Suggestions de lecture: 26 août au 14 octobre 2016 #histoire

Bon dimanche à tous!

Chaque vendredi, je partage sur Twitter (https://twitter.com/vickylapointe) mes lectures du moment ayant un lien avec l’histoire du Québec et des francophones d’Amérique du Nord. Ces publications sont identifiées par les mots-clics #vendredilecture et #vendredhist. Voici la liste des livres lus depuis le 26 août 2016.

Que lisez-vous en ce moment? Je ne lis pas beaucoup de romans ces temps-ci, mais j’ai adoré Station Eleven d’Emily St. John Mandel (Alto).

Vicky Lapointe

26 août 2016

La Ruée vers le Sud Migrations du Canada vers les États-Unis 1840-1930 par Bruno Ramirez avec la collaboration d’Yves Otis (Boréal).

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3 septembre 2016

La francophonie nord-américaine : bilan historiographique (collectif)  Bulletin d’histoire politique (VLB Editeur)
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9 septembre 2016

Sous les cieux de Québec Météo et climat, 1534-1831 par Yvon Desloges (Septentrion)

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16 septembre 2016

Une histoire de la politesse au Québec Normes et déviances du XVIIe au XXe siècles sous la direction de Laurent Turcot et Thierry Nootens (Septentrion)

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23 septembre 2016

Inconquis Deux retraites françaises vers la Louisiane après 1760 par Joseph Gagné (Septentrion)

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30 septembre 2016

Pas d’histoire, les femmes ! Réflexions d’une historienne indignée par Micheline Dumont (Les éditions du remue-ménage)

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7 octobre 2016

L’histoire contemporaine à l’ère numérique dir. Frédéric Clavert et Serge Noiret.

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14 octobre 2016

Brève histoire des patriotes par Gilles Laporte (Septentrion)

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L’évasion du patriote Louis Bourdon [1843]

Suite aux Rébellions de 1837-38, 58 patriotes furent déportés en Australie. La plupart rentrèrent au pays après avoir été graciés en 1843. Un patriote réussit pourtant l’exploit de s’évader et de revenir au Bas-Canada. Il s’agit de Louis Bourdon (portrait ici).

Le Canadien, 5 juin 1843

La Minerve publie l’extrait suivant d’une lettre de la frontière en date du 27 mai:
« Monsieur, -Hier soir est arrivé chez moi un de vos pauvres exilés à la terre d’Australie; forcé de s’arrêter au seuil de la patrie, nous lui avons offert avec joie le peu qui nous fait vivre et le repos après de si rudes tempêtes.

« C’est Louis Bourdon, de St-Césaire, où se trouve son épouse avec leurs deux enfants. Il vient de les informer de son arrivée ici, et veut bien me permettre de vous donner cette connaissance, se réservant de donner sur chacun des exilés les renseignements qu’on lui demandera; il me prie de vous le marquer. Un baleinier français fesant la pêche sur les côtés de la Nouvelle-Hollande, offrir au jeune homme le moyen de rompre son ban. Dans ce moment monseigneur Polding était attendu, et son arrivée était regardée déjà par les déportés comme le terme de leurs souffrances. C’est ce que fit que L. B. se livra seul à la générosité de l’officier français. Deux de ses compagnons d’infortune refusèrent ce moyen: « nous allons être graciés, disaient-ils, et nous serons avant vous au Canada! »

« Le 10 septembre dernier, L.B. se jeta à bord du navire qui devait faire voile de suite; il ne partit que le 13, et ces trois jours furent une dure prison pour notre jeune homme qui eut à souffrir pour se dérober aux recherches de la police. Le navire prit sa route par l’Océan Pacifique, doubla, en janvier, le cap Horn, par le 63me degré de latitude méridionale, à travers les glaces où ils coururent les plus grands dangers; longea les côtes d’Amérique jusqu’à Rio de Janeiro, où il aborda le 7 mars. Le baleinier fit voile pour la France après 19 jours, et au bout d’un mois, L.B. prit le navire Russian, cap. Simpson, à qui il fut recommandé par l’officier français du baleinier. Débarqué à New-York le 20 mai, il prit de suite le chemin de la patrie, et s’arrête…

« Ce bonheur de recevoir un enfant de l’exil, vous appartiendrait sans doute, si le moment que vous appelez tous était arrivé. En attendant donc qu’il arrive, sentinelle avancée, nous montrons de tout prè sà ses enfants proscrits, pour les consoler, la patrie qui les voudrait; c’est de la joie sans doute encore, mais elle est mêlée d’amertume, c’est celle que les malheureux éprouvent dans leur consolation. S’ils ne peuvent encore se rendre au sein de leur famille, au milieu de leurs amis, nous adoucirons, par la pensée de Dieu, le souvenir des maux endurés, et nous jeterons sur leur avenir cette espérance que nourrit tout le Canada, le rappel prochain de ses enfants. Deux Canadiens étaient morts sur la terre d’exil: Gabriel Chevrefils et Louis Dumouchel, de Chateaugay.

[…]
Votre très-humble et très obéissant serviteur,
***

« P.S. Ce capitaine français dans son voyage sauva, au milieu de l’océan, tous les passagers du bâtiment anglais en feu, India; 18 périrent, 216 furent sauvés. »

Par la suite, Louis Bourdon fut le premier maire de Farnham (1855) et décéda le 17 août 1863 (courte notice biographique, ville de Farnham).

Billets reliés

Montréal honore les Patriotes de 37-38 [1926]

Pendaison des patriotes Cardinal et Duquette [21 décembre 1838]

Un Patriote de retour d’exil [1846]

Déportation des Patriotes aux Bermudes [juillet 1838]

Quelques évasions signées Bis Belleau [Québec,1869-1871]

Un prisonnier de guerre américain s’est enfuit! [Beauport, 1813]

Montréal honore les Patriotes de 37-38 [1926]

Action catholique, 26 juin 1926

LA METROPOLE HONORE LES PATRIOTES DE 37-38

Le dévoilement du monument érigé à la mémoire de ces héros donne lieu à une grande démonstration patriotique – Discours de l’hon. N. Pérodeau et de l’hon. A. David. – La fête nationale. – Elle est célébrée avec éclat.

(Spécial à l’Action Catholique)

Montréal, 25. – La population canadienne-française de la métropole a fait, hier après-midi, une apothéose mémorable aux héros de 1837-38, dont la mémoire se perpétuera dans le bronze et le granit d’un magnifique monument qui s’élève à quelques pieds de l’endroit précis où s’élevait, il y a près d’un siècle, l’échafaud sur lequel ils donnèrent leur vie pour le triomphe de nos libertés politiques.

 »Vaincus dans la lutte, ils ont triomphé dans l’histoire ». L’inscription du monument est bien appropriée. Hier, c’était la consécration de ce triomphe, l’hommage de tout un peuple, comme le disait l’hon. Athanase David, envers ceux qui ne sont plus, mais qui ont écrit notre histoire de leur sang généreux. Il n’est pas de cause qui méritait plus un tel tribut de reconnaissance de la part de ceux qui profitent aujourd’hui des libertés qu’ils nous ont si chèrement conquises.

La place des patriotes, comme on désigne maintenant l’enceinte de la ville prison de Montréal, présentait hier après-midi et hier soir un aspect superbe. Une foule émue et généreuse s’y était massée pour déposer au pied du monument des martyrs l’expression de sa très vive gratitude, et elle applaudissait avec entrain à chaque couronne de fleurs que l’on l’on [sic] portait au pied du monument. Cette fête du souvenir conservera un caractère historique dont nos annales seront orgueilleuses et fières.

Mais il n’y avait pas que la foule qui était venue rendre hommage aux héros de l’insurrection de 37-38. On remarquait aussi l’élite de notre société; des descendants de ces hommes de coeur et de courage, Mme Jules Marion, la seule survivante de cette époque, fille de M. Cardinal; les sommités du monde politique, industriel, professionnel et commercial; le Lieutenant-gouverneur, l’hon. M. Pérodeau, le pro-maire Morgan, l’échevin Trépanier, président général de la Société Saint-Jean-Baptiste et plusieurs autres.

