Une horrible méprise (St-Pacôme, 1914)

Extrait de l’Action sociale, 20 août 1914

S. PACOME

Horrible méprise.

S. Pacôme, Kamouraska, 11. – Notre paisible localité a été le théâtre d’un bien triste drame. Le gouvernement avait donné ordre de garder un pont sur la voie ferrée sur l’I.C.R. Le gardien s’est armé d’une carabine à quatre coups et gare les espions. Dimanche au soir donc le gardien et une douzaine de jeunes gens divisaient gaiement, lorsque se présente un pauvre mendiant sac au dos âgé d’environ 70 ans. Il n’avait pas fait cinq pas que le gardien lui crie « stop », et pointant sa carabine sur lui, le chemineau croyant sans doute avoir affaire à quelque farceur d’une excursion de chasse, car le gardien ne portait pas d’uniforme et une personne pêchait, lui répondit en riant, « You go kill me » l’autre répondit. Yes, et en même temps le coup partit, la mort a été instantanée la balle lui a perforé le coeur.

Le coroner Vézina et les Docteurs Gosselin et Michaud ont procédé à l’autopsie du cadavre.

Le malheureux gardien est très attristé et les jurés l’ont exonoré de tout blâme.

Le mendiant se nomme Joseph Alexandre Levasseur, français d’origine, il allait en pélerinage à Ste Anne de Beaupré, on a trouvé sur lui 3 chapelets, un scapulaire et une médaille. La dépouille va être inhumée à la Rivière Ouelle. Dans ces papiers on a aussi vu qu’il a résidé à Montréal, Rimouski, Pointe au Père.

La tragédie des Redpath [Montréal, 13 juin 1901]

Photographie | M. J. C. Redpath, diplômé en droit, Montréal, QC, 1900 | II-133577

M. J. C. Redpath, diplômé en droit, Montréal, QC, 1900

La Patrie, 14 juin 1901

UNE SANGLANTE TRAGEDIE
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Mme Redpath, veuve du riche raffineur de sucre, et son fils Clifford, meurent mystérieusement atteints par trois coups de revolver
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Affreux malheur qui créé dans tout Montréal une profonde consternation

Toute la haute société anglaise de notre ville est aujourd’hui sous le coups d’une bien vive émotion par suite d’une sombre tragédie qui vient de se produire dans son sein. Jamais, croyons-nous, malheur plus déplorable n’a frappé une famille, et c’est avec un cri de profonde horreur que la population de Montréal a appris la sinistre nouvelle. Il s’agit de la mort d’une honorable femme et de son fils, tous deux occupant un rang proéminent dans l’aristocratie anglaise du pays.

Les faits de la tragédie sont particulièrement pénibles et cachent un mystère que nulle personne au monde ne pénètrera jamais.

Quoique l’on ait tout fait pour étouffer cette affaire, le bruit a transpiré suffisamment pour que toute la ville soit aujourd’hui instruite de la nouvelle. Comme toujours en pareils cas, les commentaires vont bon train, et les versions que l’on rapporte sont toutes d’une exagération ou d’une invraisemblance absolue.

La veuve de M. John Redpath, le célèbre raffineur de sucre, mort il y a quelques vingt ans, vivait avec ses enfants dans une magnifique propriété située au numéro 1065 de la rue Sherbrooke, près de la rue McKay. Madame Redpath, très âgée, y coulait une existence douce et paisible au milieu de ses enfants. L’âge l’avait rendue quelque peu souffrante et la douleur de voir le plus jeune de ses fils, Clifford, enclin à des attaques d’épilepsie, jetait un voile sur son bonheur. Néanmoins, tout allait bien, et le jeune Clifford, âgé de 25 ans, après une brillante cléricature à l’Université McGill, se préparait avec ardeur à subir le dernier examen pour obtenir son titre d’avocat. Depuis quelques jours surtout, le jeune homme travaillait sans relâche. constamment plongé dans ses livres, il ne prenait aucun repos, et c’est à peine s’il prenait le temps de se mettre à table pour les repas.

Un tel excès devait exercer une influence néfaste sur son moral. On remarquait qu’il était plus affaissé que d’ordinaire.

Hier après-midi, vers 4.30 heures, le jeune Clifford revenant de l’Université, pénétra dans la chambre de son frère qui était par hasard à la maison. Après avoir échangé quelques mots avec lui, Clifford sortit et pénétra chez sa mère dont l’appartement était situé sur le même palier. M. Redpath (le frère) qui était occupé à sa toilette, ne prêta guère d’attention au jeune homme. Un instant plus tard, une détonation, aussitôt suivie d’une autre, se fit entendre dans la chambre de Mme Redpath, glaçant d’effroi le malheureus fils resté dans la chambre. Se ressaisissant aussitôt, M. Redpath se précipita en avant mais, au moment où il allait ouvrir la porte de l’appartement de sa mère, un troisième coup de feu partit de l’intérieur. D’un vigoureux coup d’épaule, M. Redpath enfonça la porte et pénétra dans la chambre. Un spectacle horrible l’y attendait. Sa mère, ayant à la tête une affreuse blessure gisait dans une mare de sang. A côté d’elle, le jeune Clifford était étendu, également couvert de sang.

Affolé, M. Redpath tenta de rappeler sa mère à la vie. N’y parvenant pas, il agita désespérément la sonnette, mandant auprès de lui les deux servantes qui étaient seules avec lui dans la maison. Il leur enjoignit de courir chez le plus proche médecin, et quelques instants plus tard, les Drs McKenzie, Campbell et Patton arrivaient sur les lieux.

