L’Incendie de l’asile Saint-Jean-de-Dieu [Longue-Pointe, 6 mai 1890]

6 mai 1890, un incendie fait rage à l’asile Saint-Jean-de-Dieu de Longue-Pointe, (Montréal). Voici comment le journal La Patrie rapporte cette nouvelle.

L’Opinion publique, 20 août 1874.

Extrait de la Patrie, 7 mai 1890

HOLOCAUSTE!

Le chiffre des victimes évalué à 100

UNE SCENE HORRIBLE!

Les constructions de l’Asile rasées

Actes de dévouement de nos policiers et de nos pompiers – Les pertes – Les assurances – Les lieux de refuge pourvus de toute part – Etendu du désastre

Ce qui était hier une des plus belles constructions de la province, où la charité était pratiquée en faveur des malheureux privés de raison, n’est plus aujourd’hui qu’un amas de décombres recouvrant les restes carbonisés d’une centaine de malheureux qui n’ont pas pu ou n’ont pas voulu être sauvés.

Il est absolument impossible à l’heure actuelle, donner le chiffre exact des victimes qui ont été ensevelies sous les ruines de l’asile, et il se passera probablement quelques jours avant que l’on puisse s’en procurer un nombre préçis. Le docteur Bourque dit qu’il doit y avoir 70 personnes brûlées vives. On est à peu près certain que tous les hommes ont été sauvés et que les femmes seules ont été victimes de l’élément destructeur.

Le feu s’est déclaré vers onze heures et demie hier dans une salle voisine de la chapelle, appelle salle Ste-Thérèse. C’est M. l’abbé Bélaud, le chapelain qui s’en est aperçu le premier à la fumée qui pénétrait dans sa chambre, qui est voisine de la salle Ste-Thérèse. Il s’empressa de donner l’alarme générale, puis il courut à la chapelle afin de sauver le St-Sacrement et les vases sacrées. Il n’y parvint qu’au péril de sa vie; il a eu la barbe et les cheveux en partie brûlés. On peut juger par ce premier incident de ce drame terrible avec quelle rapidité les flammes se sont propagées.

La Salle Ste-Thérèse, où le feu a commencé, se trouvait presque au milieu de cet immense édifice et c’est à l’étage supérieur que l’incendie a éclaté.

Dans les étages supérieurs de l’aile voisine étaient les femmes maniaques et paralytiques. C’est parmi ces malheureuses que se trouvent la plupart des victimes.

Le Dr Bourque, le Dr Prieur, le Dr Barolet, les religieuses et les employées se précipitèrent de ce côté. On faisait sortir les folles de toutes les salles et on les envoyaient libres dehors.

Mais l’incendie accourait avec une telle fureur que bientôt il eût envahi tout le corps de bâtiment dont nous parlons. Les maniques refusaient de sortir. L’incendie les fascinait et plusieurs d’entre eux qu’on s’efforçait de pousser dans les escaliers, s’échappaient en poussant des cris sinistres et retournaient dans les salles en flammes.

Il restait environ douze femmes paralytiques dans la salle supérieure quant tout-à-coup le feu envahit l’escalier et les enferma dans un cercle de flammes infranchissable. Deux ou trois soeurs tertiaires, qui s’étaient dévouées héroiquement pour sauver leurs chères malades, ont malheureusement péri avec les paralytiques.

Lorsque les pompiers de la ville sont arrivés sur les lieux, le chef a constaté immédiatement qu’il était absolument impossible d’arrêter l’incendie avec les moyens à sa disposition, et on s’est borné à aider au sauvetage, en arrêtant autant que possible les progrès du feu. Moins de quatre heures après l’alarme, il ne restait de l’immense asile que quelques pans de mur croulant et cinq ou six grandes cheminées construites plus massivement que le reste de l’édifice. L’une de ces cheminées s’est écroulée hier soir avec un grand tracas. Les autres sont encore debout et c’est tout ce qu’on aperçoit maintenant de l’asile Saint-Jean-De-Dieu en sortant de la ville.

