Augustin Kennedy, déporté en 1826 aux Bermudes

Plusieurs centaines d’hommes, du Haut et du Bas Canada ont été au 19e siècle déportés, spécialement entre 1836 et 1840. Ils ont  transité, pour la plupart, par les prisons de Québec et de Montréal. La grande majorité étaient des soldats, mais certains étaient des brigands.  Ils ont été envoyé aux Bermudes, en Nouvelle Galles du Sud (Australie)et en Van Dieman’ Land (Tasmanie) pour 7, 14, 21 ans ou pour la vie. Internet permet de dévoiler quelques pans du parcours de ces hommes.

Un de ces déportés était Angustin Kennedy.

Ce que l’on sait à propos d’Augustin Kennedy

D’après le registre d’écrou des prisons de Québec, 19e siècle (BANQ), Augustin Kennedy est né au Canada, était âgée de 34 ans (lors de son arrestation ou de sa libération?) et mesurait 5 pieds 10. Notez que l’âge inscrit dans ces registres n’est pas toujours exact. Kennedy a été incarcéré le 8 octobre 1824.

Il a été condamné à la pendaison, pour meurtre. La sentence devait être exécutée le 31 mars. Elle a été reportée au premier vendredi de mai, puis reportée à une date ultérieure, selon le bon plaisir de sa Majesté. Il a finalement été déporté aux Bermudes le 6 septembre 1826 à bord du Carrington. Il n’y a pas d’autres prisonniers de la prison de Québec qui ont fait le voyage avec lui.

Pour le moment, je n’ai pas repéré le Carrington dans la liste des arrivées et départ au port de Québec pour cette période. Peut-être a-t-il embarqué à bord d’un autre bateau ayant un nom semblable ou bien le Carrington a-t-il été oublié dans la liste des arrivages au port publiée dans les journaux du Bas-Canada.
Le site des National Archives de Grande-Bretagne en permet pas de voir beaucoup de documents en ligne gratuitement, mais il nous permet d’avoir accès à plusieurs résumés. On y trouve  deux documents à propos d’Augustin Kennedy.

Le premier document date du 27 août 1825.

Document no 1 Records created or inherited by the Treasury Solicitor and HM Procurator General’s Department
ff 144-151 (8 pages) Opinion of Law Officers in the case of R v Augustin Kennedy. Opinion requested respecting the validity of Kennedy’s conviction for the murder of Pierre Dube in Quebec, Canada, and whether it should be reduced to manslaughter.
27 August 1825

On a donc demandé des instructions concernant la validité de la sentence de culpabilité rendue envers Kennedy pour le meurtre de Pierre Dubé. On a songé à changer le motif d’accusation pour homicide involontaire.

Document no 2 date de 1842

Il s’agit d’un document du  Colonial Office, Commonwealth and Foreign and Commonwealth Offices, Empire Marketing Board, and related bodies.

Reports that the Roman Catholic Bishop of Quebec had submitted an enquiry for the wife of a convict named Augustin Kennedy concerning his fate. Colonial Office draft states that Kennedy was sent to England in HMS Vernon where he received a total remission of his commuted sentence of transportation for life.

Augustin Kennedy, après avoir purgé plusieurs années de sa peine, a donc reçu son pardon, puis a été envoyé en Angleterre via le HMS Vernon. Sa femme a tenté de le retracer, avec  l’aide de l’évêque.

Les journaux du Bas-Canada nous donnent un complément d’information.
D’abord, le Quebec Mercury du 2 avril 1825, à la page 4, publiait ce jour-là la liste des condamnés, leurs délits et leurs peines. Voici:

District of Quebec King’s Bench, March Term
Augustin Kennedy- convicted of the wilful murder of Pierre Dubé at the Parish of Green Island on the first of October, 1824. – Sentence : to be hanged on Friday 31st March, and the execution respited by the Court until Friday, the 8th of April next, when it is ordered that the sentence be carried into effect.

Augustin Kennedy a donc tué Pierre Dubé dans la paroisse de Green Island (L’Isle-Verte, près de Rivière-du-Loup ?) le 1er octobre 1824. Condamné à la pendaison, l’exécution de sa sentence a été reportée de quelques jours.

Le 9 avril 1825, le Québec Mercury mentionne que Kennedy a obtenu un sursis d’un mois. Nous savons qu’il y aura eu par la suite commutation de la peine.

Plusieurs questions  demeurent. Pourquoi la peine de Kennedy a-t-elle été commuée en déportation? Peu de gens étaient déportés à l’époque. Peut-on en savoir plus sur les circonstances entourant le meurtre de Pierre Dubé? Quelles ont été les conditions de vie de Kennedy aux Bermudes? A-t-il pu rentrer au Bas-Canada?

Prisonniers aux Bermudes
Le déporté se voit  assigner par le gouvernement à un bateau-prison (prison hulk) ou à une terre et on lui donne un travail.

Contrairement aux colonies pénitentiaires australiennes, il existe peu d’informations sur internet concernant les colonies des Bermudes. Si on cherche, on voit qu’il existe un petit cimetière de convicts (prisonniers) sur l’Ile Ireland. 2000 des 9000 prisonniers envoyés là sont morts.

Le texte Prison Hulks In Bermuda nous en apprend un peu plus sur la vie des prisonniers aux Bermudes. Pour plusieurs, être envoyés aux Bermudes signifiaient une amélioration de leurs conditions de vie. Mais c’était sans compter les épidémies de fièvre jaune qui ont fait des ravages dans cette région.

Certains objets liés aux prisonniers sont exposés au Bermuda Maritime Museum, mais vous ne les verrai pas sur leur site internet. Allez plutôt sur Flickr , une charmante touriste a croqué sur le vif les collections du musée.

Les autres déportés Bas-Canadiens des Bermudes

Outre Augustin Kennedy, il y a eu  Louis Bissonet, André Auger, Joseph Bergeron, Michel Monarque, John Bowman, Alexandre Fraser, William Kirk, John Plunket, John Boyle, Robert McAfferty, John Broad, Edward Walsh, Walter Gibbons, John Jordans et John Lilly.

Ils ont pour la plupart été condamnés pour vol et déportés entre 1814 et 1826.

Cette liste a été établie d’après le Registre d’écrou des prisons de Québec, 19 e siècle, BANQ.

N’oublions pas les déportés de 1838 qui sont assignés aux Bermudes pendant trois mois: Robert-Shore-Milnes Bouchette, Rodolphe Des Rivières, Henri-Alphonse Gauvin, Siméon Marchessault, Luc-Hyacinthe Masson, Bonaventure Viger, Wolfred Nelson et Toussaint-Hubert Goddu.

Des recherches plus poussées, au fur et à mesure que les archives concernant les prisonniers seront numérisées et disponibles en ligne, permettront de dresser un portrait plus complet de ces hommes déportés aux Bermudes.

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La déportation d’après les registres d’écrous des prisons de Québec (Bas-Canada, 19e siècle)

2 réflexions au sujet de « Augustin Kennedy, déporté en 1826 aux Bermudes »

  1. Par rapport à Augustin Kennedy: la peine de Kennedy a été commuée en déportation parce qu’il y avait une divergence entre les deux juges, Kerr et Sewell. Le dernier croit qu’il s’agit plutôt d’un homicide. Les rapports des deux juges sur le cas sont dans les archives :
    RAC 1898, Papiers d’État, Bas-Canada (MG11-CO42), Q. 171, p. 440 (p. 161); les rapports sont annexés à cette lettre de Burton à Bathurst et se trouvent aux pages 162 & 171.
    Louisa

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