L’examen qu’ils firent des cadavres leur révéla un état des choses fâcheux. Les deux cas, à leur avis, étaient désespérés.

Sur leur avis on transporta le jeune Clifford à l’Hôpital Victoria où le Dr Bell tenta vainement de le rappeler à la vie. Il en fut de même pour madame Redpath qui malgré tous les soins, succomba vers 10 heures.

Une heure plus tard, un message téléphonique annonçait que le jeune Clifford avait également succombé.

Le coroner, aussitôt avertit, s’est rendu sur les lieux et a fait les constatations d’usage. Il a permis d’ensevelir les deux cadavres et il a fixé l’enquête à 3 30 heures, cet après-midi, au domicile des défunts.

chose curieuse, la police n’a pas été officiellement informée de cette sombre tragédie.

Le lendemain, on lisait dans La Patrie

DRAME DE LA FOLIE
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Clifford Redpath, rendu irresponsable de ses actes par une attaque d’épilepsie imminente, tue sa mère puis se suicide
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Le corps des deux victimes seront inhumés aujourd’hui
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La sombre tragédie de la rue Sherbrooke, comme on se plaît à l’appeler, est maintenant une affaire du passé dont on ne parlera plus. Les deux victimes seront inhumées aujourd’hui avec la plus grande simplicité. Le dernier acte du drame s’est déroulé hier après-midi à l’enquête du coroner qui a eu lieu à 3.30 heures.

Les faits que nous avons rapportés ont été entièrement corroborés par les témoins qui ont été entendus. Disons que le jury était composé d’hommes éminents dans toutes les classes de la société.

On remarquait en effet: MM. A. Browning, John Dunlop, C.R. ancien bâtonnier du barreau; Lansing Lewis, E.C.B.. Featherthonhough, Geo. Hyde, Bartlett McLennan, Francis McLennan, John Walker, W. Morris, John Savage, W.W. Watson, Charles Esdale et Herbert Wallace.

Le premier témoin assermenté à été M. Peter Redpath, le frère de Clifford. Il a raconté que son frère est arrivé de la ville vers 5.40 heures, hier après-midi. Il paraissait souffrant et il l’a quitté pour aller rejoindre sa mère. Cinq ou six minuutes plus tard, le témoin a entendu une détonation. Comme il se précipitait dans l’escalier pour se rendre compte de ce qui se passait, deux autres coups de feu se firent entendre dans la chambre de sa mère. M. Peter Redpath ayant atteint la chambre, ne put y pénétrer par la porte ouvrant sur le corridor. Cette porte était fermée à clef de l’intérieur, il lui fallut passer par une autre pièce. En entrant dans la chambre un spectacle horrible frappa ses regards. Sa malheureuse mère gisait sur le parquet dans une mare de sang, et son frère étendu un peu plus loin tenait dans sa main crispée un revolver encore fumant.

Le témoin raconte, en terminant, que son frère était sujet à de fréquentes attaques d’épilepsie. L’excès de travail auquel il s’était récemment livré pour préparer ses examens l’avait fort surexcité.

Le Dr Roddick, médecin attitré de la famille depuis vingt ans, a ensuite été entendu. Il a raconté que le défunt était un épileptique et qu’il ne pouvait être tenu responsable de ses actes avant et après ses crises. Récemment, le Dr Roddick a conseillé au malade de prendre du repos. Il lui avait proposé de l’accompagner dans un voyage qu’il devait faire à une place d’eau. Ce projet devait être exécuté prochainement.

Les Drs Patton et Campbell, qui ont été appelés après la tragédie, ont relaté dans quelle position se trouvaient les cadavres. Ils ont constatéé que madame Redpath avait reçu deux balles dans l’épaule et que le défunt s’était tiré une balle dans la tempe droite.

L’une des servantes, qui était à la maison lors du drame, Dora Shallow, a été le dernier témoin entendu. Elle dit qu’elle a entendu les détonations et elle confirme la version des témoins précédents en ce qui concerne la position des cadavres.

Un détail à noter et qui semble fort étrange, c’est que l’on a trouvé un deuxième revolver dans la chambre près du cadavre du jeune homme. Ce revolver a six coups, avait une chambre vide. Il manquait deux balles dans le premier.

M. Fleet, avocat, ami de la famille, a déclaré que tout le monde dans la maison ignorait qu’il y eut des revolvers. Ce n’est qu’hier matin que l’on a trouvé les boîtes dans une remise située en arrière de la maison.

La preuve étant close, le jury, après quelques instants de délibération, enregistre le verdict suivant sur la mort de Clifford Redpath:
 »Que Clifford Redpat est mort à Montréal le 13 juin 1901 d’une blessure faite par lui-même avec un revolver, alors qu’il était atteint momentanément d’aliénation mentale causée par une attaque d’épilepsie et étant irresponsable de ses actes à ce moment. »

Le verdict se rapportant à madame Redpath se lit comme suit:
 »Que Ada Maria Mills, veuve de John Redpath, âgée de 62 ans, est morte à Montréal le 13 juin 1901, d’une blessure de pistolet faite apparamment par Clifford John Redpath, son fils, alors que celui-ci était inconscient et temporairement atteint d’aliénation mentale causée par une attaque d’épilepsie. »

Chacune des jurés ayant signé ces deux verdicts, le coroner a déclaré l’enquête close.

