La triste fin d’Ann Driscoll [Québec, 1880]

berthelot

Marché Berthelot, rue St. Patrick, Québec. Extrait de Insurance plans of the city of Quebec, Canada, Carte no 22 par Charles Edward Goad, 1879.Centre d’archives de Québec de BAnQ, P600,S4,SS1,D65 

14 décembre 1880. Nous sommes au marché Berthelot, rue Saint-Patrick,  à Québec. Il est environ 19 heures. Les policiers viennent de découvrir une femme inconsciente. Ils la connaissent bien. C’est une habituée des cours de justice. Une pauvre femme sans famille, souvent en état d’ivresse. Ils amènent la dame au poste de police. Un docteur juge que son état justifie un transfert vers l’hôpital. Mais Ann Driscoll alias Mary Ann Hollin décède dans sa cellule.

Le coroner A.-G. Belleau attribuera son décès à une « Congestion des poumons due à une exposition au froid et à l’usage immodéré des boissons alcooliques ».

C’est l’histoire d’une déchéance.

Le Morning Chronicle du 15 décembre précise que 10 ans auparavant, madame Driscoll était une servante respectable, mais que ces dernières années, elle avait effectué plusieurs séjours en prison. Une recherche avec les termes ‘Ann Driscoll’ dans la base de données  de BANQ intitulée ‘Personnes incarcérées dans les prisons de Québec au 19e siècle’ donne une vingtaine de résultats concernant des arrestations entre 1874 et 1880. Dans la section ‘délit’, toujours la même note, soit ‘Loose, idle and disorderly’.

D’après l’âge inscrit dans les registres de prison – information souvent approximative- on aurait affaire ici à une femme née vers 1835 et d’origine irlandaise. Les articles publiés à son décès indiquent qu’elle serait native de Valcartier, près de Québec, paroisse où plusieurs Irlandais se sont établis au XIXe siècle.

Dans les registres de la paroisse Saint-Patrick de Québec, l’acte de sépulture no 175, au nom d’Ann Driscoll, a été déclaré ‘null‘ et remplacé deux pages plus loin par celui de Frederick Stephens.

Bibliographie:

Le Canadien, 15 décembre 1880.
Morning Chronicle, 15 décembre 1880.
Quebec Mercury, 16 décembre 1880.

Base de données Les enquêtes des coroners des districts judiciaires de Beauce, 1862-1947, de Charlevoix, 1862-1944, de Montmagny, 1862-1952, de Québec, 1765-1930 et de Saint-François (Sherbrooke), 1900-1954 (BANQ)

Base de données Personnes incarcérées dans les prisons de Québec au 19e siècle (BANQ)

Autres billets

Une petite touche d’Irlande au Québec (photos anciennes)

Toponymie: le Québec à travers le monde (en route!)

Registre d’écrou de la prison de Québec: un prisonnier « dead by the visitation of God » (1834)

Plaidoyer contre la peine de mort [Québec, 1840]

Le Canadien, 12 octobre 1840

« Les exécutions n’ont pas eu lieu à Montréal, vendredi dernier. Il y a eu sursis indéfini pour Michael O’Graby et Elizabeth Williams, et l’exécution de la sentence de James Dunhseath a été remise à vendredi prochain. S’il fallait notre prière pour induire l’autorité exécutive à faire cesser les exécutions publiques, nous la joindrions volontiers aux voeux d’un nombre de publicistes distingués qui se sont élevés contre cette partie des codes criminels de tous les peuples civilisés. Nous avons déjà eu occasion de déclarer notre opinion contre la peine capitale, sans distinction. Nous nions à la société le droit de vie et de mort sur les citoyens, et l’expérience a assez clairement démontré que l’infliction de cette peine est un préventif peu efficace des crimes. Que la société claquemure les hommes dont les passions effrenées menacent la vie et les biens des citoyens, qu’elle les mette hors d’état de ne pouvoir jamais nuire, c’est son droit; mais ce nous parait une singulieré morale que de punir le meurtre par l’homicide. Nous comprenons la logique de la peine capitale sous la doctrine du droit divin, qui fait venir l’autorité de Dieu même; mais nous ne la comprenons pas sous la doctrine qui fait venir l’autorité des gouvernants des peuples, des individus qui les composent collectivement. Sous cette doctrine le pouvoir ou la société n’a que les droits que les citoyens ou les individus ont bien voulu on pu lui céder sur leurs personnes et sur leurs biens. Or l’individu n’a pu céder un droit qu’il n’a pas lui-même, et que nos lois lui refusent, celui de s’oter la vie.  »

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PENDAISON DE CINQ PATRIOTES [MONTRÉAL, 15 FÉVRIER 1839]

PENDAISON DES PATRIOTES CARDINAL ET DUQUETTE [21 DÉCEMBRE 1838]

DÉCÈS DU BOURREAU ARTHUR ELLIS [MONTRÉAL, 1938]

ANN WILEY, BOURREAU (1775, DÉTROIT)

Où est Daniel Fynn? [Montréal, 1913]

La Patrie, 24 juin 1913

« UN MORT QUI EST EN PRISON

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ON DÉCOUVRE QUE DANIEL FYNN, QUE L’ON A FAIT INHUMER APRES L’AVOIR REPECHE DU FLEUVE, PURGE UNE SENTENCE EN PRISON

Etre au cachot et être en terre, sont deux situations qui ont plus ou moins de charmes, mais qui diffèrent un peu l’une de l’autre, cependant.

Dans le présent cas, le mort qui est en prison, ou le prisonnier qui est mort – le mystère n’est pas encore éclairci, – se nomme Daniel Fynn.

Il y a quelques temps, on annonçait qu’un individu s’était jeté à l’eau, au bout du quai de la ligne Allan, ce qui était une manière comme une autre de nager, ou si l’on préfère, de courir à la mort.

Ces jours derniers, un cadavre fut repêché, transporté à la morgue, reconnu par sa soeur, Mme Mary Fynn, qui habite 36 rue Tessier.

Le coroner déclara qu’il s’agissait d’une mort accidentelle, puis il donna un permis d’inhumer. Mlle Tessier, à ses propres frais, fit chanter un service pour le repos de l’âme de Dane puis, après la funèbre cérémonie, accompgna jusqu’au cimetière la dépouille mortelle.

Ici l’histoire devient plus intéressante, et, voici comment.

