L’incendie du faubourg Saint-Jean, 28 juin 1845

Un mois après le faubourg Saint-Roch, c’est au tour du faubourg Saint-Jean d’être frappé par un incendie gigantesque. La Carte de Québec en 1845 par Joseph Hamel et Alfred Hawkins nous montre le périmètre affecté par les incendies de 1845.

Voici comment le Canadien du 30 juin 1845 décrit le désastre.

UN AUTRE TIERS DE QUEBEC EN CENDRES! ENCORE DE 1400 À 1500 MAISONS BRULEES!!

Estampe | Vue de Québec, Canada, depuis la rivière Saint-Charles, montrant la conflagration du 28 juin 1845 (...). | M778

Vue de Québec, Canada, depuis la rivière Saint-Charles, montrant la conflagration du 28 juin 1845 (…).

Lorsque nous annonçames l’incendie à jamais déplorable du 28, qui avait laissé sans abri un tiers des habitants de Québec, nous disions que, proportion gardée du chiffre et des moyens de la population, cet incendie éclipsait ceux de Hambourg, de New-York et de Pitsburg. Hé bien! cet affreux désastre, qui a partout excité de si vives sympathies, est lui-même éclipsé par un autre qui l’a suivi à un mois de distance, et qui a détruit presque tout le quartier Saint-Jean, composé des faubourgs Saint-Jean et Saint-Louis. Nous disons que le 28 mai est eclipsé par le 28 juin: car, si le nombre de maisons brûlées ce dernier jour n’est pas tout-à-fait si grand, la valeur des propriétés l’était peut-être de moitié plus, et les souffrances qui en doivent nécessairement résulter le seront encore davantage. En effet les habitants du quartier Saint-Roch, qui chassé de chez eux par l’incendie du 28 mai, s’étaient, pour la plupart, refugiés chez ceux du quartier St.-Jean, se voient de nouveau privés d’abri et d’asyle, en même temps que les généreux hôtes qui les avaient accueillis et, dans bien des cas, vêtus et nourris pendant un mois. Il faut dire aussi que la charité individuelle est déjà presque épuisée par les efforts qu’elle a faits, et dont les souscriptions annoncées publiquementt ne donnent qu’une très faible idée quant aux habitants de cette ville. D’ailleurs les actionnaires de nos compagnies d’assurances (excepté celle d’assurance mutuelle de Saint-Roch), qui avaient noblement résolu de payer jusqu’au dernier sous en s’imposant les plus grands sacrifices, et d’ajouter ainsi de £80,000 à £90,000 aux autres secours pour les incendiés, ne seront peut-être plus en état de le faire, et il faudra en outre que ces secours, diminués d’autant, soient partagés entre ceux auxquels ils étaient destinés d’abord et neuf ou dix mille autre individus victimes de cette nouvelle catastrophe.

Le coeur et les forces nous manquent pour entreprendre la description de celle-ci. Comparativement à l’incendie du 28 mai, qui avait commencé vers onze heures du matin et s’était terminé avant que le soleil couché, celui du 28 juin a été d’autant plus effroyable que, commencé vers 11 heures du soir, et poussé par un vent d’est violent, les horreurs en ont été rendues plus visibles par une nuit obscure, et elles l’ont été tellement que des passagers à bord d’un bateau à vapeur qui descendait de Montréal à Québec, en ont vu la lueur au port Saint-François, dans le lac Saint-Pierre, à 111 milles d’ici, et ont cru que c’était la ville des Trois-Rivières, à 90 milles plus haut, qui brûlait.

Ce qui suit donnera une idée de ce nouveau désastre à ceux qui possèdent un plan de Québec:

Les rues détruites sont, depuis les murs de la ville vers l’ouest:

La partie de la rue Saint-George qui avait été épargnée par l’incendie de Saint-Roch, deux maisons exceptées:

La partie de la rue Saint-Olivier qui avait été épargnées par le même incendie, excepté la maison de M. Massue;
La rue Latourelle;
La rue Richmond;
La rue du Côteau Sainte-Genevive, excepté l’asile des orphelins militaires et huit ouf neuf autres maisons qui ont été sauvées principalement par la petite pompe Lemoine, appartenant à M. Lee, qui avait déjà rendu de si grands services lors de l’incendie de Saint-Roch;

Les rues Richelieu, d’Aiguillon, Saint-Jean, Saint-Joachim, Saint-Gabriel, Saint-Jacques, Nouvelle et d’Artillerie, dans toute leur étendue, excepté l’Ecole Britano-Canadienne et la maison de M. Primeau, du côté sud de la rue Saint-Joachim;
Et parallèlement aux murs;
Les rues des Glacis et Saint-François;
Toute la partie de la rue Saint-Eustache au nord de la rue d’Artillerie;
La ruelle C. G. Stewart;
Toute la partie des rues Saint-Augustin, Saint-Simon et Sainte-Genevieve au nord de la rue de l’Artillerie, avec quatre ou cinq maisons sur chacune au sud de cette dernière rue;
La rue Jupiter;
Et enfin quelques maisons au sud de la rue d’Artillerie, à l’entrée des rues d’Artigny, Saint-Michel et Lachevrotière.

Le nombre de maisons détruites par cet incendie est au moins de quatorze à quinze cents, y compris quatorze maisons que l’artillerie royale, avec l’approbation de l’autorité municipale, a fait sauter pour sauver le reste du faubourg Saint-Louis.