Un volet du projet Les grands mystères de l’histoire canadienne a été consacré à l’affaire Redpath. Vous y trouverez d’autres retranscriptions d’articles et bien plus.

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Le vinum colchici est dangereux pour la santé (Tabb’s Yard, Montréal, 1873)

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Un voyageur de Montréal tué par un soldat [Québec, 13 septembre 1807]

Une mort mystérieuse (Saint-Julien-de-Wolfestown, 1888)

Drame à Saint-Alban, 23 février 1890

L’affaire Cordélia Viau (Saint-Canut, 1897)


**

Mariés à Saint-Canut, le 4 novembre 1889, Isidore Poirier et Cordélia Viau allaient demeurer unis par les liens sacrés du mariage pendant huit années. Et non, ça ne s’est pas bien terminé.

La victime, Isidore Poirier, tiré de Histoire d’un crime horrible, p.4

Malheureux ménage

Pour gagner sa vie, Isidore Poirier dut s’exiler aux États-Unis pendant trois années. En 1897, il fut obligé de revenir, de charmantes lettres l’ayant informée que madame Isidore Poirier, donc Cordélia Viau, entretenait une relation, jugée inappropriée, avec un autre habitant de Saint-Canut, Sam Parslow.

Poirier revint à St-Canut, mais Cordélia et Sam continuèrent à se voir. Certains dirent que Poirier se serait mis à boire à cause de cela. La situation devint vite tendue.

Le crime

Le 22 novembre 1897, Cordélia rentra chez elle, ayant passé la nuit chez son père, mais se buta à une porte close. Il ne semblait pas y avoir quelqu’un à l’intérieur. Elle ne s’en formalisa pas outre mesure, son mari étant souvent absent, participant à la construction de l’église de Saint-Jérôme en tant que menuisier.

Ne disposant pas d’une clé pour ouvrir la porte, Cordélia décida d’aller directement à l’église, où elle devait jouer de l’orgue lors d’un mariage. Après l’événement, elle revint chez elle. Elle demanda l’aide de son voisin, M. Bouvrette, qui, en enlevant un châssis, réussit à entrer dans la maison et à lui ouvrir la porte. Cordélia demanda à monsieur Bouvrette d’aller jeter un coup d’oeil dans la chambre:  »Allez-y, moi je ne veux pas y aller, j’ai peur. » (La Patrie, 24 novembre 1897)

Elle avait raison d’avoir peur; on trouva son mari sur le lit de la chambre conjugale, égorgé, sans vie. On crut d’abord à un suicide, à cause des premières déclarations de Cordélia et de Sam Parslow.

Extrait de Histoire d’un crime horrible, p. 27

Ces derniers insistèrent, lorsqu’interrogés par le coroner,  sur l’état dépressif de Poirier. Mais quand on prenait en compte les traces de lutte sur la scène du crime et les blessures du défunt, tout pointait vers un meurtre.

Sam Parslow et Cordélia Viau furent arrêtés le 25 novembre, après être passés aux aveux. On les amena à la prison de Sainte-Scholastique.

Isidore Poirier fut enterré le 27 novembre 1897 à Saint-Canut.

Le crime fit la manchette des journaux, comme la Patrie qui ne nous épargne aucun détail… On insiste beaucoup sur ce pauvre Sam Parslow, littéralement envoûté et manipulé par la diabolique et volage Cordélia Viau.

Deux procès

cordelia

La victime, Isidore Poirier, tiré de Histoire d’un crime horrible, p.4

sam

La victime, Isidore Poirier, tiré de Histoire d’un crime horrible, p.4

Le premier procès de Cordélia Viau débuta le 17 janvier et eu lieu au palais de justice de Sainte-Scholastique. Durant le procès, il fut question de deux polices d’assurance dont Cordelia aurait été la bénéficiaire en cas de décès d’Isidore Poirier. Cordélia a même écrit à l’assureur pour lui demander

 si la Compagnie paierait l’assurance dans le cas où son mari serait tué, par accident ou par la suite d’un crime, s’il était empoisonné, s’il mourait d’une mort violente quelconque.

(Réf. Affaire Cordélia Viau (meurtre de St-Canut)  résumé du juge Taschereau, pour les jurés, avant le verdict : le 2 février 1898, à Ste-Scholastique, P.Q. p. 24) .

Le 2 février, elle fut reconnue coupable. L’issue du procès de Parslow fut la même. On alla donc en appel. En octobre, la tenue d’un deuxième procès fut ordonnée. Pour Cordélia, il débuta le 5 décembre 1898. Le 16 décembre, elle fut reconnue coupable du meurtre de son mari et condamnée à la pendaison. Parslow avait été condamné à la même peine.

La sentence fut exécutée à Sainte-Scholastique par le bourreau John Robert Radclive le 10 mars 1899.

Extrait de Histoire d’un crime horrible, p. 44

Cordélia Viau fut inhumée à Saint-Canut, le 11 mars 1899. L’inhumation de Parslow eut lieu la veille. Elle était âgée de 33 ans et Sam Parslow de 36 ans.

Le souvenir

L’affaire Cordélia Viau est restée dans la mémoire collective, d’abord grâce à la chanson et aux journaux, mais ensuite le cinéma et la télévision ont perpétué cette histoire.

