La grippe espagnole à Québec, deuxième partie – Précautions utiles contre la grippe actuelle [Québec, octobre 1918]

Suite de La grippe espagnole à Québec, première partie [27 septembre 1918]

Extrait de l’Action catholique, 8 octobre 1918

BUREAU D’HYGIENE
CITE DE QUEBEC

PRECAUTIONS UTILES CONTRE LA GRIPPE ACTUELLE

CONSEILS AUX FAMILLES

Le plus grand danger de la grippe actuelle n’est pas celui d’en être atteint, mais c’est de ne pas savoir comment s’en défendre.

Presque tous les cas graves ou mortels se rencontrent chez ceux qui s’en moquent, qui ne veulent pas arrêter et plus particulièrement chez ceux qui ne prennent pas le temps de se bien guérir.

Les personnes sans résistance, déjà affaiblies par des maladies antérieures, souffrant dans quelques uns de leurs organes, surtout du côté des voies respiratoires ne sauraient être trop prudentes.

Si tous ceux qui en sont atteints avaient le bon esprit d’arrêter tout de suite, et de garder la chambre jusqu’à guérison complète tout en suivant un traitement judicieux, il est certain que le nombre de victimes de cette maladie (espagnole ou non) serait réduit à un minimum étonnant.

C’est dans le but de rendre services aux familles qui n’ont pas la bonne fortune de toujours avoir un médecin à leurs côtés que le Bureau de la Santé croit bon et utile de leur donner les conseils qui suivent.

  1. Isoler le malade dans une chambre bien éclairée et aérée.
  2. Pour les cas graves surtout, il faudra limiter les visites aux personnes indispensables au malade.
  3. Le malade ne devrait jamais laisser la chambre tant que la fièvre, la toux et les sécrétions du nez et de la gorge ne seront pas disparues.
  4. Se servir de préférence de papier ou de chiffons pour recueillir les crachats ou autres sécrétions pour les jeter au feu aussitôt.
  5. Un des moyens les plus efficaces de se garantir contre la maladie, c’est d’éviter tous les excès dans le boire et le manger, de tenir ses intestins libres, de se protéger contre les refroidissements, les fatigues et les veillées prolongées.
  6. En d’autres termes, cette grippe, comme toutes les maladies, du reste, se développera de préférence sur un terrain mal préparé.
  7. Les gorgorismes, les vaporisations du nez et de la gorge sont d’excellents moyens de protéger très efficacement tous ceux qui vivent au contact d’une grippe quelconque.
  8. Les malades, une fois guéris, ne devraient, dans aucun cas, reprendre leurs occupations sans consulter leur médecin.
  9. Tous ceux qui sont exposés à la contagion ne devraient pas fréquenter les églises, les théâtres, les écoles ou tout autre lieu de rassemblement, et se priver de toute relation sociale inutile.
  10. Dans un temps d’épidémie comme celui que nous traversons, le plus sage est de ne pas se mêler au public dès qu’on se sent moins bien et de consulter un médecin sans retard. Ceci est vrai surtout pour ceux qui fréquentent les écoles
  11. Au moindre signe de toute indisposition qui n’est pas ordinaire, il faudra garder les enfants à la maison, vider leurs intestins et les mettre à la diète.
  12. Durant tout le cours de la maladie et après guérison, tous les objets qui ont servis au malade devront être traités par l’eau bouillante ou la formaline selon leur nature.
  13. Après la maladie les chambres devront être très bien aérées durant deux jours avec fenêtres largement ouvertes. Les planchers seront lavés, ou à défaut, balayés avec du bran de scie bien imbibé d’une solution de bichlorure ou autres désinfectant approprié. Pour être plus complet, on essuiera les boiseries et les meubles avec la même solution.
  14. Le Bureau de la Santé compte tout particulièrement sur la bonne volonté des médecins pour lui déclarer au moins tous les cas offrant quelque gravité. Ceux des médecins qui auraient épuisé leur livret de déclaration n’ont qu’à téléphoner au Bureau, 967
  15. Nous comptons également que toutes les maisons d’éducation vont se faire un devoir strict de nous tenir au courant des absences des élèves au moyen des enveloppes affranchies que nous leurs avons adressées.

