’état de l’Indiana. Le jour où on s’est décidé à fouiller les archives du Québec, les preuves sont sorties nombreuses, claires comme le jour, que le mystérieux sieur de Vincennes que les uns réclamaient comme un Irlandais, les autres comme un fils de la vieille France, était tout simplement un Canadien-français de Québec.
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Et puisque nous sommes sur le sujet des demandes de renseignements, l’occasion est peut-être bonne pour vous dire que nous avons fourni au département du procureur général une documentation inédite et aussez volumineuse sur le Labrador. Les journaux parlaient justement ces jours derniers de la rencontre de l’honorable premier ministre de la province de Québec avec le premier ministre de Terre-Neuve. Tous les deux devaient discuter de la question si importante des bornes du Labrador. Nos archives, tant judiciaires qu’historiques, sont remplies de pièces sur le Labrador. Bon nombre de négociants de Québec ont fréquenté le Labrador sous le régime français. Leurs établissements de pêche et de chasse furent souvent détruits par les farouches Esquimaux. Ces essais dénotent tout de même chez eux un esprit d’entreprise remarquable que le gouvernement du Roi n’a peut-être pas assez encouragé. Nous notons toutes ces pièces à mesure que nous les rencontrons et nous en ferons un dossier qui, avant longtemps, donnera une documentation abondante et sûre aux écrivains qui voudraient faire l’histoire de la côte mystérieuse du Labrador.
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Le Bulletin des Recherches Historiques, organe du Bureau des Archives de la province de Québec, termine avec sa livraison de décembre courant, sa trentième année d’existence. Notre revue est la seule publication canadienne-française exclusivement consacrée à l’histoire. Ce privilège lui vaut l’honneur d’être souvent consulté. Chaque volume contient une table des matières, mais cette table n’est pas suffisante pour le chercheur. Celui-ci, souvent, pour trouver un simple petit fait, doit feuilleter quinze ou vingt volumes du Bulletion. C’est dans le but d’éviter ces recherches aux amateurs d’histoire que j’ai préparé un index complet des trente volumes du Bulletin des Recherches Historiques (1895-1924). Dès les premiers jours de 1925, je remettrait entre les mains de l’imprimeur le manuscrit de cet index. Je n’ai pas la prétention d’avoir fait un travai parfait. J’espère, toutefois, que même avec ses défauts et ses lacunes ceux qui consultent le Bulletin seront heureux de l’avoir sous la main car il leur évitera bien des recherches. Cet index donne plus de 10,000 références et comprendra deux volumes de 350 pages chacun.
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Dois-je vous parler du concours d’histoire qui vient de s’ouvrir sous les auspices du gouvernement de la province de Québec? Tous les détails vous en sont familiers puisque c’est vous, monsieur le ministre, qui y avez mis la dernière main et les avez fait connaître au public.
Les journaux ont très favorablement accueilli ce concours.
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