Le monument a été officiellement dévoilé par Son Honneur le Lieutenant-Gouverneur et Mme Jules Marion qui, tous deux, ont fait tomber le drapeau canadien qui recouvrait la magnique [sic] et impressionnante statue de la liberté, triomphante de ses chaînes de l’esclavage. Au moment où le drapeau tombait, une vieille cloche, celle même qui sonna le glas des martyrs, sonnait la note grèle et lugubre. Mais c’était, hier, l’alleluia, le témoignage de reconnaissance de la population. Le moment avait quelque chose de solennel. La foule, debout, écoutait les accent du  »O Canada », l’hymne national exécuté par la fanfare de l’Harmonie de Montréal.Il semblait que chacun des assistants songeait à l’évènement qui se déroulait à ce même endroit, il y a près d’un siècle.

Les orateurs furent l’hon. N.E. Pérodeau et l’hon. A.David.

S’ensuit une description de la parade de la Saint-Jean-Baptiste.

Pour en savoir plus sur le monument aux Patriotes, oeuvre d’Alfred Laliberté: L’art public à Montréal, collection municipale (site internet de la ville de Montréal).

Billets reliés

Pendaison de cinq Patriotes [Montréal, 15 février 1839]

Pendaison des patriotes Cardinal et Duquette [21 décembre 1838]

Déportation des Patriotes aux Bermudes [juillet 1838]

Les Fils de la Liberté attaqués par le Doric Club [Montréal, 1837]

Les Fils de la Liberté attaqués par le Doric Club [Montréal, 1837]

La Minerve, 9 novembre 1837

ASSEMBLEE DES FILS DE LA LIBERTE – OUTRAGES  »CONSTITUTIONNELS »- DESTRUCTION DE L’IMPRIMERIE DU VINDICATOR, ETC.

Il y a maintenant dans l’atmosphère politique quelque chose de sombre et de menaçant pour l’avenir. Toutes les autorités établies ne semblent pouvoir maintenir le règne des abus qu’à force de duplicité, d’injustices et de lésions. Nos lois sont foulées aux pieds, nos réclamations méprisées, nos concitoyens persécutés, et comme si ce n’était assez de cela, une oligarchie, une faction ose encore ajouter aux souffrances du pays l’insolente prétention de vouloir faire la loi à la grande masse du peuple.Il semble que le gouvernement et cette oligarchie s’entendent pour nous opprimer, pour nous arracher, à nous et à nos enfants, notre patrimoine, et asseoir sur les ruines de nos libertés l’empire du petit nombre sur le grand, de l’aristocratie-singe sur la démocratie, des brutales passions sur les droits et la justice. Boirons-nous le calice jusqu’à la lie?

Lundi les Fils de la Liberté devaient se réunir, non pas en assemblée extraordinaire, mais en assemblée mensuelle et fixée d’avance à des époques déterminées par un règlement spécial de l’Association. Le but de cette réunion n’était pas non plus de troubler le repos publics, comme l’ont dit mensongèrement les journaux de la faction, mais de passer des résolutions exprimant les opinions de nos jeunes concitoyens, d’une manière paisible et avec tout l’ordre convenable, comme ils l’avaient déjà fait et ainsi qu’ils en avaient indubitablement le droit. Eh bien! notre magistrature, dont la très grande majorité est bureaucrate, quoiqu’elle ait été nommée par le gouvernement actuel que le Canadien voudrait pourtant nous faire croire favorable aux intérêts du peuple, notre magistrature, disons-nous, lança une proclamation qu’elle fit afficher le dimanche, au milieu d,une paix profonde, défendant aux citoyens de s’assembler, de porter des bannières et de faire de la musique dans les rues. Cette proclamation fut imposée au public sous le prétexte frivole qu’on avait de bonnes raisons de croire que des personnes malveillantes voulaient attenter à la tranquilité publique. Ces appréhensions singulières paraissent avoir été communiquées aux magistrats par quelque tory, on ignore ce qui a pu les inspirer à celui-ci, si ce n’est toutefois une petite circulaire adressée individuellement à une section des Fils de la Liberté par leur chef, les invitant à se réunir dimanche en face de l’église  »pour quelque affaire importante. » C’est ici le lieu de dire que le Courier, l’organe du parti whig, a eu l’impudeur de donner cette circulaire, qui n’était évidemment qu’une affaire particulière et qui ne regardait qu’une fraction de l’association, comme quelque chose de sinistre et d’extraordinaire en vue d’exciter les passions de ses fanatiques partisans.

Cette circulaire n’était bien certainement pas de nature à donner des appréhensions de troubles et d’attentats à la paix publique, puisqu’il n’y était dit tout simplement: vous êtres requis de vous trouver en tel lieu, à telle heure,  »pour affaires importantes » et qu’on n’y faisait nullement allusion au lendemain, jour auquel la proclamation se rapportait. Quoiqu’il en soit de cet incident, dans ses rapports avec la mesure des juges de paix, toujours est-il que leur allégation d’attentats n’était qu’un misérable prétexte pour lancer leur proclamation et empêcher par là les Fils de la Liberté de s’assembler; car rien au monde ne justifiait leurs feintes appréhensions, et, comme nous l’avons dit déjà, jamais la ville n’avait jusque là joui d’une paix plus profonde. Les Fils de la Liberté voulaient s’assembler paisiblement et se disperser de même après avoir disposé de leurs procédés.

Nonobstant les obstacles ainsi jetés sur leur route, les Fils de la Liberté résolurent d’un commun accord de se conformer aux règlemens de leur association. Lundi matin, les chefs firent prévenir leurs sections respectives de se réunir aux lieu et heure fixés, à l’hotel Vigent, quoique les  »constitutionnels » eussent eu l’insolence de tapisser pendant la nuit les coins des rues de placards invitant les gens à s’assembler sur la place d’Armes, à midi, pour  »étouffer, disaient-ils, la rébellion à sa naissance !!! »

Les Fils de la Liberté se rendirent donc partis en détails et partie en corps à leur assemblée, mais comme leur but n’était pas de créer du tumulte, ils ne portèrent ni musique ni bannières. Ils s’y rendirent paisiblement et dans le plus bel ordre. Une seule section, celle No 1, fut insultée sur son passage, par la canaille rassemblée sur la place d’Armes. Il en résultat une rixe entre deux ou trois individus des deux partis où les Fils de la Liberté eurent le dessus et chatièrent de la belle manière ceux qui les insultaient. La démêlée fût devenue générale si les autres membres du Doric Club eussent avancé, mais ils n’eurent pas le courage d’attaquer de front, la colonne inébranlable des patriotes, pour secourir ceux ou celui des leurs (car nous ne sommes pas sûre du nombre) qui s’étaient risqués. A part ce petit incident, il n’est rien arrivé, que nous sachions, qui mérite la peine d’être signalé dans la marche de celles des autres sections qui allèrent en corps au rendez-vous.

Vers deux heures de l’après-midi, les Fils de la Liberté, réunis au lieu indiqué, ouvrirent leur assemblée dans la cour. Le Président s’étant placé au fauteuil, il fut prononcé plusieurs discours et adopté plusieurs résolutions que l’on trouvera ailleurs dans cette feuille. On pourra se convaincre en les lisant, que le projet allégué par les magistrats dans leur proclamation et par les tories dans leurs journaux, de troubler le repos public n’existait que dans l’esprit de ceux qui le désiraient peut-être pour se donner l’occasion de provoquer les Fils de la Liberté, et faire parader la force militaire, à la faveur de laquelle les tories savent si bien manoeuvrer. L’assemblée se passa donc dans le plus grand ordre: le calme, l’harmonie ne fut pas un instant troublé de la part des membres. Après la passations des résolutions, les procédés étant considérés comme terminés, les deux tiers, environ, des assistans se retirèrent? par la rue Notre-Dame, non pas en corps, mais individuellement, les uns après les autres.

