Plaidoyer contre la peine de mort [Québec, 1840]

Le Canadien, 12 octobre 1840

« Les exécutions n’ont pas eu lieu à Montréal, vendredi dernier. Il y a eu sursis indéfini pour Michael O’Graby et Elizabeth Williams, et l’exécution de la sentence de James Dunhseath a été remise à vendredi prochain. S’il fallait notre prière pour induire l’autorité exécutive à faire cesser les exécutions publiques, nous la joindrions volontiers aux voeux d’un nombre de publicistes distingués qui se sont élevés contre cette partie des codes criminels de tous les peuples civilisés. Nous avons déjà eu occasion de déclarer notre opinion contre la peine capitale, sans distinction. Nous nions à la société le droit de vie et de mort sur les citoyens, et l’expérience a assez clairement démontré que l’infliction de cette peine est un préventif peu efficace des crimes. Que la société claquemure les hommes dont les passions effrenées menacent la vie et les biens des citoyens, qu’elle les mette hors d’état de ne pouvoir jamais nuire, c’est son droit; mais ce nous parait une singulieré morale que de punir le meurtre par l’homicide. Nous comprenons la logique de la peine capitale sous la doctrine du droit divin, qui fait venir l’autorité de Dieu même; mais nous ne la comprenons pas sous la doctrine qui fait venir l’autorité des gouvernants des peuples, des individus qui les composent collectivement. Sous cette doctrine le pouvoir ou la société n’a que les droits que les citoyens ou les individus ont bien voulu on pu lui céder sur leurs personnes et sur leurs biens. Or l’individu n’a pu céder un droit qu’il n’a pas lui-même, et que nos lois lui refusent, celui de s’oter la vie.  »

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PENDAISON DE CINQ PATRIOTES [MONTRÉAL, 15 FÉVRIER 1839]

PENDAISON DES PATRIOTES CARDINAL ET DUQUETTE [21 DÉCEMBRE 1838]

DÉCÈS DU BOURREAU ARTHUR ELLIS [MONTRÉAL, 1938]

ANN WILEY, BOURREAU (1775, DÉTROIT)

Décès du Dr Wilfrid Derome, pionnier de la médecine légale [1931]

La Patrie, 24 novembre 1931

UN GRAND SAVANT DISPARAIT EN LA PERSONNE DU DOCTEUR W. DEROME, MEDECIN LEGISTE
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Il s’était rendu célèbre dans toute l’Amérique par ses expertises dans les plus fameuses causes de meurtre. – Concours efficace qu’il apporta à la police de Montréal à maintes reprises.- Carrière scientifique bien remplie
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Wilfrid Derome. La Patrie, 24 novembre 1931

Wilfrid Derome. La Patrie, 24 novembre 1931

Un savant de réputation internationale vient de disparaître en la personne du docteur J.-W. Derome, qui dirigeait depuis dix-sept ans le laboratoire de médecine légale et de police technique du gouvernement provincial et était en même temps médecin expert de la cour du coroner à Montréal. Le docteur Derome est mort à 2h 10 ce matin, à l’hôpital Notre-Dame. Il succomba à l’urémie. C’est jeudi dernier qu’il entrait à l’hôpital dont il fut interne, chef du laboratoire et membre à vie. Depuis lors on avait conservé peu d’espoir à son sujet. Hier soir, on vit que sa fin était proche et les membres de sa famille furent mandés à son chevet.

C’est surtout comme médecin légiste expert que le regretté disparu s’était créé une grand réputation, non seulement au Canada, mais aussi à l’étranger.

Lorsqu’il fut nommé médecin autopsiste de la Cour du coroner, le docteur Derome était alors le substitut du docteur Dugas, dont la santé laissait à désirer, et du docteur D.-D.MacTaggart. Après la mort du docteur Dugas, le docteur Derome continua à agir comme substitut du docteur Villeneuve qui avait été nommé médecin légiste expert à la cour du coroner. Mais, deux ans plus tard, le docteur Villeneuve démissionna et le docteur Derome le remplaça.

NOMME EN 1914

En 1914 le gouvernement provincial fonda le laboratoire de médecine légale et de police technique et le docteur Derome fut placé à la tête de ce nouveau service. Depuis lors le docteur Derome consacra toutes ses énergies au travail technique et scientifique de la police. Bien qu’attaché au service provincial, il accorda fréquemment son concours à la police de Montréal, surtout dans les causes de meurtres d’une particulière difficulté. Ainsi l’aide du docteur Derome fut tres [illisible] dans les causes célèbres des bandits du fameux hold-up à la banque d’Hochelaga, des bandits de Saint-Sulpice, de Coulombe, etc.

Le docteur Derome était un expert en armes à feu de toute première valeur et, à cause de cela, ses services furent requis dans des causes de meurtres à plusieurs reprises en dehors de la province et même aux États-Unis. Plusieurs fois il fut l’expert de tout premier plan dans des procès fameux dans toute l’Amérique. Il y a quelques mois à peine, il était appelé en Colombie Anglaise pour éclairer la justice sur un meurtre absolument mystérieux commis en cette province.

SES OEUVRES

Le docteur Derome écrivit de nombreux articles sur le côté technique de la recherche des criminels. Notons deux brochures fort importantes qu’il a laissées sur ce point et intitulées  »Le lieu du crime » et  »Les armes à feu ».

