Le retour du général Tom Pouce [Québec et Montréal, 1863]

Quinze ans après son séjour fort remarqué à Québec, le général Tom Pouce, maître dans l’art de divertir les gens, est de retour. Cette fois-ci, il est accompagné de son épouse, Lavinia Warren, du commodore Nutt et de Elfin Minnie Warren (soeur de Lavinia). La troupe donna aussi quelques représentations à Montréal. Voici deux articles tirés du Canadien et du Pays.

Le Canadien, 5 octobre 1865

Le Canadien, 5 octobre 1865.

Le Canadien, 2 octobre 1863

TOM POUCE ET SA SUITE

Hier soir a eu lieu la 2de apparition du général Tom Pouce et de sa suite à la Salle de Lecture, rue Ste Anne. Tous ceux qui ont assisté à cette intéressante soirée en sont revenus enchantés par les talents divers dont ont fait preuve les personnages lilliputiens qui en ont été les héros. La charmant petite femme de Tom Pouce, Mlle Stratton, de même que Miss Minnie Warren ont chanté plusieurs morceaux de musique avec une grâce parfaite. Mais le général a été le point de mire de tous les spectateurs. Le commodore Nutt a aussi émerveillé l’assistance par sa rare habileté dans le genre comique. Au commencement du spectacle, un accident causa une panique générale, qui fut de courte durée. Comme la salle était littéralement encombrée, une des poutres d’une galerie céda sous le poids énorme qu’elle avait à supporter et s’abaissa de quelques pouces avec un craquement formidable. Tout le monde se précipita alors vers la porte dans une grande confusion; mais l’ordre se rétablit bientôt dès que l’on sut que le danger était passé.

Le général et sa suite donnèrent aussi quelques représentations à Montréal où ils furent également très appréciés.

Le commodore Nutt,

Le commodore Nutt, Lavinia Warren, le Géant et le général Tom Pouce, années 1860. LOC

Le Pays, 13 octobre 1863

TOM POUCE ET SA SUITE. – On apprendra sans doute avec plaisir que le général Tom Pouce et sa suite se sont décidés à demeurer une semaine de plus à Montréal. A chacun des levers qu’ils ont donnés jusqu’à présent ils ont eu salle comble et ont été accueillis par des marques de sympathie et d’étonnement non équivoques. Tout le monde était frappé de surprise à la vue de ces quatre personnages dont la taille n’excèdent pas celle d’un enfant de 3 à 4 ans et dont l’intelligence parait être cependant aussi développée que celle de personnes mûres.

Leur conversation, leur folâtrie, leurs manières sur la scène étaient marquées de ce tact que l’on ne rencontre que chez les gens de haute éducation. Ils continueront à donner des levers à la salle Nordheimer, aux mêmes heures que la semaine dernière.

Billets reliés

Le général Tom Pouce à Québec [juillet 1848]

Dans un hôtel de Montréal, on peut voir… [1864]

Naissance des jumelles Dionne [28 mai 1934]

Les frères siamois Eng et Chang Bunker visitent Québec [juillet 1835]

Un voyage en montgolfière [8 septembre 1856] (première partie)

Le général Tom Pouce à Québec [juillet 1848]

Extrait du Canadien, 24 juillet 1848

Le général Tom Pouce n’était pas un militaire, mais plutôt un artiste de à scène. De son vrai nom Charles Sherwood Stratton, Tom Pouce né en 1838 à Bridgeport, Connecticut. En 1848, il était à Québec pour faire démonstration de ses talents de chanteur, d’acrobate et d’imitateur. C’était un nain. Selon l’affiche de son spectacle, il mesurait 28 pouces de hauteur.

Pour inciter les gens à aller voir le spectacle, on a bien sûr publié dans les journaux des publicités, comme celle que l’on voit ci-contre.

Tom Pouce a même fait une apparition dans les bureaux du journal Le Canadien. Voici ce que cela a donné:

Extrait du Canadien, 26 juillet 1848

LE GENERAL TOM POUCE

Les rédacteurs de journaux jouissent, nous l’avons déjà dit, de quelques privilèges qui, heureusement, viennent les consoler de leur ingrate vocation. Hier matin, comme nous étions gravement assis sur notre fauteuil éditorial, méditant sur les tristes vicissitudes que la politique doit aux ambitions personnelles de ceux la veulent diriger, sur la réforme électorale, sur les chiffres de certains journaux et sur mille autres sujets aussi peu récréatifs, nous vîmes entrer un monsieur portant un petit paquet, enveloppé d’un foulard, qu’il posa par terre. Nous n’y portâmes pas d’abord grande attention, attendant que l’étranger nous eût expliqué l’objet de sa visite. Il nous annonça alors l’arrivée du général TOM POUCE que nous ne suppositions pas alors si près de nous, et que nous fûmes fort surpris de voir sortir de dessous le mouchoir de poche, vêtu de noir avec la dernière élégance, tout botté, jabotté, couvert de bijoux et sautillant, tournant sur les talons comme un merveilleux du bois de Boulogne. Tom Pouce, qui s’introduisit lui-même, est certainement l’un des plus grands phénomènes d’exiguité qu’on ait vus à Québec et probablement dans le monde entier. Parfaitement proportionné, doué de manières enjouées, parlant anglais et français, comprenant l’espagnol, chant, dansant, exécutant plusieurs scènes mimiques avec beaucoup d’aplomb et de finesse, il finit par vous faire croire qu’il est de taille ordinaire, et l’illusion ne finit que lorsque, replacé à terre, vous le voyez fuir entre les bancs où vous le perdez de vue et sous lesquels il s’échappe se baissant un peu. Tom Pouce est depuis hier le  lion à la mode; la foule s’est portée de plus en plus nombreuse à ses trois séances, et chose unique, tout le monde en sortant déclare que les promesses de l’affiche sont fort au-dessous de la réalité.

Tom Pouce par Matthew B. Brady [entre 1844 et 1860] Source: Library of Congress

Il n’est plus possible de sortir sans être accosté par quelqu’un de ses admirateurs et surtout de ses admiratrices qui vous demandent: Avez-vous vu Tom Pouce ? Tom Pouce a remplacé fort à propos pour quelques jours dans la conversation, la température, la réforme électorale, les discussions sur l’annexion, la conduite des membres du parlement et autres sujets pleins d’actualité mais devenus fatigants. Tom Pouce est le plus petit des grands. A coup sûr, il est à présent le plus aimable.

Le 28 juillet, on ajoute dans le Canadien

Charles Sherwood Stratton, aka General Tom Thumb, daguerréotype vers 1848. Source: Wikipédia et Metropolitan Museum of Art

Que ceux qui veulent voir ce phénomène d’exiguité se hâtent donc de profiter des courts instants  que le spirituel petit Poucet doit passer parmi nous. Il est d’autant plus curieux de voir une telle intelligence dans un si petit être, qu’on voit tant de gros personnages en avoir si peu.

Billets reliés

Buffalo Bill et le Wild West Show [août 1885, Montréal]

Visite fatale à Montréal pour l’illusionniste Harry Houdini [22 octobre 1926]

L’incendie du théâtre Saint-Louis [Québec, 12 juin 1846]

Sarah Bernhardt suscite la colère du clergé [Québec, 4 et 5 décembre 1905]