Si chacun veut y mettre un peu de bonne volonté, les résultats seront surprenants.

Dr C.-R. Paquin,
médecin municipal.

Billets reliés

Des nouvelles de Grosse ile [16 juin 1847]

Les allumetières et la nécrose maxillaire [XIXe et XXe siècles]

La maladie des sauteurs du Maine

Le Traité élémentaire de matière médicale et guide pratique des Soeurs de Charité de l’Asile de la Providence [1870]

La grippe espagnole à Québec, première partie [27 septembre 1918]

Voici quelques articles provenant de l’Action catholique.

Extrait de l’Action catholique, 27 septembre 1918

LA GRIPPE ESPAGNOLE
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QUE FAIT NOTRE DEPARTEMENT D’HYGIENE & LE DOCTEUR JOLICOEUR LUI REPROCHE DE NE PRENDRE AUCUNE MESURE DE PRECAUTION – L’OPINION DU DR SIMARD- L’EPIDEMIE SE PROPAGE AUX E.U.

Aux cours d’une entrevue hier soir, le coroner Dr Jolicoeur a fortement dénoncé le département municipal d’hygiène parce qu’il n’a encore pris aucune mesure de précaution contre l’épidémie de grippe espagnole qui nous menace. Il est convaincu que la maladie existe dans notre ville. Neuf matelots sont morts de la grippe espagnole: leurs cadavres ont été transportés dans les rues de la ville et les autorités civiques n’ont rien fait pour empêcher la maladie de se propager.

Le coroner dit que lorsqu’il a appris que les cadavres de ces matelots étaient à la morgue, il a recommandé à M. Moisan, l’entrepreneur de pompes funèbres, de demander au département d’hygiène de faire une enquête. M. Moisan s’est conformé à la recommandation du coroner, il a averti les autorités civiques, mais personne n’est allé à la morgue pour s’occuper de cette affaire.

Le coroner dit aussi qu’il n’a pas été informé officiellement que deux décès causés par la grippe espagnole se seraient produits à l’Hôtel Dieu.

L’OPINION DU DR A. SIMARD

D’après le Dr. A. Simard, président du Conseil d’hygiène de la province de Québec, il n’y a pas de grippe espagnole. Il s’agit tout bonnement de la grippe tout court, une maladie connue et que la faculté sait pertinement comment combattre.

La seule différence en ce qui concerne la nouvelle épidémie qui après tant de ravages en Europe a fait son apparition aux États-Unis, et pénétré en Canada causant par malheur un grand nombre de victimes, c’est l’acuité que prend la maladie dans certains cas et les complications qu’elle provoque.

Somme toute le nom ne fait rien à la chose: ce qu’il faut retenir, c’est ce que cette épidémie de grippe est plus maligne que certaines de ses précédent et qu’il importe par conséquent de prendre toutes les mesures préventives voulues pour en prévenir la propagation. Le docteur Simard assure que la chose est faite.

Quelques jours plus tard…

L’Action catholique, 2 octobre 1919

LE MANÈGE ET LA CITADELLE EN QUARANTAINE

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LES AUTORITES MILITAIRES PRENNENT DE GRANDES MESURES DE PRECAUTION CONTRE LA GRIPPE – 34 CAS AU MANÈGE

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De grandes mesures de précaution ont été prises, hier, par les autorités militaires, pour enrayer la propagation de la grippe espagnole. Le manège militaire et la citadelle ont été mis en quarantaine en raison des ravages que la maladie commençait à faire parmi les conscrits. L’ordre de quarantaine a été donné vers 1 heure. On comptait alors au manège seulement trente quatre cas.

Un millier d’hommes sont en quarantaine aux deux endroits.

