L’incendie du faubourg Saint-Roch [28 mai 1845]

L’année 1845 a été une année particulièrement marquante à Québec en ce qui concerne les incendies. Il y a eu deux incendies majeurs en l’espace d’un mois. Voici un extrait du journal Le Canadien, du 28 mai 1845, où le rédacteur, lui-même une victime de l’incendie, raconte ce qui s’est passé.

HORRIBLE INCENDIE – UN TIERS DE QUEBEC EN RUINES
Le vaste incendie qui éclata hier un peu avant midi dans le quartier Saint-Roch de cette ville explique pourquoi notre journal n’a pu paraître hier. Etant nous-mêmes (le rédacteur) du nombre de ceux qui ont tout perdu, nous ne sommes guère en état aujourd’hui de décrire cette affreuse calamité, qui proportion gardée du chiffre et des moyens de la population, éclipse les incendies de New-York, de Hambourg et de Pittsburg.

Les habitations d’un tiers de la population sont en ruines, et la plupart des incendiés ont tout ou presque tout perdu. Du faubourg Saint-Valier où il commença, l’incendie fut poussé par un gros vent d’est dans les parties les plus denses du faubourg Saint-Roch, qui bientôt devint  »une mer tempêtueuse de feu » suivant l’expression de l’honorable rédacteur de la Gazette. Des flammèches furent portées dans le quartier du Palais et dans les rues les plus voisines du faubourg Saint-Jean, qui devinrent la proie des flammes.

Des gens dont la résidence a été épargnée remercient les pompiers de Québec pour leur bon travail. Le Canadien, 2 juin 1845.

Le feu prit à plusieurs reprises à des maisons de la Haute et de la Basse-Ville, mais fut autant de fois éteint par la vigilance et les efforts des habitants. Un changement de vent, de l’ouest au sud-ouest, et des torrents de pluie sauvèrent la Haute et la Basse-Ville, et la plus grande partie du faubourg Saint-Jean. Tout le reste de la cité, excepté une partie du faubourg Saint-Valier et quelques rues isolées du faubourg Saint-Roch, vers l’Hôpital-Général, est en cendres.

Tout ce que nous pouvons faire pour le moment est d’indiquer les limites du district brûlé. L’incendie commença dans les tanneries à vapeur de M. Osborne Richardson, au pied du côteau Sainte-Geneviève, et détruisit huit maisons en cet endroit, y compris les tanneries, et sept maisons vis-à-vis, du côté nord de la rue Saint-Valier, à l’ouest de la rue de la Couronne. De là, en descendant la rue de la Couronne jusqu’à la rue Saint-François, il n’est resté que le couvent et deux maisons, celles des sieurs Normand et Allard. Sur la rue Saint-François, depuis la rue de la Couronne jusqu’à la rue Anne, il n’a été détruit que l’église paroissiale.
De là tout est brûlé à droite en suivant les rues Anne, Richardson, Craig, de la Reine et Saint-Dominique, celle-ci courant nord. Toute la partie de la paroisse de Saint-Roch à l’est et au sud des limites ci-dessus, y compris les chantiers de construction de M. [John] Munn, est détruite; le Charlevoix qui était sur le chantier voisin, n’a échappé que par une espèce de miracle. Toute la partie du quartier Saint-Pierre depuis la rue Saint-Roch jusqu’à la fonderie de la porte Hope, y compris le parc à bois du gouvernement et la halle du marché Saint-Paul, avec cinq goëlettes et bateaux dans le port du Palais, maisons a été détruite, excepté trois appartenant à M. M. Paradis, De Foy et Langlois, à l’est du marché Saint-Paul, et une appartenant à M. Lachance, au pied de la côte du Palais.

Dans le quartier Saint-Jean, tout est brûlé au nord de la côte d’Abraham, de la rue Saint-George jusqu’à la rue Saint-Olivier, et de cette dernière jusqu’à la rue des Glacis, excepté la maison de l’honorable L. Massue, et enfin, au sud de la rue Saint-Olivier, la maison de M. le curé, occupée par Louis Huot.

Nous ne pouvons pas dire au juste le nombre de maisons brûlées, mais on l’estime approximativement à douze cents. La perte, tant en immeubles, qu’en meubles, marchandises, outils d’artisans, animaux, bois de construction, etc., est incalculable.

Incendie du quartier Saint-Roch (1845). Source: Amélie Breton (Perspective)/ Musée de la civilisation / Collection du Séminaire de Québec, 1991.168, Joseph Légaré, 1845-1848 @via images.recitus.qc.ca

Il n’y a probablement pas moins de 12,000 individus sans logement. Le nombre de ceux qui ont péri dans les flammes est inconnu, mais il est à craindre qu’il ne soit affreusement grand. On a jusqu’à présent retiré sept cadavres de ruines, y compris celui d’un enfant âgé d’environ un an. On dit que cinq ou six enfants manquent encore.

Plusieurs personnes ont aussi reçu des brûlures plus ou moins graves, parmi lesquelles nous regrettons d’apprendre qu’est M. Bigaouette, magistrat, dont l’état alarmant hier au soir, mais qui se trouve mieux était aujourd’hui, sans compte notre humble individu.

On dit qu’il y a £25,000 à £30,000 d’assurées a l’Assurance de Québec, de £20,000 à £30,000 a celle du Canada, et £2,500 à celle du Phoenix de Londres. Quant à l’assurance mutuelle de Saint-Roch, elle est anéantie.

Extrait du Canadien du 4 juin 1845. Le Dr Edward Rousseau informe ses clients quant à son adresse temporaire et à sa situation financière.

Une réunion de plusieurs citoyens eut lieu au palais de justice hier soir, sous la présidence de M. le maire [René-Edouard Caron] . Il y a été résolu que les maisons d’école et autres édifices publics seraient ouverts à ceux qui ne trouveraient plus d’asyle chez des amis ou d’autres personnes charitables. Cependant un grand nombre de familles ont passé la nuit dehors à la pluie, gardant quelques effets qu’ils avaient arrachés à l’incendie.

A la même réunion il a été ordonné qu’une distribution de pain, fourni par le petit nombre de boulangers dont les fours n’ont pas été détruits, serait faite à la ci-devant chambre d’assemblée.

Quelques boulangers inhumains, spéculant sur le malheur public, ont vendu du pain à des prix exorbitants, on nous dit de 1s. 6ed. à 2s. 6. Il sera pris des mesures pour réprimer cet abus.

Le Théâtre Saint-Louis organise une activité dont la moitié des profits seront versés aux sinistrés. Le Canadien, 4 juin 1845. Un an plus tard, un incendie se déclarait au théâtre.

M. [J] Clearihue, qui a perdu ses propriétés, a obtenu la boulangerie du commissariat, et cuira en même temps pour le public aux pris les plus raisonnables.

Une assemblée générale des citoyens est convoquée pour aujourd’hui à une heure, afin de subvenir aux besoins les plus pressants des victimes de l’incendie, et d’adopter des mesures pour leur procurer des secours ultérieurs.
[…]

S’ensuit une circulaire de l’évêque de Sidyme.

Carte de Québec en 1845 par Joseph Hamel et Alfred Hawkins. Le périmètre affecté par l’incendie est souligné en rouge.

Dans le prochain billet, il sera question de l’incendie du 28 juin 1845.

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