Tragédie sur le fleuve Saint-Laurent [Décembre 1905]

La Patrie, 30 décembre 1905

TRAGÉDIE SUR LE FLEUVE
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Cinq hommes entraînés par les glaces des Eboulements au Cap aux Oies
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UNE VICTIME

M. Alderic Bergeron noyé- Les autres recueillis par le brise-glace Champlain.

(Dépêche spéciale à La Patrie)

LES EBOULEMENTS, Que., 29. – Un bien pénible accident est arrivé, hier à cinq chaloupiers de l’île aux Coudres.

Ces braves gens avaient traversé aux Eboulements, depuis le matin, et étaient partis pour retourner dans leur famille lorsque, à quelques milles du quai des Eboulements, leur canot chavira et ils furent emportés par les glaces jusqu’au Cap aux Oies.

L’un d’eux, nommé Aldéric Bergeron, épuisé de fatigue, se noya. Les autres furent recueillis par le brise-glace « Champlain » qui fut envoyé à leur secours par M. Chas. Angers, ex-M.-P.

On n’a aucun espoir de retrouver le cadavre de Bergeron. Le défunt laisse une femme, et cinq enfants en bas âge.

Le service funèbre d’Aldéric Bergeron, 33 ans, a été célébré le 30 décembre 1905 à l’Isle-aux-Coudres. Il était l’époux de Zoële Desgagné (m. à l’Isle-aux-Coudres le 14 août 1894). Père de Marie Louise Valère née le 29 mars 1896, Blanche Laura née le 6 mai 1899, Joseph Hermel, né le 2 octobre 1901 et Marie Germaine Clara, née le 20 novembre 1905.

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Celui qui avait levé sa tête contre l’autorité de ceux devant lesquels il devait la courber [L’Ile aux Coudres, 1808]

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Tempête à l’Ile aux Loups-Marins [1884]

Où est Daniel Fynn? [Montréal, 1913]

La Patrie, 24 juin 1913

« UN MORT QUI EST EN PRISON

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ON DÉCOUVRE QUE DANIEL FYNN, QUE L’ON A FAIT INHUMER APRES L’AVOIR REPECHE DU FLEUVE, PURGE UNE SENTENCE EN PRISON

Etre au cachot et être en terre, sont deux situations qui ont plus ou moins de charmes, mais qui diffèrent un peu l’une de l’autre, cependant.

Dans le présent cas, le mort qui est en prison, ou le prisonnier qui est mort – le mystère n’est pas encore éclairci, – se nomme Daniel Fynn.

Il y a quelques temps, on annonçait qu’un individu s’était jeté à l’eau, au bout du quai de la ligne Allan, ce qui était une manière comme une autre de nager, ou si l’on préfère, de courir à la mort.

Ces jours derniers, un cadavre fut repêché, transporté à la morgue, reconnu par sa soeur, Mme Mary Fynn, qui habite 36 rue Tessier.

Le coroner déclara qu’il s’agissait d’une mort accidentelle, puis il donna un permis d’inhumer. Mlle Tessier, à ses propres frais, fit chanter un service pour le repos de l’âme de Dane puis, après la funèbre cérémonie, accompgna jusqu’au cimetière la dépouille mortelle.

Ici l’histoire devient plus intéressante, et, voici comment.

Vers 11.30, ce midi, un homme se présente à la morgue, et déclare qu’il est le frère de Mlle Fynn – ce qui peut arriver sans miracle, – et il ajoute, énervé, que sa soeur s’est trompé, et que son frère Dan, qu’elle a fait enterrer et qu’elle a reconduit au cimetière est actuellement en prison où il purge une sentence de 15 jours – ce qui semble un mystère. »

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QU’EST-IL ARRIVÉ À THOMAS DAVIS? (SHERBROOKE, 17 FÉVRIER 1884)

Un père recherche sa fille [1836]

Voici une annonce parue dans Le Canadien du 24 octobre 1836.

