Les secrets d’une chambre d’hôtel [Québec, 1883]

C’est l’histoire d’un homme et d’une femme qui se retrouvent dans un hôtel. On est en 1883, la nuit est bien avancée et leur rencontre ne se passe pas comme prévu….

D’abord, dans le Canadien 29 août 1883 paru cet entrefilet énigmatique.

AFFAIRE MYSTÉRIEUSE

Dans la nuit de lundi à mardi, il est arrivé dans un hôtel de la Basse-Ville une affaire assez mystérieuse, mais dont nous pourrions cependant donner la plupart des détails si l’on ne nous avait prié de n’en rien dire, attendu que les deux héros, garçon et fille, appartiennent à des familles fort honorables d’une paroisse voisine.

Le lendemain, le Canadien donne plus de détails.

UNE SALE AFFAIRE

(De l’Evénement d’hier.)

Dans la nuit de lundi à mardi, il est arrivé à l’ancien hôtel Blanchard, tenu aujourd’hui par le capt. Pelletier, une affaire assez singulière et dont nous aurions pu donner hier comme à présent tous les détails. Mais un membre du clergé est venu nous prier de n’en rien dire, et nous nous sommes tu.

Le Chronicle ayant donné ce matin certains détails, malgré qu’on nous ait promis qu’il n’en serai pas question dans les journaux, nous ne voyons pas pourquoi nous ne donnerions pas les nôtres qui sont complets, en omettant toutefois les noms.

Voici les faits:

Lundi soir, à 11 30 heures, un citoyen de St-Thomas qui est actuellement en ville avec son fils, descendait de voiture à la porte de l’hôtel susdit avec une jeune institutrice de l’Islet. M. Pelletier entendit alors qu’il était question d’une chambre à deux lits, et il demanda au nouveau venu si c’était sa femme.

sur sa réponse négative, l’hôte dit qu’il allait leur donner deux chambres, ce qui fut accepté.

En conséquence, la jeune fille que nous appellerons Mlle L…, fut conduite dans la chambre voisine de celle de M. Pelletier, et M. D… reçut en partage une chambre à l’étage au dessus. Il était sobre.

Sur une remarque qui lui fut faite en arrivant, M. D…. dit qu’ils étaient arrivés par le chemin de fer du Nord et qu’ils avaient été retenus par des amis de la campagne. Il paraît au contraire que le cocher les avait pris au bateau passeur de Lévis à l’instant même.

M. Pelletier s’éveilla plusieurs fois dans la nuit et n’entendit aucun bruit insolite, mais à 4.30 heures du matin, il fut éveillé par un bruit de voix et des piétinements provenant de la chambre de Mlle L. Il se leva immédiatement et en arrivant près de la porte de cette chambre, il entendit une voix féminine qui disait: « Retirez-vous donc. ».

Il essaya d’ouvrir la porte, mais elle était barrée à l’intérieur.

Mlle. L. vint elle-même ouvrir, et s’écria en apercevant l’hôte qu’elle souffrait beaucoup du choléra. Mais il n’y avait pas dans la chambre trace de celui-ci.

En apercevant D. qui était couché sur le lit et dont les hardes étaient à terre, M. Pelletier lui demanda pourquoi il avait pénétré dans cette chambre, et il le somma en même temps de déguerpir. L’autre refusa; il était ivre et on trouva plus tard dans la chambre un flacon encore à moitié d’eau-de-vie. M. Pelletier ayant insisté, Mlle L. le supplia de ne pas molester son compagnon, en ajoutant que c’était elle qui l’avait fait venir parce qu’il se sentait mal. Lui dit au contraire qu’il était venu la trouver pour la protéger, parce qu’elle avait peur!

Mlle. L. exhalait une forte odeur d’opium ou autre narcotique opiacé. Elle demande alors un verre d’eau-de-vie. M. Pelletier força M. D. à sortir et à se retirer, et il descendit chercher l’eau-de-vie demandée. Sur ces entrefaites, Mme. Pelletier s’était levée et assistait à cette scène. Pendant l’absence de l’hôte, la jeune fille sortit de sa chambre et se mit à courir comme une insensée dans les passages. Lorsqu’il revint, elle trempa ses lèvres dans la liqueur et posa le verre sur un meuble de sa chambre, dans laquelle Mme Pelletier l’enferma.

Un instant plus tard, on l’apercevait sur une galerie en arrière de la maison. Elle s’y était rendue en passant d’une fenêtre dans une échelle et en sautant sur la galerie, M. Pelletier lui cria de revenir bien vite se vêtir pour s’en aller; mais au lieu de l’écouter, elle descendit par l’échelle dans la cour où on la perdit de vue.

On ne la revit plus à l’hôtel, et M. Pelletier nous dit qu’il est probable qu’elle est entrée dans la cuisine d’où elle est passée dans la salle d’attente. De là, elle est sans doute montée sur l’appui d’une fenêtre, est passé à travers un guichet de 12 pouces sur 15 et a sauté sur le trottoir. C’est probablement en roulant sur le sol qu’elle s’est blessée à la lèvre inférieure et à la hanche.

Un peu plus tard, le sergent de police Lesage l’arrêtait non loin de l’hôtel, et sur les indications qu’elle lui fournit, il la conduisit chez des parents qu’elle a à St Roch. Elle ne portait en dessus de sa jaquette qu’une espèce de corsage ou de mantelet. Mlle L. est âgée de 19 ou 20 ans.

Revevons [sic] à M. D. qui errait pendant tout ce que nous venons de raconter dans les passages, à la recherche de ses vêtements qu’on a été obligé de lui livrer. La clé de sa chambre et son chandelier, ainsi que tous ses effets, comme nous l’avons déjà dit, étaient dans la chambre de Mlle. L. Son lit à lui était intact.

Enfin, arrimé tant bien que mal, et après avoir pris les chaussures d’un autre pensionnaire, au lieu des siennes, il s’est élancé dans la rue, à la recherche de sa compagne.

M. D. est employé dans le commerce et l’industrie des bois.

Billets reliés
Prière d’apporter vos vêtements quand vous sortez [une chaude journée de juillet 1880 à Québec]

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4 réflexions au sujet de « Les secrets d’une chambre d’hôtel [Québec, 1883] »

  1. Bonjour Vicky,

    Que se passe-t-il avec ton blogue? Le texte apparaît maintenant sur un fond jaune en plus de contenir plusieurs lettres qui sont étrangères à celui-ci.

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  2. Salut, tu es la deuxième personne à me dire qu’il y a des problèmes d’affichage avec mon blogue. Le problème, c’est que de mon côté, tout s’affiche bien. Je vais enquêter et voir si je peux régler le problème.

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