Peu de temps après (alors la réunion, diminue d’environ deux tiers comme on vient de le dire, se composait d’a peu-près cinq cents membres), peu de temps après, disons nous, et au moment où il était question de lever la séance, plusieurs pierres, lancées de la rue St. Jacques, pardessus la porte de cour qui donne sur cette rue, tombèrent, quelques-unes sur les toits des bâtimens contigus, d’autres au milieu de l’assemblée où elles blessèrent même quelques-uns des assistans. On alla voir de suite qui pouvait se rendre coupable d’une aussi honteuse action, et un rassemblement de constitutionnels (les mêmes qui s’étaient réunis sur la Place d’Armes pour  »étouffer la rébellion à la naissance ») que l’on aperçut auprès, sur les derrières, sur St. Jacques, indiquait suffisamment quels étaient les agresseurs. Les pierres furent bientôt suivies des cris, car elles étaient à peine tombées que les constitutionnels hurlaient déjà à la porte de cour qu’ils frappaient à coup redoublés avec des bâtons et des pierres; ils insultaient les Fils de la Liberté, qu’ils défiaient hautement au combat en les traitant de lâches, de poltrons, etc.

Les Fils de la Liberté ayant achevé leurs procédés, ils se retirèrent. En débouchant sur la rue St. Jacques, une grêle de pierres vint les assaillir une seconde fois (1). La faction bureaucrate était là au grand complet, les Fils de la liberté ripostèrent sur le même ton, et comme la faction récidivait, ils s’élancèrent sur elle et la firent retraiter précipitamment. Quelques coups de pistolet furent, dit on, tirés de part et d’autre, et une balle, (selon le Herald qui à son ordinaire rapporte tout de travers) s’alla loger dans la manche d’un des agresseurs. Nous ignorons si ce fait est correct, mais nous l’acceptons tel quel: si quelques uns de l’association des jeunes gens étaient munis de bâtons et d’autres armes pour se défendre, ils pouvaient être justifiables, car ils étaient menacés, comme nous l’avons fait remarquer en premier lieu, par un placard anonyme que l’on savait avoir été affiché par les membres de la société secrète appelée Doric Club.

Cependant, les aggresseurs s’étant ralliés revinrent un instant après la charge: ils étaient armés de pied en cap: la phalange patriote les repoussa une seconde fois, puis une troisième, et elle resta définitivement maîtresse du champ de bataille. La démêlée se fit dans la rue St. Jacques, la rue Notre-Dame et dans les rues transversales, à partir du marché au foin jusqu’à la rue St. Lambert, en face de la demeure de L.H. Lafontaine, écr., où le combat se termina. Ainsi l’on voit la distance parcourue par les combattans: les Fils de la Liberté furent fidèles à leur dévise, car, et nous le disons à leur gloire, ils ne se portèrent qu’EN AVANT, tandis que le Doric Club retraitait de toutes parts et presque toujours en désordre. C’était une curieuse scène que de voir les héros improvisés du Herald Chercher dans la fuite un salut glorieux! Ils rappelaient au souvenir des spectateurs ces troupeaux de moutons dont il est fait mention dans l’histoire du chevalier de la Manche. Au troisième effort, la déroute des constitutionnels fut complète. Les patriotes se rendirent, comme on l’a dit, jusqu’en face de la maison de Mr. Lafontaine, toujours en repoussant l’ennemi; là ils se dispersèrent.

Il faut remarquer ici que dès le commencement, et comme toujours, les constitutionnels firent voir qu’ils n’étaient pas décidés à suivre le bel exemple des réformistes en respectant les propriétés. On nous dit que des vitres ou des chassis ont été brisés le long de la route et notamment chez le Dr. Robertson, de sanglante memoire: c’est là le résultat des pierres qu’ils lançaient continuellement, quand les Fils de la Liberté leur en donnait le temps toutefois. Nous ne dirons pas que le champ de bataille était jonché de morts et de blessés, mais le sang dont la terre était partout rougie l’eut fait présumer. Quand on saura que la section des Fils de la Liberté qui se trouvait le plus exposée n’a eu que deux hommes de frappés, non dangereusement, mais de manière à saigner, on pourra juger de quel côté se trouvent  »les pertes ».

Nous faisons ici une pause pour féliciter nos jeunes concitoyens, les Fils de la Liberté, de la manière honorable et tout-à-fait comme il faut avec laquelle ils ont rempli leur devoir; car il ne faut pas l’oublier, ils ont été attaqués. Ils s’assemblaient pour exercer un droit sacré, celui de délibérer sur les affaires publiques. Ils vont paisiblement et même silencieusement au lieu de réunion. L’ordre, l’harmonie, règne parmi eux; une bande de forcenés les attaque, ils se défendent, ils la repoussent. Cela fini, ils se dispersent, et chacun d’eux s’en va chez-soi paisiblement comme il est venu, et sans avoir commis le moindre acte de spoliation ou de lâcheté! Voilà ce qu’on appelle se conduire noblement et en hommes dignes de la liberté! Que ne pouvons nous, hélas! en dire autant de nos adversaires politiques!

Dès qu’on vit les constitutionnels battus et fuyant de toutes parts, leurs amis les magistrats, qui étaient en session, se hatèrent de demander l’intervention du militaire. M. Shuter fut chargé de l’exécution de cet ordre, et il alla en conséquence mandier le secours des troupes, non pas pour protéger les Files de la Liberté attaqués car ils étaient partis, mais pour donner du coeur et de l’audace aux constitutionnels mis en déroute ainsi que le prouve leur conduite subséquente. Cette tentative de la part des magistrats de provoquer un 21 mai échoua, et ils durent éprouver un cruel désappointement: les Fils de la Liberté avaient gagné la victoire et étaient à peu près tous retirés, lorsque la force armée arriva.

Nous devons rectifier ici deux des nombreux faux allégués d’un journal bureaucrate qui dit que c’est la curiosité qui avaiat attiré une cinquantaine de constitutionnels près de l’endroit ou s’étaient assemblés les Fils de la Liberté. Ce ne peut pas être la curiosité, car ces constitutionnels étaient tous armés, et ils n’est pas possible que de simples curieux eussent jeté des pierres, frappé à coups de batons, hurlé et défié une assemblée de citoyens paisibles qui ne leur disaient rien et qu’ils ne voyaient même pas. Les constitutionnels attroupés en cet endroit n’étaient pas une cinquantaine, mais de beaucoup plus nombreux que les Fils de la Liberté: c’était en un mot l’assemblée de la place d’Armes qui s’était transportée près des Fils de la Liberté pour  »étouffer » comme elle le disait dans son placard, la  »rébellion à sa naissance ».

Cependant le bruit que les troupes allaient venir s’étant aussitôt répandu, les chefs bureaucrates firent tous leurs efforts pour rallier de nouveaux les fuyards. A l’aide des troupes, ils se rallièrent, et ayant aperçu tout auprès quelques groupes de Canadiens dont plusieurs étaient des Files de la Liberté, ils se ruèrent sur eux, croyant se venger de la honteuse défait qu’ils venaient d’essuyer, mais ils ne réussirent qu’à demi, car les vingt à trente patriotes qui étaient là, s’étant aperçus à temps de l’attaque dont ils étaient l’objet de la part de plusieurs centaines de furieux, s’esquivèrent heureusement à l’exception de quelques uns qui ne purent se sauver. Ceux-ci furent inhumainement maltraités. Nous voudrions pouvoir borner ici cette narration, mais les faits que nous avons à citer sont trop importans pour être omis.