Le notaire PIERRE JOSEPH DAVID dont l’enfant Marie Amélie de St. Georges s’est noyée mercredi, le cinq de ce mois, prie ceux qui pourront trouver le corps de cette enfant, qui est encore englouti sous la force des ondes, selon son imagination, de bien vouloir lui donner avis immédiat. Le Notaire David saura indemniser ceux qui lui rendront ce grand service.

24 octobre 1836.

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Un avocat de Québec perd la vie dans le naufrage de l’Alaska [1921]

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Le mystère de Lévis [juillet 1887]

Par devant notaire [avril 1878]

Celui qui avait levé sa tête contre l’autorité de ceux devant lesquels il devait la courber [L’Ile aux Coudres, 1808]

Dans son Histoire de l’Ile aux Coudres, publiée à titre posthume en 1879, l’abbé Alexis Mailloux (1801-1877) raconte l’histoire de son coin de pays. Il consacre plusieurs pages à ceux qui ont périt emportés par les eaux. L’histoire d’André Pedneau, qui a défié l’autorité paternelle et cléricale, est particulièrement intéressante. L’abbé Mailloux, alors enfant, a été témoin de cet acte de rébellion. Voici donc ce récit.

C’est avec un profond sentiment douleur et en m’associant à celle de sa respectable famille que je vais raconter la fin tragique et à jamais déplorable du jeune André Pedneau dont j’ai été témoin dans mon enfance et à laquelle j’ai fait allusion en peu de mots lorsque j’ai parlé de M. Lefrançois. Le souvenir de cet événement ne s’est jamais effacé de ma mémoire et il a été une des plus vives et énergiques leçons que j’ai jamais reçues sur l’obéissance que l’on doit à son curé et à son père et de l’abandon de Dieu qui quelquefois punit sur le champ la faute que l ‘on commet en refusant obstinément de leur obéir.

Un des dimanches du mois de juillet de l’année 1808 (je ne me rappelle plus quel dimanche) les fidèles de l’Ile aux Coudres étaient réunis dans leur église pour y assister au très adorable sacrifice de la messe. J’étais dans le banc de ma famille. Lorsque le moment de faire le prône fut venu, monsieur le curé de la paroisse, se tournant vers l’assemblée des fidèles pour faire des annonces, aperçut en dehors de la grande porte ouverte deux jeunes gens se tenant debout. Il leur commanda d’entrer dans l’église puisqu’il y avait de la place pour eux. Les deux jeunes gens demeurèrent à leur place. Prenant un ton sévère et impérieux monsieur le curé leur ordonna une seconde fois d’entrer dans l’église. Ils ne firent aucun mouvement pour entrer. Le père d’un de ces jeunes gens partit alors de son banc, alla prendre son fils par le bras et vint le faire mettre à genoux devant l’autel près de la balustrade. Celui-ci était sauvé. André Pedneau restait toujours en dehors de la porte de l’église. Son père voyant qu’il n’obéissait pas, sortit aussi de son banc, se dirigea vers son fils et lui enjoignit d’entrer dans l’église. L’enfant répondit de manière à être entendu de tous les fidèles qu’il n’y entrerait pas. Le père rebuté revint dans son banc, la tête penchée et le visage couvert de confusion. Témoins de l’action de cet enfant, tous les fidèles firent entendre un long gémissement et des larmes s’échappèrent des yeux d’un grand nombre. Jamais scandale semblable ne s’était passé dans l’Ile aux Coudres.