Vers 11.30, ce midi, un homme se présente à la morgue, et déclare qu’il est le frère de Mlle Fynn – ce qui peut arriver sans miracle, – et il ajoute, énervé, que sa soeur s’est trompé, et que son frère Dan, qu’elle a fait enterrer et qu’elle a reconduit au cimetière est actuellement en prison où il purge une sentence de 15 jours – ce qui semble un mystère. »

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LA PRISON DE BORDEAUX EN 1912

L’ÉMEUTE DE LA PRISON SAINT-VINCENT-DE-PAUL [LAVAL, 24 AVRIL 1886]

LES ENLÈVEMENTS DE CADAVRES [1883]

QU’EST-IL ARRIVÉ À THOMAS DAVIS? (SHERBROOKE, 17 FÉVRIER 1884)

En prison à huit ans [Kingston, 1845]

Credit: Dept. of Public Works / Bibliothèque Archives Canada / PA-046242 Non-daté.

Credit: Dept. of Public Works / Bibliothèque Archives Canada / PA-046242 Non-daté.

Bienvenue à Kingston

Le plus jeune prisonnier à avoir séjourné au pénitencier de Kingston, Ontario, est Antoine Beauché. Selon plusieurs sources, dont un rapport gouvernemental dont nous aller parler plus loin, il avait huit ans à son arrivée.

En novembre 1845, Antoine Beauché et trois complices, c’est-à-dire ses frères Louis (12 ans),  Narcisse (âge incertain, entre 12 et 19 ans) ainsi que leur ami  Francis Bernard (12 ans) sont condamnés  à trois ans de prison pour un vol commis à bord du Sydenham, un bateau qui naviguait entre Québec et Montréal. Les sources que j’ai consultées indiquent qu’ils étaient tous natifs du Bas-Canada.

On trouve des traces du séjour des frères Beauché au pénitencier de Kingston dans le Rapport des commissaires chargés de s’enquérir de la conduite, discipline et régie du pénitentiaire provincial avec les documents transmis par les commissaires (1849).

Il y avait des rumeurs de mauvais traitements envers les prisonniers.

Et ce qu’on apprend est loin d’être joli.

Le rapport est disponible sur Notre mémoire en ligne. Pour les Québécois, il est possible d’y accéder gratuitement sur le web en vous abonnant aux services à distance de BANQ.

Mauvais traitements

Le rapport indique qu’entre le 14 novembre 1845 et le 14 octobre 1846, Antoine Beauché a reçu plus de 56 punitions pour avoir parlé, ri, crié dans sa cellule, gâté un livre, donné du tabac à un prisonnier, fait preuve d’indécence,  volé du pain, répandu du vinaigre, etc. Ces infractions menaient à 3 à 4 coups de martinets et  à un régime au pain et à l’eau. A deux reprises, il a dû passer 24 heures aux cachots. Les commissaires concluent: « Nous regardons cette affaire comme un cas d’inhumanité révoltante » (p.194). Antoine Beauché a été relâché au terme de sa peine.

Pour ce qui est de Louis, c’est une longue suite de coups de martinets et de régime au pain sec et à l’eau, pour des infractions aussi mineures que jouer, parler, rire, se moquer de son frère, avoir fait des clins d’oeil aux prisonniers, avoir laissé son siège, etc. Il a également été libéré de prison au terme de sa peine.

Le cas le plus tragique est celui du frère aîné, Narcisse. Il a subit le martinet et le régime au pain et à l’eau pour des infractions comme avoir parlé, fait du bruit dans sa cellule, avoir joué des tours aux autres prisonniers, avoir dansé dans sa cellule, avoir été impertinent, etc.

Je reproduis ici le témoignage de l’ex-garde Robinson, issu du rapport précédemment nommé (p. 201).

« Il se souvient d’un jeune détenu appelé Booshee (Beauché); c’était un petit garçon de douze à quatorze ans; il a été très souvent puni du fouet. Sa faute ordinaire était de faire du bruit dans sa cellule. Il se rappelle qu’une nuit, il y a environ deux ans, alors que le témoin était de garde pour surveiller les prisonniers, la prison fut troublée par ce jeune homme. Il se réveilla avec une grande frayeur, s’écriait qu’il y avait quelque chose sous son lit, et appelant le prêtre pour qu’il vînt le voir. Il grimpa sur les barreaux de sa fenêtre et de la porte, criant de toute la force de ses poumons; il sortait de sa bouche du sang et de l’écume. Le gardien Hooper alla trouver le préfet, et le fit sortir de son lit; lorsque le préfet arriva l’enfant criait encore. Le préfet dit aussitôt: « Ouvrez la porte afin que je fasse sortir ce polisson », Hooper ouvrit la porte et sur l’ordre du préfet le témoin fit sortir Boshee, qui était complètement nu; l’enfant fut renversé sur le dos et l’on essaya de lui mettre un baillon, mais sans succès. L’enfant dit alors au préfet en français qu’il se tiendrait tranquille, et il fut réintégré dans sa cellule.  Le préfet rapporta au témoin ce que l’enfant avait dit: Du moment où l’enfant eût été remis dans la cellule il fut pire que jamais, criant qu’il avait quelque chose sous son lit. Le préfet alors ordonna de le tirer de nouveau de sa cellule. Hooper et le témoin le tinrent par terre et le préfet le frappa avec un bout de cable aussi longtemps qu’il pût. L’enfant était fortement lacéré; les cordes avaient coupé la peau. La chemise du témoin fut tellement ensanglanté par le contact de l’enfant qu’il fût obligé de la changer le lendemain matin. L’enfant n’est plus jamais sorti de la cellule, pense le témoin, jusqu’à ce qu’il fût reconnu pour fou et envoyé à l’asile des aliénés du Bas-Canada, sous la garde du témoin. »

Un autre témoignage révèle qu’il croyait voir le spectre de sa mère.

Le 12 août 1846, Narcisse Beauché est transféré à l’asile de Beauport.

Que sont-ils devenus?

Je n’ai pas réussi à trouver avec certitude ce que sont devenus Louis et Antoine.  Se sont-ils mariés? Quand et où sont-ils décédés? Quant à Narcisse, en 186118711881, il se trouvait toujours à l’asile de Beauport. Je n’ai pas trouvé la date ni le lieu de naissance des trois frères. 

Bibliographie

Rapport des commissaires chargés de s’enquérir de la conduite, discipline et régie du pénitentiaire provincial avec les documents transmis par les commissaires (1849).

