Établissons les fils de cultivateurs en Abitibi [1917]

L’Action catholique, 6 décembre 1917

LES FILS DE CULTIVATEURS
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COMMENT LES ÉTABLIR? DES TERRES POUR TOUS!
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Dans nos belles familles canadiennes des campagnes, c’est parfois un assez dur problème que de trouver des héritages pour tous les garçons. Ordinairement la plupart des fils apprennent des métiers ou font des études commerciales et s’en vont dans les villes se chercher des places. Celui qui reste sur la terre paternelle sera souvent en butte aux tentations de déserter, lui aussi, pour aller vivre en ville bien habillé, de l’argent plein les poches, au lieu de gratter péniblement la terre pour tirer pas grand’-chose. Et c’est pourquoi il y a tant de terres à vendre dans notre province.

Si les pères savaient comme il est facile de trouver des fermes pour tous leurs fils, ils élèveraient tous dans l’assurance qu’ils seraient un jour cultivateurs, et ils les conduiraient dans les régions nouvelles où des terres en bois debout très faciles à faire se vendent pour $60.

La meilleure façon est peut-être de vendre la vieille ferme à un voisin et de partir, toute la fataille, avec l’argent de la vente pour se faire concéder, à l’Abitibi ou dans la Matapédia, quatre, cinq ou six lots. (tout garçon de plus de seize ans a droit au sien).

On se met à la besogne, on fait chantier: le bois se vend $7 la corde, de sorte qu’on gagne trois ou quatre mille piastres, rien qu’à défricher, puis les souches s’arrachent facilement, on fait brûler et on sème.

Si l’on n’aime pas à bûcher, on peut, pour quelques centaines de piastres acheter des lots déjà commencé, bâtis, situés près du chemin de fer ou du village: et l’on peut faire venir immédiatement les troupeaux qu’on possédait déjà, et qui serviront à peupler les fermes nouvelles. Quantité de ces lots commencés sont à vendre pour $500 à $1000 dans le Nord-Ontario, autour de Cochrane, Hearst et de Ramore.

Les colons montent en grand nombre à l’Abitibi, qui est le centre de colonisation à la mode. La terre y est excellente et le défrichement facile: si les chemins de voitures s’ouvrir rapidement plusieurs paroisses surgiront rapidement le long du Transcontinental. Le gouvernement du Québec alloue $100,000 pour les routes, mais on manque d’hommes pour y travailler, bien que cela paye $2,50 par jour.

On devrait faire l’impossible pour trouver chez les colons ou dans le bas de la province des équipes de terrassiers en nombre suffisant pour ouvrir des routes jusqu’aux lots déjà concédés, et même pour passer devant le défricheur, en faciliter de toutes manières la conquête du sol.

A. LAPOINTE

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La légende de la montagne à Fournier (Matapédia, 6 juin 1831)

Extrait de la Complainte de Fournier

Jeunes gens, vous croyez peut-être

Que la mort est éloignée;

Comme vous, je croyais être 

Sur la terre, bien des années.

Trompé comme beaucoup d’autres,

Croyant toujours me sauver

Vous apprendrez par les autres

Que je viens de me noyer.

Source: Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia par Joseph-Désiré Michaud, 1922, p. 50.

Le chemin Kempt et Frédéric Fournier

Coucher de soleil sur la rivière Matapédia, face au terrain de camping d’Amqui © Jean-Paul Quimper, Le monde en images, CCDMD.

La Complainte de Fournier est inspirée d’un événement tragique, survenu il y a bien longtemps, dans la région de la Matapédia. Le Fournier de la complainte s’appelait Frédéric Fournier. Il était un arpenteur âgé de 22 ans, natif de Saint-Jean-Port-Joli. Il était l’une des personnes chargées de planifier le tracé du chemin Kempt et d’en surveiller la construction. On avait entrepris les travaux l’année précédente. Il était prévu en 1831 de continuer le tronçon partant du Lac Matapédia jusqu’à Ristigouche.