En 1899 a été publié par G. A Benoit un livre intitulé Histoire d’un crime horrible, où l’on retrouve la Complainte de Cordélia Viau et une complainte attribuée à Cordélia Viau. Jean Badreux a aussi relaté l’affaire Cordélia Viau dans Les trois crimes, Rawdon, St-Canut, St-Liboire [microforme] : histoire complète des meurtres, détails horribles ; la vindicte publique également publié en 1899.

Ensuite, le musée Éden de Montréal a exposé une reconstitution de la scène du meurtre.

Photo du Musée Éden où la scène a été recrée – (Source: BANQ, non-daté. Notre. Le musée a été en opération grosso modo de 1892 à 1940)

En 1976, Pauline Cadieux publia Cordélia, ou la lampe dans la fenêtre, roman d’après lequel est basé le film Cordélia, tourné en 1980 par Jean Beaudin mettant en vedette Louise Portal et Gaston Lepage. Sur le site de Télé-Québec, vous pouvez voir quelques extraits du film et d’une entrevue avec Jean Beaudin. En 1990, Pauline Cadieux publia Justice pour une femme: Pourquoi il faut réhabiliter Cordélia Viau?

En 1995, Marina Orsini interpréta Cordélia Viau dans la série Les grands procès diffusée au petit écran.

Bibliographie

canut

La victime, Isidore Poirier, tiré de Histoire d’un crime horrible, p.4

Cadieux, Pauline. Cordélia : ou La lampe dans la fenêtre. Montréal, Libre Expression, 1979, 231 pages.

Cadieux, Pauline. Justice pour une femme: Pourquoi il faut réhabiliter Cordelia Viau?, Montréal, Libre Expression, 1990, 288 pages.

La Patrie, 24 novembre, 26 novembre, 27 novembre, 29 novembre, 30 novembre, 1er décembre, 2 décembre, 3 décembre, 4 décembre, 6 décembre, 7 décembre, 9 décembre,  1897. 17 janvier, 18 janvier, 19 janvier, 20 janvier, 21 janvier, 22 janvier,  24 janvier, 25 janvier, 26 janvier, 27 janvier, 28 janvier, 29 janvier, 31 janvier, 1er février, 2 février, 3 février, 5 décembre, 6 décembre, 7 décembre, 9 décembre, 10 décembre, 12 décembre, 13 décembre, 14 décembre, 15 décembre, 16 décembre 1898. 10 mars 1899.

Affaire Cordélia Viau (meurtre de St-Canut) [microforme] : résumé du juge Taschereau, pour les jurés, avant le verdict : le 2 février 1898, à Ste-Scholastique, P.Q. (1898). Adresse URL

Les trois crimes, Rawdon, St-Canut, St-Liboire [microforme] : histoire complète des meurtres, détails horribles ; la vindicte publique (1898)

Boileau, Gilles. La tragédie de Saint-Canut, Histoire Québec, Janvier 1999, vol. 4, numéro 2bis

Histoire d’un crime horrible [microforme] : récit complet et inédit des amours criminelles des Cordélia Viau et Sam Parslow et de leur terrible dénouement, le meurtre d’Isidore Poirier et la double pendaison de Ste-Scholastique : avec un avant-propos intitulé « Une leç on terrible » : aussi portraits de la victime, Isidore Poirier, et de ses deux assassins, Cordélia Viau et Sam Parslow, ainsi que des illustrations de la scène du meurtre, de la découverte du cadavre et du terrible dénouement -la double pendaison de Sainte-Scholastique (1899)

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Une mort mystérieuse (Saint-Julien-de-Wolfestown, 1888)

John Placket et Patrick Murphy, accusés du meurtre de la veuve Godin (Les Écureuils, auj. Donnacona, 1814)

Drame à Saint-Alban, 23 février 1890

Arrestation du Dr Crippen à Pointe-au-Père, auj. Rimouski [31 juillet 1910]

Drame à Saint-Alban, 23 février 1890

Saint-Alban est un petit village  situé près de Portneuf et de Deschambault. Il y a 121 ans, une horrible tragédie a secoué la quiétude de ses habitants.

Et le responsable de cette tragédie, c’est Nathaniel-Fritz-Randolph Dubois. Marié et père de deux enfants, Joseph (quatre ans) et Georges (trois mois) lui et sa femme Zéphise Thibault (34 ans) résident à Saint-Alban avec les parents de cette dernière, Joseph Thibault et Olympe Tessier.

En ce 23 février 1890, Nathaniel-Fritz-Randolph Dubois est à la maison avec sa femme, leurs deux enfants et sa belle-mère. Querelle? Accès de folie? Ou au contraire, acte planifié? Aucun témoin, sauf Nathaniel-Fritz-Randolph Dubois, n’a survécu assez longtemps pour raconter ce qui s’est passé ce jour-là dans cette maison de St-Alban. Lorsque la belle-soeur de Dubois, Virginie Hamelin, arrive sur les lieux, quatre personnes étaient dans la cave. Deux étaient décédées; le petit Joseph et le bébé respiraient encore. Dubois s’était enfui. Il avait pris le soin de cacher l’arme du crime, une hache, en dessous de son lit. Virginie Hamelin alla chercher son mari, Henri Thibault, qui était presque aveugle. Le petit Joseph avait entre-temps rendu son dernier soupir. Ils emmenèrent le bébé chez eux, mais celui-ci expira quelques heures plus tard.

Ces meurtres choquent la région. Dans le registre de la paroisse, le curé prend la peine d’écrire que ces pauvres gens ont été tués »félonieusement ».

