Légende: la pénitence du prêtre-fantôme de l’Ile-Dupas

Sculpture: «Le prêtre fantôme» par Alfred Laliberté, 1945 http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3022861

En 1889, F. A. Baillairgé citait, dans son livre Coups de crayon, la légende du prêtre de l’Ile-Dupas, près de Berthierville, telle que raconté par le curé Vincent Plinguet. Et ça se lit ainsi.

Un mot sur l’île Dupas semble trouver ici sa place.

La Seigneurie de l’Ile Dupas fut concédée à M. Dupas en 1672. Aidés des habitants de Berthier, les habitants de l’île eurent bientôt leur église (v. 1706). En 1720, M. Jean-Baptiste Arnaud était nommé curé de l’Ile Dupas et desservant de Berthier et de Sorel.  En 1729 l’île comptait 171 âmes. En 1749, il fallut songer à renouveler la première église. Une histoire ou une légende assez singulière se rapporte à cette première église. Le Révd. M Plinguet, curé de l’île Dupas, s’exprime comme suit à ce sujet dans son histoire de l’île Dupas.

[…]

On avait remarqué plusieurs fois, dans l’église, au milieu de la nuit, une lumière plus forte que celle donnée par la lampe ordinaire; d’abord on en fit peu de cas; puis, comme la lumière continuait d’apparaître toutes les nuits, on s’en émut et on résolut d’éclaircir la chose; on se réunit donc au nombre de quatre à cinq pour se donner un peu de courage, et l’on s’avança sur une seule ligne vers l’église; mais quelle ne fut pas la stupéfaction de ces hommes, lorsqu’ils virent au pied de l’autel un prêtre revêtu de ses habits sacerdotaux, et demeurant toujours au même lieu! Ils n’osèrent pas entrer et s’en retournèrent, même un peu plus vite qu’ils n’étaient venus, et, de retour chez eux, ils se livrèrent à milles conjonctures.

En entendant parler de ce qui se passait, un nommé Jacques Valois (le trisaïeul de celui de qui je tiens ces détails, et le père de ceux qui s’établirent à Lachine et à la Pointe-Claire), plus brave que les autres, s’engagea à entrer dans l’église, pour voir de plus près ce dont il s’agissait. Un soir donc, après la veillée avec ses amis, il se rendit à l’église, fit sa prière et attendit.  Vers minuit, il vit un prêtre, en soutane, sortir de la sacristie, allumer deux cierges aux extrémités de l’autel, tout préparer pour une messe, et rentrer dans le lieu d’où il venait de sortir. Quelques instants après, il l’en vit ressortir, revêtu de ses ornements, portant le calice, et monter à l’autel. Pensant bien que la messe allait avoir lieu, notre Valois se rend au pied de l’autel, sert la messe qui se dit à l’ordinaire, et reconduit le célébrant à la sacristie; celui-ci, après avoir salué la croix, se tourne de son côté et lui dit: “Depuis trois ans, je viens ici toutes les nuits, pour redire une messe que j’ai dite avec trop de précipitation pendant ma vie; j’étais condamné à y venir jusqu’à ce que j’eusse trouvé un servant; grâce à vous, ma pénitence est terminée, je vous remercie. Et il disparut.

Source:  Coups de crayon par F.A. Baillairgé, Joliette, Bureau de l’étudiant et du couvent, 1889, p. 61 et 62.

Dans certaines variantes de la légende, le prêtre en question est sans tête.

Et le Jacques Valois de la légende?

Le Jacques Valois de la légende a-t-il réellement existé? Sur le site de généalogie Nos origines, il y a un candidat potentiel, celui-ci. Ce Jacques Valois est décédé le 17 juillet 1750 à l’Ile-Dupas. Ses deux garçons ainés, Pierre et Simon, s’établirent respectivement à Pointe-Claire et à Lachine.

Bibliographie

F. A. Baillairgé. Coups de crayon par F.A. Baillairgé, Joliette, Bureau de l’étudiant et du couvent, 1889, 224 pages.

Jean-Claude Dupont. « Légendes du Saint-Laurent ». Cap-aux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, n° 22, 1990, p. 11-14

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