André Pedneau, exaspéré par la sévérité des paroles de son curé et par le commandement de son père, se troubla, je pense, jusqu’au point de perdre la tête et ne sut plus ce qu’il faisait. Car je dois dire que c’était un bon jeune homme et que,  jusqu’à cette fatale époque, il avait joui d’une bonne réputation. Mais il faut bien le reconnaître, il y avait dans ce drame public se passant en présence de toute une paroisse, de quoi troubler et faire perdre la tête à un jeune homme de son âge. Je ne fais pas cette remarque pour le disculper entièrement, qu’on le comprenne bien, mais pour mieux faire saisir la sagesse de cette parole de l’apôtre saint Paul adressée aux pères de famille:  »N’irritez point vos enfants par une sévérité outrée »; j’ajouterai surtout quand ils sont devenus des hommes. André Pedneau avait péché, il avait certainement scandalisé en résistant publiquement aux injonctions de son curé et de son père, et sous ce point de vue, il était inexcusable au jugement des hommes éclairés par les lumières de la foi.

L’esprit troublé, bouleversé, tout hors de lui même, le pauvre jeune homme laissa l’église, la messe, l’assemblée des fidèles qu’il avait profondément contristés et se dirigea vers la maison paternelle éloignée de près de deux lieues de l’église paroissiale.

Une de ses sœurs gardait la maison. D’un regard distrait, elle le voit entrer, à cette heure indue, mais elle n y fait point d’attention et n’a pas seulement la pensée de lui demander d’où il vient ni pourquoi il avait abandonné la messe: elle continue ce qu’elle faisait sans s’inquiéter de son frère. Celui-ci rentre dans la chambre, ôte ses habits de dimanche, revêt ceux de la semaine, sort de la maison et sa sœur qui semble partager son aveuglement n’a pas la pensée de lui demander où il va et de regarder quel chemin il prend. Elle continue son travail ou ses prières, comme si rien d’étrange ne se passait dans l’esprit de son malheureux frère.

Les parents d’André Pedneau laissent l’église après l’office de l’après-midi et reviennent à leur maison mais n y trouvent point leur enfant. Sa sœur, interrogée, répond qu’elle se rappelle qu’il est revenu à la maison pendant la messe, qu’il a changé d’habits, qu’il est sorti mais qu’elle ne peut dire dans quelle direction il est allé. A cette étonnante réponse, un funeste pressentiment fait sortir du cœur des parents alarmés un cri de désespoir. Les hommes qui revenaient de l’église, entendant ces cris de douleur, s’assemblent autour de la maison désolée et partagent les funestes pressentiments et la désolation de cette famille. Un même cri part de toutes les bouches: Il faut le trouver et chacun de la foulé assemblée prenant son côté on court chez les voisins: il n’y est pas. On gagne les étables: il n’y est point. On visite le bois, on cherche partout, on ne le trouve nulle part. On appelle, on crie, on n’entend point de réponse. Alors la désolation de tout ce monde est à son comble. On lève les mains au ciel, on pleure, on se lamente. Car après l’inutilité de tant de recherches, la presque assurance d’un malheur épouvantable s’est emparée de toutes les âmes.

Pendant qu’on se désolait ainsi, un trait d’une sinistre lumière vint frapper de stupeur tout ce monde éploré et ôter l’espérance de retrouver le pauvre enfant égaré.

Quelqu’un de la famille qui était descendu la côte avoisinant le rivage revenait dire qu’un petit canot qui était monté sur le haut de la rive avait disparu et que la trace de son passage sur le sable était toute fraîche. A cette découverte tous les cœurs furent soulagés par la pensée qu’André Pedneau s’en était servi pour traverser sur la côte du nord et qu’on saurait bientôt où il était. Mais cette lueur d’espérance fut bientôt remplacée par un surcroît de douleurs et d’angoisses lorsque celui qui rapportait ce fait ajouta que, quoique les eaux du fleuve fussent parfaitement unies, André Pedneau ne pouvait être traversé au nord, puisqu’il avait oublié de prendre les avirons du canot qui étaient restés sur le sable à l’endroit où était le canot disparu et que, sans avoir au moins un de ces avirons, il n y avait pas moyen de couper les courants pour se rendre à la rive nord du fleuve. C’était évident; il fallait renoncer à l’espérance de retrouver sur la terre du nord le malheureux jeune homme. Un mystère effrayant allait avoir une solution. André Pedneau, dans le trouble et la désolation où il était, n’avait pas eu la pensée de prendre les avirons du canot en le poussant à l’eau. Il avait dû s’y placer et s’abandonner à l’action des courants, sans avoir même la pensée de gagner un rivage quelconque.