La maladie se développe aussi dans la population civile de Québec, et plusieurs fabriques se trouvent sensiblement affectées par le grand nombre de maladie parmi leurs employés.

Les médecins municipaux prient les médecins de la ville de leur rapporter tous les cas qui seront portés à leur connaissance afin qu’il puissent prendre les mesures de précaution nécessaires, s’il est constaté qu’il n’y a pas danger de contagion.

La situation ne s’améliore pas…

Extrait de l’Action catholique, 8 octobre 1918

L’Action catholique, 8 octobre 1918

LES ECOLES SONT FERMEES
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CETTE MESURE A ETE PRISE A LA SUGGESTION DES MEDECINS DE LA VILLE- ON VERRA, CE SOIR, A FERMER LES THEATRES – POUR ENRAYER L’EPIDEMIE DE GRIPPE

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Suivant la suggestion faite, hier matin, à al [sic] conférence des médecins au sujet des mesures à prendre pour combattre l’épidémie de grippe, les Ecoles de la Commission Scolaire Catholique ont été fermées ce matin, sur ordre du Département d’Hygiène de la cité.

La chose a été communiquée, hier soir, à la Commission Scolaire par le secrétaire, M. Antoine Taschereau. Les membres de la commission ont été unanimes a reconnaître que cette mesures s’imposait.

Une réunion du comité de santé aura lieu, ce soir, à laquelle des mesures seront prises pour fermer les théâtres et les autres lieux d’amusement.

A la demande des autorités sanitaires, dans toutes les paroisses, les curés ont pris des mesures pour limiter les services religieux afin d’empêcher l’agglomération et de faciliter l’enrayement de la grippe.

Billets reliés

La grande tueuse – la grippe espagnole de 1918-1919 au Québec

La grippe espagnole de 1918-1919 à Montréal

L’émeute de la variole [Montréal, 28 septembre 1885]

Irma Levasseur: première femme médecin francophone au Québec [Québec, 25 avril 1903]

Remèdes miracles de l’ancien temps: quelques publicités

Peinture: Grosse-Ile vers 1838-1840 par Henry Hugh Manvers Percy

Le lieu

Grosse-Ile, située face à Montmagny, était depuis 1832 une station de quarantaine lorsque Henry Hugh Manvers Percy s’y arrêta. Ayant suivit quelques cours de dessin, ce jeune militaire décida de peindre ce qu’il voyait.

Grosse-Ile avait été aménagé pour recevoir les immigrants et garder sur place ceux qui étaient malades. On voulait bien sûr éviter la propagation de maladie comme le choléra qui avait affecté Québec en 1832 et en 1834.

Henry Percy s’arrête à la Grosse-Ile quelque part entre 1838 et 1840. Ce sont des années relativement calmes sur l’île.

Nombre d’émigrants versus taux de décès entre parenthèses
1837 31 894 émigrants (9.53%)
1838 2918 émigrants  (9.31%)
1839 7214 émigrants (4,76%)
1840 22 065 émigrants (7.31%)
1847 98 106 émigrants (37,26%)
(Ref. Gallagher, 1995, p. 389).

L’île a été un centre de quarantaine jusqu’en 1937.  En 1984, elle a été classée site historique.

L’artiste

Photograph | Major Hon. Henry Hugh Manvers Percy, Montreal, QC, 1862 | I-2401.1

Major Hon. Henry Hugh Manvers Percy, Montreal, QC, 1862

Henry Hugh Manvers Percy naquit à Burlwood House (Surrey, Angleterre) le 22 août 1817. Il était le fils du duc de Northumberland. Il fit ses études au collège Eton, puis entra dans l’armée en 1836. Il fut envoyé au Bas-Canada deux ans plus tard avec le second bataillon des Grenadiers Guards alors que se déroulaient les Rébellions de 1837-1838.