Friends of the penitentiary museum. [en ligne]Canada’s penitentiary museum. Page consultée le 29 mai 2014. http://www.penitentiarymuseum.ca/default/index.cfm/history/

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INAUGURATION DE LA PRISON DES FEMMES [MAISON GOMIN] À QUÉBEC EN 1931

L’ÉMEUTE DE LA PRISON SAINT-VINCENT-DE-PAUL [LAVAL, 24 AVRIL 1886]

UNE VISITE DE LA PRISON DE QUÉBEC EN 1835

La prison de Bordeaux en 1912

Visite d’une prison qui 100 ans plus tard continue d’accueillir des détenus.

La Patrie, 18 novembre 1912

ON A COMMENCE CE MATIN LE DEMENAGEMENT DES PRISONNIERS A LA NOUVELLE PRISON DE BORDEAUX
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Pendant qu’on faisait brillamment et bruyamment l’inauguration de notre cale-sèche à Maisonneuve, une autre inauguration moins tapageuse, moins joyeuse et surtout moins honorifique a eu lieu ce matin; inauguration qu’il importe de ne pas passer sous silence parce qu’elle marque également un progrès civilisateur, dans son genre.

Il s’agit du déménagement d’un premier lot de prisonniers de la vieille et historique prison du Pied du courant, à l’autre plus spacieuse et plus moderne, surtout plus hygiénique, mais prison quand même de Bordeaux.

Et, en admettant qu’il y ait une certaine satisfaction pour les détenus à se sentir moins entassés, il n’y a tout de même pas de quoi se réjouir du voyage, puisque l’air plus sain qu’ils respireront là-bas, ne sera pas encore celui de la liberté.

Photographie | Prison de Bordeaux, Montréal, QC, 1912 | VIEW-12690

Prison de Bordeaux, Montréal, QC, 1912

Ce déménagement s’est effectué dans le plus grand ordre, toutes les mesures de précautions ayant été prises par le gouverneur Vallée et son personnel.

DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE LA NOUVELLE PRISON

La nouvelle prison est située sur le bord de la Rivière des Prairies, à Bordeaux sur un vaste plateau bien exposé à l’air. L’énorme agglomération de bâtisses que l’on y voit, même quand on passe en chemin de fer, donne une idée de l’importance de l’établissement. L’entrée principale fait face à la rivière. C’est une bâtisse qui ressemble à un fort avec créneaux et meurtrières, dans le style romain.

C’est le quartier des gardes de la prison. Nul ne peut pénétrer à l’intérieur sans passer devant la sentinelle de faction et avoir le mot de passe. Un large corridor nous conduit dans la cour commune de la prison. D’un côté on voit les écuries et les ateliers de réparation, de l’autre l’usine où sont installées toutes les machines nécessaires pour fournir la lumière, la chaleur, etc. Au centre est le corps principal de la prison. C’est d’abord la bâtisse des bureaux de l’administration.

Elle a deux étages et mesures 120 pieds par 37, le premier est consacré aux bureaux du shérif, du gouverneur et de leurs secrétaires. Au-dessus se trouve la chapelle pour les protestants, l’autel, la chaire et des bancs en sont en bois bruni, les fenêtres très hautes défient toutes tentatives d’évasion.

Au centre du premier étage, on voit une énorme porte en fer; c’est par là qu’on entre véritablement dans la prison. Dès qu’on a franchi cette porte, on se trouve dans une des cinq grandes allées qui composeront cette geôle.

Toutes les ailes sont à trois étages, dans celle-ci, aile « F », au premier étage se trouvent d’abord les salles où l’on met les prisonniers à leur arrivée à la prison. Ils attendent dans des petites cellules qu’on vienne les chercher pour les faire déshabiller, laver et prendre le costume de la prison, après quoi on les envoie dans leur chambres respectives. Quand les détenus ont laissé leur tenue du dehors, on prend leur ligne et on le fait bouillir dans un immense réservoir placé de l’autre côté du corridor. Quand il a été bien lavé, on le fait sécher dans un autre appartement, chauffé à la vapeur, puis, on le prend, on l’étiquette et le met sur une des nombreuses cases, mises dans une autre pièce à cet effet. C’est là que le détenu, à sa sortie de prison, ira échanger sa [illisible] pour son ancien habit. Comme on le voit on ne sort pas par la même porte qu’on est entré.

A ce même étage se trouve les salles de réception. Ce sont des cabines à treillage métallique, séparées entre elles au milieu, par un petit corridor d’environ 3 pieds. On peut se parler facilement, mais il est absolument impossible aux détenus de se passer quoi que ce soit. Un garde fait les cent pas sur une galerie qui donne juste au-dessus de ces cabines.

Au deuxième et troisième étage de cette aile, sont les différentes salles de l’infirmerie. Salle commune, salles pour les contagieux, salles pour les fous, salles capitonnées et salles pour les fous furieux, ces dernières sont à remarquer, chacune contient trois portes, une en avant et deux dans les côtés, lorsque le gardien à affaire à entrer, il le fait par en avant, si le fou se jette sur lui, ce qui arrive le plus souvent, les deux autres gardes entrent par le côté et maîtrisent le forcené.

Après avoir parcouru toute cette aile, on arrive à la rotonde, c’est-à-dire l’endroit où tout vient aboutir, dans la prison, c’est le centre de l’activité et de la surveillance. Les cinq ailes de la prison convergent à la rotonde.

La Patrie, 18 novembre 1912

La Patrie, 18 novembre 1912

Au centre de la rotonde, est le kiosque où se fait la distribution de la ration aux prisonniers. Ils viennent à la file indienne prendre leurs plats, s’en retournent manger dans leur cellule, et rapportent leur ustensile au même endroit d’où ils sont descendus à la cuisine pour le lavage. C’est par un énorme ascenseur hydraulique qui vient du sous-sol, que sont amenées ces rations.

Au dessus de ce kiosque, dans la rotonde encore, se trouve le poste d’observation. De là, le gardien, et un seul suffit, peut voir et surveiller les 920 détenus que peut contenir la prison. Il a vu partout et sans se déplacer. Il a sous la main, tous les services de la prison. Des tables sur lesquelles sont les différentes commandes d’éclairage, d’eau, d’alarme, etc. Un immense projecteur est même à la disposition du gardien, au cas où un bruit insolite se ferait entendre durant la nuit et qu’il voudrait en connaître la cause. Ce projecteur pénètre jusque dans les coins les plus reculés des galeries.

Le gardien peut encore voir de son poste d’observation tout le système d’appel qui communique avec les chambres des détenus et dont nous parlerons tout-à-l’heure.