Il était donc à peu près certain qu’André Pedneau était sur les eaux du fleuve, à la merci des courants et du vent qui, d’un moment à l’autre, pouvait s’élever et l’engloutir dans les flots. Cette conjecture se changea en évidence lorsque les hommes qui allaient au bas de l’île prendre des chaloupes pour aller à son secours, apprirent d’une femme que vers mi-baissant, elle avait aperçu dans le large un objet qui ressemblait à un canot que le courant entraînait vers le bas du fleuve.

Mais Dieu avait réglé qu’on ne sauverait pas André Pedneau. Pendant toutes les recherches qu’on avait faites pour le trouver sur l’île, l’après midi s’était écoulée et la nuit approchait. Par un surcroît de malheur, la marée était basse et les chaloupes dont on voulait se servir étaient loin des eaux du fleuve échouées sur le sable. Il fallait beaucoup de temps pour les descendre, et quand elles furent à flot, la nuit était faite et la marée remontait. Comme on partait de l’île, s’éleva un fort vent d’est qui empêcha d’aller au secours de l’infortuné jeune homme, que, d’ailleurs il eût été plus que difficile d’apercevoir dans l’obscurité de la nuit.

André Pedneau fut donc abandonné à son malheureux sort. Il est à croire que, par un terrible jugement de Dieu, celui qui le matin-même, fut condamné à avoir un sépulcre dans le fond des eaux.

On pense bien que les parents d’André Pedneau parcoururent et le nord et le sud du fleuve pour avoir quelque nouvelle de leur pauvre enfant. Mais toutes leurs recherches demeurèrent sans aucun résultat. Il n’avait été vu nulle part, ni lui ni son canot. Sa famille vécut dans les larmes; et le souvenir de la perte de cet enfant, arrivée d’une manière aussi lamentable, est resté gravé dans leurs cœurs sans jamais s’effacer. Les jeunes gens de l’Ile aux Coudres et tous les enfants, à quelque paroisse qu’ils appartiennent, doivent profiter de ce terrible exemple pour ne jamais oublier que Dieu n’attend pas toujours dans l’autre vie pour punir les révoltes scandaleuses contre les pasteurs ou contre les pères et les mères.

Quant a André Pedneau, condamnons la faute qu’il a commise et le scandale qu’il a donné, mais gardons-nous de le condamner lui-même. Il arrive assez souvent que la justice de Dieu punit en ce monde pour épargner dans l’autre. Au reste, savons-nous ce qui s’est passé dans son cœur lorsque seul, isolé, abandonné de tous, le pauvre enfant a vu la tempête s’élever et les vagues entrer dans son petit canot? N’est-il pas à croire que Dieu lui aura ouvert les yeux sur sa faute et que semblable à plusieurs de ceux qui ont été engloutis dans les eaux du déluge, il a trouvé miséricorde par son repentir auprès de Celui qui, lorsqu’il est en colère, sait se ressouvenir de sa miséricorde.

L’histoire de l’Ile aux Coudres a été rééditée en 2011 par Lux Editeur.

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Le mystère de Lévis [juillet 1887]

Le lecteur du Canadien appris dans l’édition du 11 juillet 1887 que deux jours auparavant, M. Alexandre Guay et deux autres personnes avaient trouvé le corps d’une noyée en bas du petit quai chez Gilmour. La victime est décrite ainsi:

Le corps est celui d’une femme d’une vingtaine d’années […]. Elle porte une longue chevelure blonde et est vêtue d’une robe bleue marine garnie en velours, un jupon bleu carré jaune, un pantalon de coton blanc, des bas noirs et des bottines lacées.

Qui est cette dame?

