Le torpillage du Nicoya et du Leto dans le golfe Saint-Laurent par un sous-marin ennemi [1942]

Affiche – «Abattez-le par votre travail» Crédit: Bibliothèque et Archives Canada, no d’acc 1983-30-26

Mai 1942: les eaux du golfe du Saint-Laurent sont sillonnées par des sous-marins allemands. Ceux-ci vont faire des dégâts. Cela s’inscrit dans ce que l’on appellera plus tard la Bataille du Saint-Laurent.

Voici deux articles, publiés par la Patrie et le Progrès du Golfe, en lien avec le torpillage dans la nuit du 11 au 12 mai 1942 de deux cargos dans les eaux du Saint-Laurent par le U-553. Les deux bateaux impliqués sont le Nicoya (Grande-Bretagne), coulé à 15 kilomètres au nord de Pointe-à-la-Frégate et le Leto (Pays-Bas), coulé près de Rivière-la-Madeleine. Ces deux articles illustrent bien la censure en temps de guerre.

Pour accompagner l’article, j’ai inséré quelques publicités et affiches de propagande de la Deuxième Guerre mondiale.

Extrait du Progrès du Golfe, 15 mai 1942

DEUX NAVIRES TORPILLÉS PAR UN SOUS-MARIN ENNEMI SUR LE SAINT-LAURENT
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Dans la nuit de lundi à mardi
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Deux cargos ont été torpillés et coulés par un submersible ennemi sur le fleuve St-laurent lundi dernier, 11 mai, vers 11.50 du soir. Pour nous conformer aux instructions de la Censure, nous ne pouvons révéler les noms des navires torpillés, leur nationalité, les noms de leurs officiers, le port où débarquèrent les rescapés, l’endroit du coulage, ni leur cargaison, afin de ne fournir aucun renseignement qui pourrait servir à l’ennemi.

Extrait de la Patrie, 12 août 1942

Au témoignage d’un officier du bord, le premier navire fut torpillé deux fois par le submersible, à quelques milles de la côte. Après la première torpille lancée sur l’avant du cargo, un immense sous-marin émergea à quelques arpents du navire, l’éclaira d’un puissant projecteur et presqu’aussitôt lui lança une seconde torpille qui l’atteignit en plein centre. L’équipage eut juste le temps de sauter dans des chaloupes de sauvetage avant que le cargo coulât. Au matin, les chaloupes atteignirent la rive et les rescapés, au nombre de 111, trouvèrent refuge dans des familles de la côte. La plupart étaient à demi-vêtus. Les chaloupes n’ont pas toutes atterri au même endroit. L’une d’elles n’était occupée que par une femme et son enfant. Tous ces rescapés furent conduit dans un port de l’est, mardi, et logés dans des hôtels ou à l’hôpital selon leur état, car il y avait quelques blessés.

Le nombre des rescapés comprend les membres de l’équipage et des marins qui se rendaient prendre charge d’un autre navire, vraisemblablement le deuxième qui fut coulé immédiatement.

Au moins l’un des marins a perdu la vie, peut-être deux. Ils étaient couchés lors du torpillage dans la partie du navire qui fut atteinte par la première torpille. Le mort a été transporté dans un port de la côté et inhumé mercredi dans un cimetière local.

Le bruit produit par le premiere torpillage fut entendu par des riverains, qui se levèrent en hâte et virent un navire éclairé disparaître dans les eaux du fleuve.

Affiche de propagande v. 1940-1942 Crédit: Bibliothèque et Archives Canada, Acc. No. 1983-30-109

Le ministre de la marine de guerre canadienne, l’hon. Angus MacDonald, a annoncé officiellement d’Ottawa dans la journée de mardi le torpillage du premier navire coulé la nuit précédente et le lendemain il annonçait qu’un deuxième navire avait été également torpillé et coulé en même temps que le premier.

Selon des rumeurs qui ont cours depuis, un troisième navire aurait été également coulé, et même deux autres de plus, ce qui porterait à cinq le nombre des unités maritimes victimes du sous-marin. Mais ce ne sont que des rumeurs sans doute fantaisistes qu’il nous est naturellement impossible de contrôler et que nous mentionnons sans vouloir le moindrement les accréditer.

C’est la première fois, depuis l’existence de la Confédération, qu’un torpillage par sous-marin ennemi se produit sur le fleuve St-Laurent.

Deuxième article.

