Histoires de loups-garous

Extrait de l’Almanach du peuple publié par Beauchemin, 1900. Illustration: Henri Julien

Sur le site de la Bibliothèque électronique du Québec, on retrouve le recueil Histoires de loups-garous qui contient des histoires écrites par Wenceslas-Eugène Dick, Charles-Marie Ducharme, Honoré Beaugrand, Louvigny de Montigny, Louis Fréchette, Pamphile LeMay et Benjamin Sulte.

Aussi, allez jeter un coup d’oeil à la série Créatures fantastiques de Bryan Perro (Radio-Canada)

Tremblez lecteurs, surtout si vous n’avez pas fait vos Pâques!

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Légende: la pénitence du prêtre-fantôme de l’Ile-Dupas

Sculpture: «Le prêtre fantôme» par Alfred Laliberté, 1945 http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3022861

En 1889, F. A. Baillairgé citait, dans son livre Coups de crayon, la légende du prêtre de l’Ile-Dupas, près de Berthierville, telle que raconté par le curé Vincent Plinguet. Et ça se lit ainsi.

Un mot sur l’île Dupas semble trouver ici sa place.

La Seigneurie de l’Ile Dupas fut concédée à M. Dupas en 1672. Aidés des habitants de Berthier, les habitants de l’île eurent bientôt leur église (v. 1706). En 1720, M. Jean-Baptiste Arnaud était nommé curé de l’Ile Dupas et desservant de Berthier et de Sorel.  En 1729 l’île comptait 171 âmes. En 1749, il fallut songer à renouveler la première église. Une histoire ou une légende assez singulière se rapporte à cette première église. Le Révd. M Plinguet, curé de l’île Dupas, s’exprime comme suit à ce sujet dans son histoire de l’île Dupas.

[…]

On avait remarqué plusieurs fois, dans l’église, au milieu de la nuit, une lumière plus forte que celle donnée par la lampe ordinaire; d’abord on en fit peu de cas; puis, comme la lumière continuait d’apparaître toutes les nuits, on s’en émut et on résolut d’éclaircir la chose; on se réunit donc au nombre de quatre à cinq pour se donner un peu de courage, et l’on s’avança sur une seule ligne vers l’église; mais quelle ne fut pas la stupéfaction de ces hommes, lorsqu’ils virent au pied de l’autel un prêtre revêtu de ses habits sacerdotaux, et demeurant toujours au même lieu! Ils n’osèrent pas entrer et s’en retournèrent, même un peu plus vite qu’ils n’étaient venus, et, de retour chez eux, ils se livrèrent à milles conjonctures.

En entendant parler de ce qui se passait, un nommé Jacques Valois (le trisaïeul de celui de qui je tiens ces détails, et le père de ceux qui s’établirent à Lachine et à la Pointe-Claire), plus brave que les autres, s’engagea à entrer dans l’église, pour voir de plus près ce dont il s’agissait. Un soir donc, après la veillée avec ses amis, il se rendit à l’église, fit sa prière et attendit.  Vers minuit, il vit un prêtre, en soutane, sortir de la sacristie, allumer deux cierges aux extrémités de l’autel, tout préparer pour une messe, et rentrer dans le lieu d’où il venait de sortir. Quelques instants après, il l’en vit ressortir, revêtu de ses ornements, portant le calice, et monter à l’autel. Pensant bien que la messe allait avoir lieu, notre Valois se rend au pied de l’autel, sert la messe qui se dit à l’ordinaire, et reconduit le célébrant à la sacristie; celui-ci, après avoir salué la croix, se tourne de son côté et lui dit: “Depuis trois ans, je viens ici toutes les nuits, pour redire une messe que j’ai dite avec trop de précipitation pendant ma vie; j’étais condamné à y venir jusqu’à ce que j’eusse trouvé un servant; grâce à vous, ma pénitence est terminée, je vous remercie. Et il disparut.

Source:  Coups de crayon par F.A. Baillairgé, Joliette, Bureau de l’étudiant et du couvent, 1889, p. 61 et 62.

Dans certaines variantes de la légende, le prêtre en question est sans tête.