Le champ d’activité du docteur Derome devient bientôt trop considérable pour un seul homme. Aussi un chimiste lui fut-il d’abord adjoint dans la personne de M. Franchère Pépin. Puis, plus tard, le docteur Rosario Fontaine fut nommé son assistant. Puis un photographe et d’autres experts furent ajoutés au laboratoire provincial.

Notons en terminant que le docteur Derome reçut à plusieurs reprises des offres alléchantes pour aller exercer sa science aux États-Unis. Mais il refusa toujours, préférant demeure dans notre province.

SA CARRIERE

Voici maintenant quelques notes extraites de Biographies de Ouimet, sur le grand savant, mais d’une modestie remarquable, que fut le docteur Derome.

Né à Napierville, le 19 avril 1877, du mariage de Médard Derome, cultivateur, et de Philomène Fortin, il fit son cours classique au collège de Montréal, puis au collège Sainte-Marie, et enfin au séminaire de Joliette, où il obtint le degré de bachelier ès-arts et 1898. Gradué en médecine à l’Université Laval de Montréal, en 1902, il fut d’abord interne à l’Hôpital Notre-Dame (1903-1904), puis démonstrateur d’histologie à l’Université (1904-1908). Gradué de l’Université de Paris en 1909, il fut nommé professeur titulaire de médecine légale et de toxicologie à l’Université de Montréal en 1910 et chef du laboratoire de l’Hôpital Notre-Dame, la même année. Il était médecin consultant de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu, directeur du laboratoire de médecine légale et de police technique depuis sa fondation en 1914 et médecin expert près des tribunaux. Auteur d’un  »Précis de médecine légale », 1920, il était membre à vie de l’Hôpital Notre-Dame, membre à vie du Cercle Universitaire, vice-président de la Société Médicale de Montréal.
[…]
Le défunt était Président de la Société Canadienne Française de Médecine industrielle en 1928 puis en 1930, membre de l’exécutif de la Société Canadienne de Médecine industrielle (Union de l’anglaise et de la française), sous la présidence du docteur O. Mercier.

Il fut  »Associate Editor » du  »American Journal of Police Science » dont le 1er numéro Janvier 1930, fut publié à Chicago, sous l’égide du Northwestern University Press, 357, East Chicago, Ave. ILLINOIS.

Membre correspondant de la Société de Médecine Légale de France, à partir de 1912.

Membre honoraire de  »International Medico-Legal Association » (25 septembre 1931).

Il avait épousé le 16 août 1909, Catherine Dubuc, fille de John Dubuc. De ce mariage sont nés Gabrielle et Léon Derome. Sa résidence était à 512 rue Cherrier.

Les funérailles auront lieu vendredi matin. Le service sera chanté, à 9 heures, en l’église Saint-Louis de France.

L’édifice Wilfrid-Derome, à Montréal, abrite le Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale.

Le Prix Wilfrid-Derome est décerné par la Société canadienne des sciences judiciaires.

Jacques Côté a consacré à Wilfrid Derome un livre intitulé Wilfrid Derome Expert en homicides.

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La tragédie des Redpath [Montréal, 13 juin 1901]

L’oeuvre de résurrectionnistes (Québec, 26 janvier 1866)

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Wilfrid Derome (1877-1931) fondateur du premier laboratoire de médecine légale d’Amérique du Nord

d

Décès du détective Farah Lajoie [Montréal, 1941]

Le détective Georges Farah Lajoie a enquêté sur certaines des affaires les plus célèbres de l’histoire du crime au Québec: l’Affaire Delorme (un prêtre accusé d’avoir tué son frère pour toucher l’héritage), le meurtre de l’éditeur J. Antonio Beaudry, pour ne nommer que ceux-là. Voici ce qui a été écrit à son sujet dans La Patrie lors de son décès.

Georges Farah Lajoie. Photo publiée dans My

Georges Farah Lajoie. Photo publiée dans My Version of the Delorme Case (1922).

La Patrie, 3 mars 1941

MORT SOUDAINE DE L’ANCIEN DÉTECTIVE GEORGES FARAH LAJOIE
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M. Georges Farah Lajoie, ancien membre de la Sûreté municipale et autrefois attaché au bureau du procureur-général, est mort subitement dimanche matin à l’âge de 65 ans. Il habitait au numéro 1569, rue Saint-Denis.

Peu avant 11 heures, samedi soir, M.Lajoie se sentit soudainement malade dans un restaurant situé au numéro 218 est, rue Ste-Catherine. Il fut atteint de paralysie et fut immédiatement transporté à l’hôpital Saint-Luc où les médecins tentèrent en vain de lui sauver la vie. Il expirait moins de trois heures plus tard, à 1 h. 15, hier matin. Par permission spéciale, le corps ne fut pas transporté à la morgue, mais remis immédiatement à la famille.

M. Lajoie naquit à Damascène, Syrie. Il fit ses études à Jérusalem et au séminaire de Ste-Anne, des Missionnaires d’Afrique. Après avoir voyagé en Europe pendant quelques années, il vint au Canada en 1900. En 1906, il entrait au service de la police de Montréal. En 1910, il était attaché au bureau de la Sûreté locale. Ses connaissances du français, de l’anglais, du syrien, de l’espagnol et de l’italien, l’aidèrent grandement dand un grand nombre de causes où il se signala. Il fut félicité en de nombreuses occasions où il se signala. Il fut félicité en de nombreuses occasions pour son magnifique travail.