Extrait de La Patrie, 13 mai 1942

2 PERSONNES MANQUANT À L’APPEL APRÈS LE TORPILLAGE

Un sous-marin ennemi coule un cargo dans le fleuve St-Laurent
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Dans un port du fleuve St-Laurent, 13. (P.C.) – Un correspondant de la Presse Canadienne a été informé que deux hommes manquant à l’appel dans le torpillage survenu dans le fleuve St-Laurent. Cette information viendrait d’un des survivants.
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L’opinion prévaut à Rimouski, selon des renseignements obtenus d’un marin du navire même qui fut coulé lundi dans le bas Saint-Laurent par un submersible, que le cargo a été la victime d’un sous-marin montant le guet derrière les îles de la Madeleine.

Le navire coula à deux milles de la côte et les riverains assistèrent même à la disparition de ses lumières de course. Quatre-vingt-marins furent rescapés, dont 41 se destinaient à changer de navire dans un des ports du Saint-Laurent.

Lundi soir, une torpille touchait le cargo dans sa proue: le sous-marin apparaissait subitement en surface pour diriger ensuite un réflecteur électrique sur le vaisseau en naufrage. Quelques instants plus tard, une seconde torpille forçait le cargo à couler en moins de vingt minutes.

Affiche  »« On demande de la ferraille…pour la fabrication de chars d’assaut, de canons et de munitions » : Effort de guerre canadien et campagne de sensibilisation à la production. » Crédit: Bibliothèque et Archives Canada, no d’acc 1983-30-36 v. 1943

Pour l’instant, des vaisseaux de la marine navale canadienne patrouillent la région, entre l’Ile d’Anticosti et les îles de la Madeleine afin de repérer la présence de sous-marins dans le fleuve Saint-Laurent.

Les naufragés, dont plusieurs sont quelque peu blessés, ont atterri à bord de trois chaloupes dans des centres de pêcheurs sur la côte du Saint-Laurent.

Toutefois, toujours selon des rumeurs venant de marins descendus depuis ce matin dans le port de Montréal, une information veut que 41 marins, trouvés à la dérive au large de la Gaspésie, viendraient d’un autre navire vraisemblablement coulé.

Dans le port de Montréal, on parle encore d’une chaloupe dérivant vers la rive avec une femme et un enfant. Ceux-ci auraient été sauvés.

D’après une enquête, le mouvement des navires serait interrompu sur le fleuve. Les mines, mouillées dans le détroit de Cabot, n’étant pas ancrées, en raison de la profondeur du fleuve, il ressort que les navires hésitent à s’aventurer dans ces régions de la sortie et de l’entrée du golfe.

Affiche: Mesdames s’en vont en guerre – au pas, ménagères, au pas! Crédit: Library and Archives Canada, Acc. No. 1983-30-3

Dorénavant, annonce le ministère des affaires navales, les pertes en vaisseaux pouvant se produire dans le St-Laurent ne seront pas connues du public. Depuis cette nouvelle, toutes les informations venues du fleuve seront conjecturales.

Aux États-Unis, selon la Presse associée, le Congrès étudie un projet de lancer des dirigeables pouvant servir de porte-avions à la façon des navires à pistes d’atterrissage. Vingt-quatre ballons de petites proportions (Blimps) seront lancés pour la protection des cotes contre les maraudeurs sous-marins.

Bibliographie

Fabrice Moseray.  »Il y a 70 ans… les U-boats remontaient le Saint-Laurent’‘. Publié sur cyberpresse (Le Soleil) le 6 mai 2012.

La Presse.  »La torpille frappa le cargo au centre’‘. Publié dans La Presse, 16 mai 1942.

Anciens combattants Canada. [En ligne]L’offensive sous-marine gagne la côte Est du Canada. [Page consultée le 25 août 2012]

Billets reliés

Photos: le camp d’internement no 42 (camp Newington), Sherbrooke 1944-1945

Site internet de la Commonwealth War Graves Commission

Le torpillage du Lusitania (7 mai 1915)

Des Canadiens-français sur le Nil (Khartoum, Soudan, 1884-1885)

3 réflexions au sujet de « Le torpillage du Nicoya et du Leto dans le golfe Saint-Laurent par un sous-marin ennemi [1942] »

  1. Dur à croire…

    Dans le port de Montréal, on parle encore d’une chaloupe dérivant vers la rive avec une femme et un enfant. Ceux-ci auraient été sauvés.

    Billet intéressant pour un passionné d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale.

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