Des religieuses du Québec au Texas en 1887

Le Canadien, 4 novembre 1887

« DÉVOUEMENT SUBLIME

Nous avons annoncé il y a quelques temps l’arrivée en cette ville de Soeur St. Pierre, supérieure des religieuses du Sacré Coeur de Jésus au Texas, accompagnée de Soeur St. Placide, née Lemelin et belle-soeur de notre concitoyen M.Vallée, photographe. Le but du voyage de ces nobles filles était d’enrôler de nouvelles recrues pour les aider à agrandir le champ déjà si vaste de leurs missions.

Tandis que la dernière recrutait à Québec, sa compagne, qui est française, allait faire le même travail à Montréal. Leurs efforts ont été couronnés de succès, et aujourd’hui, elles repartent avec une trentaine de jeunes filles qui abandonnent tout pour aller partager leur vie de sublime dévouement, car la discipline de l’ordre est des plus sévères. Au nombre de ces futures servantes de Dieu sont Mlle Desroches, fille de M. Desroches, huissier de la cour du recorder, Mlle Casault, dont le père est aussi huissier, et Mlle Jobin, fille du sculpteur de ce nom.

Détail qui fait le plus grand honneur au gouvernement américain, c’est lui qui subvient aux frais de voyage de toutes ces religieuses.  »

Le Canadien, 7 novembre 1887

« RELIGIEUSES POUR LE TEXAS

Voici quelques nouveaux renseignements au sujet des trente deux jeunes filles qui sont parties vendredi l’après-midi pour entrer dans la communauté du Verbe Incarné, à San Antonio, Texas.

Ces futures servantes de Dieu sont parties par le Quebec Central pour New-York. De là elles se rendront à Saint-Louis de Missouri, et finalement à San Antonio, où se troue la maison centrale ou le noviciat de la communaut dirigée avec un zèle et un dévouement sans borne dep-uis un grand nombre d’années par Soeur Saint-Pierre. Cette communauté a deux maisons principales dans le Texas, l’une à Galveston, l’autre à San Antonio.

La dernière fut fondée en 1869, et bien qu’elle n’ait que 18 ans d’existence, elle compte déjà 5 hôpitaux, 2 orphelinats et environ 15 à 18 écoles. Le nombre des religieuses dépasse 150, et ces bonnes soeurs appartiennent à différentes nationalités; on remarque parmi elles des françaises, des canadiennes françaises, des polonaises, des prussiennes, des suisses, des mexicaines, des irlandaises, etc. Le Texas est un pays d’immigration, il faut que la communauté possède des sujets pouvant enseigner les langues qui se parlent dans les diverses parties du pays où les religieuses sont appelées à faire connaître les secrets de la science.

Presque toutes les écoles que la communauté du Verbe Incarné dirigent à l’entière satisfaction des habitants du Texas, sont des écoles publiques, c’est-à-dire des institutions subventionnées par le gouvernement de l’État et dans lesquelles sont admis les enfants des protestants comme des catholiques. Les bonnes soeurs ont aussi sous leurs soins deux ou trois écoles de filles.

Voici les noms des jeunes filles qui vont entrer dans le noviciat de la communauté du Verbe Incarné à San Antonio.

Mlles Louis Julien, Marie Marcoux, Maria Prémont, Eléonore Lessard, Rose Pieau, Dussault, Lajeunesse, Légaré, Louise audet, Elmire Laroche, Eva Jobin, Elmire Lafrance, Leclerc, Desroches, Eva Casault, Québec; Olympe Allard, Lachance, Victoria Lasneir, Lévis; Michaud, Plamondon, Lelièvre, Cap Saint-Ignace; Léonie Levasseur, Marie V. Ragle, Azilda Ragie, Rebecca Lévesque, Délima Belair, Orélie Lemieux, Trois-Rivières; Emélie Jean, Grande Baie; Joséphine Duquet, Sainte-Foye; Eva Cauchon, Saint-Romuald ; Amanda Nantel, Montréal, et trois autres dontn ous n’avons pu nous procurer les noms. »