Il fut plus tard élevé aux rangs de capitaine et de lieutenant-colonel. Il participa à la guerre de Crimée. Il reçu la croix Victoria en 1857.  Entre 1855 et 1865, il fut aide de camp de la  reine. En 1861, il revint au Canada, au Nouveau-Brunswick plus précisément, dans le cadre de l’affaire du Trent. Il fut promu major (1861), colonel (1874) et général (1877).

Il décéda à Londres le 3 décembre 1877.

Les oeuvres

Ces aquarelles ont probablement été peintes durant une permission. La source des images suivantes est Bibliothèque et Archives Canada. Ce sont des aquarelles sur mine de plomb. On ne voit pas les émigrés, mais on a un aperçu des bâtiments sur l’île et des navires de l’époque.

Bibliographie

Bibliothèque et Archives Canada [en ligne] En quarantaine : la vie et la mort à la Grosse-Île, 1832-1937 [Page consultée le 17 décembre 2010] Adresse URL

Bibliothèque et Archives Canada [en ligne] Grosse Ile 1832-1937 [Page consultée le 17 décembre 2010] Adresse URL

Wikipedia [en ligne] Grosse Ile [Page consultée le 17 décembre 2010] Adresse URL

GALLAGHER, Marianna et Rose MASSON DOMPIERRE. Les témoins parlent Grosse Ile 1847. Livres Carraig Books, 2005, 438 pages.

PRIOUL, Didier.  »Henry Hugh Manvers Percy 1817-1877 », p. 402-405, tiré de La peinture au Québec 1820, 1850. Sous la direction de Mario Béland. Québec, Musée du Québec, Les Publications du Québec, 1991, 608 pages

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L’épidémie de choléra de l’été 1832 à Québec

13. Jeffery Hale (1803-1864) et l’hôpital qui porte son nom à Québec

La grande tueuse – la grippe espagnole de 1918-1919 au Québec

Grosse-île, station de quarantaine 1832-1937

Le naufrage du Lady Seaton (Iles de la Madeleine, 4 décembre 1847)

Légende: Le masque de fer de l’Ile aux Oies (1683-1749)

Grosse-île, station de quarantaine 1832-1937

Grosse-Ile est une île située au milieu du fleuve Saint-Laurent. Elle fait partie de l’archipel de l’Isle-aux-Grues.

1832. Depuis quelques années, le choléra fait des ravages en Europe. En guise de protection contre cette maladie, le gouvernement canadien ordonne la mise sur pied de la station de quarantaine de Grosse-île. Les immigrants provenant d’Europe devaientt, pendant 40 jours, y rester sous observation et recevoir des soins médicaux, si nécessaire. On espérait ainsi éviter la contagion. Jusqu’en 1937, Grosse-île a servit de station de quarantaine.

One day I shall be free

Grosse-île par Philofoto (Flickr)

Grosse-île est maintenant un site historique que vous pouvez visiter. Plusieurs bâtiments témoignant de son passé sont encore debouts. On y fait l’interprétation  »de l’immigration canadienne via le port de Québec, de la tragédie irlandaise de 1847 et du dévouement exceptionnel des gens qui y ont travaillé ».

Le site internet de Grosse-île vous donne un aperçu de ce que l’on peut voir sur cette île. La section Histoire est à visiter. On y retrace les moments marquants de l’histoire de la station de quarantaine (qu’on pense à 1847 où plusieurs dizaines de milliers d’Irlandais fuient la Grande famine). On y voit des photos d’archives. En fait, on a l’impression de feuilleter un vieil album photo.

Toujours dans la section Histoire, à gauche de l’écran, cliquez sur Visite virtuelle. Une carte de l’île va apparaître. Vous cliquez sur le point de votre choix et une photographie ainsi qu’une description de la fonction du bâtiment/lieu apparaît. Je vous conseille de zoomer pour mieux voir les bâtiments de l’ile.

Adresse: http://www.grosseile.ca/memorial-quarantaine-384-accueil.php

Complément:

Site de Parcs Canada: http://www.pc.gc.ca/lhn-nhs/qc/grosseile/index_f.asp

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