Après cette nouvelle prouesse, la bande constitutionnelle, qu’on peut appeler aussi bande des quarante voleurs, ainsi qu’on va le voir, résolut, forte qu’elle était de l’appui des magistrats et du militaire, d’aller exercer sur les propriétés d’autrui les vengeances qu’elle aurait voulu exercer sur les personnes elles-mêmes: elle se rendit en criant à la manière des sauvages, jusqu’à la maison de M. Dupuis, au coin des rues Sanguinet et Dorchester. Rendue là, cette bande commença par investir la maison, hurlant d’une façon épouvantable, menaçant et maltraitant tout ce qui se trouvait auprès. La maison dont il s’agit est à deux étages et en bois. Le haut est occupé par M. Gauvin, jeune et le bas comme épicerie par M. Gauthier. S’étant bien assuré qu’il n’y avait personne chez M. Gauvin, la bande jeta des pierres et brisa toutes les vitres et les chassis. Elle enfonça la porte qui conduit en haut, où quelques-uns des siens s’étaient introduits au moyen de cette de voie de fait VOLERENT et ENLEVERENT plusieurs effets tels qu’un fusil à sept canons, un fusil à deux canons et un autre à un seul canon, une épée et un drapeau sur lequel ces mots sont écrits:  »En avant! Association des Fils de la Liberté. » Toutes ces abominations furent commises par les constitutionnels et, fait digne de remarque, à la vue même d’une compagnie du régiment des Royaux, commandée par un officier qui se promenait nonchalamment à cheval près de la scène de dévastation!!!

Après cette glorieuse action dictée sans doute par le British feelling (?) les constitutionnels se rendirent par la rue St. Denis jusqu’à à la demeure de l’honorable Mr. Papineau où ils laissèrent des marques de la haine instinctive qu’ils portent au noble défenseur des libertés coloniales, en brisant les jalousies et les fenêtres de sa maison, sans être le moins du monde inquiété par les juges de paix, ni les troupes. Fort heureusement, aucun membre de la famille ne fut atteint.

De là, les constitutionnels se rendirent rue Ste. Thérèse chez M. Louis Perreault, propriétaire du Vindicator, le seul journal de cette ville publié en anglais dans les intérêts du peuple. La haine qu’ils nourrissent contre ce papier était déjà bien connue, et ils l’ont prouvée d’une manière irréfragable le 6 novembre 1837. Le Vindicator, depuis qu’il existe, a toujours défendu la cause de la réforme avec autant de zèle que de talens. Il n’en fallait pas davantage pour lui attirer l’animadversion de ceux auxquels le règne des abus profite. Aussi a t-il toujours été en butte aux persécutions et aux brutalités de la faction et de ses suppôts. Rien n’a été épargné pour l’abattre ou lui nuire, mais rien n’a réussi, parce que, fort de son droit et de l’opinion publique, il était plus puissant que ses ennemies. Le trop juste châtiment moral qu’il a su leur infliger chaque fois qu’ils l’ont mérité, ce qui n’était pas rare, leur a inspiré un sentiment de vengeance inextinguible. Comme tous les moyens msi en jeu jusqu’à présent pour l’exercer leur ont faillit, ils ont résolu de pousser la violence au dernier point, suivant en cela l’exemple des gouvernans qui ont foulé aux pieds toutes les lois de l’état.

C’est dans cette intention que les tories se rendirent de chez M. Papineau au Vindicator, passant par la rue Notre-Dame et par conséquent devant le corps de garde où, remarquons-le bien, deux magistrats se trouvaient placés en vedettes comme pour  »veiller à la tranquillité publique. » ces magistrats se nomment, dit-on, M. M. Torton, Penn et Benjamin Holmes. La procession déboucha ensuite dans la rue St. Vincent vis-à-vis de laquelle tous les magistrats étaient assemblés en session; elle défila devant la Mess-House des royaux où se trouvaient plusieurs officiers, et entra enfin dans la rue Ste. Thérèse, sans avoir éprouvé la moindre contrariété de la part des juges de paix, ni des militaires.

Il fesait nuit alors. Les ouvertures du bureau et de l’atelier du Vindicator sont protégés par des portes et des contre-vents en tôle- M. Perreault demeure lui-même au deuxième étage, dont les croisées sont garnies de jalousies. Arrivée la, la bande constitutionnelle, ou le Doric Club, comme on voudra l’appeler, commença de suite par couper les pattes et les contrevents de tôle avec des haches dont elle avait eu la précaution de se munir pour l’occasion. Tandis qu’on brisait les jalousies et les carreaux de vitre à coups de pierre, d’autres enfonçaient les portes d’en-dedans ainsi que les fenêtres. Cela fait, ils pénétrèrent dans l’intérieur; ils s’emparèrent d’abord des ca[?] et répandirent les caractères au dehors, ils s’introduisirent ensuite forcément dans la chambre du rédacteur, où ils mirent tout en pièce, et ayant dépouillé les appartements de tout ce qu’ils contenaient de livres, de papiers, etc. ils s’enfuirent, laissant après eux des marques de leurs exploits glorieux et dignes de figurer dan les [?]tes consitutionnelles seulement. Les rues en face du Vindicator étaient littéralement couvertes des débris du butin que la bande n’avait pu emporter. Les dommages causés à l’établissement de M. Perreault sont évalués au moins à £500.

Un fait digne de remarque, c’est que cette oeuvre de destruction ait pu se consommer pour ainsi dire sous les yeux des magistrats et des troupes sans que de leur part il n’ait été fait la moindre tentative pour l’arrêter. De la scène [?]u dégât au palais de justice, où les juges de paix étaient assemblés, la distance est très courte: c’est tout si elle excède deux arpens; et on sait que le corps de garde avoisine ce dernier édifice. La nuit était calme et on pouvait entendre à une très grande distance le bruit que fesaient les dévastateurs. Le militaire était sur pied, et de nombreuses sentinelles, bordant chaque coté de la rue Notre-Dame dans les environs du corps de garde, se promenaient silencieusement le fusil sur l’épaule, les magistrats étaient là, et cependant personne ne bougea pour offrir quelque protection aux citoyens dont on détruisait les propriétés, et pour rétablir la paix, quoi qu’il fut absolument impossible que les magistrats et les militaires n’entendissent pas le vacarme effrayant qui se fesait à quelque pas de là.

Mais on sera bien plus étonné lorsqu’on saura que deux citoyens, mus par le désir de protéger les propriétés, se rendirent à la garde et avertirent de ce qui se passait les deux magistrats qui s’y tenaient, (les mêmes dont nous avons donné les noms) et que ces juges de paix refusèrent nettement d’envoyer quelques soldats pour disperser l’attroupement et empêcher la dévastation !!!

Nous apprenons avec le plus vif regret que cette attaque aura pour conséquence immédiate de faire suspendre la publication du Vindicator pendant une ou deux semaines. Le dernier numéro n’a pu sortir qu’hier: rien ne manque aux pages extérieures, mais l’intérieur du journal sous le rapport typographique se ressent beaucoup du mal fait à l’établissement, car le milieu seul est imprimé, le reste est en blanc. Les matières qui devaient le remplir étaient prêtres pour mardi à l’ordinaire: il ne restait plus qu’à les mettre sous presse: elles se composaient d’une correspondance de Londres, de divers articles éditoriaux et de plusieurs communications. Mais des Visigoths et des Vandales les ayant brisées, et jetés les types aux vents, elles en purent voir le jour. Nous apprenons en même temps avec plaisir que [illisible] ne sera pas fatal, et que la suspension du journal du pays le mieux rédigé ne sera que momentanée. Loin de l’avoir abattu, le coup funeste que l’on a eu l’intention de lui porter, lui imprimera une nouvelle énergie.

Nous avons oublié de dire que dès que le Doric Club fut rallié, il se rendit à plusieurs reprises en face de la demeure de M. Joshua Bell, respectacle citoyen bien connu par ses talens et son patriotisme. M. Bell demeure rue Notre-Dame. Les constitutionnels s’attroupèrent sous ses fenêtres et lui lancèrent des pierres et toutes lessales injures dont on les sait si prodigues. M. Bell ayant ouvert un de ses jalousies au deuxième, leur présenta un fusil en les menaçant de faire feu sur le premier qui oserait le molester. Ils n’eurent pas plutôt aperçu le bout du fusil qu’ils s’éloignèrent précipitemment. C’est de là qu’ils allèrent briser la maison de M. Dupuis, etc.