Billets reliés
IL Y A 100 ANS, MGR BRUCHÉSI DISAIT CECI… [MONTRÉAL, 1914]

UNE VISITE À L’INSTITUTION DES SOURDES-MUETTES DE MONTRÉAL EN 1880

LE SALAIRE DES ENSEIGNANTS EN 1900

LES ASILES DE LA LONGUE-POINTE [1905]

Une visite à l’Institution des sourdes-muettes de Montréal en 1880

La Minerve, 2 juin 1880

COMMUNICATION
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UNE VISITE À L’INSTITUTION DES SOURDES-MUETTES, RUE ST. DENIS.

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M. le Rédacteur,

Cette institution, l’une des plus importantes que possède la ville de Montréal, fut fondée en 1851 par les Soeurs de la Providence [sic¸], aidées et encouragées par Mgr. Bourget, alors évêque de cette ville.

Ces bonnes soeurs étaient pauvres des biens de la terre, mais elles étaient riches en dévouement.

Ce qu’eurent à endurer de privations, de travail, et d’inquiétudes de toutes sortes, les premières directrices de cette institution, personne ne le sait que’elles-mêmes.

Ce que l’on sait, c’est que la vie de ces apôtres de la charité n’a pas été longue et que toutes sont allées recevoir bien vite la récompense due à leur dévouement.

Cette oeuvre des sourdes-muettes a progressé en dépit de toutes les difficultés et aujourd’hui la maison se compose de 36 religieuses, quelques maîtresses laïques et 165 élèves internes.

Le programme des études est des plus complets. L’enseignement se donne en français et en anglais, au choix des parents. L’arithmétique, la géographie, l’histoire, la doctrine chrétienne, les ouvrages manuels, la couture, le tissage, la broderie, la tenue du ménage, etc. etc., et toutes les autres branches d’une éducation complète sont enseignées avec soin, et on peut ajouter: avec succès.

Cet enseignement, outre qu’il est très difficile et pénibles pour celles qui le donnent, est encore très dispendieux, à cause du personnel considérable qu’il exige, et des auteurs et instruments indispensables pour enseigner avec fruit.

En général, une classe ne peut se composer de plus de dix élèves. C’est autant qu’un maîtresse peut en instruire à la fois.

Quand à la difficulté d’arriver à l’intelligence de ces pauvres enfants, elle est si grande, elle exige tant d’efforts, tant de contention d’esprit, qu’il faut de la part des religieuses, une persévérance et un dévouement dont on peut difficilement se faire une juste idée. Car il ne s’agit pas seulement ici, comme dans l’enseignement ordinaire, de développer des connaissances qui existent déjà dans l’intelligence; il faut pour ainsi dire créer des idées nouvelles, et enseigner des choses dont les sourdes-muettes n’ont pas même la connaissance la plus éloignée. Aussi on s’use vite à ce genre de travail, et la mort prématurée des premières supérieures de cette institution, prouve ce que je viens de dire.

D’ailleurs, il y a ici plus que le travail matériel, il y a le dévouement et la charité; et cela à tel point que chacune des maîtresses de cette institution peut dire avec vérité à ses chères élèves, ce que disait St. Paul: « Quelle est celle d’entre vous qui souffre quelque chose que je ne souffre pas moi-même. »