Au-dessus de cette salle de gardien, se trouve la chapelle catholique. Cette chapelle est placée d’une façon si ingénieuse que les détenus placés aux angles de chacune des ailes peuvent parfaitement bien voir et entendre la messe. Chacun suit la messe dans l’aile où il a sa cellule et ainsi il ne peut y avoir de promiscuité.

De la rotonde, nous pouvons passer dans chacune des ailes où sont les chambres des prisonniers. Ce sont encore de vastes bâtisses à trois étages, longues de 233 pieds et larges de 52. De chaque côté, à chaque étage il y a 33 cellules, toutes éclairées par une petite fenêtre grillagée.

Les portes sont en fer plein et peuvent s’ouvrir toutes en même temps, par séries de 38 et se fermer de la même manière. Grâce au système Adams, de Joliette, Illinois, les portes peuvent encore se fermer ou s’ouvrir par série de onze. Par un autre dispositif, on peut encore ouvrir les portes une par une, ou toutes les ouvrir ou les fermer, à l’exception d’une ou deux, comme on le veut. Un seul homme suffit à toute cette opération, il n’a que trois léviers à actionner et c’est l’affaire d’une demi-minute.

La chambres des détenus mesure environ 5 pieds par dix; comme ameublement, on y voir une couchette en fer, qui se replie et dont les pieds sont fixés dans le ciment, une table et un banc en bois, scellés au mur, un cabinet d’aisance, un lavabo et une lampe électrique. Si l’on veut avoir de l’eau pour se laver, on n’a qu’à presser sur un bouton, si c’est de l’eau pour boire que l’on désire, on presse un autre bouton, mais, toujours, il n’en sort qu’une quantité limitée. Un autre bouton électrique permet au détenu d’appeler de l’aide dans le cas où il se trouverait indisposé. C’est ce bouton qui communique avec le poste d’observation et qui donne le numéro de la chambre, en même temps que l’étage où elle se trouve. Les murs sont en plâtres et le sol en carreaux.

De place en place, on a installé des chefs et des boyaux pouvant servir en cas d’incendie et au besoin à réprimer ceux qui seraient tentés de se révolter. Une galerie large de quatre pieds s’étend tout le long des cellules.

Potence. La Patrie, 27 septembre 1912

Potence. La Patrie, 27 septembre 1912

Au deuxième étage de l’infirmerie on a placé des chambres des condamnés à mort. Il y en a quatre. Chacune se compose de deux salles, à peu près le double des autres, l’une sert de chambre à coucher et l’autre sert de promenade. Dans cette dernière se trouve une porte qui donne immédiatement à l’échafaud. Ces gibets ont plutôt l’air de balcons et on les prendrait comme tels, si on ne savait pas, par ailleurs, que c’est là qu’on envoie dans l’éternité ceux que la société rejette de son sein.

Voici pour les détenus ordinaires et pour les condamnés à mort, mais il est une autre classe de prisonniers à qui il faut des appartements spéciaux. Ce sont les récalcitrants, ceux qui ne peuvent rester en paix avec leurs voisins ou qui ne peuvent pas se soumettre à la discipline et aux règlements de la prison. Ces appartements sont de deux sortes, les premiers qu’on nomme cachots n’ont pas beaucoup de différence avec les autres, si ce n’est qu’ils sont complètement séparés et que leurs occupants ne peuvent pas communiquer avec l’extérieur, les autres sont les donjons, c’est là qu’on enferme ceux qui ont passé par les cachots et qui ne veulent pas se tranquilliser. Ce sont de petits appartements noirs où n’entre aucune lumière du dehors. Il y a dans la porte juste un petit treillis pour permettre à l’air de passer. Un homme qui passe quelques jours dans cet endroit horrible, est ordinairement beaucoup plus doux. A l’extrémité du corridor où se trouvent les donjons, il y a les salles de douches, avec lesquelles on parvient toujours à maîtriser même les plus féroces.

Le soin de nourrir les nombreux prisonniers est une autre question qu’on n’a pas oublié. Des cuisines immense ont été aménagées dans le sous-sol. Tout y est placé avec ordre et est d’une propreté irréprochable. Deux gros fours permettront aux prisonniers de cuire leur pain eux-mêmes. Un petit char amènera le comestible à l’ascenseur de la rotonde.

Comme nous l’avons déjà dit la lumière, le chauffage, la ventilisation sont fournis à la prison par des machines modernes installées dans une immense usine mesurant 190 pieds de front sur une quarantaine de largeur.

Enfin, pour terminer, dison que chaque aile a sa cour qui lui est propre et que les détenus ne peuvent pas se mêler ensemble. On trouve encore à la prison des salles où les prisonniers pourront travailler aux différents métiers qu’ils voudront choisir et où l’on fabriquera des objets servant exclusivement au besoin de la prison.

Un mur en béton haut de 29 pieds entoure tous les bâtiments et empêche absolument toute tentative d’évasion.

Comme nous le disons au commencement de cet article, les prisonniers ont été transportés par voie du Pacifique, aujourd’hui à la nouvelle prison. Des gardiens sont arrivés hier pour se familiariser avec les différents départements et systèmes de la prison. A mesure que ces gardiens seront devenus plus intimes avec les aires, on en fera venir d’autres et les prisonniers suivront. On compte qu’au Jour de l’An tout sera terminé.

Pour en savoir plus sur l’histoire de la prison de Bordeaux.

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L’émeute de la prison Saint-Vincent-de-Paul [Laval, 24 avril 1886]

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Patrimoine: des prisons qui ont une deuxième vie (première partie)

Patrimoine: des prisons qui ont une deuxième vie (deuxième partie)

Inauguration de la prison des femmes [Maison Gomin] à Québec en 1931

La Maison Gomin. L'Action catholique, 24 octobre 1931

La Maison Gomin. L’Action catholique, 24 octobre 1931

L’Action catholique, 24 octobre 1931

INAUGURATION PROCHAINE DE LA PRISON DES FEMMES
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Les Soeurs du Bon Pasteur en prendront charge dans quelques jours. – Les travaux ont été exécutés en fice [sic] fice a l’aspect d’un ancien Château Féodal- L’édi- [sic]
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CELLULES POUR CENT PRISONNIÈRES
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La Prison des femmes est maintenant terminée. Bientôt, peut-être, la semaine prochaine, les dernières formalités seront remplies et les RR. SS. du Bon Pasteur prendront charge de cet édifice. Arrivant d’une visite faite de cette construction toute fraîche, nous voudrions apprécier brièvement l’oeuvre de l’architecte Chenevert et du constructeur Frs. Jobin.