Acte de décès de Zéphise Thibault, Registre de la paroisse de Saint-Alban, 1890

Les journaux présentent Dubois comme un être paresseux, froid, mauvais chrétien (comprendre qui ne fréquentait pas l’église), souvent en querelle avec sa femme.

Le Canadien du 26 février 1890 nous donne un peu plus de détails sur le personnage. Âgé de 35 ans, il est surnommé  »l’irlandais à la Thibault ». Il serait né à Staten Island, état de New York, d’un père français et d’une mère d’origine irlandaise. C’est un protestant (mais qui s’est marié dans une église catholique) et il ne parle pas français.

Rodolphe Dubois est orphelin de mère à 5 ans. Il est maltraité par la suite par sa belle-mère. Il serait arrivé au Canada en 1881. On sait qu’il épouse Marie Zéphise Thibault le 28 août 1883 à Saint-Casimir de Portneuf. Deux semaines après le mariage, il aurait abandonné sa femme. Il ne revient que deux ans plus tard. À l’époque du crime, il travaillait dans une carrière de pierres.

Pour expliquer son crime, il évoque une querelle avec sa femme et sa belle-mère qui avaient soi-disant l’habitude de lui mener la vie dure. Le pauvre homme! Cela laisse la justice de marbre. Dubois est reconnu coupable le 23 avril 1890 et est pendu le 20 juin.

Le monde illustré, 21 juin 1890

Bibliographie

Le Canadien, 26 février 1890

Le Canadien, 20 juin 1890.

Le Canadien, 23 avril 1890.

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Un criminel américain capturé en Estrie [19 août 1913]

Arrestation du Dr Crippen à Pointe-au-Père, auj. Rimouski [31 juillet 1910]

Une mort mystérieuse (Saint-Julien-de-Wolfestown, 1888)

Donald Morrison: un hors-la-loi en cavale (Lac-Mégantic, 1888-1889)

Arrestation du Dr Crippen à Pointe-au-Père, auj. Rimouski [31 juillet 1910]

Have strong suspicions that Crippen – London cellar murderer and accomplice are among Saloon passengers. Moustache taken off – growing beard. Accomplice dressed as boy. Voice manner and build undoubtedly a girl. (réf)

La victime, Ethel Cora Crippen. Source: The Advertiser (Adelaide, Australie) 24 Octobre 1910

Cette histoire débute à Londres, en 1910. Le Dr Hawley Harvey Crippen, dentiste de métier, avait épousé en secondes noces la charmante Cora Turner (nom de scène : Belle Elmore). Or, le docteur Crippen avait une charmante secrétaire, mademoiselle Ethel LeNeve. Ils s’entendaient bien. Très très bien, même. Tellement qu’un jour, le Dr Crippen décida que les ménages à trois étaient compliqués à gérer. Il empoisonna donc son épouse, démembra le corps et le dissimula dans le sous-sol de sa maison. Quand les voisins ou les amis demandaient des nouvelles de sa femme, le Dr Crippen leur répondait qu’elle était partie aux Etats-Unis au chevet d’un parent malade. Ou qu’elle l’avait quitté pour un autre homme. Il finit même par raconter que sa tendre épouse était décédée. Entre-temps, sa dévouée secrétaire vint habiter avec lui. On la vit porter les bijoux et les vêtements de la défunte. Les soupçons commencèrent. Qu’était-il réellement arrivée à Ether Cora Cripen ?

Scotland Yard envoya l’inspecteur Dew fouiller la maison. Sans succès. Il revint deux jours plus tard et là, ta dam, il constate l’absence, ou plutôt la fuite des deux tourtereaux. On entreprit alors une fouille plus complète de la maison et on fit une macabre découverte au sous-sol : un corps y avait été caché.

La police avait toutes les raisons de se lancer à la recherche du Dr Crippen et de sa secrétaire.

Le Dr Crippen et sa maîtresse. Source: Examiner (Launceston, Tasmanie) 24 Août 1910

Ne jamais emmener sa secrétaire en voyage
Le SS Montrose avait en ce mois de juillet 1910 deux passagers qui, à première vue, n’avaient rien de spécial. Un homme d’un certain âge et son fils. Or, l’homme avait un drôle de comportement avec son neveu en public. Il était très affectueux. Et le neveu en question avait une voix tout ce qu’il y a de plus féminine.

Pour ne pas être reconnus, le Dr Crippen avait rasé sa moustache et laissé poussé sa barbe tandis que Ethel LeNeve avait enfilé des vêtements de garçon. Ils étaient inscrit sous les noms de Rev. John Robinson et John Robinson Jr.

Leur comportement avait alerté le capitaine du Montrose, Henry Kendall. Celui-ci envoya donc un câble pour s’assurer que des policiers cueillent les suspects. Le 31 juillet 1910, les autorités policières, dont l’inspecteur Dew,  attendaient Crippen et sa secrétaire à  Pointe-au-Père (Rimouski). Le révérend John Robinson et son fils étaient démasqués. On les envoya à Québec en attendant leur extradition. Crippen et sa maîtresse avaient embarqué sur le Montrose à Anvers, le 20 juillet. Leur destination était Détroit. (réf)

Peut-être le nom du capitaine Kendall vous dit-il quelque chose. Il était le capitaine de l’Empress of Ireland lorsque celui-ci a été éperonné par le Storstad le 29 mai 1914.