Les institutions publiques passées au feu sont: la maison d’école de la Société d’Éducation, occupée par les Frères des Ecoles Chrétiennes, l’Asyle des Orphelins catholiques, l’Ecole de la Fabrique, la Chapelle du Cimetière protestant, et la Chapelle Wesleyenne de la rue d’Artilerie.

Gestion des secours: chaque sinistré devait avoir en sa possession un billet pour obtenir de l’aide. Le Canadien, 2 juillet 1845

Un jeune homme marié depuis trois semaines seulement, Edouard Martin, menuisier, a été tué par l’explosion d’une des maisons que l’artillerie a fait sauter. Plusieurs personnes ont été portées, blessées, à l’Hôtel-Dieu. Nous avons entendu parler de deux ou trois qui seraient péries dans les flammes; mais nous n’avons pu encore obtenir de renseignements positifs à ce sujet.

Parmi nos amis victimes de l’incendie se trouvent M M. les docteurs Séguin, Robitaille et Bardy (ce dernier pour la seconde fois depuis un mois), et M. Hamel, inspecteur des chemins, au malheur duquel le rédacteur de ce journal a d’autant plus raison de compatir qu’il avait été accueilli avec hospitalité par lui et son aimable famille après l’incendie du 28 mai. M. Hamel a perdu tout son greffe, contenant ses procès-verbaux et plans comme arpenteur depuis 23 ans. Nous engageons ceux qui ont des copies de ces procès-verbaux à les faire enregistrer sans retard, s’ils ne l’ont déjà fait: car s’ils venaient à les perdre par incendie ou autrement, la perte serait irréparable.

Les objets perdus. Le Canadien, 2 juillet 1845

Nous ne parlons point des efforts qui ont été faits par les autorités civiles et militaires pour arrêter l’incendie: l’accord qui existe heureusement entre elles à Québec, est une guarantie suffisante du zèle et de l’activité qu’elles ont dû y mettre. Mais, laissant de côté les officiers, nous croirions commettre une injustice si nous ne rendions pas témoignage à l’ardeur et à la générosité avec lesquelles nous avons vu, durant toute la nuit, de simples soldats, travailler à sauver et à transporter en lieu de sûreté les effets qu’on voulait bien leur confier. Nous joignons nos remerciements bien sincères à ceux que plusieurs citoyens nous prient d’offrir de leur part à ces braves gens, et en particulier au sergent du 14e régiment qui était de garde à la porte Saint-Jean, pour la manière aussi efficace que zélée avec laquelle il a veillé à la conservation des effets confiés à ses soins. Quant au clergé, sa conduite en toute semblable occasion, a été au-dessus de toute éloge.

Grâces encore à cette harmonie entre les autorités civiles et militaires, et à l’empressement avec lequel le général Hope fit déployer sur les plaines d’Abraham les tentes à sa disposition, bien peu des incendiés sont restés sans un abri quelconque pendant la nuit dernière, et c’est bien heureux, car un vent glacial avait succédé à la chaleur de la nuit précédente.

Sa Seigneurie l’évêque anglican de Montréal, Mgr l’évêque de Sidyme et les honorables W. Cochran, L. Massue et G. Pemberton vont aujourd’hui en députation auprès de Son Excellence le gouverneur-général pour le supplier, au nom de l’humanité souffrante, ou d’avancer des fonds sur la responsabilité de l’administration, ou de convoquer immédiatement la législature pour venir au secours des incendiés, qui composent maintenant les deux tiers de la population de Québec.

Une assemblée des citoyens doit avoir lieu aujourd’hui à une heure pour aviser aux moyens de secourir les victimes du nouvel incendie.

Annonce demandant aux victimes de comparaître  devant un comité pour que l’on puisse évaluer les dégâts.  Le Canadien, 30 juin 1845

Voici l’état des assurances sur les propriétés détruites par cet incendie, autant que nous avons pour nous en assurer:

compagnie d’assurance du Canada, £40,000
compagnie d’assurance de Québec, £12,500
compagnie d’assurance de Montréal, £3,600
compagnie d’assurance du Phoenix, £1,075

Total: £57,175

P.S. Nous apprenos qu’il a été rapporté à la station de police du Château des débris d’un corps brûlé qu’on dit être celui du nommé Labrecque qui avait déjà eu les mains horriblement brûlées à l’incendie de Saint-Roch.

Billets reliés

13. Jeffery Hale (1803-1864) et l’hôpital qui porte son nom à Québec

Cimetière Saint-Charles à Québec

L’Incendie de l’asile de Beauport, 29 janvier 1875

Inondations et débâcles à Montréal en photos, 1865-1888

 

4 réflexions au sujet de « L’incendie du faubourg Saint-Jean, 28 juin 1845 »

  1. Ping : Bloguer ou ne pas bloguer » Vive les mariés !

  2. Étant un passioné de l’histoire du quartier Saint-Jean-Baptiste, e viens de découvrir votre blog et je crois que je vais aimer 🙂

    Pour info, le Journal de Québec a aussi rapporté cette terrible nouvelle et on y apprend entre autre la source du sinistre (le hangar de Michel Tessier!). Une recherche Google pour « ISBN 0665609264 » permet de mettre la main sur l’article original intitulé « Encore un horrible incendie! deux faubourgs de brulés! un nouveau tiers de Québec en cendres !!! ».

    Phil

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