Les ouvrières de l’usine Eddy de Hull mises en lock-out [1919]

L’Action catholique, 16 décembre 1919

LA GREVE A HULL

Le  »Droit » publie ce qui suit au sujet de la grève des employés de la manufacture d’allumettes E.B. Eddy.  »Le Lockout » a été déclaré vendredi soir à la manufacture d’allumettes chez E.B. Eddy, et trois cents personnes, la plupart des filles faisant partie de l’Association ouvrière catholique, sont aujourd’hui sans travail. C’est la nouvelle qui s’est répandue, hier soir, comme une traînée de poudre dans notre ville. Voilà l’épreuve qui tombe comme une bombe sur la tête de l’Association ouvrière féminine catholique et qui réussira certainement à lui donner la force que des victoires trop facilement remportées ne peuvent donner. Tant que tout marche bien, on ne saisit pas toujours la valeur et la nécessité de l’Association; c’est une situation comme celle qui est actuellement faite aux employées de la manufacture d’allumettes qui prouve la nécessité de l’union au point de vue protection.

C’est une association catholique, cherchera-t-on à dire en certain quartier, et cependant, elle est en difficulté. Eh bien oui! il n’y a pas d’association au monde capable d’empêcher une compagnie de fermer ses portes. Il y a des associations, par exemple qui peuvent éviter des grèves et les associations ouvrières catholiques sont celles-là.

EXPLIQUONS

Pour bien comprendre la situation telle qu’elle est, il est nécessaire de remonter un peu plus haut et de chercher la cause de cette difficulté.

Il y a environ trois mois, la compagnie E.B. Eddy, se trouvant dans un grand besoin de surproduction, proposa aux filles de manufacture d’allumettres d’accepter le système de trois équipes, le travail devant se terminer à 8,30 heures du soir. La proposition fut rejetée par les filles.

La compagnie demanda alors aux employées de donner pendant deux mois une journée de dix heures d’ouvrages. Les filles y consentirent et donnèrent deux mois durant les dix heures d’ouvrages.

Ne trouvant pas encore la production suffisante, la compagnie revint et proposa de nouveau le système des trois équipes. D’une manière générale, les employées refusèrent encore.
LA COMPAGNIE

Il est bon de remarquer que durant ce temps-là les autorités de la compagnie déclaraient, à maintes reprises, aux représentants de l’Association ouvrière qu’elles lui donneraient leur appui et traiteraient avec plaisir avec l’agent d’affaires de cette organisation pour régler les relations entre elles et les membres de l’Association.

Certains employés haut placés paraissent cependant, pendant que les autorités promettaient de traiter avec l’agent d’affaires, chercher à conclure des arrangements avec les employés individuellement. Y réussirent-ils, nous ne le savons pas, mais ce qui est certain c’est qu’à l’assemblée tenue, mercredi soir, par les filles de cette manufacture. Il fut impossible de s’entendre, à savoir si on allait accepter les trois équipes avec une augmentation de salaire.

L’agent d’affaires fut chargé d’aller entamer les négociations avec la compagnie dès le lendemain matin. Il y alla et dès son arrivée crut comprendre qu’on était déjà au courant de la division qui paraissait exister entre les filles. Il promit que l’Association ne causerait pas de trouble ni grèves. Les négociations en pouvaient se termine à cette entrevue.

CONDITIONS DES PATRONS
Les employées ont reçu la réponse officielle de la compagnie hier soir. On leur dit qu’il n’y aurait pas d’ouvrage aujourd’hui dans la manufacture et on afficha en résumé les conditions suivantes qu’il faudrait remplir pour reprendre le travail:

A partir de lundi matin, à 7 hrs et demie, les employées travailleront pas roulements ou équipes de manières à donner une semaine de 44 1/2  heures avec une augmentation de salaire de 25 p.c. du salaire actuel.

Les équipes se succèderont de manière à former une journée totale de travail à la fabrique de 7,30 heures du matin à 7,30 du soir, excepté le vendredi, où la fabrique fermera à 9 heures du soir.

Avant de reprendre le travail, toutes les filles seront obligées de signer un engagement acceptant le système des équipes, avec la semaine de 44 1/2 heures par tant que la compagnie le jugera nécessaire;

Les filles devront s’engager en plus à travailler à la machine désignée par la compagnie;

Celles qui n’accepteront pas le nouveau système seront considérée comme ayant abandonné leur position et elles ne pourront revenir qu’à mesure qu’il se créera des vacances;

La compagnie gardera à son emploi les nouvelles employées qu’elle pourra engager pendant que se réglera le différend:

Il n’y aura pas de travail aujourd’hui samedi, mais la fabrique restera ouverte la journée durant pour permettre aux filles d’aller présenter leur demande de réemploiement selon le nouveau système des équipes.

On nous dit aussi qu’un autre article a été affiché disant que les filles devront s’engager à ne faire partie d’aucune union ou association  »secrète ».

REPONSE DES EMPLOYEES

Les employées congédiées nous disent qu’elles en étaient venues à une entente entre elles, hier, et étaient [illisible] d’accepter le système [illisible]pes;mais qu’elles n’ont [illisible] temps de le faire et de voir avec la compagnie qui a déclaré le lock-out hier soir.

Elles ont tenu, hier soir, une grande assemblée, et on décidé unanimement de ne pas aller prendre l’engagement que la compagnie leur demande. Elles disent qu’on a voulu briser l’union avec un lock-out, mais qu’on n’a réussi qu’à la rendre plus vigoureuse. Elles ne sont pas prêtes à rejeter toutes les conditions que la compagnie leur impose. Elles rejetteront certainement celle qui veut les obliger à dissoudre leur union et elles exigeront que la compagnie donne certaines garanties relativement aux heures de travail et au salaire qui sera payé lorsque la crise de la production sera passée.

L’exécutif du syndicat des filles nous dit que si la compagnie ne veut en venir à des conditions acceptables, il n’aura pas de difficulté à placer ses membres. Il a déjà reçu des demandes capables de résoudre immédiatement la question.

Pour en savoir plus: Déclenchement d’un premier conflit de travail dans les usines d’allumettes de la compagnie Eddy (Bilan du siècle) et « Le syndicat catholique des allumettières de Hull, 1919-1924 » par Michelle Lapointe, Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 32, n° 4, 1979, p. 603-628.

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