 

Le capitaine Kendall et l'inspecteur Dew font la promenade sur le pont du Montrose et font le bonheur des photographes . Source: The Brisbane Courier 4 Juin 1914

Mais revenons au Docteur Crippen. Scotland Yard envoya à Québec l’inspecteur Dew et le sergent Mitchell pour cueillir les deux suspects et les ramener en Angleterre. On parla de cette arrestation dans le monde entier.

Le Petit journal. Supplément du dimanche
L’arrestation. Le Petit journal. Supplément du dimanche
Source: Bibliothèque nationale de France

Le procès du Dr Crippen à Londres dura 5 jours et le jury délibéra pendant 30 minutes. Verdict: coupable. Le Dr Crippen fut pendu à Londres le 23 novembre 1910. Quant à Ethel LeNeve, elle fut déclarée non-coupable. Elle changea de nom et mourut à Londres en 1967.

La culpabilité de Crippen remise en question
Récemment, des tests semèrent le doute quand à la culpabilité du Docteur Crippen. Le corps retrouvé dans sa maison appartiendrait plutôt à un homme. Histoire à suivre….

Le Dr Crippen au musée de Madame Tussaud Source. Wikipédia

Aussi, vous pouvez aller  »saluer » la réplique en cire du Dr Crippen au musée de Madame Tussaud de Londres.

Bibliographie

New York Times. 15 août 1910. GUARD FOR CRIPPEN ARRIVES AT QUEBEC [Page consultée le 31 janvier 2011] Adresse

BBC. [en ligne]Was Dr Crippen innoncent of his wife’s murder? [Page consultée le 31 janvier 2011] Adresse

Histoires oubliées . La malédiction de Crippen. [Page consultée le 31 janvier 2011] Adresse

New York Times. 23 novembre 1910. CRIPPEN WILL DIE EARLY THIS MORNING
[Page consultée le 31 janvier 2011] Adresse

National Archives, UK [en ligne] Hawley_Harvey_(1862-1910)_Physician_and_Murderer [Page consultée le 31 janvier 2011]
Adresse

Wikipedia [en ligne] Hawley Harvey Crippen [Page consultée le 31 janvier 2011] Adresse

Thomas Ronan [en ligne]  Was the Doctor Convicted of Killing His Wife Guilty? A London Mystery Involving an American Adulterer [Page consultée le 31 janvier 2011] Adresse

The Quebec Chronicle, 31 juillet 1910.

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La tragédie de l’Empress of Ireland, 29 mai 1914, d’après les journaux de l’époque

La tragédie de l’Empress of Ireland, 29 mai 1914, en images

Histoire judiciaire: Le docteur L’Indienne, un meurtrier en série? St-Jean-Port-Joli, 1829

Une mort mystérieuse (Saint-Julien-de-Wolfestown, 1888)

Fait divers (un peu macabre)… tiré des voûtes de l’histoire (St-Vallier, 1763)

Le meurtre d’Achille Taché, seigneur de Kamouraska (31 janvier 1839)

Hier, tout Québec fut mis en émoi par le nouvelle du meurtre récent supposé de M. Achille Taché, Seigneur de la Seigneurie de Kamouraska. Les soupçons sont tombés sur un étranger, se disant de Sorel, qui était nouvellement arrivé à Kamouraska, et qui en est disparu depuis cet affreux événement.

Extrait: Le Canadien, 6 février 1839, p.2

***

Le 16 juillet 1834, à Québec, Josephine-Éléonore d’Estimauville épouse Louis-Paschal-Achille Taché, seigneur de Kamouraska. Deux enfants naissent de cette union malheureuse. Violence conjugale, abus d’alcool et autres comportements de la part de l’époux sont des facteurs qui incitent Josephine-Éléonore d’Estimauville à quitter Kamouraska avec ses enfants en décembre 1837. Elle s’établit à Sorel (appelé alors William Henry), chez sa mère. Son troisième enfant naît là. Son époux vient la rejoindre en janvier 1838, mais repart sans elle.

3 février 1839: on retrouve le corps de Louis-Paschal-Achille Taché à l’anse Saint-Denis (Kamouraska ) . Il est décédé de façon violente: deux coups de pistolets à la tête. Que s’est-il passé?

A Sorel, Josephine-Éléonore d’Estimauville a fait la connaissance du docteur Georges Holmes. Ils sont devenus amants. Taché et Holmes se connaissent; ils ont été confrères de classe au collège de Nicolet.

Avec ou sans le consentement de Josephine-Éléonore, Georges Holmes décide de se débarrasser du mari. Les premiers essais sont infructueux.

À l’automne de 1838, à deux reprises il essaya vainement d’envoyer quelqu’un à Kamouraska afin d’empoisonner le seigneur avec de l’arsenic. Il s’adressa ensuite à Aurélie Prévost, dit Tremblay, domestique au service de Joséphine-Éléonore et complice de leur liaison depuis le début. Aurélie s’installa dans une auberge de Kamouraska sous un faux nom. Le 4 janvier 1839, elle réussit à faire boire le poison à Taché, mais il n’en mourut pas. ‘(Réf).

Le 31 janvier 1839, Georges Holmes tue Louis-Paschal-Achille Taché. Il est suspecté dès la découverte du corps. Il a par contre eu le temps de s’enfuir aux États-Unis. Dans des lettres envoyés à deux amis, il avoue avoir tué Taché. (Réf 1 et Réf 2). Il est arrêté à Burlington, Vermont et mis en prison.