En 1929 il quittait la police de Montréal et prenait sa retraite. Il fut détective privé pendant plusieurs années et, en 1935, à la suite de l’élection de M. Maurice Duplessis comme premier ministre, il fut attaché au bureau du procureur-général comme investigateur spécial. Après la dernière élection provinciale il prit de nouveau sa retraite.

Il laisse son épouse, née Mariana Shartray, cinq fils, Rolland, Roméo, Rosario, Caruso et Sarto; deux filles, (Laurence) Mme Marcel Lamoureux et (Ghislaine), Mme Roméo Robin, ainsi que trois frères et deux soeurs.

Les funérailles auront lieu mercredi après-midi, à 2 heures, en l’église du Saint-Sauveur, angle des rues Saint-Denis et Viger.

Farah Lajoie a publié en 1922 My version of the Delorme case.

Pour en savoir plus sur l’histoire de Georges Farrah-Lajoie, lisez Georges Farrah-Lajoie – le maître détective de Montréal (Centre d’histoire de Montréal).

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Aziz George Nakash, photographe arménien à Beauceville, Sherbrooke et Montréal (1892-1976)

La bourgeoisie montréalaise secouée par un scandale [Montréal, janvier 1876]

Un policier d’origine hongroise à Québec en 1887?

L’ex-député Joseph-Octave Morin est porté disparu [Abitibi, 1920]

À l’école de réforme [Montréal, 1886]

La Minerve, 11 août 1886

A L’ECOLE DE REFORME

Hier matin, Jacques Bégin, âgé de 14 ans, a été envoyé à l’école de réforme pour trois ans.

Depuis plusieurs années la mère de cet enfant est morte et son père parti pour les États-Unis.

L’orphelin a été recueilli par ses tantes; depuis quelques mois, le petit Jacques manifestait des instincts de voleur. Il y a quelques jours, une montre disparut de la maison.

L’affaire fut confiée à M. Cinq-Mars.

Le jeune voleur fut arrêté ce matin au bas de la rue Saint-Constant. Il avoua avoir vendu la montre à un garçon-barbier pour une piastre et demie. Il avait reçu la somme de dix cents en accompte, le reste devant être payé par versements hebdomadaires.

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Tu ne voleras point: l’histoire de John Hart (Québec, 10 novembre 1826)

Parti sans laisser d’adresse [Coaticook, juillet 1891]

Incident au port de Québec [Québec,15 juillet 1872]

Faits divers: l’histoire des soeurs Hurley [Québec, juin 1904]

L’inquiétant Dr. Tumblety [Montréal, 1857]

Francis Tumblety. Extrait de A Sketch of an Eventful Career by Francis Tumblety, Brooklyn, New York, 1889

Francis Tumblety. Extrait de A Sketch of an Eventful Career by Francis Tumblety, Brooklyn, New York, 1889

La Minerve, 24 septembre 1857

Le Dr. Tumblety- Ce soi-disant Dr. Indien (Indian Herb Doctor) a été avant-hier, sur warrant du Surintendant de la Police, incarcéré dans la prison commune de cette ville pour une offense que nous ne nommons pas mais qui est prévue par l’Acte 5 Vict. chap. 27.

L’enquête dans cette affaire a été commencée hier devant M. le surintendant de la Police. Deux personnes ont été entendues savoir: Philomène Dumas, principal témoin et Joseph Simard de la police riveraine.

Mardi, 29 septembre 1857

F. Tumblety

 »Il y a six semaines, ou deux mois, un individu arrivait de Toronto à Montréal. Dans cette dernière ville d[sic] se donnait comme docteur et disait s’appeler F. Tumblety.

Quelques temps après son arrivée, Tumblety s’installait dans la Grande rue St. Jacques, à côté de la Banque Britannique de l’Amérique du nord. Les journaux l’annonçaient comme Indian herb Doctor. Bientôt, la ville fut inondée de brochures obscènes.

 »Sur la couverture de l’une de ces brochures ont lit:

Dr Tumblety’s
Private Medical Treatise

 »Sous ce titre se trouve le portrait de l’auteur et au dessous l’avis suivant:
An invaluable Family Companion.- Fathers, Mothers! read this book. Give it ot your sons and daughters, let them read it – a pure true, safe and perfect guide to health, usefulness and long life.

(Compagnon de Famille inestimable – Pères et mères! lisez ce livre, Donnez le à vos fils et à vos filles. Qu’ils le lisent- C’est un guide pur, vrai, sûr d’une bonne santé, de l’utilité et d’une longue vie.

 »Derrière cette couverture se trouve un second titre dont l’ignoble rédaction est faite pour soulever de dégoût les débauchés eux-mêmes. Et la brochure, qui contient quarante-sept pages, est le tissu de saletés le plus infâme qu’il soit possible d’imaginer.

 »Depuis le titre jusqu’au dernier feuiller, il est impossible de citer une phrase qui ne soit encadrée d’ignominie ou ne porte un cachet honteux. Si nous avons jeté les yeux sur ce recueil d’ordure, c’est qu’un devoir impérieux nous le commandait.

