LE MONUMENT DES IRLANDAIS
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L’INAUGURATION ET LA BENEDICTION DE LA CROIX ONT EU LIEU HIER, A LA GROSSE ILE – DE NOMBREUX DISCOURS ONT SOULEVE L’ENTHOUSIASME DE L’AUDITOIRE
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7000 ASSISTAIENT À LA CEREMONIE
(Dépêche spéciale au Canada)
Québec, 15.- La race irlandaise s’est glorieusement affirmée hier. Elle a rendu un culte public à ses martyrs en présence de personnages illustres venus de tous les points de l’Amérique et des plus hauts représentants de l’Eglise et de l’État. Il y avait sept mille personnes présentes. Sept navires avaient été nolisés pour transporter à la Grosse-Isle les foules désireuses de prendre part à cette fête du souvenir. Les croiseurs »Druid » et »Alice » transportaient les hauts dignitaires et les invités. La fête a obtenu tout le succès qu’on espérait.
Un autel avait été élevé en plein air en face de l’ancien cimetière et le R. P. Hanley, curé de la paroisse St-Patrice y célébra la messe en présence de la foule recueillie. Les chevaliers d’Hibernian formaient garde d’honneur.
Après la messe, Mgr Bégin assisté de l’abbé O’Farrell, du curé Frampton et du R. P. Maloney, officia au libéra chanté par un choeur puissant accompagné d’orchestre; Mgr Sbaretti, délégué Apostolique, occupait un siège à côté de l’évangile, assisté de Mgr Synott, son secrétaire et de l’abbé René Casgrain.
L’Abbé A. E. Maguire, chapelain provincial de l’Ordre des Hibernian, fit un éloquent sermont dans lequel il rappela les souffrances inouïes des Irlandais qui préférèrent l’exil et la mort la plus terrible à l’apostasie. Les yeux des assistants se mouillèrent souvent au récit lamentable des infortunés ancêtres malheureux de la race. Après avoir rendu à ces martyrs de la foi un touchant témoignage d’admiration, le prédicateur a rappelé l’héroïsme des saints prêtres canadiens qui vinrent apporter sur ces rochers arides les suprêmes consolations.
Après que Mgr Sbaretti eut donné la bénédiction papale, Mgr l’Archeveque Bégin a payé un tribut d’hommage à la noble nation qui a produit tant de martyrs et de héros. La caractéristique du peuple irlandais est de se souvenir et le peuple canadien lui ressemble sur ce point tellement qu’il a choisi pour devise: »Je me souviens ».

Monument commémoratif érigé en 1909 en souvenir des immigrants irlandais morts en 1849. 1909. Crédit: Jules-Ernest Livernois / Bibliothèque et Archives Canada / PA-136924
L’orateur sacré salue la croix, signe que notre rédemption, qui marquera le souvenir des héros tombés après les avoir consolés dans leurs souffrances et à l’heure de la mort.
Il rappelle que les exilés irlandais furent reçus par les canadiens comme des frères dans le Christ: ils eurent les secours de nos missionnaires et feu le Cardinal Taschereau, alors jeune prêtre, qui contracta la maladie au chevet des malades n’éprouvait qu’un regret: celui de n’avoir pu donner davantage pour ces malheureux.
La crois qui domine leurs ossements rappellera aux 600 orphelins, qui furent adoptés par les canadiens et qui plus tard honorèrent leur race et leur protecteur, que nous avons tout une patrie commune dans la grande famille chrétienne.
Après le luch dans l’après-midi, la foule s’assembla autour de la croix élevé sur le plus haut point de l’île en face du St-Laurent. Sur l’estrade érigée en face de la croix avaient pris place le Lieutenant-Gouverneur, Sir Alphonse Pelletier et son Aide de Camp, Mgr Sbaretti, Délégué Apostolique; le juge en chef, Sir Charles Fitzpatrick, l’hon. Charles Murphy, secrétaire d’État, les honorables Devlin et Kaine, ministres provinciaux; Joseph Turcotte, député au parlement fédéral pour Québec, Matthew Cummings, président des Hibernians, Major E. McCrystal, directeur national et autres personnages distingués.
M. Charles J. Foy, directeur national des Hibernians présidait cette réunion magnifique de la race et par un discours souleva l’enthouriasme de l’auditoire.
Mgr Sbaretti présida au dévoilement du monument, puis, tout à tour, M. Matthew Cummings, Sir Charles Fitzpatrick, l’hon. Charles Murphy et M. Joseph Turcotte rappelèrent en termes éloquents, les malheurs de l’Irlande et l’admirable courage qu’elle puisait dans ces malheurs, puisque la nation qui a engendré tant de martyrs, tant de héros, est encore forte et que l’avenir réserve des jours meilleurs au courage de ses enfants.
Le Major E. McCrystal, de New York, termina la série des discours par une harangue en gaëlique qui fut vivement applaudie. Le Délégué Papal donna sa bénédiction et la fanfara joua »Star Spangled Banner » »O Canada » et »Dieu sauve l’Irlande », puis la foule regagna les vapeurs, remportant à Québec un souvenir ému de la démonstration.
De riches tributs floraux avaient été déposés au pied du monument commémoratif. Deux couronnes de roses et d’orchidées de la part des société St-Jean-Baptiste de Montréal et de Québec, une couronne d’orchidées et de lis de la part du gouvernement provincial, une couronne de la part de l’Ordre des Hibernians, une couronne de la part de l’hon. Charles Murphy, de la part du petit fils d’une victime, et autres attributs floraux de la part de Mme Lemieux, du Dr. Martineau, surintendant médical de la quarantaine, etc.