Loup-garou et maisons hantées

En ce dimanche de décembre, faites la rencontre de Napoléon Fiset, loup-garou à ses heures, puis découvrez deux maisons hantées, l’une à Beaumont, l’autre à Québec.

La Patrie, 18 avril 1937

LE LOUP-GAROU AMATEUR ET LES MAISONS DE REVENANTS
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M. NAPOLÉON FISET SE FAIT LOUP-GAROU. – ETRE DIABOLIQUE À TÊTE DE CHEVAL. – UNE PAROISSE SOUS LA TERREUR. – MAISON MYSTÉRIEUSE DE LA RIVIÈRE ST-CHARLES. – LEÇON À DE HARDIS FUMISTES
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(par HERVÉ DE SAINT-GEORGES)

Il y avait une fois un loup-garou…

Ceci n’est pas une légende ni un conte à dormir debout, mais l’histoire authentique d’un loup-garou… amateur, qui pendant plus de deux mois terrorisa un petit village du Québec. Malgré ses pérégrinations dans les champs au clair de lune, le fantastique animal, entrevue dans les broussailles et les taillis avoisinant le village des Écureuils (auj. Donnacona), il y a 25 ou 30 ans, se porte aujourd’hui parfaitement bien. Ajoutons qu’il a toujours fait ses Pâques et n’a jamais été forcé de se balader durant sept ans, griffes aux mains et aux pieds, comme le veut la tradition.

Le loup-garou au clair de lune

Cette anecdote n’a d’ailleurs pour but que de prouver que la plupart des histoires de chasse-galeries, feux-follets, loups-garous ou maisons hantées n’ont souvent pour origine que de simples plaisanteries, ou bien, naissent dans l’imagination des superstitieux.

Or, il y a bien de cela un quart de siècle, un jeune homme de la paroisse des Ecureuils, M. Napoléon Fiset, maintenant domicilié au Cap-Santé, las d’entendre un de ses amis se vanter qu’il n’avait jamais connu la peur et qu’il voudrait bien voir un de ces m….. loups-garous, résolut de lui donner une leçon. Sachant que son co-paroissien devait passer, vers minuit, par un sentier traversant un sous-bois, M. Fiset pris les devants, puis se cacha dans une futaie.

L’homme noir à la tête de cheval

Lorsque le matamore apparut, sifflant, pour se donner une contenance, il surgit brusquement d’entre les branches, gambadant et trépignant, au clair de lune, en se frappant les cuisses et les genoux à tour de bras, tout en se dandinant de la façon la plus étranger qu’il put imaginer, pour disparaître en quelques secondes dans un taillis d’arbustes. En présence de cette terrible apparition, le pauvre diable poussa un cri effroyable et décampa pour aller raconter à tout venant son aventure. On n’y porta aucunement foi jusqu’à ce que, par un autre soir encore plus sombre, un second villageois qui s’était aventuré par ce chemin de raccourci, entrevit soudain la même apparition diabolique. Nouvelle panique, nouveaux racontars. Cette fois, on n’osait plus le nier, un loup-garou errait dans les parages! Certains émettaient même des suppositions peu charitables. Ce devait être l’âme d’un tel ou d’un tel qui n’avait jamais fait ses Pâques, ou affichait une conduite peu semblable à celle des archanges.

Un être diabolique

Quelques-uns cependant, demeuraient sceptiques et soupçonnaient de mauvais farceurs. Pour en avoir le coeur net, une dizaine de « jeunesses’, qui n’avaient pas froid aux yeux, s’embusquèrent dans le petit bois avoisinant, endroit où se trouve aujourd’hui le club de golf de Donnacona. M. Fiset eut vent du complet et pris ses précautions. Ayant su qu’on devait tendre une corde au travers du sentier, rien ne lui fut plus facile que de l’enjamber devant les yeux effarés des témoins dissimulés en groupe, un arpent plus loin. Il n’y avait plus à douter!…seul, un être immatériel ou un loup-garou pouvait passer ainsi à travers un obstacle sans s’y accrocher. On invita même le curé de l’endroit à venir asperger les lieux avec un rameau trempé dans l’eau bénite! Pour comble, les citoyens des villages avoisinants et même des autres villages assez éloignés, tels que Saint-Basile, Pont-Rouge, ou Saint-Raymond, affirmaient avoir entrevue l’étrange apparition diabolique.

Le monstre terrorise toute une paroisse

L’un jurait que le loup-garou avait une queue noire et grasse, longue de plusieurs verges, l’autre affirmait qu’il avait une tête de cheval et que ses yeux lançaient des flammes: sur son passage, il laissait des odeurs de souffre et de poil grillé. Durant plus de deux mois, la légende alla son train, commentée de mille façons différentes jusqu’à ce qu’un jour, M. Fiset eut avoué sa supercherie.