Après l’arrivée des pompiers, ces derniers et avec eux les citoyens de la Longue-Pointe et un grand nombre de citoyens de la ville s’efforçaient, souvent au péril de leur vie, de sauver ces malheureux aliénés.

M. F. Laurin, boucher de la Longue-Pointe, est le dernier qui soit sorti d’une des salles où il y a eu pertes de vie. Il avait trouvé une folle étendue sur le plancher, à demi asphyxiée. Les flammes s’avançaient sur lui au pas de course. Il ne put que la saisir par les pieds et la tirer presque jusqu’à la porte de la salle. Suffoqué lui-même, il fut obligé d’abandonner cette pauvre créature à son brasier pour ne pas succomber avec elle. Il n’eut que le temps de se jeter dans l’escalier; la toiture s’effondra dans la salle qu’il venait de quitter; les pompiers, du pied del’escalier, le couvrirent d’Eau et le sauvèrent.

Le nombre des blessés, c’est-à-dire de ceux qui ont des brûlures qui ne sont pas mortelles, est d’environ une centaine. Un grand nombre de religieuses ont enduré des brûlures très graves en s’efforçant de sauver leurs malades. On mentionne, entre autres, la soeur Bonaventure, qui n’a réussi qu’au prix des plus douloureuses brûlures à sauver un homme dont l’érudition et le talent étaient autrefois fort admirés à Montréal.

Triste spectacle

Les patients ont passé la nuit à l’Asile St-Benoit, tenu par les Frères de la Charité, à l’Asile St-Isidore, à la maison d’école, à la buanderie et aux bâtiments des Soeurs, chez les Sourdes et Muettes, à la Providence, rue Fullum, à la maison de campagne des Jésuites, à Maisonneuve. L’hon. R. Thibeaudeau avait aussi généreusement offert sa résidence pour venir au secours de ces infortunés. Le théâtre de l’incendie offrait, hier soir, un spectacle navrant.

Les asiles temporaires

Le gouvernement a permis aux autorités de l’Asile de faire convertir les bâtisse des l’exposition à Montréal en asile temporaire. Dans quelques jours les aliénés de St-Jean de Dieu seront donc réunis sur les terrains de l’exposition, où ils passeront l’été, en attendant que l’asile soit reconstruit.

Plusieurs patients dont les familles sont riches et qui étaient à l’asile à titre de pensionnaires payants ont été ramenés dans leurs familles. Cependant il y en a que l’on n’a pas retrouvés.

L’honorable M. Garneau, ministre des Travaux Publics, a télégraphié au premier ministre hier après-midi lui disant qu’il pouvait trouver place à l’asile Beauport pour 400 personnes. L’offre sera probablement acceptée et un certain nomre d’aliénés envoyés à Québec aujourd’hui même.

Une centaine de patients ont été conduits à l’asile des sourds et muets. Ils seront logés à cette institution jusqu’à ce qu’on leur trouver un logement.

Les postes de la police ont recueillit plusieurs des malheureuses victimes qui erraient dans les rues de la ville. Plusieurs sont venus d’eux-mêmes demander un abri qu’on s’est empressé de leur donnerr.

Les patrons du nouvel hôpital protestant, à Verdun, ont offert de prendre trois cents des malades de Longue-Pointe. Leur hôpital est presque terminé.

Dans la dépendance destinée à la paille,au foin et aux grains, situés à environ six arpents en arrière de l’asile, ont pris place environ trois cents cinquante patients, quelques matelats sont étendus sur le plancher, mais la plupart se coucchent sur le foin et la paille. Un grand nombre sont très excités, quoique d’ordinaire bien paisibles. Ils crient, ils vocifèrent et font un grand vacarme.

Une cinquantaine de patients sont temporairement logés dans l’école du village.

Photographie | Asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911 | VIEW-11268.1

Asile de Longue-Pointe, Montréal, QC, 1911

S’ensuit une description de l’asile avant l’incendie, une estimation des pertes, des exemples d’héroïsme et quelques notes.

Aujourd’hui, on connait l’institution sous le nom d’hôpital Louis-H.-Lafontaine

Photos de l’asile St-Jean-De-Dieu (BANQ)

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Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel (IREPI) de l’Université Laval