 »On ne tardera pas à en avoir la preuve.

 »Le rédacteur de la brochure ne sait probablement pas un mot de français; ce qui ne l’empêche point de la signer: F. Tumblety, M. D, Gradué de l’Université de PARIS, membre du College royal de Pharmacie.

 »Tumblety, l’homme qui a fiché une gravure de son portrait, sur la brochure doit se tromper. A moins qu’il n’y ait un Paris inconnu de nous, capitale du royaume de Humburg, il ne possède d’autres grades que ceux auxquels il a rêvé.

 »En tout cas, Tumblety, une fois fixé dans la rue St. Jacques, se donna comme médecine des maladies de femmes. Il laissa clairement supposer qu’il se chargeait de faire disparaître les traces de certaines faiblesses, s’il ne publia pas ses intentions.

 »La police avertie, résolut de vérifier les rumeurs qui se répandaient dans la ville. Personne ne trouvera cette résolution blâmable. Elle était dirigée par un esprit d’ordre et de moralité louable. Pour avoir la preuve exacte de ce qu’elle désirait, la police, représentée par un agent, le nommé Simard, engagea une fille publique à jouer un rôle dans ses plans. La fille consentit. Simard alors se transporta chez Tumblety et lui demanda s’il voudrait lui donner des remèdes pour faire évanouir la grossesse d’une jeune personne qu’il avait mise enceinte. Tumblety répondit affirmativement, en exigeant $20 pour sont [sic] traitement. On convint d’une heure où la personne viendrait visiter l’Esculape.

Puis, Simard alla chercher la fille publique, l’amena dans le cabinet de l’empirique, qui examina cette fille, admit sa prétendue grossesse, et lui remit diverses poudres et préparations pharmaceutiques en l’assurant que ces médicaments la guériraient. Avant de quitter le cabinet de Tumblety, à la vue de celui-ci, la fille goûta aux remèdes. Ensuite elle partit avec son compagnon.

 »Simard vint déposer des faits devant M. le magistrat et surintendant de police, qui donna l’ordre d’appréhender Tumblety.

 »Prévenu d’avoir volontairement vendu des emménagognes (?)abortifs, Tumblety comparaissait mercredi dernier devant le magistrat de police, pour être l’objet d’une enquête. L’avocat de l’inculpé et les rapporteurs de la presse seuls assistèrent à cette enquête. Elle eut pour effet d’exposer les actes que nous venons de signaler. Hier les recherches ont été poursuivies; elles doivent se terminer aujourd’hui, samedi, à onze heures.

L’auteur de l’article discute ensuite de la technique utilisée par la police, soit le guet-apens, pour prendre sur le fait Tumblety. Il est en faveur de cette méthode, contrairement à  certains journaux anglophones.

Le 3 octobre, la Minerve annonce

Le Dr Tumblety -Mercredi, vers quatre heures de l’après-midi, d’après un Writ d’habeas corpus accordé par le juge Guy, Dr. le Tumblety a été admis à caution.

Le 24 octobre, le jury rend un verdict de  »no true bill » (non-lieu). Il était libre.

**

Quelques 30 ans plus tard, Tumblety figurera sur la liste des suspects dans l’affaire de Jack L’Eventreur.

Pour en savoir plus

« Dr. Tumblety, the Indian HerbDoctor »: Politics, Professionalism,and Abortion in Mid-Nineteenth-Century Montreal par Michael McCulloch, CBMH/BCHM / Volume 10: 1993 / p. 49-66

A few passages in the life of Dr. Francis Tumblety, the Indian herb doctor .. (1866) par Francis Tumblety

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Histoire judiciaire: Le docteur L’Indienne, un meurtrier en série? St-Jean-Port-Joli, 1829

Découverte de squelettes à Lévis: les victimes du Docteur L’Indienne? [juillet 1865]

Arrestation du Dr Crippen à Pointe-au-Père, auj. Rimouski [31 juillet 1910]

Alerte à l’imposteur! [septembre 1842]

Un médecin morphinomane [Juin 1905]

La tragédie des Redpath [Montréal, 13 juin 1901]

Photographie | M. J. C. Redpath, diplômé en droit, Montréal, QC, 1900 | II-133577

M. J. C. Redpath, diplômé en droit, Montréal, QC, 1900

La Patrie, 14 juin 1901

UNE SANGLANTE TRAGEDIE
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Mme Redpath, veuve du riche raffineur de sucre, et son fils Clifford, meurent mystérieusement atteints par trois coups de revolver
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Affreux malheur qui créé dans tout Montréal une profonde consternation

Toute la haute société anglaise de notre ville est aujourd’hui sous le coups d’une bien vive émotion par suite d’une sombre tragédie qui vient de se produire dans son sein. Jamais, croyons-nous, malheur plus déplorable n’a frappé une famille, et c’est avec un cri de profonde horreur que la population de Montréal a appris la sinistre nouvelle. Il s’agit de la mort d’une honorable femme et de son fils, tous deux occupant un rang proéminent dans l’aristocratie anglaise du pays.

Les faits de la tragédie sont particulièrement pénibles et cachent un mystère que nulle personne au monde ne pénètrera jamais.