Josephine-Éléonore d’Estimauville est quant à elle arrêtée en février 1839 pour sa complicité dans l’affaire. Elle est libérée le 27 février. Son procès s’ouvre à Québec le 21 septembre 1841. Elle est accusée  »d’avoir administrés ou fait administrer un poison, soit une once d’arsenic blanc, dissout dans du brandy, à Achille Taché, le 4 janvier 1839.  » (Réf). Elle est déclarée non-coupable.

Josephine-Éléonore d’Estimauville est décédée en juin 1893 à Montréal. Elle a convolé en secondes noces en 1843 avec le notaire Léon-Charles Clément (six enfants). Ils vécurent aux Éboulements. Quant à Georges Holmes, il s’est enfuit aux États-Unis. Le Bas-Canada a demandé son extradition, ce qui a été refusé. Il a été libéré. On ne sait pas ce qu’il est devenu par la suite.

Compléments

Photographie d’Eleanore d’Estimauville, non datée (années 1870?) source: BANQ

Retranscription de l’acte de sépulture de Paschal-Achille Taché ici.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec conserve certaines pièces relativement au procès de Georges Holmes, mais on ne peut les consulter en ligne.

Le drame de Kamouraska a inspiré deux livres: Drames de la vie réelle, roman canadien (Georges-Isodore Barthes, 1896) et Kamouraska (Anne Hébert, 1970). Du livre d’Anne Hébert est tiré le film du même nom (Claude Jutra, 1973). Souvenances Abbé Casgrain. Pierre-Georges Roy a tracé un Portrait de la famille Taché en 1904.

Anne Hébert et Paschal-Achille Taché partagent un lien de parenté, que l’on peut voir via le site Nos origines. Entrez les numéro 452853 et 116873.

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Bibliographie

Celine Cyr, [En ligne]ESTIMAUVILLE, JOSÉPHINE-ÉLÉONORE D’ (Taché; Clément) Page consultée le 8 mai 2010: Adresse URL

Sylvio Leblond, «le Drame de Kamouraska d’après les documents de l’époque», Cahiers des Dix, 37 (1972): 239–273. reproduit dans Nos Origines. Adresse URL

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Billets reliés

Crime: La bande à Chambers (1831-1835) première, deuxième et troisième partie

Le Docteur l’Indienne: un meurtrier en série? Saint-Jean-Port-Joli, 1829

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Histoire judiciaire: Le docteur L’Indienne, un meurtrier en série? St-Jean-Port-Joli, 1829

La petite histoire du crime au Québec regorge d’affaires célèbres comme celle d’Aurore l’enfant martyre, de la Corriveau, de l’abbé Delorme, Sault-au-Cochon, etc. Mais connaissez-vous le cas du docteur L’Indienne ? Le site internet du Morrin Center de Québec a jardis dressé un portrait (qui n’est plus en ligne) de ce personnage peu rassurant. En voici un extrait:

En 1824 […]Il est condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois avec passage obligatoire au pilori. […] Il s’échappe de prison et s’installe au port de Saint-Jean-Port-Joli.
En 1829, il est reconnu coupable du meurtre de François Guillemet. Il est pendu la même année. Plus de 30 ans après son exécution, la gravité des crimes du Docteur l’Indienne est révélée au grand jour lorsqu’on trouvé 12 squelettes humains brûlés au sous-sol de son ancienne maison.

Il aurait assassiné plus de 13 personnes! Inquiétant personnage… Mais a-t-on affaire ici à une légende ou à un fait divers?

Les faits

François Marois, 1829 (Bibliothèque et Archives nationales du Québec)

19 août 1829. Saint-Jean-Port-Joli, situé entre Québec et Rivière-du-Loup. Le fleuve Saint-Laurent rejette le cadavre de François-Xavier Guilmet, colporteur. Deux blessures à la tête avivent la suspicion. Un meurtre! Bien vite, on accuse un dénommé François Marois, prétendu docteur de profession, de l’avoir assassiné. Le mois suivant l’accusé subit son procès et est déclaré coupable. Il est pendu en face de l’ancienne prison de Québec (auj. le Morrin College) le 30 septembre 1829.

Quelques années plus tôt, en 1824, François Marois avait été reconnu coupable d’avoir attaqué et sodomisé un homme de Lévis, ce qui lui a valut 12 mois de prison. Il s’est évadé le 15 avril 1825.

Francois Marois devient le Docteur l’Indienne

François Marois et le docteur l’Indienne désignent la même personne, mais les sources prennent du temps à s’accorder sur ce point. Je n’ai pas trouvé de mention du  »docteur l’Indienne » dans les sources contemporaines au drame. Par exemple, dans le Quebec Mercury du 3 octobre 1829 , on mentionne la pendaison de François Marois alias Malouin alias Lafage pour le meurtre de Guillemet.  »Docteur l’Indienne » ne figure pas parmi ces alias.

J. Edmond Roy, dans son Histoire de la Seigneurie de Lauzon (1900), raconte l’histoire d’un certain docteur l’Indienne (p. 213):

Ce malfaiteur légendaire avait la réputation de loger les passants et de les assassiner la nuit pour les voler.

Roy ajoute que son nom véritable était probablement Lanigan ou Lonergan. (p. 213)
P.-G. Roy pose la question suivante, en 1943 (p.102):

Le docteur L’Indienne ne serait-il pas le nommé Marois, de Saint-Jean-Port-Joli?

En 1946, Gérard Ouellet, est formel. Marois est L’Indienne. Dans le livre Ma paroisse, Saint-Jean-Port-Joly, il écrit (p. 119):

Marois porte le surnom de docteur Lindienne (On dit Linguenne et Dinguenne dans la paroisse).