Ainsi se termina comme tant d’autres la bizarre histoire du loup-garou des Ecureuils. Quelques-uns n’ont jamais pardonné à son auteur la frayeur qu’il eut a causée: les autres, plus philosophes, ont excusé leur superstition et leur couardise en disant: – Je m’en doutais bien!

La maison hantée de la paroisse Beaumont

Sans s’attarder à la maison hantée de la rivière du Moulin, à Chicoutimi, où les démons s’amusaient à déménager les meubles de la maison, montant le piano au deuxième étage pour rouler en un clin-d’oeil les tapis que l’on retrouvait ensuite au grenier, disons quelques mots de celle non moins fameuse qui s’élève encore à Beaumont, non loin de Lévis.

Cette maison, durant de longues années, eut la sinistre réputation d’être le rendez-vous de tous les fantômes et revenants qui aient jamais pu émigrer de l’au-delà. Au cours d’une enquête menée à Québec, nous avons eu l’occasion d’interroger un des anciens propriétaires, médecin bien connu, mais qui préfère taire son nom.

Les nuits horribles avec les revenants

Au cours de l’été qu’il passa avec son épouse dans la fameuse maison, le Dr X…. affirme que des phénomènes épouvantables les ont sans cesse tenus sur le qui-vive. La nuit, des fantômes aux figures verdâtres se penchaient sur leur lit, puis disparaissaient à travers les murs en ricanant ou en gémissant. Les meubles se déplaçaient sous leurs yeux, les marches de l’escalier craquaient sous les pas d’être invisibles, les lumières s’allumaient seules, des querelles acerbes s’élevaient entre les fantômes assemblés sous la véranda.

D’autres revenants enveloppés de suaires se glissaient par les fenêtres closes et appelaient les occupants de la maison par leur prénoms ou surnoms: des bruits de chaînes se faisaient entendre dans le grenier, puis dans la cave. Si on se précipitait, revolver au poing, lumière dans l’autre main, vers l’endroit d’où provenaient ces bruits étranges, des éclats de rire stridents éclataient et le tapage infernal recommençait ailleurs.

M. John Hearn, avocat de Québec, qui habita la maison avant le Dr X….. déclare qu’il n’a jamais eu connaissance de choses aussi étranges, mais les locataires ou propriétaires qui lui succédèrent, dont plusieurs sont des gens fort intellectuels et peu enclins à la superstition, persistent à affirmer leurs dires.

Le mystère n’a jamais été expliqué, mais il est probable que, comme dans bien d’autres cas identiques, il ne s’agissait que de mauvais farceurs.

La mystérieuse maison de la rivière St-Charles

Québec possède également sa maison hantée. Elle s’élève sur les bords de la rivière Saint-Charles où ses murs, calcinés par le feu qui la ravagea il y a déjà nombre d’années, s’élèvent, encore solides, grâce à leur massive maçonnerie. C’était jadis un magnifique château rendu célèbre par les orgies et les aventures galantes qui s’y déroulèrent. Un parc superbe l’entourait. Pendant neuf ans, des ingénieurs occupés à faire les fortifications de la citadelle l’habitèrent pour y célébrer joyeusement leur séjour. Une noble famille français en prit ensuite possession jusqu’à ce qu’un jour, en leur absence, des vandales en saccagèrent l’intérieur. Vingt ans plus tard, un marchand du nom de Laurie s’en porta acquéreur. Il restaura le château et en fit l’une des plus somptueuses résidences du Canada. De nouveau, une brillante société s’y donna chaque soir rendez-vous.

La maison hantée de Québec. La Patrie, 18 avril 1937,

La maison hantée de Québec. La Patrie, 18 avril 1937,

Un fantôme faisait sa ronde nocturne

Vers 1860, ce fut au tour de deux Américains, MM. Warner et McKay, d’habiter ce domaine. Warner périt un jour sur les côtes de Terre-Neuve et de nouveau, le manoir seigneurial passa entre de nouvelles mains, celles de M. William Vanner qui s’en lassa pour le céder à M. James Gordon Bryce. Ce dernier ne se préoccupa nullement de la vieille habitation qui devenait délabrée. Elle le devint bientôt à tel point que dans l’imagination populaire, elle se transforma en « maison hantée ». C’est alors qu’une bande de gais lurons de Stadacona résolut de confirmer ce titre de « domaine maudite » en organisant un véritable théâtre de revenants, pour s’amuser à l’abri des indiscrétions. La police, alertée, délégua quelques officiers qui s’enfuirent pris de panique en voyant un fantôme faisant sa ronde dans l’enceinte de la maison des morts.