Fin mai 1831, Frédéric Fournier et ses compagnons de voyage se rendirent au Lac Matapédia. Des Micmacs devaient les approvisionner en vivres. Or, on les attendit en vain. Devant impérativement se rendre à Restigouche, les hommes construisirent un radeau pour traverser le lac et la rivière Matapédia.

Tout alla bien jusqu’au «Ruisseau sauvage», qui coule à mi-distance à peu près, entre Amqui et Lac-Au-Saumon. Mais à cet endroit, le cours de la rivière est très rapide, surtout dans les grandes eaux du printemps. Les liens qui retenaient les pièces du radeau construit à la hâte durent se rompre, ou bien l’embarcation elle-même chavira dans les rapides. Toujours est-il que les quatre malheureux plongèrent dans les flots. Trois d’entre eux furent assez heureux pour se cramponner aux branches du rivage et se sauver de la mort.

Source: Joseph-Désiré Michaud Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia, p. 49

Et le quatrième passager du radeau, Frédéric Fournier, fut emporté par les flots. C’était le 6 juin 1831.

Fournier retrouvé

Quelques mois plus tard, des Amérindiens trouvèrent le cadavre de Frédéric Fournier dans la rivière Matapédia, près d’une montagne. Il portait une bague avec les inscriptions F. F. ce qui permit de l’identifier. Ne pouvant lui enlever cette bague, on lui aurait coupé la main que l’on l’aurait amenée au curé de Rimouski, Thomas-Ferruce Picquart dit Destroismaisons. En attendant que la famille du défunt vienne réclamer sa dépouille, on enterra Fournier près de l’endroit où on l’avait découvert.

Or, la famille Fournier ne réussit pas à rapatrier le corps à Saint-Jean-Port-Joli. Ce qui donna lieu à une légende peut-être vraie, qui sait?.

Quelques années plus tard, quand la route du chemin Kempt fut terminée, les parents du jeune arpenteur seraient venus exhumer son corps de sa première sépulture et auraient tenté de la transporter dans le cimetière de sa paroisse natale. Le cadavre retiré de sa fosse, fut placé dans une voiture attelée de deux chevaux. Quand il fut temps de partir, on commande les bêtes, mais elles refusèrent d’obéir. On eut beau les fouetter, les fouetter encore, elles ne voulurent pas avancer d’un seul pas… On comprit, dit la légende, que la montagne à Fournier avait adopté le pauvre jeune homme et qu’elle ne voulait plus le laisser aller… On tenta cependant une autre expérience. Le cadavre fut placé dans un canot conduit par deux Indiens, qui essayèrent de remonter le cours de la rivière Matapédia. Mais les deux Indiens eurent beau faire ployer leurs avirons sous le poids de leur corps, le canot refusa d’avancer… On n’insista pas davantage et l’on remit le cadavre dans la fosse.

Source: Joseph-Désiré Michaud Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia, p. 54

La montagne près d’où repose Frédéric Fournier fut donc appelée la Montagne à Fournier pour commémorer son souvenir.

On dit aussi qu’en 1864, un des frères de Fournier aurait voulu ramener la dépouille, mais comme il ne restait que quelques ossements, on aurait décidé de le laisser sur place et d’ériger un enclos et une croix pour marquer l’endroit. On y trouve de nos jours une croix et une plaque récente (voir la photo à la fin de l’article suivant) où il est inscrit

Ci-gît Frédéric Fournier
arpenteur et lieutenant, (D. Z. M.?)
Noyé le 6 juin  1831
âgé de 22 ans

La légende et la complainte

Cet événement tragique a donné lieu à la légende de la Montagne à Fournier dont vous pouvez lire une version ici (sélectionnez légendes, puis La montagne à Fournier).

Autre version de la légende de la montagne à Fournier , écrite par Ernest Bilodeau et publiée dans Un Canadien errant, édition de 1915.

Texte complet de la Complainte à Fournier.