Nous sommes forcés, faute d’espace, de supprimer quantitué d’autres faits et quelques articles relatifs à l’affaire de lundi.
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(1) Un habitant des Townships de l’est qui se trouvait là par hazard et qui n’était nullement intéressé, nous dit à nous même depuis qu’il avait vu les constitutionnels jeter des pierres les premiers et que les patriotes n’usèrent que du droit de représailles. L’aggression par le parti tory est un fait tellement bien constaté que les journaux bureaucrates seuls osent dire le contraire. Plusieurs tories renforcés ont avoué que l’aggression venait des constitutionnels.

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Pendaison de cinq Patriotes [Montréal, 15 février 1839]

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L’incendie du Parlement à Montréal en 1849

Pendaison de cinq Patriotes [Montréal, 15 février 1839]

L’Aurore des Canadas, 19 février 1839

Les exécutions de Vendredi. Comme nous l’avions annoncé dans notre dernière publication, Mrs. Charles Hindelang, le Chevalier de Lorimier, Pierre Rémi Narbonne, François Nicolas et Amable Donnais ont été exécutés en face de la prison neuve. Ils s’avancèrent tous d’un pas ferme sur la plate-forme, d’où leurs âmes devaient d’envoler pour un monde meilleur. Hindenlang, beau jeune homme de 29 ans, parut le premier, avec la même grâce, la même assurance qu’il aurait pu montrer dans un salon. Il s’avança au devant de l’échafaud et adressa au peuple un discours que les journaux de cette ville n’ont pas voulu ou n’ont pu reproduire, sans doute à cause de l’effet qu’il pourrait produire sur le public. Nous nous abstiendrons aussi de le publier. Nous répéterons seulement ce que dit le Transcript » qu’en mourant il était encore persuadé que la cause dans la quelle il s’était engagé était une bonne cause, qu’il niait au gouvernement Anglais le droit de le mettre à mort et qu’il termina en s’écriant d’une voix forte VIVE LA LIBERTE ». Il avait, ainsi que les autres patients, les mains liées derrière le dos, de manière qu’il ne pouvait guère gesticuler qu’avec la tête; ce qu’il fesait pourtant avec beaucoup de grâce. En achevant il se tourna vers les détenus politiques de la prison, qu’il avait priés de se tenir aux fenêtres, et leurs fit un dernier signe d’adieu. De Lorimier, qui a constamment parlé et écrit, dit-on, dans le sens des paroles d’Hindenlang, montra la même intrépidité, que ses compagnons, mais ne parla pas, non plus que Daunais et Narbonne.

Nicolas fit un discours assez long, où il déplorait les erreurs de sa vie, reconnaissant dans la mort qu’il allait souffrir la justice de Dieu qu’il avait souvent et grièvement offensé, recommandait aux parens de veiller sur leurs enfants, à ceux-ci d’écouter les avis de leurs parens et de suivre les préceptes de la religion. Toutes les personnes présentes que nous avons eu occasion de voir se sont accordées à dire qu’il n’avait fait aucune allusion au meurtre de Chartrand dont il a été accusé, ni à la politique qu’il ne parla que de ses fautes en général.

Après ce discours, ils conversèrent encore quelques temps avec les différens Ministres de leurs religions et fesaient tous preuves d’une grande piété. Vers 9 3/4 heures, ils se placèrent sur la trappe fatale et le bourreau fit les derniers préparatifs, après les quels le Provost Martial, Sergent de l’armée, qui remplit à peu près les fonctions de Shériff, donna le signal qui devait mettre le terme à leurs souffrances et à leurs vies. La mort fut à peu près instantanée chez Hindenlang et Nicolas; De Lorimier et Daunais parurent souffrir peu de temps. Mais les souffrances de Narbonne furent longues et horribles. Comme un de ses bras avait été coupé, on n’avait pu sans doute le lier aussi bien que les autres; dans les convulsions de l’agonie, il détacha sa main avec laquelle il saisissait les objets environnans et parvint à déplacer la corde de sa vraie position. Il parvint même deux fois à atteindre une balustrade voisine et à s’y placer les pieds et deux fois il en fut repoussé.

Le supplice de Mr. Duquet fut accompagné de circonstances non moins horribles. Nous espérons que si la justice n’était pas encore satisfaite et qu’il dût y avoir de nouvelles exécutions, on s’y prendrait enfin de manière à éviter aux suppliciés de semblables tortures.

De Lorimier et Hindelang étaient des hommes de beaucoup d’esprit et de talens. Le premier était notaire de cette ville, âgé d’environ trente ans, marié et père de trois enfans. Ils parlaient tous deux en prison presque avec indifférence de la mort qui les attendait. Hindenlang avait donné son corps au Dr. Vallée, lui demandant de lui faire donner la sépulture et d’envoyer son coeur à Paris, dans un bocal d’esprit de vin, à sa mère. On nous dit que le Dr. Vallée n’a pu se procurer le corps pour remplir la dernière volonté du mourant. Il n’était pas marié et était natif de Paris, où il a, dit-on, un frère engagé dans le haut commerce.

Nicolas était âgé d’environ quarante ans, fort bel homme et de proportions presque gigantesques. Il avait été commerçant d’abord et s’était livré ensuite à l’instruction. Il avait une bonne éducation et écrivait purement en français. Il était natif de Québec et n’était pas marié. – Narbonne était aussi un bel homme de trente ans environ. Il était huissier, veuf, et il laisse deux enfans en bas âge. Daunais était un jeune homme, en apparence de vingt ans au plus, cultivateur et le principal soutien, dit-on, d’un père âgé et fort pauvre.

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Pendaison des patriotes Cardinal et Duquette [21 décembre 1838]

L’histoire des Patriotes sur le web:quelques sites à visiter

Un Patriote de retour d’exil [1846]

Déportation des Patriotes aux Bermudes [juillet 1838]

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Pendaison des patriotes Cardinal et Duquette [21 décembre 1838]

Un épisode des Rébellions de 1837-1838…

Le Canadien, 24 décembre 1838

CARDINAL ET DUQUETTE!

Le Bourreau vient d’être mis à l’oeuvre. Dix des prisonniers pris au Village des Sauvages du Sault St. Louis, avaient été condamnés à mort, comme on sait, six recommandés à merci, et on apprit ensuite que des quatre qui restaient deux avaient eu ou devaient avoir leur sentence commuée en transportation pour la vie. Les murmures du tigre que faisaient entendre quelques journaux, sur le délai qu’on mettait à leur donner du sang, faisaient même espérer que le chef de l’Exécutif écouterait la voix de l’humanité et de la saine politique. Mais non; [Joseph-Narcisse] CARDINAL et [Joseph] DUQUETTE ont été, dans la vigueur de l’âge, conduits au bûcher politique. Ce sacrifice de sang eut lieu Vendredi dernier; ainsi que le 21 Décembre est ajouté aux jours néfastes déjà bien nombreux dans nos fastes politiques. Puissent-ils ne plus s’augmenter.

Une lettre particulière de Montréal en date de Montréal 22 Décembre, fournit le: –

 »CARDINAL et DUQUETTE ne sont plus! La corde fatale a tranché le fil de leurs jours! Le Herald doit palpiter de joie! Il voulait du sang! Ces deux victimes lui ont été livrées, deux victimes qui, dans leur moment d’erreur, n’ont point versé de sang, pas même fait le moindre dommage à qui que ce soit! CARDINAL, l’homme le plus paisible de la terre, l’homme le plus honnête de la société, lui qui a même essayé de détourner ses compatriotes de tomber das le piège fatal! Il laisse une femme enceinte, et cinq enfans en bas âge. DUQUETTE, fils unique d’une vieille mère infortunée, et son unique appui! Il avait reçu une bonne éducation, et avait même, je crois, étudié le droit. Ils ont montré le courage le plus héroïque. Leurs gardes en étaient frappés d’admiration. Ils ont, dit-on, montré la même fermeté au lieu de l’exécution. Le pauvre DUQUETTE a été pendu par deux fois. L’Editeur du Herald doit sans doute en être d’autant plus content, lui qui est dévoré par la soif du sang de ses semblables.