L’américanisme nous envahit dans tous les domaines, y compris le domaine de l’architecture. Mais les architectes en sont pas toujours responsables de cette évolution rapide. Bien des constructeurs imposent de suite à ceux de qui ils réclament des plans, le style yankee qui dépare l’aspect général de notre rocher centenaire.Et comme nous avons déjà critiqué le goût pour le moins douteux avec lequel certains de nos édifices publics étaient construits, on nous permettra bien de féliciter de suite M. Chenevert de son retour vers le passé. M. François Jobin de son exécution scrupuleuse et l’hon. Ministre Francoeur d’avoir accepté un projet qui tranche franchement avec la plupart de nos édifices publics de construction récente.

La Prison des femmes est un véritable château féodal du Moyen-Age. La photographie que nous reproduisons aujourd’hui dira mieux que nos commentaires les beautés extérieures de cet édifice, le premier que l’hon. Francoeur ait fait construire depuis sa nomination comme Ministre des Travaux Publics. Et pour rencontrer de suite les objections, nous ajouterons que M. François Jobin, aidé de M. Albert Dubé, a élevé et terminé cette maison en l’espace de douze mois exactement. Le coût total y compris l’achat d’un immense terrain, se chiffre à $350,000 et pas un extra n’as été ni réclamé ni donné.

Loin de nous de vouloir flagorner qui que ce soit; mais la Prison des Femmes est à l’honneur de l’Architecte Chênevert, de son aide l’ingénieur Wilfrod Dubé, de l’entrepreneur M. François Jobin, de son assistant M. J. Dubé, et surtout de l’hon. Francoeur qui a eu le bon goût de trouver excellente la conception moyen-âgeuse du projet Chênevert.

Et maintenant, donnons quelques supplémentaires sur cette construction qui sera en usage incessamment.

Le terrain sur lequel se dresse la prison est de 1,200 pieds par 400. La bâtisse elle-même mesure 172 par 36, plus une cour de 40 par 84. L’édifice est composé de deux parties nettement distinctes: la résidence des religieuses et la Prison proprement dite, la résidence pourra accommoder une vingtaine de personnes.

La prison proprement dite comprend trois sections différentes: section des juvéniles, section des détenues et section des prévenues. La partie centrale est réservée à l’administration et une magnifique chapelle gothique est au quatrième. Les Soeurs auront accès à la chapelle par en avant et les prisonnières par en arrière. Les appartements de l’aumônier sont aussi dans la partie centrale.

La partie du soubassement comprend le chauffage, les réfrigérateurs, les chambres des transformateurs, la buanderie, la cantine. L’installation est partout des plus modernes, et a été faite par la maison Jobin et Paquet lté. La grande cuisine est en bas mais il y a cuisinette à chaque étage, lesquelles sont reliées par un monte-charge un petit ascenseur fort commode.

Il y a accommodation pour cent prisonnières.

Toute la construction est en béton armé et à l’épreuve du feu. Tous les matériaux employés sont de provenance canadienne et généralement provinciale. La pierre utilisée vient de Deschambault. Le bois est de l’acajou.

Les plancher de la prison sont en  »Hallcomb » avec plinthes également en composition, cependant que les planchers de la résidence sont en linoléum.

Comme il convient, la décoration est sobre. On serait peut-être porté à croire que l’intérieur doit être un peu tortueux mais l’apparence extérieure n’affecte aucunement le côté pratique la disposition intérieure.

Les cellules ne sont pas toutes aussi sévères. Il en est pour les prisonnières paisibles; d’autres pour celles qui se soumettraient pas ou mal à leur sort; d’autres sont tapissées de cuir pour les furieuses. Les condamnées à mort auront leur cachot spécial s’il y en avait un jour.

Les prisonnières paisibles seront traitées légèrement. Elles auront des salles de récréation et pourront évoluer assez librement dans la partie qui leur sera réservée.

Les cellules réservées aux plus pacifiques sont de véritables chambres qui ont chambres qui ont accès à une chambre de toilette moderne. Les autres auront des toilettes intérieures.

Nous ne voulons pas entreprendre une description extérieure. Le lecteur n’aura qu’à regarder une reproduction de la photographie pour apprécier la beauté de ce style féodal breton du XIVe siècle. Ajoutons cependant que le point de vue de la tour est magnifique. Cette tour s’élève à 90 pieds et domine un toit de cuivre d’un fini très artistique et un paysage aussi varié qu’enchanteur.

On peut se rendre en prison par le chemin Ste-Foy et la route du Bois Gomin.

Comme nous le disions au début, M.Chenevert et son ingénieur M. Dubé n’ont rien sacrifié au modernisme si ce n’est l’accomodation intérieure. M. François Jobin, l’entrepreneur M. Dubé n’ont rien sacrifié au modernisme si ce n’est l’accomodation intérieur. M. François Jobin, l’entrepreneur et M. Albert Dubé, son assistant, ont suivi scrupuleusement les plans des architectes. Ils ont construits en douze mois et sans demander un seul extra. La bâtisse a été remise à l’hon. Francoeur à qui cette construction plaît par son style et par la qualité des travaux qui l’ont édifiée. Bientôt, ces jours-ci, les RR. SS. du Bon Pasteur s’y installeront pour y prendre soin des prisonnières.

Pour en savoir plus sur l’histoire de la Maison Gomin, consultez le répertoire du patrimoine culturel du Québec.

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L’émeute de la prison Saint-Vincent-de-Paul [Laval, 24 avril 1886]

Dans le journal La Patrie, édition du 26 avril 1886, on pouvait lire cet article

Toute la ville de Montréal ne parle ce matin que de l’échaffourée  de St Vincent de Paul, samedi soir.

C’est la sensation du jour. Les détenus ont voulu s’évader et se sont mis en révolte. Le soulèvement n’a commencé que vers quatre heures et quart samedi. Durant tout l’après-midi, les prisonniers ont été occupés à leurs différents travaux et rien ne faisait prévoir, à leur attitude, qu’ils ourdissaient un vaste complot pour forcer les portes du pénitencier et reprendre leur liberté.