Bibliographie
La légende de la montagne à Fournier.  [Page consultée  le 5 septembre 2011] Adresse URL

Municipalité de Ristigouche Sud-Est. [n’est plus en ligne] Histoire du Chemin Kempt [Page consultée  le 5 septembre 2011]

Pierre-Georges Roy, Les petites choses de notre histoire. Septième série, Lévis: [s.n.], 1919, 301 pages. Adresse URL: http://www.ourroots.ca/f/page.aspx?id=691808

Joseph-Désiré Michaud,  Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia, Val-Brillant, Québec: La Voix du Lac, 1922, 241 pages. Adresse URL:  http://www.ourroots.ca/f/page.aspx?id=4035338

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La grande tueuse – la grippe espagnole de 1918-1919 au Québec

20 à 40 millions. C’est le nombre de morts qu’a causé la grippe espagnole de 1918-1919, ce qui lui a valu le surnom de  »grande tueuse ». En comparaison, la Première Guerre mondiale a fait plus de 10 millions de victimes. On évalue à 14 000 le nombre de décès au Québec. Peu de familles ont été épargnées à l’époque.

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Hommes portants des masques durant l'épidémie d'influenza, 1918.

Pour en savoir plus sur cette page dramatique de notre histoire, je vous recommande le vidéo La grande tueuse, que l’on peut voir en cliquant ici. Ce clip, d’une durée de 19 minutes, a été diffusé le 29 juin 2002 dans le cadre de l’émission Histoires oubliées. On y entend plusieurs aînés de Saint-Fabien (Bas-Saint-Laurent) raconter comment on a vécu à la campagne cette pandémie. On y entend des histoires saisissantes, comme celle des neuf bûcherons du même camp de la Matapédia qui sont tous décédés suite à cette grippe. Deux petites semaines ont suffit pour décimer le camp.

 

Visiblement, les médecins étaient dépassés par l’ampleur de la maladie. Comment soignait-on la grippe espagnole? Avec un bon verre de gin! Inutile de dire que plusieurs ont dû abuser de ce remède… Il y avait bien sûr d’autres  »remèdes », dont l’utilisation de formaline, mais leur efficacité était douteuse…

 

L’épidémiologiste (aujourd’hui secrétaire du Collège des médecins) Yves Robert a aussi été interviewé dans le cadre de cette émission.

 

Le clip est accompagné d’une section Contexte et le Saviez-vous? forts pertinentes.

 

Adresse: http://archives.radio-canada.ca/sante/maladies/clips/12640/

 

Vous pouvez suivre les archives de Radio-Canada sur Twitter à cette adresse : http://twitter.com/RC_Archives

 

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Les régions du Québec: une histoire d’appartenance

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur l’histoire régionale du Québec, mais qui n’ont pas nécessairement le temps et l’envie de lire de gros bouquins, je vous suggère la série Une histoire d’appartenance publiée par les Éditions GID.

Chaque volume débute par une présentation générale de la région ( les pionniers, les témoignages concernant cette région, la colonisation, et). Ensuite, on voit l’histoire de chaque paroisse sous forme de chronologie. Le tout est agrémenté de plusieurs photographies d’archives (dont plusieurs que je voyais pour la première fois).

J’ai bien aimé l’intégration des cartes dans les deux volumes que j’ai lu, celui sur Charlevoix et celui sur la Côte-Nord par Caroline Roy et Serge Lambert. Dans chaque cas, on prend une carte du début du siècle puis on la fait suivre d’une carte récente. On voit à quel point la toponymie a évoluée; des hameaux ont disparus, des villages se sont regroupés et d’autres ont changé de nom.

Les monographies régionales ne sont pas toujours simple à se procurer. Avec la série une Histoire d’appartenance, vous avez en quelque sorte une synthèse de ces livres. De plus, à la fin de chaque livre, il y a une bibliographie, pour ceux qui veulent approfondir l’histoire de la région concernée.

Une série à suivre!

Les titres publiés concernent les régions de Charlevoix, le Saguenay-Lac-St-Jean, la Côte-Nord, Québec, la Côte-de-Beaupré, la Gaspésie, les Iles-de-la-Madeleine et la Vallée-de-la-Matapédia.

Adresse: http://www.leseditionsgid.com/boutique-en-ligne/une-histoire-d-appartenance

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