MAD. CARDINAL, dont la vie est dans le plus grand danger, s’est rendue hier soir dans le cachot de son malheureux époux, lui adresser ses derniers et éternels adieux! La vieille mère de DUQUETTE a aussi rassemblé toutes ses forces pour embrasser son fils pour la dernière fois!

Des Requêtes et les Lettres ont été adressées à Sir John Colborne, implorant la grâce ce ces deux infortunés. Les Evêques, des membres du clergé, les Sauvages même qui les avaient fait prisonniers, tous ont supplié en vain. MAD. CARDINAL a présenté elle-même une Requête à Lady Colborne, la suppliant d’intercéder pour elle. Inutilement; Lady Colborne lui offrir de l’argent, huit piastres, dit-on. L’épouse malheureuse et sensible dit que c’était la vie de son mari, et non de l’argent, qu’elle sollicitait!! »

La même lettre mande que Sir John Colborne n’aurait pas ordonné ces exécutions de son propre mouvement, mais qu’il a été obsédé, et entraîné à plaire à ceux qui lui demandaient du sang, et que le corps des deux malheureux allaient être rendus à leurs familles.

Onze autres prisonniers avaient eu avis de leur procès, entre autres le Capit. MORIN et son fils, et un jeune LEVESQUE.

La double pendaison de l’infortuné DUQUETTE, dont parle le correspondant ci-dessus, est venu de ce que la corde lui a glissé jusqu’à la bouche, et il resta suspendu de cette horrible manière pendant une douzaine de minutes, jusqu’à ce qu’une autre corde lui eut été mise autour du cour et vint mettre un terme à ses souffrances.

M. DUQUETTE était sous brevet avec M. CARDINAL.

M. CARDINAL s’occupa Jeudi l’après-midi à signer un grand nombre de papiers professionnels.

Il n’est pas besoin de dire que les deux patients furent accompagnés au supplice par un prêtre Catholique.

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Déportation des Patriotes aux Bermudes [juillet 1838]

Un Patriote de retour d’exil [1846]

Un dernier adieu à Louis-Joseph Papineau [Montebello, 26 septembre 1871]

La justice en 1817,1837 et 1857: quelques exemples de condamnations

Un Patriote de retour d’exil [1846]

Le Monde illustré, vol. 7 no 354. p. 660 (14 février 1891)

François-Xavier Prieur, 1814-1891 Le Monde illustré, vol. 7 no 354. p. 660 (14 février 1891)

François-Xavier Prieur a été exilé en 1839 en Nouvelle-Galles du sud, avec 57 compagnons, suite aux Rébellions de 1837-38.

Le Canadien, 16 septembre 1846

Arrivée d’un Exilé – M. F. X. Prieur, dont nous avons annoncé l’arrivée à Londres il y a quelque temps est enfin de retour à Montréal. Il est arrivé ici mardi matin par la voie de Québec. M. Prieur s’est embarqué à Sidney le 22 février dernier, avec une famille française qui revenait en France et qui a payé son passage jusqu’à Londres où il est débarqué le 24 juin, après une traversée de quatre mois et deux jours. Il est reparti de Londres le 10 juillet sur le vaisseau marchand le Billon, qui n’est arrivé à Québec que samedi dernier, après un passage de près de deux mois. M. Prieur est parti de Montréal hier matin pour aller visiter sa famille qui réside à St. Polycarpe. Avant les troubles, M. Prieur était marchand à Beauharnois; c’était un jeune homme instruit et doué de beaucoup d’intelligence.

On sait que depuis longtemps des fonds ont été expédiés en Angleterre pour pourvoir au retour des exilés. Nous avons fait allusion dernièrement aux difficultés qui existent pour faire passer ces fonds jusque dans la colonie pénale, et aux démarches incessantes qui ont été faites à ce sujet. Des lettres ont été adressées aux autorités de Sidney, annonçant que le passage des exilés seraient remboursées à Londres. Et cependant une fatalité inqualifiable s’est attachée à tous les efforts qui ont été faits pour hâter leur retour. Mais grâce à des renseignements qui ont été obtenus, nous pouvons annoncer avec certitude que les nouveaux moyens qui ont été adoptés pour assurer le passage des onze exilés qui sont encore à Sidney ne peuvent manquer de réussir. – (Minerve).

Vous pouvez lire en ligne Notes du condamné politique de 1838 par F.-X. Prieur.

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Déportation des Patriotes aux Bermudes [juillet 1838]

Un dernier adieu à Louis-Joseph Papineau [Montebello, 26 septembre 1871]

Évasion à la Citadelle de Québec, 16 octobre 1838

¿Quién es Eugenio Duchesnois? (Argentine, XIXe siècle)

Un dernier adieu à Louis-Joseph Papineau [Montebello, 26 septembre 1871]

Extrait du Canadien,  2 octobre 1871

OBSÈQUES DE L’HON. L. J. PAPINEAU

Mercredi matin, le 26 sept. courant, un certain nombre des amis de l’Hon. L. J. Papineau sont partis de Montréal, pendant que d’autres partaient d’Ottawa et d’ailleurs, pour aller rendre les derniers devoirs à ce grand citoyen. Nous avons comptés parmi ceux qui allaient de Montréal les Hon. A. A. Dorion, L. A. Dessaules, M. Laframboise et MM J. Doutre, C. R. Rouer Roy, C. R, J. Bte Beaudry, D. E. Papineau, C. F. Papineau, Alex. Dufresne, E. Roy, Dr. J. Lemieux, A. Papineau, de St. Hyacinthe et J. G. Coursolles, d’Ottawa, alors à Montréal.

Photographie | Un coin du Château, Seigneurie de la Petite Nation, Montebello, QC, vers 1890 | MP-0000.962.3

Un coin du Château, Seigneurie de la Petite Nation, Montebello, QC, vers 1890

Après un voyage rendu très agréable par l’urbanité des employés de la Compagnie de Navigation d’Ottawa, et spécialement de MM. Sheppard et Bowie, nos amis sont arrivés vers trois heures à Montebello. Cette paroisse jetée entre les Laurentides et la Rive Nord de l’Ottawa, présentait un spectacle en harmonie avec le sombre évènement qui y amenait les étrangers. Le village forme la base d’un vaste amphithéâtre, s’étageant par les collines et les montagnes, sous un feuillage sombre vert, rouge foncé, puis rose, orange et diaphane. Le soleil à demi voilé, mais vivifiant et répandaient sur les magnifiques domaines  de M Papineau, des intermittences de lumière vive et pâle qui invitaient au recueillement. A moins de parcourir les résidences royales, où les trésors d’une nation ont été jetés sans compter pour  embellir la nature, il est impossible de voir rien de plus agreste et de plus coquet à la fois, de plus pittoresque et de plus velouté, que les grandes avenues et les sentiers sinueux, les promontoires formant une plaine, les grandes forêts et les bosquets, les rocs abrupts et les pelouses du manoir de Montebello. En dehors de la nature, avec ou sans parure, la maison est un château alliant aux formes antiques le confort des goûts modernes. Du fleuve, le premier objet qui frappe le regard, est un balcon, dans un grand pin, qui a l’air d’un nid d’oiseau.

Photographie | Un coin du Château, Seigneurie de la Petite Nation, Montebello, QC, vers 1890 | MP-0000.962.1

Un coin du Château, Seigneurie de la Petite Nation, Montebello, QC, vers 1890

Le corps de la bâtisse est à demi caché par deux tours élevées, qui paraissent d’autant plus hautes qu’elles sont  construites sur un cap qui forme un bec d’aigle sur la rivière et l’embrasse à droite et à gauche, à perte de vue. L’intérieur de la maison ne présente guère d’autres particularités saillantes, que la bibliothèque et une vaste entrée qui va d’un mur à l’autre, et qui semble être un emblème de l’hospitalité; car c’est une promenade sous abri, ou plusieurs causeurs peuvent se rencontrer et au besoin d’asseoir sur les couches moelleuses qui invitent au repos sur toute l’étendue de l’allée. La bibliothèque qui se compose de six à sept milles volumes, est placée dans l’une des tours et il est difficile d’imaginer un plus beaux choix de livres.