Et le Jacques Valois de la légende?

Le Jacques Valois de la légende a-t-il réellement existé? Sur le site de généalogie Nos origines, il y a un candidat potentiel, celui-ci. Ce Jacques Valois est décédé le 17 juillet 1750 à l’Ile-Dupas. Ses deux garçons ainés, Pierre et Simon, s’établirent respectivement à Pointe-Claire et à Lachine.

Bibliographie

F. A. Baillairgé. Coups de crayon par F.A. Baillairgé, Joliette, Bureau de l’étudiant et du couvent, 1889, 224 pages.

Jean-Claude Dupont. « Légendes du Saint-Laurent ». Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, n° 22, 1990, p. 11-14

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Légende: Le masque de fer de l’Ile aux Oies (1683-1749)

Les Sombres légendes de la terre

La maison hantée de Trois-Pistoles

La légende de la montagne à Fournier (Matapédia, 6 juin 1831)

Extrait de la Complainte de Fournier

Jeunes gens, vous croyez peut-être

Que la mort est éloignée;

Comme vous, je croyais être 

Sur la terre, bien des années.

Trompé comme beaucoup d’autres,

Croyant toujours me sauver

Vous apprendrez par les autres

Que je viens de me noyer.

Source: Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia par Joseph-Désiré Michaud, 1922, p. 50.

Le chemin Kempt et Frédéric Fournier

Coucher de soleil sur la rivière Matapédia, face au terrain de camping d’Amqui © Jean-Paul Quimper, Le monde en images, CCDMD.

La Complainte de Fournier est inspirée d’un événement tragique, survenu il y a bien longtemps, dans la région de la Matapédia. Le Fournier de la complainte s’appelait Frédéric Fournier. Il était un arpenteur âgé de 22 ans, natif de Saint-Jean-Port-Joli. Il était l’une des personnes chargées de planifier le tracé du chemin Kempt et d’en surveiller la construction. On avait entrepris les travaux l’année précédente. Il était prévu en 1831 de continuer le tronçon partant du Lac Matapédia jusqu’à Ristigouche.

Fin mai 1831, Frédéric Fournier et ses compagnons de voyage se rendirent au Lac Matapédia. Des Micmacs devaient les approvisionner en vivres. Or, on les attendit en vain. Devant impérativement se rendre à Restigouche, les hommes construisirent un radeau pour traverser le lac et la rivière Matapédia.

Tout alla bien jusqu’au «Ruisseau sauvage», qui coule à mi-distance à peu près, entre Amqui et Lac-Au-Saumon. Mais à cet endroit, le cours de la rivière est très rapide, surtout dans les grandes eaux du printemps. Les liens qui retenaient les pièces du radeau construit à la hâte durent se rompre, ou bien l’embarcation elle-même chavira dans les rapides. Toujours est-il que les quatre malheureux plongèrent dans les flots. Trois d’entre eux furent assez heureux pour se cramponner aux branches du rivage et se sauver de la mort.

Source: Joseph-Désiré Michaud Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia, p. 49

Et le quatrième passager du radeau, Frédéric Fournier, fut emporté par les flots. C’était le 6 juin 1831.

Fournier retrouvé

Quelques mois plus tard, des Amérindiens trouvèrent le cadavre de Frédéric Fournier dans la rivière Matapédia, près d’une montagne. Il portait une bague avec les inscriptions F. F. ce qui permit de l’identifier. Ne pouvant lui enlever cette bague, on lui aurait coupé la main que l’on l’aurait amenée au curé de Rimouski, Thomas-Ferruce Picquart dit Destroismaisons. En attendant que la famille du défunt vienne réclamer sa dépouille, on enterra Fournier près de l’endroit où on l’avait découvert.

Or, la famille Fournier ne réussit pas à rapatrier le corps à Saint-Jean-Port-Joli. Ce qui donna lieu à une légende peut-être vraie, qui sait?.