Pour bien comprendre la raison de ce dévouement de la part de celles qui se sont vouées par choix à l’oeuvre si difficile de l’enseignement des Sourdes-Muettes, il faut se rappeler que personne peut-être n’est plus digne de pitié que ces infortunées. La sourde-muette est dans un état de contrariétés et de souffrances morales continuelles. Elle a toutes les mêmes misères que nous; elle a de plus toutes ces inhérentes à son infirmités; elle se croit rejetée et méprisée. Elle ne peut communiquer son mal; il faut qu’elle souffre seule. La consolation que l’on trouve à épancher son coeur dans le coeur d’un ami lui est refusée. Elle est isolée au milieu de ses semblables. Ses souffrances sont sans consolation. Pourquoi souffre-t-elle? elle n’en sait rien, car ses espérances ne sauraient s’élever vers le ciel. La vie future, la rédemption sont pour elle des choses qui n’existent point. Voilà la sourde-muette avant son éducation. Mais l’éducation opère dans ces âmes une transformation, je dirait même presqu’une création nouvelle. Aussi, avec quelle avidité et quel bonheur, nous disent les maîtresses, ces âmes s’ouvrent-elles à la connaissance de la religion. Quel épanouissement dans ces coeurs jusque là fermés au bonheur!

On reproche quelque fois à cette institution de faire trop souvent appel à la charité. On dit qu’elle ne devrait pas recevoir plus d’élèves qu’elle ne peut en soutenir. Si ceux qui font ces reproches pouvaient connaître et sentir toute l’étendue des besoins et des souffrances de ces pauvres enfants comme le font leur maîtresses dévouées, bien sûr, ils ne tiendraient pas ce langage. Si on savait ce qu’il en coûte à ces bonnes religieuses de refuser l’entrée de leur maison à l’une de ces pauvres du Divin-Maître qui cherchent partout l’aumône de l’intelligence des choses célestes et des remèdes aux maux qui les accablent, et qui, dans cette province, ne peuvent trouver ce trésor indispensable à la vie morale que dans l’institution dont nous parlons, les paroles de reproches se changeraient en paroles de félicitations; car nous savons que le dévouement, quand il est connu, ne manque jamais de sympathie au milieu de notre peuple si éminemment chrétien et charitable.

Depuis longtemps, on entendait parler de progrès réalisés en Europe dans l’enseignement des sourds-muets. Les dévouées religieuses désiraient ardamment [sic] faire bénéficier leurs élèves de ces nouvelles inventions. Mais que faire, comment encourir les dépenses d’un voyage en Europe, quand l’établissement n’a pas les moyens de rencontrer les frais d’administration journalière.

Là encore le dévouement montra ce qu’il pouvait faire.

L’institution a pour aumônier un prêtre dévoué qui depuis plusieurs années a donné de force et d’énergie au succès de l’oeuvre des Sources Muettes.

Voyant le désir des religieuses était légitime, il résolut de s’adresser à quelques amis qui lui fourniraient le moyen de passer en Europe, sans que l’Institution encourût aucune dépense. Son appel fut entendu, et il quitta Montréal en Novembre 1878, pour visiter les différents pays de l’Europe, où la science de l’enseignement des Sourds-Muets est censée avoir progressé d’avantage. Il passa 9 mois en Europe ayant consacré tout ce temps à l’étude des différents méthodes d’enseignement. Il visita 37 établissements, réussit à se procurer quelques auteurs très-rares et très-précieux, et à créer des relations très-avantageuses pour son établissement. On peut donc assurer qu’aujourd’hui l’Institution des Sourdes-Muettes de Montréal offre à ses élèves tous les avantages de meilleurs établissements d’Europe et d’Amérique.

Une seule chose fait défaut, les ressources pécuniaires. Le nombre toujours croissant de Sourdes-Muettes qui demandent leur admission, rend nécessaire l’agrandissement des bâtisses actuelles. Mais comment bâtir, quand les revenus sont déjà insuffisants pour couvrir les dépenses journalières. Toutefois les Religieuses ne se découragent pas; ce qu’elles ont fait dans le passé leur donne confiance dans l’avenir, Dieu leur viendra en aide, c’est leur ferme espérance.

Espérons que, pour le bonheur des pauvres Sourdes-Muettes, et la gloire de Montréal, dont leur institution est un des plus beaux ornements, leur espérance ne sera pas déçue.

C’est le voeu bien sincère d’un
VISITEUR

Montréal, 24 mai 1880.

Pour voir de quoi avait l’air l’institution 15 ans plus tard, consultez l’Album universel du 18 novembre 1905, page 3.

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