Photographie | Pénitentiaire Saint-Vincent-de-Paul, Saint-Vincent-de-Paul, QC, 1884 | II-75151

Pénitentier Saint-Vincent-de-Paul, QC, 1884

C’est à l’heure que nous venons d’indiquer que les détenus qui travaillaient à tailler la pierre dans la bâtisse située au sud-est s’emparèrent soudainement des gardiens, les garottèrent avec de fortes courroies et se saisirent de leurs armes. Ils étaient quarante et les gardiens n’étaient que deux; comme on peut bien le croire la résistance ne fut pas longue. Ce fut le signal de la révolte. En même temps que ceux-ci se rébellaient, les cordonniers et les tailleurs de drap faisaient de même pour leurs gardiens au nombre de trois. Maîtres des carabines et des pistolets, ils sortirent de leur bâtisse et prirent la direction  des murs. C’est alors que M. Laviolette (Godefroy Laviolette), préfet du pénitencier, rentrait dans la cour pour faire sa visite quotidienne. Voyant le soulèvement, il ordonna aux prisonniers de poser les armes et de rentrer dans leurs cellules. On ne lui donna pas le temps de continuer. On se précipita sur lui et avant qu’il eut pu faire un mouvement pour se dégager et de défendre, on s’empara de ses pistolets et l’on fit feu sur lui.

[…] On lui demanda à plusieurs reprises de donner ordre de faire ouvrir les portes, mais M. Laviolette s’y refusa obstinément et fit acte d’une bravoure extraordinaire (l’article rapporte qu’on fit feu sur le préfet à trois reprises, le blessant grièvement)

[…]

Pendant qu’une bande frappait le préfet, au côté nord ouest, une autre, à l’aide d’une échelle faite à la hâte avec des plançons recueillis ça et là, escaladaient le mur de pierre du côté sud-est. Plusieurs avaient déjà atteint le faite lorsque le gardien Sanders, en sentinelle au coin Est, cria au gardien F. Chartrand (Ferdinand) et à l’instituteur fermier Kenyn, qui travaillaient au jardinage de l’autre côté du mur, de faire feu sur les révoltés. Ils obéirent et une balle vint frapper le prisonnier Peters à la tête. Elle ne fit que percer le chapeau. Peters, se croyant blessé, se laissa descendre et tous les détenus qui possédaient des armes firent feu sur Chartrand et le blessèrent à (illisible).

Le monde illustré, samedi 8 mai 1886

C’est alors que plusieurs ferblantiers et quelques-uns qui s’occupaient aux travaux d’excavations se mirent de la partie et la mêlée devint générale. […]Au moment où M.Laviolette tombait sous les balles de ses assistants, Corriveau, un des chefs de la révolte, à l’aide d’une grande pince, essayait de faire un trou dans le mur de planches pour faciliter l’évasion.

Le gardien Albert Paré le visa et le tua d’un coup de carabine. […] La mort de l’un des chefs jeta le désarroi parmi les prisonniers qui se réunirent tous au milieu de la grande cour et délibérèrent.

Pendant ce temps, le député préfet M. Ouimet, qui se trouvait dans la bâtisse principale, fit sonner la cloche et tous les prisonniers, sans résistance aucune, entrèrent dans leurs cellules en chantant et en disant: c’est à recommencer. A 5 heures, tout était rentré dans l’ordre.

Plusieurs détenus firent face à des accusations suite à cette émeute. L’instigateur de la révolte était un dénommé Louis Viau, purgeant une peine de cinq ans pour vol de grand chemin. Viau écopa d’une peine de 25 ans de prison pour tentative de meurtre envers le gardien Ferdinand Chartrand.

Le préfet du pénitencier, Godfroy Laviolette, resta handicapé suite à ses blessures. Il décéda en 1895.

Bibliographie

La Patrie, 11 juin 1886

Jean Cournoyer [En ligne] Pénitencier Saint-Vincent-de-Paul [Page consultée le 3 décembre 2011] Adresse:  http://memoireduquebec.com/wiki/index.php?title=Saint-Vincent-de-Paul%2C_Centre_correctionnel_(prison)

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Augustin Kennedy, déporté en 1826 aux Bermudes

Plusieurs centaines d’hommes, du Haut et du Bas Canada ont été au 19e siècle déportés, spécialement entre 1836 et 1840. Ils ont  transité, pour la plupart, par les prisons de Québec et de Montréal. La grande majorité étaient des soldats, mais certains étaient des brigands.  Ils ont été envoyé aux Bermudes, en Nouvelle Galles du Sud (Australie)et en Van Dieman’ Land (Tasmanie) pour 7, 14, 21 ans ou pour la vie. Internet permet de dévoiler quelques pans du parcours de ces hommes.

Un de ces déportés était Angustin Kennedy.

Ce que l’on sait à propos d’Augustin Kennedy

D’après le registre d’écrou des prisons de Québec, 19e siècle (BANQ), Augustin Kennedy est né au Canada, était âgée de 34 ans (lors de son arrestation ou de sa libération?) et mesurait 5 pieds 10. Notez que l’âge inscrit dans ces registres n’est pas toujours exact. Kennedy a été incarcéré le 8 octobre 1824.

Il a été condamné à la pendaison, pour meurtre. La sentence devait être exécutée le 31 mars. Elle a été reportée au premier vendredi de mai, puis reportée à une date ultérieure, selon le bon plaisir de sa Majesté. Il a finalement été déporté aux Bermudes le 6 septembre 1826 à bord du Carrington. Il n’y a pas d’autres prisonniers de la prison de Québec qui ont fait le voyage avec lui.

Pour le moment, je n’ai pas repéré le Carrington dans la liste des arrivées et départ au port de Québec pour cette période. Peut-être a-t-il embarqué à bord d’un autre bateau ayant un nom semblable ou bien le Carrington a-t-il été oublié dans la liste des arrivages au port publiée dans les journaux du Bas-Canada.
Le site des National Archives de Grande-Bretagne en permet pas de voir beaucoup de documents en ligne gratuitement, mais il nous permet d’avoir accès à plusieurs résumés. On y trouve  deux documents à propos d’Augustin Kennedy.

Le premier document date du 27 août 1825.

Document no 1 Records created or inherited by the Treasury Solicitor and HM Procurator General’s Department
ff 144-151 (8 pages) Opinion of Law Officers in the case of R v Augustin Kennedy. Opinion requested respecting the validity of Kennedy’s conviction for the murder of Pierre Dube in Quebec, Canada, and whether it should be reduced to manslaughter.
27 August 1825

On a donc demandé des instructions concernant la validité de la sentence de culpabilité rendue envers Kennedy pour le meurtre de Pierre Dubé. On a songé à changer le motif d’accusation pour homicide involontaire.

Document no 2 date de 1842

Il s’agit d’un document du  Colonial Office, Commonwealth and Foreign and Commonwealth Offices, Empire Marketing Board, and related bodies.