Photographie | Vue de la ville de Québec depuis Lévis, QC, vers 1870 | MP-1984.107.10

Vue de la ville de Québec depuis Lévis, QC, vers 1870

L’édition du lendemain nous apprend qu’il s’agirait d’Anne Leslie, arrivée à Lévis le 7 juillet 1887 à bord du Grecian, en provenance d’Edimbourg, Écosse. On dit que la demoiselle est âgée de 28 ans et qu’elle devait visiter des amis à Montréal, puis se diriger vers Petrolia, en Ontario, où un emploi l’attendait.

Il appert d’après les témoins entendus hier, qu’on a vu cette fille à St-Joseph de Lévis, vers cinq heures vendredi après-midi. Elle demanda à quelqu’un s’il y avait des habitations sur la grève, et ayant reçu une réponse négative, elle s’y achemina, en se cachant la figure lorsqu’elle rencontrait quelqu’un.

Le 13 juillet 1887, toujours dans Le Canadien, on en apprend un peu plus sur les circonstances de son décès.

LE MYSTERE DE LEVIS

Mlle Grant, qui a amené au Canada les immigrantes dont faisait partie Anna Leslie, qui a été trouvée noyée à St. Joseph de Lévis samedi dernier, est arrivé hier matin de Montréal et a identifié le cadavre qui est à la Morgue comme étant celui de la malheureuse fille Leslie.

L’enquête sera reprise cet après-midi.

On rapporte que vendredi soir, vers la fin du jour, une personne à mystérieuse apparence, à démarche chancelante, qui paraissait être une jeune femme, attirait à Lévis les regards de tous les passants. Elle parcourit les différentes rues de cette ville, les yeux baissés, presque fermés et portant dans sa main un petit paquet enveloppé dans un mouchoir blanc. Plusieurs personnes l’ont entendue sangloter et pleurer, elle a été vue vers 7 1/2 heures sur la rue Wolf. Lorsqu’elle fut rendue à l’extrémité-Est de cette rue, elle prit la direction du Collège, elle aurait dit quelques paroles à quelques-uns des messieurs de cette maison et que ceux-ci l’ayant congédiée elle serait partie en sanglotant.

Elle disparut ensuite et on ignore la direction qu’elle prit.

Cette personne était sans aucun doute Anne Leslie.

Quelques personnes ayant en leur possession des effets appartenant à la défunte et ne voulant pas les remettre, le coroner a chargé le détective Fleury d’opérer leur arrestation.

Comme nous l’avons déjà rapporté, l’autopsie a prouvé qu’aucun attentat n’avait été commis sur cette personne, et l’on ne saura jamais si elle s’est suicidée dans un accès de désespoir d’avoir été abandonnée, ou si elle est tombée accidentellement en bas du quai Gilmour. Le Canadien, 14 juillet 1887

Sans surprise, le coroner A.-G. Belleau rendit un verdict de noyade dans le fleuve.

Selon la base de données des enquêtes des coroners de BANQ, Anne (Anna) Leslie habitait le Banffshire, en Écosse et était âgée de 26 ans.

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La légende de la montagne à Fournier (Matapédia, 6 juin 1831)

Extrait de la Complainte de Fournier

Jeunes gens, vous croyez peut-être

Que la mort est éloignée;

Comme vous, je croyais être 

Sur la terre, bien des années.

Trompé comme beaucoup d’autres,

Croyant toujours me sauver

Vous apprendrez par les autres

Que je viens de me noyer.

Source: Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia par Joseph-Désiré Michaud, 1922, p. 50.

Le chemin Kempt et Frédéric Fournier

Coucher de soleil sur la rivière Matapédia, face au terrain de camping d’Amqui © Jean-Paul Quimper, Le monde en images, CCDMD.

La Complainte de Fournier est inspirée d’un événement tragique, survenu il y a bien longtemps, dans la région de la Matapédia. Le Fournier de la complainte s’appelait Frédéric Fournier. Il était un arpenteur âgé de 22 ans, natif de Saint-Jean-Port-Joli. Il était l’une des personnes chargées de planifier le tracé du chemin Kempt et d’en surveiller la construction. On avait entrepris les travaux l’année précédente. Il était prévu en 1831 de continuer le tronçon partant du Lac Matapédia jusqu’à Ristigouche.

