La mortalité infantile [Montréal, 1908]

Photographie | Infirmières, berceaux et table roulante pour bébé, Montreal Maternity Hospital, Montréal, QC, 1925-1926 | MP-1973.1.7

Infirmières, berceaux et table roulante pour bébé, Montreal Maternity Hospital, Montréal, QC, 1925-1926

Le Canada, 23 avril 1908

LA MORTALITÉ INFANTILE

UN DANGER NATIONAL- STATISTIQUE ÉMOUVANTE – L’ÉTAT ACTUEL – L’ALIMENTATION ET L’HABITATION – OPINION DE M. LE DR. DAGENAIS – LE LAIT, SON INSPECTION, SA QUALITÉ – L’HYGIÈNE

La mortalité infantile devient un danger national. A diverses époques, les journaux, ont tour-à-tour lancé le cri d’alarme dans le public et les autorités municipales ou fédérales ont travaillé à enrayer ce fléau.

A Montréal, il y a eu un grand travail fait dans ce sens, mais malheureusement, il n’est pas encore complété. Grâce à l’initiative privée, des refuges, des hôpitaux ont surgi et les bébés, grâce à un dévouement admirable et louable, ont été sauvés d’une mort certaine.

Actuellement, la situation n’est pas rose, malgré l’organisation sanitaire et hygiénique municipale, malgré le travail assidu des inspecteurs nommés par le gouvernement provincial.

La population est trop grande pour que l’on puisse satisfaire à ses besoins avec les capitaux qu’on dispose. Il n’y a pas suffisamment de surveillance sur l’alimentation des bébés et des mères, etc.

Les chiffres suivants que nous publions disent suffisamment haut tout le travail qui reste à faire.

Tableau indiquant la moyenne annuelle de la mortalité à Montréal depuis 1890
Mortalité au-dessous de six mois 1609 188 197
Mortalité de six mois à un an 870 89 90
Mortalité de 1 an à 5 an 561 78 77
Mortalité générale 4633 900 921
Mortalité au-dessous de 5 ans 3040 355 364
Pourcentage de la mortalité infantile 65,61 39,44 39,62

 

Pourcentage de la mortalité générale par quartier, par 1,000 habitants
St-Gabriel 24
Ste-Marie 26,48
St-Jacques 20,80
St-Jean-Baptiste 29.00
Est 18,06
St-Antoine 18,40
Hochelaga 22,68
Ste-Anne 13,40
St-Laurent 12,99
Centre 14,23
St-Louis 16,17
Ouest 11,12
St-Denis 41,11

Moyenne de la mortalité totale des enfants à Montréal depuis 1890 jusqu’à 1906 – 37, 59

Pourcentage sur mortalité générale – 58, 24

[…]

Le rapport du bureau d’Hygiène Provincial, publié en 1901, nous donne les chiffres suivants: sur 1,000 naissances en ville il meurt 9,9 enfants de diarrhée; à la campagne, il meurt de diarrhée 1,5 enfants sur 1,000 naissances. Différence, 8,4 enfants de plus qui meurent à Montréal qu’à la campagne.

On voit aussi que la mortalité enfantile sur la mortalité totale est de 33 p.c. dans la province de Québec.

Alimentation et habitation

Donnez à un jeune enfant une nourriture qui lui convienne, donnez-lui un logement salubre et il ne sera jamais malade. La dentition se fera normalement et sans accidents, les convulsions, la diarrhée ne l’incommoderont pas et il résistera bien plus facilement à toutes les autres maladies qui se présenteront.

La nature chez l’enfant est toute puissante il ne s’agit que de ne pas la contrecarrer dans ses fonctions pour qu’un enfant soit vigoureux et plein de santé. Si les mères ignorantes n’empoisonnaient pas leurs enfants avec une mauvaise alimentation, si elles lui donnaient du bon air pur à respirer il n’y aurait presque pas de mortalité infantile.

Le logement à Montréal n’est pas ce qu’il doit être; généralement on construit sur 25 pieds de front souvent sur moins de pieds. On connait des logements d’ouvriers de 15 pieds de largeur sur 80 de profondeur. Dans ces logements il y a deux chambres obscures, les chambres de toilette ne sont pas éclairées ni ventilées, beaucoup de ces logements n’ont pas de bain.

Cet air confiné que l’enfant respire continuellement pendant les six ou sept mois de l’hiver, altère sa santé. Ce manque d’oxygène empêche les fonctions physiologiques nécessaires à son développement de se produire, l’enfant s’étiole, languit et il n’a pas la force de résistance dont il a besoin.