Quoique l’on ait tout fait pour étouffer cette affaire, le bruit a transpiré suffisamment pour que toute la ville soit aujourd’hui instruite de la nouvelle. Comme toujours en pareils cas, les commentaires vont bon train, et les versions que l’on rapporte sont toutes d’une exagération ou d’une invraisemblance absolue.

La veuve de M. John Redpath, le célèbre raffineur de sucre, mort il y a quelques vingt ans, vivait avec ses enfants dans une magnifique propriété située au numéro 1065 de la rue Sherbrooke, près de la rue McKay. Madame Redpath, très âgée, y coulait une existence douce et paisible au milieu de ses enfants. L’âge l’avait rendue quelque peu souffrante et la douleur de voir le plus jeune de ses fils, Clifford, enclin à des attaques d’épilepsie, jetait un voile sur son bonheur. Néanmoins, tout allait bien, et le jeune Clifford, âgé de 25 ans, après une brillante cléricature à l’Université McGill, se préparait avec ardeur à subir le dernier examen pour obtenir son titre d’avocat. Depuis quelques jours surtout, le jeune homme travaillait sans relâche. constamment plongé dans ses livres, il ne prenait aucun repos, et c’est à peine s’il prenait le temps de se mettre à table pour les repas.

Un tel excès devait exercer une influence néfaste sur son moral. On remarquait qu’il était plus affaissé que d’ordinaire.

Hier après-midi, vers 4.30 heures, le jeune Clifford revenant de l’Université, pénétra dans la chambre de son frère qui était par hasard à la maison. Après avoir échangé quelques mots avec lui, Clifford sortit et pénétra chez sa mère dont l’appartement était situé sur le même palier. M. Redpath (le frère) qui était occupé à sa toilette, ne prêta guère d’attention au jeune homme. Un instant plus tard, une détonation, aussitôt suivie d’une autre, se fit entendre dans la chambre de Mme Redpath, glaçant d’effroi le malheureus fils resté dans la chambre. Se ressaisissant aussitôt, M. Redpath se précipita en avant mais, au moment où il allait ouvrir la porte de l’appartement de sa mère, un troisième coup de feu partit de l’intérieur. D’un vigoureux coup d’épaule, M. Redpath enfonça la porte et pénétra dans la chambre. Un spectacle horrible l’y attendait. Sa mère, ayant à la tête une affreuse blessure gisait dans une mare de sang. A côté d’elle, le jeune Clifford était étendu, également couvert de sang.

Affolé, M. Redpath tenta de rappeler sa mère à la vie. N’y parvenant pas, il agita désespérément la sonnette, mandant auprès de lui les deux servantes qui étaient seules avec lui dans la maison. Il leur enjoignit de courir chez le plus proche médecin, et quelques instants plus tard, les Drs McKenzie, Campbell et Patton arrivaient sur les lieux.

L’examen qu’ils firent des cadavres leur révéla un état des choses fâcheux. Les deux cas, à leur avis, étaient désespérés.

Sur leur avis on transporta le jeune Clifford à l’Hôpital Victoria où le Dr Bell tenta vainement de le rappeler à la vie. Il en fut de même pour madame Redpath qui malgré tous les soins, succomba vers 10 heures.

Une heure plus tard, un message téléphonique annonçait que le jeune Clifford avait également succombé.

Le coroner, aussitôt avertit, s’est rendu sur les lieux et a fait les constatations d’usage. Il a permis d’ensevelir les deux cadavres et il a fixé l’enquête à 3 30 heures, cet après-midi, au domicile des défunts.

chose curieuse, la police n’a pas été officiellement informée de cette sombre tragédie.

Le lendemain, on lisait dans La Patrie

DRAME DE LA FOLIE
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Clifford Redpath, rendu irresponsable de ses actes par une attaque d’épilepsie imminente, tue sa mère puis se suicide
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Le corps des deux victimes seront inhumés aujourd’hui
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La sombre tragédie de la rue Sherbrooke, comme on se plaît à l’appeler, est maintenant une affaire du passé dont on ne parlera plus. Les deux victimes seront inhumées aujourd’hui avec la plus grande simplicité. Le dernier acte du drame s’est déroulé hier après-midi à l’enquête du coroner qui a eu lieu à 3.30 heures.

Les faits que nous avons rapportés ont été entièrement corroborés par les témoins qui ont été entendus. Disons que le jury était composé d’hommes éminents dans toutes les classes de la société.

On remarquait en effet: MM. A. Browning, John Dunlop, C.R. ancien bâtonnier du barreau; Lansing Lewis, E.C.B.. Featherthonhough, Geo. Hyde, Bartlett McLennan, Francis McLennan, John Walker, W. Morris, John Savage, W.W. Watson, Charles Esdale et Herbert Wallace.

Le premier témoin assermenté à été M. Peter Redpath, le frère de Clifford. Il a raconté que son frère est arrivé de la ville vers 5.40 heures, hier après-midi. Il paraissait souffrant et il l’a quitté pour aller rejoindre sa mère. Cinq ou six minuutes plus tard, le témoin a entendu une détonation. Comme il se précipitait dans l’escalier pour se rendre compte de ce qui se passait, deux autres coups de feu se firent entendre dans la chambre de sa mère. M. Peter Redpath ayant atteint la chambre, ne put y pénétrer par la porte ouvrant sur le corridor. Cette porte était fermée à clef de l’intérieur, il lui fallut passer par une autre pièce. En entrant dans la chambre un spectacle horrible frappa ses regards. Sa malheureuse mère gisait sur le parquet dans une mare de sang, et son frère étendu un peu plus loin tenait dans sa main crispée un revolver encore fumant.