Quelques années plus tard, quand la route du chemin Kempt fut terminée, les parents du jeune arpenteur seraient venus exhumer son corps de sa première sépulture et auraient tenté de la transporter dans le cimetière de sa paroisse natale. Le cadavre retiré de sa fosse, fut placé dans une voiture attelée de deux chevaux. Quand il fut temps de partir, on commande les bêtes, mais elles refusèrent d’obéir. On eut beau les fouetter, les fouetter encore, elles ne voulurent pas avancer d’un seul pas… On comprit, dit la légende, que la montagne à Fournier avait adopté le pauvre jeune homme et qu’elle ne voulait plus le laisser aller… On tenta cependant une autre expérience. Le cadavre fut placé dans un canot conduit par deux Indiens, qui essayèrent de remonter le cours de la rivière Matapédia. Mais les deux Indiens eurent beau faire ployer leurs avirons sous le poids de leur corps, le canot refusa d’avancer… On n’insista pas davantage et l’on remit le cadavre dans la fosse.

Source: Joseph-Désiré Michaud Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia, p. 54

La montagne près d’où repose Frédéric Fournier fut donc appelée la Montagne à Fournier pour commémorer son souvenir.

On dit aussi qu’en 1864, un des frères de Fournier aurait voulu ramener la dépouille, mais comme il ne restait que quelques ossements, on aurait décidé de le laisser sur place et d’ériger un enclos et une croix pour marquer l’endroit. On y trouve de nos jours une croix et une plaque récente (voir la photo à la fin de l’article suivant) où il est inscrit

Ci-gît Frédéric Fournier
arpenteur et lieutenant, (D. Z. M.?)
Noyé le 6 juin  1831
âgé de 22 ans

La légende et la complainte

Cet événement tragique a donné lieu à la légende de la Montagne à Fournier dont vous pouvez lire une version ici (sélectionnez légendes, puis La montagne à Fournier).

Autre version de la légende de la montagne à Fournier , écrite par Ernest Bilodeau et publiée dans Un Canadien errant, édition de 1915.

Texte complet de la Complainte à Fournier.

Bibliographie
La légende de la montagne à Fournier.  [Page consultée  le 5 septembre 2011] Adresse URL

Municipalité de Ristigouche Sud-Est. [n’est plus en ligne] Histoire du Chemin Kempt [Page consultée  le 5 septembre 2011]

Pierre-Georges Roy, Les petites choses de notre histoire. Septième série, Lévis: [s.n.], 1919, 301 pages. Adresse URL: http://www.ourroots.ca/f/page.aspx?id=691808

Joseph-Désiré Michaud,  Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia, Val-Brillant, Québec: La Voix du Lac, 1922, 241 pages. Adresse URL:  http://www.ourroots.ca/f/page.aspx?id=4035338

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Légende: Le masque de fer de l’Ile aux Oies (1683-1749)

L’Ile aux Oies fait partie de l’archipel de l’Ile aux Grues. Elle est située face à L’Islet-sur-Mer, en Chaudière-Appalaches.

Jadis, on racontait dans ce coin-là l’histoire d’un homme au masque de fer qui y aurait été emprisonné. Les origines de cette histoire remontent au temps de la Nouvelle-France.

Le seigneur Pierre Bécard de Granville

Pierre Bécard de Granville était un soldat du régiment de Carignan arrivé en Nouvelle-France en 1665 pour défendre la colonie contre les attaques des Iroquois. Comme plusieurs soldats, il choisit de rester et de s’établir au pays. Le 22 octobre 1668, il épouse à Québec Anne Macard, nièce du seigneur Louis Couillard. Six jours plus tôt, Louis Couillard lui avait cédé la moitié de l’île aux Oies, de la Grosse et de la Petite île, de l’île aux Grues ainsi que des battures et terres adjacentes sises dans le fleuve Saint-Laurent. Le contrat est ici. C’est  à l’Ile aux Oies que Pierre Bécard décède le 4 mai 1708. Son épouse lui survivra  jusqu’au 11 décembre 1731.