Reports that the Roman Catholic Bishop of Quebec had submitted an enquiry for the wife of a convict named Augustin Kennedy concerning his fate. Colonial Office draft states that Kennedy was sent to England in HMS Vernon where he received a total remission of his commuted sentence of transportation for life.

Augustin Kennedy, après avoir purgé plusieurs années de sa peine, a donc reçu son pardon, puis a été envoyé en Angleterre via le HMS Vernon. Sa femme a tenté de le retracer, avec  l’aide de l’évêque.

Les journaux du Bas-Canada nous donnent un complément d’information.
D’abord, le Quebec Mercury du 2 avril 1825, à la page 4, publiait ce jour-là la liste des condamnés, leurs délits et leurs peines. Voici:

District of Quebec King’s Bench, March Term
Augustin Kennedy- convicted of the wilful murder of Pierre Dubé at the Parish of Green Island on the first of October, 1824. – Sentence : to be hanged on Friday 31st March, and the execution respited by the Court until Friday, the 8th of April next, when it is ordered that the sentence be carried into effect.

Augustin Kennedy a donc tué Pierre Dubé dans la paroisse de Green Island (L’Isle-Verte, près de Rivière-du-Loup ?) le 1er octobre 1824. Condamné à la pendaison, l’exécution de sa sentence a été reportée de quelques jours.

Le 9 avril 1825, le Québec Mercury mentionne que Kennedy a obtenu un sursis d’un mois. Nous savons qu’il y aura eu par la suite commutation de la peine.

Plusieurs questions  demeurent. Pourquoi la peine de Kennedy a-t-elle été commuée en déportation? Peu de gens étaient déportés à l’époque. Peut-on en savoir plus sur les circonstances entourant le meurtre de Pierre Dubé? Quelles ont été les conditions de vie de Kennedy aux Bermudes? A-t-il pu rentrer au Bas-Canada?

Prisonniers aux Bermudes
Le déporté se voit  assigner par le gouvernement à un bateau-prison (prison hulk) ou à une terre et on lui donne un travail.

Contrairement aux colonies pénitentiaires australiennes, il existe peu d’informations sur internet concernant les colonies des Bermudes. Si on cherche, on voit qu’il existe un petit cimetière de convicts (prisonniers) sur l’Ile Ireland. 2000 des 9000 prisonniers envoyés là sont morts.

Le texte Prison Hulks In Bermuda nous en apprend un peu plus sur la vie des prisonniers aux Bermudes. Pour plusieurs, être envoyés aux Bermudes signifiaient une amélioration de leurs conditions de vie. Mais c’était sans compter les épidémies de fièvre jaune qui ont fait des ravages dans cette région.

Certains objets liés aux prisonniers sont exposés au Bermuda Maritime Museum, mais vous ne les verrai pas sur leur site internet. Allez plutôt sur Flickr , une charmante touriste a croqué sur le vif les collections du musée.

Les autres déportés Bas-Canadiens des Bermudes

Outre Augustin Kennedy, il y a eu  Louis Bissonet, André Auger, Joseph Bergeron, Michel Monarque, John Bowman, Alexandre Fraser, William Kirk, John Plunket, John Boyle, Robert McAfferty, John Broad, Edward Walsh, Walter Gibbons, John Jordans et John Lilly.

Ils ont pour la plupart été condamnés pour vol et déportés entre 1814 et 1826.

Cette liste a été établie d’après le Registre d’écrou des prisons de Québec, 19 e siècle, BANQ.

N’oublions pas les déportés de 1838 qui sont assignés aux Bermudes pendant trois mois: Robert-Shore-Milnes Bouchette, Rodolphe Des Rivières, Henri-Alphonse Gauvin, Siméon Marchessault, Luc-Hyacinthe Masson, Bonaventure Viger, Wolfred Nelson et Toussaint-Hubert Goddu.

Des recherches plus poussées, au fur et à mesure que les archives concernant les prisonniers seront numérisées et disponibles en ligne, permettront de dresser un portrait plus complet de ces hommes déportés aux Bermudes.

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La déportation d’après les registres d’écrous des prisons de Québec (Bas-Canada, 19e siècle)

Registre d’écrou de la prison de Québec: un prisonnier « dead by the visitation of God » (1834)

En fouillant dans les Registres d’écrous des prisons de Québec au 19e siècle mis en ligne par BANQ pour mettre à jour le billet La déportation d’après les registres d’écrous des prisons de Québec (Bas-Canada, 19e siècle) je suis tombée sur une mention intriguante.

Il y avait dans la fiche d’un des candidats à la déportation ces mots:   »Coroner inquest, dead by the visitation of God ».

C’est à la prison de Québec que James Ryan a été emprisonné. La prison est part la suite devenue le College Morrin, puis le Centre Morrin. On voit ici le bâtiment de la prison alors qu’il sert de collège. Photo: Fred Würtele, 1902. Source BANQ

Cet homme, James Ryan, est probablement décédé le 8 septembre 1834. Il a été emprisonné le 14 août 1833, étant alors âgé de 24 ans. C’était un  »military convict » (soldat et prisonnier) condamné à la déportation. Où devait-il être déporté? Pour combien de temps? On ne le sait pas.

41 des pensionnaires des prisons de Québec au 19e siècle ont la mention  »dead by the visitation of God » à leur dossier.

Que veut dire l’expression  »dead by the visitation of God » (visitation de Dieu)? Il faut regarder du côté du coroner.

Tous les cas de mort suspecte tombe sous son autorité [le coroner], même ceux où le médecin s’est trompé par ignorance dans le traitement de la maladie. Si le coroner et le jury ont tout lieu de reconnaître que le décès doit être attribué à des causes naturelles ou, selon l’expression anglaise, à la visitation de Dieu, visitation of God, ils constatent et expriment le fait. (Réf)

Ce type de verdict était donc rendu suite à l’examen du cadavre pour déterminer la cause du décès. Dans certains cas, c’était l’équivalent de  »mort de cause naturelle ».

Webographie

About.com [en ligne] Visitation of God [Page consultée le 1er juin] Adresse URL
Revue des deux mondes, Volume 73, p. 691 et 692 Adresse URL

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La bande à Chambers, 3e partie: Sur les traces de Charles Chambers

J’ai consacré, ces derniers jours, deux billets à la bande de Charles Chambers, responsable de plusieurs crimes commis dans la région de Québec entre 1831 et 1835 (voir La bande à Chambers, première partie et  deuxième partie).