Le témoin raconte, en terminant, que son frère était sujet à de fréquentes attaques d’épilepsie. L’excès de travail auquel il s’était récemment livré pour préparer ses examens l’avait fort surexcité.

Le Dr Roddick, médecin attitré de la famille depuis vingt ans, a ensuite été entendu. Il a raconté que le défunt était un épileptique et qu’il ne pouvait être tenu responsable de ses actes avant et après ses crises. Récemment, le Dr Roddick a conseillé au malade de prendre du repos. Il lui avait proposé de l’accompagner dans un voyage qu’il devait faire à une place d’eau. Ce projet devait être exécuté prochainement.

Les Drs Patton et Campbell, qui ont été appelés après la tragédie, ont relaté dans quelle position se trouvaient les cadavres. Ils ont constatéé que madame Redpath avait reçu deux balles dans l’épaule et que le défunt s’était tiré une balle dans la tempe droite.

L’une des servantes, qui était à la maison lors du drame, Dora Shallow, a été le dernier témoin entendu. Elle dit qu’elle a entendu les détonations et elle confirme la version des témoins précédents en ce qui concerne la position des cadavres.

Un détail à noter et qui semble fort étrange, c’est que l’on a trouvé un deuxième revolver dans la chambre près du cadavre du jeune homme. Ce revolver a six coups, avait une chambre vide. Il manquait deux balles dans le premier.

M. Fleet, avocat, ami de la famille, a déclaré que tout le monde dans la maison ignorait qu’il y eut des revolvers. Ce n’est qu’hier matin que l’on a trouvé les boîtes dans une remise située en arrière de la maison.

La preuve étant close, le jury, après quelques instants de délibération, enregistre le verdict suivant sur la mort de Clifford Redpath:
 »Que Clifford Redpat est mort à Montréal le 13 juin 1901 d’une blessure faite par lui-même avec un revolver, alors qu’il était atteint momentanément d’aliénation mentale causée par une attaque d’épilepsie et étant irresponsable de ses actes à ce moment. »

Le verdict se rapportant à madame Redpath se lit comme suit:
 »Que Ada Maria Mills, veuve de John Redpath, âgée de 62 ans, est morte à Montréal le 13 juin 1901, d’une blessure de pistolet faite apparamment par Clifford John Redpath, son fils, alors que celui-ci était inconscient et temporairement atteint d’aliénation mentale causée par une attaque d’épilepsie. »

Chacune des jurés ayant signé ces deux verdicts, le coroner a déclaré l’enquête close.

Un volet du projet Les grands mystères de l’histoire canadienne a été consacré à l’affaire Redpath. Vous y trouverez d’autres retranscriptions d’articles et bien plus.

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Le vinum colchici est dangereux pour la santé (Tabb’s Yard, Montréal, 1873)

Le fantôme de Mary Gallagher (Griffintown, Montréal, 26 juin 1879)

Cyberenquête – La torture et la vérité: Angélique et l’incendie de Montréal

Un voyageur de Montréal tué par un soldat [Québec, 13 septembre 1807]

Une mort mystérieuse (Saint-Julien-de-Wolfestown, 1888)

Drame à Saint-Alban, 23 février 1890

Petites histoires immorales [juin 1891]

Faisons une petit incursion dans l’immoralité, version 1891, grâce aux archives du journal La Patrie (Montréal).
La Patrie, 20 juin 1891

Marie-Louise Meunier, accusée d’avoir violé la foi conjugale (adultère), a avoué sa culpabilité devant la cour.
Sentence: trois mois aux travaux forcés.

La Patrie, 22 juin 1891

GRAVE INFRACTION AUX LOIS DE LA MORALE – UN PRISONNIER COMMET UNE ACTION CRIMINELLE DANS LES CELLULES – Un prisonnier du nom de Joseph Davis s’est rendu coupable, dans les cellules, d’un acte de la plus grossière indécence.
Ayant été trouvé hier soir en état d’ivresse près de la Place Chaboillez, il fut conduit au poste No 6 et enfermé dans une cellule occupée par deux autres prisonniers en attendant son procès.
Quelques heures plus tard lorsque le constable Riopel alla visiter les prisonniers, il aperçut Davis commettre un acte contre nature sur la personne d’un autre prisonnier qui était ivre-mort.
Les constables Champagne et Robert, qui ont été témoins de cette action criminelle sont venus ce matin faire leur déposition contre l’accusé qui dit ne pas se rappeler ce qu’il a fait.
Il est assez probable que Davis subira son procès devant la Cour Criminelle.

