Pendaison de cinq Patriotes [Montréal, 15 février 1839]

L’Aurore des Canadas, 19 février 1839

Les exécutions de Vendredi. Comme nous l’avions annoncé dans notre dernière publication, Mrs. Charles Hindelang, le Chevalier de Lorimier, Pierre Rémi Narbonne, François Nicolas et Amable Donnais ont été exécutés en face de la prison neuve. Ils s’avancèrent tous d’un pas ferme sur la plate-forme, d’où leurs âmes devaient d’envoler pour un monde meilleur. Hindenlang, beau jeune homme de 29 ans, parut le premier, avec la même grâce, la même assurance qu’il aurait pu montrer dans un salon. Il s’avança au devant de l’échafaud et adressa au peuple un discours que les journaux de cette ville n’ont pas voulu ou n’ont pu reproduire, sans doute à cause de l’effet qu’il pourrait produire sur le public. Nous nous abstiendrons aussi de le publier. Nous répéterons seulement ce que dit le Transcript » qu’en mourant il était encore persuadé que la cause dans la quelle il s’était engagé était une bonne cause, qu’il niait au gouvernement Anglais le droit de le mettre à mort et qu’il termina en s’écriant d’une voix forte VIVE LA LIBERTE ». Il avait, ainsi que les autres patients, les mains liées derrière le dos, de manière qu’il ne pouvait guère gesticuler qu’avec la tête; ce qu’il fesait pourtant avec beaucoup de grâce. En achevant il se tourna vers les détenus politiques de la prison, qu’il avait priés de se tenir aux fenêtres, et leurs fit un dernier signe d’adieu. De Lorimier, qui a constamment parlé et écrit, dit-on, dans le sens des paroles d’Hindenlang, montra la même intrépidité, que ses compagnons, mais ne parla pas, non plus que Daunais et Narbonne.

Nicolas fit un discours assez long, où il déplorait les erreurs de sa vie, reconnaissant dans la mort qu’il allait souffrir la justice de Dieu qu’il avait souvent et grièvement offensé, recommandait aux parens de veiller sur leurs enfants, à ceux-ci d’écouter les avis de leurs parens et de suivre les préceptes de la religion. Toutes les personnes présentes que nous avons eu occasion de voir se sont accordées à dire qu’il n’avait fait aucune allusion au meurtre de Chartrand dont il a été accusé, ni à la politique qu’il ne parla que de ses fautes en général.

Après ce discours, ils conversèrent encore quelques temps avec les différens Ministres de leurs religions et fesaient tous preuves d’une grande piété. Vers 9 3/4 heures, ils se placèrent sur la trappe fatale et le bourreau fit les derniers préparatifs, après les quels le Provost Martial, Sergent de l’armée, qui remplit à peu près les fonctions de Shériff, donna le signal qui devait mettre le terme à leurs souffrances et à leurs vies. La mort fut à peu près instantanée chez Hindenlang et Nicolas; De Lorimier et Daunais parurent souffrir peu de temps. Mais les souffrances de Narbonne furent longues et horribles. Comme un de ses bras avait été coupé, on n’avait pu sans doute le lier aussi bien que les autres; dans les convulsions de l’agonie, il détacha sa main avec laquelle il saisissait les objets environnans et parvint à déplacer la corde de sa vraie position. Il parvint même deux fois à atteindre une balustrade voisine et à s’y placer les pieds et deux fois il en fut repoussé.

Le supplice de Mr. Duquet fut accompagné de circonstances non moins horribles. Nous espérons que si la justice n’était pas encore satisfaite et qu’il dût y avoir de nouvelles exécutions, on s’y prendrait enfin de manière à éviter aux suppliciés de semblables tortures.

De Lorimier et Hindelang étaient des hommes de beaucoup d’esprit et de talens. Le premier était notaire de cette ville, âgé d’environ trente ans, marié et père de trois enfans. Ils parlaient tous deux en prison presque avec indifférence de la mort qui les attendait. Hindenlang avait donné son corps au Dr. Vallée, lui demandant de lui faire donner la sépulture et d’envoyer son coeur à Paris, dans un bocal d’esprit de vin, à sa mère. On nous dit que le Dr. Vallée n’a pu se procurer le corps pour remplir la dernière volonté du mourant. Il n’était pas marié et était natif de Paris, où il a, dit-on, un frère engagé dans le haut commerce.

Nicolas était âgé d’environ quarante ans, fort bel homme et de proportions presque gigantesques. Il avait été commerçant d’abord et s’était livré ensuite à l’instruction. Il avait une bonne éducation et écrivait purement en français. Il était natif de Québec et n’était pas marié. – Narbonne était aussi un bel homme de trente ans environ. Il était huissier, veuf, et il laisse deux enfans en bas âge. Daunais était un jeune homme, en apparence de vingt ans au plus, cultivateur et le principal soutien, dit-on, d’un père âgé et fort pauvre.

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4 réflexions au sujet de « Pendaison de cinq Patriotes [Montréal, 15 février 1839] »

  1. Et quel est ce discours que prononça Charles Hindelang du haut de son échafaud… et « que les journaux de cette ville n’ont pas voulu ou n’ont pu reproduire, sans doute à cause de l’effet qu’il pourrait produire sur le public… » ?

    J’imagine qu’il en reste aujourd’hui des traces quelques part dans les document de l’époque.

    P.

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