A-t-on affaire ici à deux personnes différentes? On bien un fait divers s’est-il transformé en légende, François Marois devenant ainsi le sinistre docteur L’Indienne? Je penche pour cette deuxième hypothèse. Il est probable que le surnom L’Indienne soit en effet un dérivé de l’un de ses nombreux alias, mais on ne peut expliquer avec certitude le surnom  »docteur l’Indienne ». Maintenant, penchons-nous sur les présumés crimes du dr L’Indienne.

Un meurtrier en série?

Concernant le meurtre de François Guillemet, je vous conseille de lire Le docteur L’Indienne par Michel A. Nadeau. Il y relate le procès de Marois qui, je le rappelle, s’est soldé par une condamnation à la pendaison.

François Marois a plaidé son innocence devant le jury (voir Bulletin des recherches historiques, XLIX, no 5, mai 1943, p.150-157) pour plus tard avouer le jour de son exécution:

Vous savez pourquoi on m’amène ici, je suis coupable du crime dont je suis accusé – je l’avoue- le pauvre Guillemette a péri entre mes mains; si ses parents sont ici, je leur demande pardon, et je vous prie de m’aider par vos prières, car j’ai commis beaucoup de crimes. J’ai commis des crimes bien plus graves que celui pour lequel je vais mourir. Il n’est pas nécessaire de les expliquer plus au long, mon temps est très précieux, vous voyez que je suis ferme, c’est la religion qui me soutient.

(Tiré de la Gazette de québec, 5 oct. 1829 et reproduit dans le Bulletin des recherches historiques, XLIX, no 4, avril 1943, p.97-102 et Noreau p. 142. ).
Certaines sources laissent croire que Marois était un meurtrier en série. Voyons ce qu’elles nous apprennent à ce sujet.

J.Edmond Roy note en 1900, que (p. 213):

L’auberge du Dr. L’Indienne, nous écrit Louis Fréchette, était située au pied de la Côte Bégin, à l’endroit même où se trouve aujourd’hui la maison de M. Thimlaüs, ancien maire de Lévis. Quand on creusa les fondations de celle-ci, on y découvrit une douzaine de squelettes.

P.G Roy écrit (p.102):

Un fait assez troublant vient ici donner un semblant de vérité à la légende. Le docteur L’Indienne habitait une petite maison qui fut plus tard détruite pour faire place à la résidence de M. Timolaüs Beaulieu, ancien maire de Lévis. En creusant pour les fondation de la maison Beaulieu on trouva des ossements humains. Il n’y avait pas eu de cimetière en cet endroit. Le souvenir des vieillards était précis et ils affirmaient que c’était bien là que s’élevait la maison du docteur L’Indienne.

En 1946, Gérard Ouellet affirme que (p.121) :

le docteur Lindienne habitait la maison actuelle de la famille Adolphe Mercier. Cette habitation fut haussée d’un étage par la suite ». Pas de mention de cadavres retrouvé au sous-sol.

L’année de construction de la maison de Timolaüs Beaulieu n’est jamais mentionnée dans les écrits consultés. On donne peu de détails sur la découverte des squelettes, (qui était présent, état de conservation, objets retrouvés, position des squelettes, etc). Si l’on a effectivement retrouvé des squelettes à cet endroit, il peut y avoir plusieurs explications comme l’existence d’un cimetière remontant à une époque lointaine. Il serait intéressant de connaître la date de la présumée découverte de ces squelettes pour pouvoir consulter les registres paroissiaux. L’étape suivante aurait été de transposer ces restes en terre consacrée.

Conclusion

François Marois alias le docteur L’Indienne était-il réellement un meurtrier en série? Difficile d’y répondre. Il est probable qu’il était effectivement coupable du meurtre de François-Xavier Guillemet, mais pour ce qui est des douze autres meurtres qu’on lui attribue, nous manquons de preuves sérieuses. Nous avons probablement affaire ici à un fait divers qui s’est transformé avec les années en légende.

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Oeuvres littéraires inspirées par l’histoire du Docteur l’Indienne

L’Influence d’un livre par Philippe Aubert de Gaspé fils (1837),

Originaux et détraqués par Louis Fréchette (1892)

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Pour les curieux

Pièces du procès de François Marois, en ligne (Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

Acte de sépulture de Jean-Baptiste Guillemette

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Bibliographie

Journaux

La Minerve, 1829, 31 août 1829, p.3.

Quebec Mercury, 3 octobre 1829, p. 508 .

Périodiques

 »François Marois alias Malouin alias Lafage », Bulletin des recherches historiques, XLIX, no 4, avril 1943, p.97-102.

 »Le plaidoyer du sieur Marois devant le jury », Bulletin des recherches historiques, XLIX, no 5, mai 1943, p.150-157.

Livres

NOREAU, Michel A. Le docteur L’Indienne, Cap Saint-Ignace, La Plume d’Oie Édition, 162 pages, 2003.

OUELLET, Gérard. Ma paroisse, Saint-Jean-Port-Joli, Québec, Éditions des Piliers, 1946, 351 pages.

ROY, J.-Edmond. Histoire de la Seigneurie de Lauzon, Lévis, Mercier & cie, 5 tomes.

Site internet

Morrin Center. (Page consultée le 20 février 2010) Le Docteur l’Indienne (1770-1829) alias Franois Lafage (Malouin, Marois), [N’est plus en ligne].

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