Fin mai 1831, Frédéric Fournier et ses compagnons de voyage se rendirent au Lac Matapédia. Des Micmacs devaient les approvisionner en vivres. Or, on les attendit en vain. Devant impérativement se rendre à Restigouche, les hommes construisirent un radeau pour traverser le lac et la rivière Matapédia.

Tout alla bien jusqu’au «Ruisseau sauvage», qui coule à mi-distance à peu près, entre Amqui et Lac-Au-Saumon. Mais à cet endroit, le cours de la rivière est très rapide, surtout dans les grandes eaux du printemps. Les liens qui retenaient les pièces du radeau construit à la hâte durent se rompre, ou bien l’embarcation elle-même chavira dans les rapides. Toujours est-il que les quatre malheureux plongèrent dans les flots. Trois d’entre eux furent assez heureux pour se cramponner aux branches du rivage et se sauver de la mort.

Source: Joseph-Désiré Michaud Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia, p. 49

Et le quatrième passager du radeau, Frédéric Fournier, fut emporté par les flots. C’était le 6 juin 1831.

Fournier retrouvé

Quelques mois plus tard, des Amérindiens trouvèrent le cadavre de Frédéric Fournier dans la rivière Matapédia, près d’une montagne. Il portait une bague avec les inscriptions F. F. ce qui permit de l’identifier. Ne pouvant lui enlever cette bague, on lui aurait coupé la main que l’on l’aurait amenée au curé de Rimouski, Thomas-Ferruce Picquart dit Destroismaisons. En attendant que la famille du défunt vienne réclamer sa dépouille, on enterra Fournier près de l’endroit où on l’avait découvert.

Or, la famille Fournier ne réussit pas à rapatrier le corps à Saint-Jean-Port-Joli. Ce qui donna lieu à une légende peut-être vraie, qui sait?.

Quelques années plus tard, quand la route du chemin Kempt fut terminée, les parents du jeune arpenteur seraient venus exhumer son corps de sa première sépulture et auraient tenté de la transporter dans le cimetière de sa paroisse natale. Le cadavre retiré de sa fosse, fut placé dans une voiture attelée de deux chevaux. Quand il fut temps de partir, on commande les bêtes, mais elles refusèrent d’obéir. On eut beau les fouetter, les fouetter encore, elles ne voulurent pas avancer d’un seul pas… On comprit, dit la légende, que la montagne à Fournier avait adopté le pauvre jeune homme et qu’elle ne voulait plus le laisser aller… On tenta cependant une autre expérience. Le cadavre fut placé dans un canot conduit par deux Indiens, qui essayèrent de remonter le cours de la rivière Matapédia. Mais les deux Indiens eurent beau faire ployer leurs avirons sous le poids de leur corps, le canot refusa d’avancer… On n’insista pas davantage et l’on remit le cadavre dans la fosse.

Source: Joseph-Désiré Michaud Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia, p. 54

La montagne près d’où repose Frédéric Fournier fut donc appelée la Montagne à Fournier pour commémorer son souvenir.

On dit aussi qu’en 1864, un des frères de Fournier aurait voulu ramener la dépouille, mais comme il ne restait que quelques ossements, on aurait décidé de le laisser sur place et d’ériger un enclos et une croix pour marquer l’endroit. On y trouve de nos jours une croix et une plaque récente (voir la photo à la fin de l’article suivant) où il est inscrit

Ci-gît Frédéric Fournier
arpenteur et lieutenant, (D. Z. M.?)
Noyé le 6 juin  1831
âgé de 22 ans

La légende et la complainte

Cet événement tragique a donné lieu à la légende de la Montagne à Fournier dont vous pouvez lire une version ici (sélectionnez légendes, puis La montagne à Fournier).