Il sera condamné à neuf mois de prison et 30 coups de fouets. (La Patrie, 30 juin 1891)

La Patrie, 25 juin 1891

GRAVE ACCUSATION – TROIS JEUNES GENS ENFREIGNENT GRAVEMENT LES LOIS DE LA MORALE – Wilfrid Augé, Omer Leblanc et John Bentley, sont trois jeunes garçons âgés respectivement de seize à dix-sept ans. Quoiqu’ils soient assez vieux pour oublier les tristes habitudes dans lesquelles ils ont grandi, ces trois jeunes flâneurs sont allés vers trois heures de l’après-midi se baigner dans le canal, à la vue des passants et n’ayant pour tout habit que l’eau dans laquelle ils se baignaient.
Plusieurs dames qui en ont été scandalisées sont allés avertir la police qui a opéré l’arrestation des jeunes coupables. Tous trois ont comparu ce matin devant la cour.
Le juge les a fortement reprimendés et leur a déclaré qu’ils auraient peut-être à subir la peine du fouet.
Les accusés sont renvoyés dans les cellules en attendant leur condamnation.

La Patrie, 27 juin 1891

BIGAMIE- UNE JEUNE FILLE DE SHERBROOKE ODIEUSEMENT DEÇUE – Le détective Cinq-Mars s’occupe, depuis quelques jours, d’une cause assez intéressante.
Il y a quelques années, un nommé Lejour, du Lac Mégantic, se mariait à une jeune fille de Sherbrooke. Dernièrement, cette jeune fille, qui est aujourd’hui mère de famille, apprit que Lejour était marié à une autre femme du Lac Mégantic qui était aussi mère de famille. Cette dernière est la femme légitime de Lejour.
M. Cinq-Mars partira ce soir pour Sherbrooke afin d’opérer l’arrestation du bigame, à la demande de la femme numéro deux.

La Patrie, 30 juin 1891

UNE IDYLLE DANS UN CHAMP DE FOIN – Dans une paroisse située au sud du fleuve, mais non loin de notre ville, un couple d’amoureux a été surpris à une heure indue, roucoulant une idylle dans le champ de foin d’un ancien député.
Ces choses-là se passaient il y a quelques jours, et aujourd’hui tout le monde sait l’histoire.
Dimanche, après la messe, l’ancien député a fait annoncer à la porte de l’église qu’il était défendu d’aller dans son champ après 9 heures.
Ce qu’on rigole depuis!

Billets reliés

La justice en 1817,1837 et 1857: quelques exemples de condamnations

L’émeute de la prison Saint-Vincent-de-Paul [Laval, 24 avril 1886]

En garde! Duels à Montréal [1819 et 1837]

Une histoire de bigamie [1869, St-Thomas de Pierreville]

La guerre à l’opium [Montréal, 1906]

Extrait de la Patrie, 11 août 1906

LA GUERRE A L’OPIUM

LEE CHU, ANCIEN INTERPRETE CHINOIS, ARRÊTÉ À SON DOMICILE

L’ancien interprète chinois officiel, Lee Chu, est de nouveau aux prises avec la justice. Accusé de conspiration par un de ses compatriotes, il se voit obligé de répondre à une autre accusation, celle de tenir une maison de désordre ou plus spécifiquement une fumerie d’opium, au No 37 de la rue St-Charles Borrommée. L’arrestation a eu lieu hier soir, par la police  du poste No. 4. Lorsque Lee Chu a été arrêté, il était en compagnie de deux blancs. Tous trois ont été conduits au poste de la rue Ontario.

Lee Chu est un personnage très en vu de la colonie chinoise de notre ville. Il fut pendant un temps le grand conseiller des Mongols. Chef du clan des Lee, il a beaucoup travaillé a propager le mouvement de réforme parmi ses compatriotes.

Depuis quelques temps,  Lee Chu a baissé dans la faveur de ses gens et son influence a baissé d’autant. Il est propriétaire d’un établissement d’articles chinois. Il semble être au courant de tout ce qui s’agite dans ce mystérieux coin que l’on appelle le  »Chinatown ».

Lee Chu comparaîtra à dix heures devant le recorder.

Billets reliés

Portraits de membres de la communauté asiatique au Québec 1850-1945

Des immigrants islandais au Canada (port de Québec, août 1876)

Qui sont les Home Children?

Grosse-île, station de quarantaine 1832-1937

Alerte à l’imposteur! [septembre 1842]

Le Canadien, 19 septembre 1842

UN IMPOSTEUR – Nous croyons de notre devoir d’attirer l’attention des autorités, tant ecclésiastiques que civiles, sur un individu du nom de Beauchamp, connu ici sous le nom de Beauchamp l’écopeau, qui parcourt les campagnes, se faisant passer tantôt pour médecin et tantôt pour prêtre, et même pour Evêque. Il se dit successeur du vénérable évêque de Nancy, et qu’il est même revêtu de plus de pouvoirs. Il est à notre connaissance que cet imposteur a fait dernièrement une tournée aux États-Unis et qu’il s’est revêtu du pouvoir d’absoudre tous les péchés. Des femmes ont été se prosterner à ses pieds et il a poussé la hardiesse et l’impiété jusqu’à leur administrer, disait-il, le saint sacrement de l’eucharistie. Il est muni, nous ne savons trop comment, de plusieurs habits sacerdotaux et de pains qu’il dit être consacrés.