Nous avons vu que le chef, Charles Chambers et un de ses acolytes, Nicholas Mathieu, ont été condamné à mort, puis ont vu leur sentence commuée en exil dans une colonie pénale. Or, il existe plusieurs versions concernant la suite des événements (voir La bande à Chambers, deuxième partie).  Charles Chambers a-t-il été jeté par-dessus bord? Pendu à Liverpool? Est-il mort en Australie? Quelle version est la bonne?

On sait, grâce au Convict Index des Archives de la Nouvelle Galle du Sud, qu’un certain Nicholas Mathieu est arrivé en Nouvelle-Galles du sud par le Waterloo en 1838. S’agit-il de l’acolyte de Chambers? Si on retrouve Mathieu, retrouvera-t-on Chambers par la même occasion?

J’ai donc suivi la piste du Ceres. Les sources indiquent que Chambers, Mathieu et d’autres condamnés ont embarqué à bord du Ceres du capitaine Squire à Québec le 27 mai 1837. La destination était l‘Angleterre (Le Populaire, 31 mai 1837).  J’ai donc reconstituée la liste des passagers du Ceres grâce au registre d’écrous des prisons de Québec au 19e siècle mis en ligne par BANQ . Le registre des écrous  nous révèle que les passagers du Ceres sont des hommes condamnés entre 1833 et 1837. L’article de Pierre-Georges Roy sur la bande à Chambers, dans son livre Les petites choses de notre histoire, septième série, a aussi fourni plusieurs noms.

Le Morning Chronicle de Londres, en date du 21 juillet 1837, mentionne le Ceres et le capitaine Squire. Le Ceres est probablement arrivé à Londres un peu avant cette date.  (Réf.British Newspapers 1800-1900 mots-clés  »squire » et  »ceres ». Le site est payant, mais l’aperçu montre que le bateau provient de Québec).

J’ai ensuite consulté le Index to Tasmanian convicts (maintenant intégré au Tasmanian Name Index) et le Convict index of New South Wales archives pour voir s’il y avait des concordances (nom du prisonnier, date d’arrivée, endroit où il a été jugé, etc). Les informations mises en ligne sont fragmentaires, mais suffisantes la plupart du temps pour affirmer qu’il s’agit bien des prisonniers du Ceres. Voici un résumé de ce que j’ai trouvé.

  • D’abord, plusieurs prisonniers sont arrivés en Tasmanie à bord du Neptune le 18 février 1838 (départ de Londres le 7 octobre 1837). (Réf) Ces prisonniers sont: Patrick Fleming, John Wakeman, Jean Thibeau (Thibault), William Hunter, James O’Neil, Patrick Sullivan, Jacques Moiseau (listé sous le prénom Joseph dans le registre) et James Brown (deux entrées sous ce nom le même jour).
  • D’autres sont arrivé en Nouvelle-Galles du sud à bord du Waterloo, probablement le 2 février 1838. Départ du port de Sheerness le 4 novembre 1837. Dans le Sydney Herald, il est écrit que le départ a eu lieu de Londres le 9 octobre 1837 et l’arrivée à Sydney le 8 février 1838 (Réf). Les passagers sont John Johnston (Johnson) (Réf) (il y a aussi un John Johnson arrivé en Tasmanie en 1838 à bord du Neptune), Georges Ryan, Nicolas Mathieu, John McAuliff ( ici et ici sous le nom de McAuliffe), William Cuthbert, Pierre Provost, Ambroise Provost, Gilbert Bernard, John Smith, Alexander Thibett’s, François Larocque, Joseph Tomache, William Audy, Pierre Giroux dit Cloutier(on trouve un Louis Cloutier arrivé par le Waterloo en 1838), Jean-Baptiste Moreau (inscrit sous le nom Jean-Baptiste Morean dans le registre), François Sanschagrin (appelé Francis Lanchagrin ici, serait mort noyé en 1841), Joseph Picard et Joseph Dolleur (épelé Doleur dans le registre).
  • Certains sont arrivés en Tasmanie à bord du Royal Sovereign le 8 janvier 1838 (départ de Downs le 7 septembre 1837). Les voici: William Disney et Patrick Brown.
  • Pour finir, d’autres sont arrivés en Tasmanie à bord du Moffatt le 1er avril 1838 (départ du port de Woolwich le 27 octobre 1837). Il s’agit de William Allen, James Shuter (Suitor) Jr et James Shuter (Suitor) Sr.
  • Yvon dit Fraser: Il s’agit probablement de Louis Fraser, arrivé en NSW par le Lord Lyndoch.
  • Le dénommé Johnson de Trois-Rivières est probablement John Johnson, arrivé lui aussi à bord du Lord Lyndoch.
  • James Gordon: il serait arrivé en Nouvelle-Galles du sud en 1839 par le Theresa ou Teresa, jugé à Montréal.

Mais il y a aussi ceux dont on n’a aucune trace ni en Australie, ni en Tasmanie…

  • Il y a sept prisonniers du Ceres dont on ne peut trouver, à ma connaissance, de traces en Australie: Joseph Côté, Joseph Moisan, Richard Burnard, John Nicholson, Jean-Baptiste Fournel, Zephyr Laneuville…. et Charles Chambers.

Conclusion

La destination du Ceres était l’Angleterre.  Ses  »passagers » ont été ensuite redistribués sur au moins quatre navires à destination de la Nouvelle-Galles du sud et de la Tasmanie.  Sept prisonniers ne figurent pas, à ma connaissance, dans les répertoires des  »convicts » de Tasmanie et d’Australie, soit Jean-Baptiste Fournel, Zephyr Laneuville, Joseph Moisan, Joseph Côté, Charles Chambers, Richard Burnard et  John Nicholson. Il est toujours possible qu’il y ait eu des erreurs de retranscriptions, que certains fonds d’archives n’aient pas été complétement mis en ligne, etc… A cette étape-ci de ma recherche, je dois avouer que j’ai de plus en plus de difficulté à croire que Charles Chambers a mis les pieds en sol australien ou tasmanien…Il ne figure pas dans les index consultés, contrairement à son complice Nicholas Mathieu et à la majorité des autres prisonniers du Ceres.

Chambers est-il décédé avant son arrivée en Australie?  A-t-il été enfermé dans une prison anglaise ou bel et bien exilé en Australie ou en Tasmanie? Et  Côté, Laneuville ainsi que les autres passagers du Ceres, que sont-ils devenus? Existe-t-il des traces de leur destin dans les archives? A suivre…


La quatrième partie de ce billet se trouve ici

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