Autre version de la légende de la montagne à Fournier , écrite par Ernest Bilodeau et publiée dans Un Canadien errant, édition de 1915.

Texte complet de la Complainte à Fournier.

Bibliographie
La légende de la montagne à Fournier.  [Page consultée  le 5 septembre 2011] Adresse URL

Municipalité de Ristigouche Sud-Est. [n’est plus en ligne] Histoire du Chemin Kempt [Page consultée  le 5 septembre 2011]

Pierre-Georges Roy, Les petites choses de notre histoire. Septième série, Lévis: [s.n.], 1919, 301 pages. Adresse URL: http://www.ourroots.ca/f/page.aspx?id=691808

Joseph-Désiré Michaud,  Notes historiques sur la Vallée de la Matapédia, Val-Brillant, Québec: La Voix du Lac, 1922, 241 pages. Adresse URL:  http://www.ourroots.ca/f/page.aspx?id=4035338

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Récemment, j’ai lu Grand-maman raconte La Grosse-île, de Jeannette Vekeman Masson, publié en 1981. Madame Vekeman a vécue plusieurs années à Grosse-île, où il y avait une station de quarantaine, car son père Gustave y était interprète(un billet sur la vie de Gustave Vekeman sera d’ailleurs bientôt publié sur ce blogue). A la fin de ce livre, on trouve une chronologie de l’histoire de Grosse-île.  Un événement a attiré mon attention.

1906, le 6 septembre, l’institutrice, mademoiselle Pelletier, disparaît mystérieusement. Elle n’a jamais été retrouvée. réf. p. 182

Cela a bien sûr piqué ma curiosité. En consultant certaines ressources sur le web, on peut résoudre ce mystère.

Grosse-île, ,St. Jean ; Pinsonneault frères, édit., entre 1903 et 1910. Source :BANQ

Les résultats

D’abord, on consulte la base de données Enquêtes des coroners des districts judiciaires de Beauce, 1862-1947; de Charlevoix, 1862-1944; de Montmagny, 1862-1952; de Québec, 1765-1930; et de Saint-François (Sherbrooke), 1900-1954 de BANQ.

Madame Vekeman Masson ne mentionne que le nom de famille de la victime, Pelletier. Pelletier donnant beaucoup de résultats, il faut ensuite ce qui ne concorde pas avec l’époque et le lieu. On en arrive à la fiche d’Amarilda Pelletier.

Comme elle a été retrouvée près de Petite-Rivière-Saint-François, j’ai consulté un journal de la région, l’Écho de Charlevoix, ce qui a confirmé qu’il s’agissait bien de l’institutrice de Grosse-île.  Ensuite, j’ai consulté les Registres de l’état civil du Québec
des origines à 1909
. En combinant ces trois sources mises en ligne par BANQ : on obtient les informations suivantes:

Le corps d’Amarilda Pelletier  a été retrouvé le 15 septembre, flottant sur le fleuve, à quelques milles de la Petite Rivière Saint-François.

C’est le coroner Louis.-H. Labrecque, assisté par le Dr. Euloge Tremblay, qui est chargé de l’enquête. Verdict: probablement noyée.

La dépouille de mademoiselle Pelletier repose à Berthier-sur-mer, sa ville natale.

Pour finir, voici son acte de décès.

Acte de décès d'Amarilda Pelletier. Extrait des registres Notre-Dame-de-l'Assomption, Berthier-sur-Mer

Bibliographie

L’écho de Charlevoix, 20 septembre 1906 Adresse

Base de données BANQ Les enquêtes des coroners des districts judiciaires de Beauce, 1862-1947, de Charlevoix, 1862-1944, de Montmagny, 1862-1952, de Québec, 1765-1930 et de Saint-François (Sherbrooke), 1900-1954 Adresse

Jeannette Vekeman Masson. Grand-maman raconte la Grosse-Ile. Montmagny, Les Éditions Liberté, 1981, 192 pages.

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