Revenants et fantômes se cassent la figure

Revenu de son hésitation, l’officier en charge du bataillon de constables ordonna à ses hommes de pénétrer dans l’habitation, mais les prétendus êtres de l’au-delà avaient à leur tour décampé. Des sentinelles surveillèrent les alentours, mais le chef de la bande envoya quand même durant plusieurs nuits son « revenant » troubler le repos des constables à demi endormis. Jamais on ne peut s’emparer du mauvais plaisant. Une bande rivale décida alors de mettre fin aux agissements de messieurs les fantômes. Après s’être introduits à l’improviste dans la pièce secrète ou le clan de Stadacona se réunissait, ils se jetèrent sur les « ombres » en chair et en os pour livrer une bataille terrible qui ameuta la région. Au cours de l’échauffourée, une torche tomba, mettant le feu à l’édifice.

Les ruines maudites du mystérieux manoir

Le feu s’éteignit de lui-même et la rumeur voulut que les flammes ne pourraient jamais détruire la maison du diable. Plus tard, lorsqu’elle fut redevenue silencieuse et déserte, un soir, on n’a jamais su comment, le feu la détruisit, ne laissant que les quatre murs et la cheminée.

C’est tout ce qui reste aujourd’hui du vieux château dont la haute façade se reflète encore dans les eaux de la rivière St-Charles. La légende qui s’y rattache n’a pas été oubliée. Elle ne fait qu’ajouter au cachet pittoresque qui ajoute à son charme mystérieux.

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John Placket et Patrick Murphy, accusés du meurtre de la veuve Godin (Les Écureuils, auj. Donnacona, 1814)

John Placket et Patrick Murphy, accusés du meurtre de la veuve Godin (Les Écureuils, auj. Donnacona, 1814)

D’abord, un acte de décès intriguant.

Précisons que Marie-Anne Dussault a épousé Jean-Baptiste Godin le 6 juin 1768 en la paroisse de Les Écureuils (aujourd’hui Donnacona). Née le 13 juillet 1746 à Les Ecureuils, Marie-Anne était donc âgée de 67 ans au moment de son décès.

Les accusés

C’est John Placket et Patrick Murphy qui sont accusés du meurtre. Qui étaient-ils? Il s’agit de deux soldats. Dans le Fichier des prisonniers des prisons de Québec au 19e siècle (BANQ), John Placket est décrit comme étant âgé de 36 ans, d’origine anglaise, mesurant 5′ 8″, ayant les cheveux noirs,  les yeux bleus et le teint foncé. Patrick Murphy est un Irlandais de 5′ 8″, au teint pâle, âgé de 35 ans. Il a les yeux bleus, les cheveux blonds et une marque sur la tête.

Je n’ai pas réussi à trouver plus de détails dans les journaux sur ce qui s’est passé ce 1er mars 1814.  A-t-on affaire à deux soldats ayant trop bu?

Ces deux soldats ont été arrêtés et incarcérés quatre jours après le meurtre, qui a eu lieu le 1er mars. L’enquête du coroner a eu lieu le 4 mars (donc de lendemain de l’inhumation, erreur de transcription?). Selon la base de données de BANQ,  Enquêtes des coroners des districts judiciaires de Beauce, 1862-1947; de Charlevoix, 1862-1944; de Montmagny, 1862-1952; de Québec, 1765-1930; et de Saint-François (Sherbrooke), 1900-1954, le dossier du coroner est introuvable. Donc prière de rapporter si vous le trouvez….

Les suspects

Placket est reconnu coupable le 6 mai 1814 pour le  »willfull murder »  de Marie-Anne Dussault. Il est condamné trois jours plus tard à être pendu le 20 mai. Or, il ne le sera pas. Il reste en prison pendant plus d’une année, puis est libéré le 24 septembre  1815 et déporté hors de la province, conformément aux ordres donnés par son Excellence, Sir Gordon Drummond. Ensuite, qu’est-il devenu de Placket? Est-il parti pour les États-Unis, les Bermudes, l’Angleterre ou le Haut-Canada? A-t-il obtenu un pardon? Je n’ai pas trouvé de Placket parmi ceux qui ont été déporté en Australie et en Tasmanie.

Quant à Patrick Murphy, il a été pendu à Québec le 20 mai 1814, comme prévu.

On Friday was executed, per* to his sentence, Patrick Murphy, a soldier of the 103d Regiment, for the murder of the woman, at Les Ecureuils. The sentence of  Placket, his fellow culprit, has been changed to transportation. Quebec Mercury, 24 mai 1814.

Bibliographie

Le fichier des prisonniers des prisons de Québec au 19e siècle (BANQ)

Quebec Mercury du 10 mai 1814

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