Il y aurait donc toute une réforme à opérer dans la construction des maisons. Les autorités municipales devraient avoir des règlements sévères et précis qui protégeraient efficacement la santé publique.

Il faudrait plus de squares et la construction de maisons détachées. Ce qui se fait ailleurs pourrait se faire ici tout aussi bien.

Maintenant un mot de la mauvaise alimentation qui est donnée aux jeunes bébés; il faudrait écrire tout un gros livre sur cette question pour la traiter complètement. Lorsque l’on songe à tout ce que les mères par ignorance donnent à manger à leurs enfants, on frémit d’horreur et si on n’était convaincu de leur ignorance, on croirait réellement qu’elles cherchent à les faire mourir. On donne [illisibles enfant de six mois à un an de la viande, des pâtisseries plus ou moins bien apprêtées, ce sont des aliments qu’un jeune enfant ne peut pas [illisible] son système digestif n’est pas encore préparé à recevoir cette nourriture, et que de choses malpropres ne leur donne-t-on pas. Dans un but louable certainement, c’est afin de fragmenter la nourriture, on a vu des mères porter à leur propre bouche l’aliment qu’elles administraient à leurs petits enfants sans savoir naturellement que leur bouche contient une quantité considérable de germes très malfaisants qu’elles forçaient ainsi ces pauvres petits êtres à ingurgiter. Le biberon mal nettoyé dans lequel on laisse quelques fois le lait stagner plus ou moins longtemps et à une température qui permet la germination; le biberon dans ces conditions est infanticides.

Et que dire de la  »suce » qui souvent traîne dans la poussière. Sans la ramasser, sans la laver, sans la nettoyer, on la remet dans la bouche du bébé qui reçoit avec elle une quantité de microbes considérable qui s’y sont attachés.

Photographie | Chariot de livraison no 36 de la Guaranteed Pure Milk Company, Montréal, QC, vers 1910 | MP-1991.40.2

MP-1991.40.2 | Chariot de livraison no 36 de la Guaranteed Pure Milk Company, Montréal, QC, vers 1910

Et les sirops calmants et les drogues dites inoffensives. Il y aurait toute une campagne à entreprendre sur ce sujet-là seulement.

Le lait

Le lait de la mère est la meilleure nourriture qui puisse être donnée à l’enfant, et dans la première année de son existence ce devrait être presque la seule nourriture qui lui fut donnée; malheureusement il est des circonstances spéciales qui font que l’enfant ne peut recevoir cette nourriture maternelle, il faut la remplacer par une autre et même après les premiers dix mois le lait de la mère ne lui suffit pas, il faut recourir à l’alimentation artificielle, c’est le lait de vache qui remplira le mieux ce but.

Puisque ce lait est nécessaire à l’enfant, il faut l’obtenir dans les meilleures conditions possibles. Malheureusement à Montréal, les efforts tentés par ceux qui veillent sur la santé publique sont restés sans résultats très appréciables et le lait est loin d’être absolument pur.

Des analyses bactériologiques du lait nous ont démontré que du lait mis en vente dans les limites de la ville contenait des quantités surprenantes de germes, jusqu’à 5,000,000 de bactéries par c.c., la moyenne des analyses faites au laboratoire municipal de bactériologie a donné 987,917 bactéries par c.c., le minimum était de 171, 429 bactéries par c.c.

A Boston et à New York, on condamne sévèrement un laitier qui offre du lait en vente qui contient plus de 500,000 bactéries par c.c. et on refuse tout lait qui contient des globules de pus ou certains germes particulièrement pathogènes.

Dans le lait qui est un excellent milieu pour le développement de ces infiniment petits, ils se multiplient avec une rapidité prodigieuse, et en bien peu de temps, le lait placé à la température de [illisible] sera complètement modifié. […]

C’est donc avec raison que le Bureau d’hygiène provincial peut exiger une inspection sévère des étables appartenant aux principaux cultivateurs qui approvisionnent Montréal de lait. Le bétail et les étables doivent dont être inspectés.

[…]

Billets reliés
L’Oeuvre de la Goutte du Lait [1901]

La grippe espagnole à Québec, deuxième partie – Précautions utiles contre la grippe actuelle [Québec, octobre 1918]

Les commandements de la santé [1925]

Le vinum colchici est dangereux pour la santé (Tabb’s Yard, Montréal, 1873)