L’après-midi de mercredi fut naturellement consacré à parcourir les sentiers nombreux de la forêt, le labyrinthe d’arbuste et de fleurs, qui entoure la maison, le parc aux cerfs, la grande avenue qui fait un circuit d’un mille autour d’arbres gigantesques et séculaire, et enfin la chapelle mortuaire où la seconde génération des Papineau ne réclame plus que M. Augustin Papineau pour s’éteindre. Cette chapelle contenait déjà les restes de M. Joseph Papineau, père de Louis-Joseph, de madame L.-J. Papineau, de Gustave Papineau, et d’une vieille servante qui avait suivi la famille dans l’exil de 1837.

Photographie | Mausolée de la famille Papineau, Montebello, QC, dessin, copie réalisée vers 1890 | MP-0000.962.7

Mausolée de la famille Papineau, Montebello, QC, dessin, copie réalisée vers 1890

La chapelle est construire au milieu de la forêt, mais à peu de distance de la maison. Elle est en pierre brute, massive, et sans autre prétention que celle de défier le temps et de dire au passant: il faut mourir.

Photographie | Côté sud du Château Montebello, Montebello, QC, vers 1890 | MP-0000.962.2

Côté sud du Château Montebello, Montebello, QC, vers 1890

Jeudi dans la matinée, les étrangers arrivés dans la veillée et le matin, se rendirent en grand nombre, à la maison, où gisaient les restes vénérés du défunt. Parmi l’assistance, on remarquait Alonzo Wright, écr. membre des communes, pour le comté d’Ottawa, A. B. Eddy, écr., membre de l’Assemblée Législative de Québec, pour le même comté, Ed. Leduc, ecr., A. P., H. N. Raby, ecr., N. P. De St-André Avelin, Thos. Cole, de North  Nation Mills, Geo. Cameron écr. et M. Camaron ecr., de Thurso, M. Garneau d’Ottawa, Ed. St. Julien, S. Mackay, ecr.,  de St. Angelique, C. Major ecr., N. Tranchemontagne et M. Poulin de Montebello. Nous n’avons pu prendre notes d’un plus grand nombre  de personnes, en circulant dans la foule, et nous regrettons d’omettre les noms de beaucoup de citoyens qui méritaient ici une mention particulière.

Vers neuf heures, l’assistance se groupa près de la maison et l’Hon. A. A.  Dorion commença sous l’effet d’une émotion profonde et universellement partagée, l’oraison funèbre de l’illustre défunt. Il raconta, en termes empreints d’une chaleureuse admiration, la vie si active et si patriotique que chacun connaissait déjà, mas aimait encore à entendre. Après lui, T. S. Brown Ecuier, l’un des compagnons de M. Papineau, durant la période la plus accidentée de sa vie politique, exprima en anglais des sentiments dont chacun était heureux d’avoir l’écho par l’entremise d’un témoin occulaire.

M.  Brown retraça les évènements qui avaient amené l’insurrection et il fit ressortir le rôle de M. Papineau, dans les mouvements de l’opinion. Sans doute, le peuple s’émut à la parole ardente de ce grand patriote et s’achemina à son insu sur la pente de la résistance armée; et si les hommes pouvaient acquérir l’expérience des révolutions, on pourrait faire remonter à lui la responsabilité des infortunes qui accablèrent quelques familles. Mais personne ne peut acquérir ce genre d’expérience, car il est peu d’hommes qui aient le malheur de voir plus d’une révolution, dans leur vie. Mais encore, si M. Papineau avait pu calculer les bienfaits qui devaient ressortir de cette  tentative d’insurrection, il était trop généreux pour ne pas sacrifier sa vie pour d’aussi grandioses résultats.

L’Assemblée des six-comtés à St-Charles, 23 et 24 octobre 1837

En 1837, le système colonial qui régissait le Canada était le même pour les nombreuses colonies de l’Angleterre. C’est ici que fut introduit après 1837, le gouvernement responsable qui est une bénédiction, comparé à l’oligarchie bureaucratique d’alors. Peu à peu les colonies ont été dotées d’indépendance relative et aujourd’hui, il y a des millions d’hommes qui habitent ces diverses colonies anglaises, qui, s’ils connaissaient l’histoire du demi siècle qui est derrière nous, entoureraient ce cercueil de leur vénération et de leur gratitude, car c’est à lui qu’ils doivent leur forme de gouvernement et leur bien-être national.

Après ces deux discours, la funèbre procession se mit en marche, vers la chapelle mortuaire. Le deuil était porté par MM A. A. Dorion, Alonzo Wright, J. Doutre, A. B. Eddy, C. Major, L. Leduc, S. Mackay, et T. S. Brown.

La chapelle était tendue de noir et ornée d’immortelles et de feuilles de chênes, variées dans leurs couleurs, par la bise d’automne.

M. le curé Bourassa avait eu l’obligeance d’apporter là les registres de l’état civil et après la descente du cercueil dans la crypte de la chapelle, la famille et les principaux amis participèrent à l’enregistrement de l’inhumation. L’un des premiers noms inscrits sur ce régistre, fut celui du petit-fils du défunt, Louis-Joseph Papineau, fils de L. J. A. Papineau  qui, pour la première fois, mettait son nom au bas d’un document public.

La députation de l’Institut-Canadien a rapporté avec elle trois couronnes de fleurs violettes et blanches et de feuilles de chênes qui reposaient sur le cercueil et les ont apportées, pour en orner le portrait du défunt dans la salle de lecture de l’institution. M. Boisseau avec ses goûts d’artiste, a tiré un grand parti de ces reliques et beaucoup de personnes iront sans doute saluer la figure aimée de cette immortel patriote. (Pays)

Photographie | Louis-Joseph Papineau, Montréal, Qc, 1861 | I-849.0.3

Louis-Joseph Papineau, Montréal, Qc, 1861

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Déportation des Patriotes aux Bermudes [juillet 1838]

Montréal et Québec vers 1830 vu par Robert Auchmuty Sproule

La collection photographique William Notman (19e et 20e siècle)

L’histoire et le patrimoine de Québec – site de la CCNQ

Déportation des Patriotes aux Bermudes [juillet 1838]

Peinture | Dr Wolfred Nelson, 1848 | M20430

Dr Wolfred Nelson, 1848 par Théophile Hamel


Extrait du journal l’Ami du Peuple, de l’ordre et des lois du 4 juillet 1838 racontant le départ de huit Patriotes, soit le major Toussaint-Hubert Goddu, Siméon Marchesseault, le Dr Henri-Alphonse Gauvin, le Dr Wolfred Nelson, Robert-Shore-Milnes Bouchette, Bonaventure Viger, Rodolphe Des Rivières et le Dr Luc-Hyacinthe Masson condamnés à l’exil aux Bermudes pour leur rôle dans la rébellion au Bas-Canada.

DEPART DES PRISONNIERS – POISSON D’AVRIL EN JUILLET

Lundi après-midi, les huit prisonniers politiques ont été embarqués à bord du bateau à vapeur l’Aigle, pour être conduits à Québec et de là à la Bermude, où ils sont exilés. L’autorité craignait sans doute quelque trouble ou quelque démonstration bruyante et peu convenable, car elle a pris les moyens d’écarter la foule au  moment de leur départ. Le moyen employé nous semble un peu singulier. Une compagnie des royaux avaient été stationnée, au quai où se tiennent ordinairement les bateaux à vapeur et où se font toutes les embarcations; les soldats étaient rangés sur deux lignes ouvertes, comme s’ils eussent attendus les prisonniers, et ils avaient un soin particulier de faire ranger la foule, pour laisser le passage libre; une foule immense s’était portée sur le quai et attendait impatiemment l’arrivée des huit prisonniers. Mais pendant que le public ouvrait les yeux de toute sa force sur le quai de la ville, les prisonniers se préparaient à la prison, et lorsque tout fut prêt, le bateau à vapeur descendit rapidement, alla accoster au quai Gilbert, au pied du courant, où se trouvait une compagnie du 71e et une compagnie de cavalerie, qui ne permirent à aucun curieux d’approcher; les prisonniers arrivèrent bientôt en voiture s’embarquèrent immédiatement et le steamboat partit sans délais, laissant tous les curieux de la ville, les uns sur les quais, les autres aux fenêtres, les autres en voitures, courant à toute bride vers le pied du courant. On nous assure que plusieurs individus avaient loués des fenêtres dans la grande rue du faubourg de Québec, pour voir passer les prisonniers, et que les cours de justice vont avoir à décider s’ils sont tenus ou non à payer le prix convenu.