Douze enfants naîtront de cette union. Parmi ceux-ci, il y a Pierre, né le 3 janvier 1683 à Québec. Il sera le personnage d’une légende bien spéciale…

Acte de baptême de Pierre Bécard, sieur de Granville. Extrait des registres de la paroisse de Notre-Dame de Québec

Acte de baptême de Pierre Bécard, sieur de Granville. Extrait des registres de la paroisse de Notre-Dame de Québec

Les mystérieux résidents de l’Ile-aux-Oies

Pierre Bécard fils, selon Pierre-George Roy, a cultivé la terre du domaine familiale de l’Ile aux Oies. En septembre 1723, il a cédé ses droits sur le domaine familial  à son frère Paul et à sa soeur Geneviève. En échange, ces derniers devaient veiller à l’entretien de Pierre et de sa mère, Anne Macard. Or, les Bécard de Granville vivaient en reclus, ce qui a donné lieu à bien des commérages.

Et voilà une légende….

La matriarche de la famille étant décédée en 1731, Pierre Bécard vivait au manoir avec sa soeur Geneviève.

La bâtisse, fortement grillagée, a donné naissance à la légende d’un prisonnier au masque de fer gardé dans un donjon. Comme on éloignait les intrus et qu’on entendait des cris et gémissements, il n’en fallait pas plus pour exciter l’imagination des gens et amplifier cette légende qui s’est transmise jusqu’à aujourd’hui. (Réf).

Cette ferme de l’Ile aux Oies est bâtie sur l’emplacement du manoir des Bécard de Granville © Catherine Plante

L’historien Auguste Béchard mentionne une légende inspirée de l’histoire de Pierre Bécard dans son livre Histoire de l’Ile aux Grues et des îles voisines publié en 1902(réf).  Cette légende avait auparavant été rapportée par James McPherson Lemoine. Selon Béchard, les habitants de l’archipel racontaient qu’un homme, sans nom connu, vivait dans une maison de l’Ile aux Oies, qui était pour lui une sorte de donjon. C’était un homme au prise avec des problèmes de santé mentale. Ce  »prisonnier »   était surveillé par une femme, que l’on disait être sa soeur ou son amante. Cet homme était peut-être le frère ou l’amant d’une des filles du seigneur de Grandville. En tout cas, le récit d’ Auguste Béchard contient bien des sous-entendus…

Pierre-George Roy démystifiera quelques années plus tard la légende en précisant que les Bécard aimaient bien chasser. Ils voulaient garder le gibier sur eux ce qui expliquerait pourquoi ils cherchaient à éloigner les gens lorsqu’ils s’approchaient trop près.

Pierre Bécard était-il réellement atteint de troubles mentaux comme le prétend la légende? Difficile à dire. Peut-être a-t-on simplement affaire ici à une sorte d’ermite… très sain d’esprit.

Pierre Bécard est décédé à l’Ile aux Oies le 7 décembre 1749. Sa dépouille a été mise en terre à Saint-Thomas-de-Montmagny le 13 janvier suivant. A cause des glaces, il était trop dangereux de traverser le fleuve Saint-Laurent, ce qui explique l’inhumation tardive.

Acte de décès de Pierre Bécard. Extrait des registres de la paroisse Saint-Thomas-de-Montmagny

Acte de décès de Pierre Bécard. Extrait des registres de la paroisse Saint-Thomas-de-Montmagny

Pierre Bécard ne s’est jamais marié. Qu’est-il arrivé à sa soeur Geneviève? Quand est-elle décédée? La famille du sieur de Granville a bien des secrets a révéler…

Si vous avez la chance d’aller dans le coin, ayez une pensée pour Pierre Bécard…

Bibliographie

Archipel de L’Ile aux Grues. [en ligne] La nouvelle ferme [Page consultée le 3 décembre 2010] Adresse URL

BECHARD, Auguste.Histoire de l’Ile-aux-Grues et des îles voisines. Imprimerie de ‘La Bataille, Arthabaskaville, Quebec, 1902, 120 pages.

LEMIEUX, Jean-Marie. L’Ile aux Grues et L’Ile aux Oies. Montréal, Leméac, 1978, 192 pages.

ROY, PIERRE-GEORGE. 1916 «La famille Bécard de Grandville», vol.22 n°4 (avril), p.97-110 110http://www.archive.org/stream/lebulletindesrec22archuoft#page/106/mode/2up

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