Ce petit tour joué aux curieux de Montréal, aurait été excellent, le premier jour d’avril, mais il est un peu lourd dans les chaleurs de juillet.

Nous ne prétendons pas blâmer la mesure d’éloigner le public de la scène d’embarquement,  en elle-même, mais le petit tour joué nous semble hors de saison. Cela aurait pu se faire franchement.

Puisque nous en sommes sur cette affaire, et probablement pour la dernière fois, nous devons aussi dire que le choix des déportés, nous semble fait peu judicieusement. Plusieurs de ceux qui sont exilés, sont loin d’être les plus coupables et surtout les plus importants. [Note: l’Ami du peuple n’était pas l’ami des Patriotes…]

Les Patriotes purent quitter les Bermudes en novembre 1838.

La Revue d’histoire de l’Amérique française a publié en 1962 et 1963 plusieurs documents en lien avec cet exil: 1, 2, 3, 4, 5 et 6.

Et bien sûr, aujourd’hui, 21 mai, fête des Patriotes, on visite ce site.

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Évasion à la Citadelle de Québec, 16 octobre 1838

¿Quién es Eugenio Duchesnois? (un Patriote en Argentine)

La déportation d’après les registres d’écrous des prisons de Québec (Bas-Canada, 19e siècle)

Trove: journaux historiques de l’Australie [XIXe et XXe siècle]

La petite histoire du crime: la bande à Chambers (Québec et sa région 1831-1835) Première partie

Évasion à la Citadelle de Québec, 16 octobre 1838

Il y avait de l’action à Québec en octobre 1838. Entre autres, deux prisonniers qui avaient participé aux rébellions au Haut-Canada, soit William Wallin Dodge et Edward Alexander Theller,  s’évadèrent de la citadelle grâce aux patriotes Charles Drolet et John Heath. Theller avait été condamné à mort, puis sa sentence avait été commuée en déportation. En attendant, Theeller et Dodge furent envoyés à Québec où, visiblement, ils ne se plaisaient pas.  Voici comment l’événement fut rapporté dans les journaux.

Extrait du journal le Canadien, publié à Québec, le 17 octobre 1838, p. 2

Evasion de prisonniers politiques – Grand mouvement hier matin parmi la garnison et la police de cette ville, et par contre-coup vive sensation parmi les citoyens, à la nouvelle que cinq des Prisonniers du Haut-Canada s’étaient évadés, pendant la nuit, de la citadelle où ils étaient étroitement gardés et surveillés de près, puisqu’il leur a fallu tromper la vigilance de plusieurs sentinelles, de deux surtout, dont l’une était en faction en dedans de l’enclos de leur prison et l’autre en dehors. Le bruit court qu’ils ont réussi à faire boire à leurs gardes de la boisson dans laquelle ils avaient jetés de l’opium, ce qui les auraient endormis, et on ajouté que quatre soldats ont été mis sous arrêt en conséquence de cette évasion. Le Mercury dit qu’on pense que les évadés ont reçu l’assistance de quelques amis dans la ville.  Ceci n’est guère probable, quand on réfléchit que deux ont été s’adresser et se faire prendre dans une auberge vis-à-vis de la Cathédrale Anglicane, où c’était pour eux aller se jeter dans la gueule du loup, ce qu’ils n’auraient pas fait s’ils eussent de l’assistance de quelques amis.  Un autre a été trouvé dans les broussailles près de la tour no1, ce qui démontre encore qu’ils n’avaient personne pour les assister, car c’est justement l’endroit où se font les premières recherches en pareil cas.

Porte Prescott et vue de la Citadelle de Québec extrait de Canadian Scenery Illustrated, tome 1, par William Henry Bartlett

On apprend en outre que les deux qui ont été pris dans l’auberge avaient erré toute la nuit par la ville, ce qui n’aurait pas pus arriver s’ils eussent eu des rapports avec quelques amis. Ces suppositions sont jetées dans le public pour justifier la conduite vraiment brutale de la police dans l’intérieur du domicile d’un citoyen respectable de cette ville, M. Morin, où l’on ne s’est pas borné à faire les recherches les plus minutieuses, mais où l’on a été jusqu’à bûcher une partie une partie du plafond pour parvenir à un recoin du grenier sans issue, et cela en son absence et sans sa permission, sans que les bucheurs aient montré aucune autorité pour un pareil procédé. M. Morin estime à £7 ou 8 les dégâts que l’on a commis chez lui, sans compter les autres  désagréments qu’il a eu à souffrir; par exemple, on l’a retenu prisonnier chez lui pendant quelques heures, de même qu’un client qui était venu lui parler.

On a aussi fait les recherches les plus minutieuses dans tout le couvent des Dames Ursulines, depuis la grave jusqu’au grenier. Là au moins, on n’a commis aucun dégât; mais l’idée que des évadés de prison auraient cherché et trouvé un refuge dans l’intérieur du cloître des Dames Ursulines, est plus que ridicule en même temps qu’offensante pour ces Dames, puisqu’il est à peu près impossible qu’un homme, et surtout un inconnu s’introduise dans la maison sans qu’elles en aient connaissance. On a aussi fait des recherches dans tous les environs du Couvent, et sur le cap, et ces recherches n’ayant rien d’inconvenant, les citoyens s’y sont soumis avec plaisir. Les recherches qui ont été faite chez M. Morin, et dans les couvents sont dues, dit-on, à ce qu’un soldat ou sergent aurait déclaré avoir vu entrer chez M. Morin, hier matin vers huit heures, Theller, un des évadés. Belle heure et bon endroit pour se montrer dans les rues pour un échappé de prison qui sait que la police et la garnison sont à ses trousses. Certes, si notre police et notre garnison perdent la tête pour si peu de choses, nous sommes bien mal gardés.

[…]

Mais nous n’avons pas encore dit comment l’évasion avait eu lieu. Les évadés après avoir endormi la surveillance des gardes, soit par l’opium soit autrement, ont limé un des barreaux de leur loge, sont montés sur la tour du pavillon, et en on coupé la corde qui les a aidés à se glisser en bas, d’où ils ont pu facilement pénétrer dans la ville. Sur celui qui a été arrêté près de la tour, on a trouvé des limes et autres instruments qui ont pu servir à l’évasion des prisonniers. Sutherland qui était renfermé séparément n’a pas eu l’occasion de s’échapper.

Et après?

A son retour aux États-Unis,

Theller entreprit une tournée triomphale dans plusieurs grands centres des États-Unis. À son grand plaisir, il fut « fêté et traité comme un héros ». D’après lui, cette tournée était « une initiative impudente, mais heureuse », qui fit « plus pour la cause du malheureux Canada » que toute autre chose.

De retour à Detroit en décembre, Theller fut arrêté sans délai pour violation des lois américaines sur la neutralité, puis libéré, probablement sous caution (réf)

Theller a écrit sa version de ses aventures, dans Canada in 1837-38 : showing by historical facts, the causes of the late attempted revolution, and of its failure ; the present condition of the people, and their future prospects, together with the personal adventures of the author, and others who were connected with the revolutiontome 1 et 2, publiés en 1841.

Ensuite, il vécut heureux et eut probablement beaucoup d’enfants.

Billets reliés

Une visite de la prison de Québec en 1835

Registre d’écrou de la prison de Québec: un prisonnier « dead by the visitation of God » (1834)

La déportation d’après les registres d’écrous des prisons de Québec (Bas-Canada, 19e siècle)

Patrimoine: des prisons qui ont une deuxième vie (première partie)