De semblables sacrilèges devraient attirer l’attention des autorités. Cet individu est maintenant, ou était tout dernièrement, dans les environs de la rivière Chambly. Il se dit envoyé pour soigner les malades et faire des miracles. Il est muni d’une croix qu’il dit lui avoir été laissé par Monseigneur de Nancy. (Ibid) [Note: La Minerve]

Billets reliés

Faits divers: l’histoire des soeurs Hurley [Québec, juin 1904]

En garde! Duels à Montréal [1819 et 1837]

La justice en 1817,1837 et 1857: quelques exemples de condamnations

Histoire judiciaire: Le docteur L’Indienne, un meurtrier en série? St-Jean-Port-Joli, 1829

Comment punissait-on les gens coupables de haute trahison au 18e siècle? Voici l’histoire de David McLane

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La petite histoire du crime: la bande à Chambers (Québec et sa région 1831-1835) Première partie

Faits divers: l’histoire des soeurs Hurley [Québec, juin 1904]

A la demande de monsieur Chartrand, voici l’affaire des soeurs Hurley.

La demeure des Hurley était située rue Ferland, à Québec. Le patriarche de la famille, Michael, était peintre. Dans le recensement canadien de 1871, on lit que son épouse était prénommée Catherine. Dans le recensement de 1881, Michael est inscrit comme étant veuf.

Extrait de l’annuaire Marcotte, édition 1896-1897

Michael et Catherine Hurley ont eu au moins quatre filles: Fanny (Frances), Catherine, Anna Maria et Helen Jane.

Catherine est décédée en 1901 suite à une noyade. On en a parlé dans le Quebec Mercury  comme vous pouvez le constater.

Extrait du Quebec Mercury, 3 juin 1901, relativement à la découverte du corps de Catherine.

Michael est décédé le 27 mars 1903 à Québec. Il avait 73 ans.

En juin 1904, il ne restait plus que Fanny, Anna Maria et Helen Jane au domicile familial de la rue Ferland.

Annuaire Marcotte, édition 1903-1904

Et ça n’allait pas bien du tout.

Extrait de la Patrie du 20 juin 1904.

QUINZE ANS SEQUESTREE

LES OFFICIERS PUBLICS FONT D’ÉTRANGES DÉCOUVERTES DANS UNE MAISON HABITEE PAR TROIS ALIÉNÉES

ELLES SERONT INTERNÉES

(Correspondance spéciale)

Québec, 20 juin 1904

La maison qui porte le no 13, de la rue Ferland, est habitée depuis un très grand nombre d’années par trois soeurs du nom de Henley[Note: il s’agit plutôt de Hurley], qui sont idiotes de naissance. Elles sont propriétaires du bloc dans lequel se trouve leur résidence, et jouissent d’un revenu annuel  de plus de quinze cents piastres qu’un nommé Mahoney, l’administrateur de leurs biens, retire et dépose pour elles. A la demande des voisins, les officiers du bureau de santé ont fini par faire une visite à leur domicile samedi, accompagnés du chef de police, d’une couple de constables et des docteurs Parks et Catellier. Ils ont eu d’énormes difficultés à pénétrer dans le logis.  L’une de ces forcenées s’était armée d’une barre de fer.

Les lieux étaient infects, le logis était dans un état de saleté indescriptible.

Lorsque les officiers de santé ont voulu pénétrer jusqu’aux mansardes, on leur a barré le passage. Il a fallu [illisible] toute espèce de moyen de persuasion pour calmer les infortunés et obtenir d’elles l’autorisation de monter au troisième étage. Les médecins seuls ont pu y monter, les docteurs Parks et Catelier, l’un après l’autre, et presqu’à la sourdine, pour ainsi dire. Quelle n’a pas été leur surprise d’apercevoir dans une chambre soigneusement  verrouillée, à travers un guichet pratiqué dans une porte, une femme absolument nue, dans un état affreux, étendue sur un sale grabat de paille, parlant d’une manière incohérente, et hurlant, vociférant de temps à autre. On a su depuis que cette pauvre folle était séquestrée depuis plus de 15 ans. On renouvelait sa litière de temps à autre par une ouverture pratiquée au bas de la porte, et on lui transmettait ses aliments par le petit carreau pratiqué au centre.

Les deux idiotes qui tenaient ainsi leur soeur séquestrée ont dit aux officiers de santé que c’était inutile de la déranger, parce qu’elle n’en avait pas pour longtemps à vivre; elles ont ajouté que dans tous les cas, elles souriaient [souhaitaient?] y voir elles-mêmes si elle n’était pas morte à l’automne.

Les officiers du bureau de santé ont résolu de prendre toutes les mesures nécessaires pour enlever ces trois idiotes du logement en question et de les faire transporter à l’Asile de Verdun. Ce déménagement forcé doit se faire aujourd’hui ou demain au plus tard; ce ne sera certainement pas sans de grandes difficultés. On devra user de force, se servir de courroies.

On s’y attend et on se prépare en conséquence.

Le tuteur de ces trois aliénés, leur oncle, qui réside à New York, est arrivé à Québec, et on m’assure qu’il a consenti à ce que ces trois malheureuses nièces soient internées dans un asile et qu’il a signé en conséquence les documents nécessaires.

Ces trois infortunées sont âgées de 33, 35 et 40 ans respectivement. C’est la troisième que l’on tenait ainsi sous le verrou depuis plus de 15 ans.

Celle qui a été enfermée pendant toutes ces années était Helen Jane. Elle n’a pas survécu longtemps à sa  »délivrance ». Elle est décédée le 15 juillet 1904 à Verdun, probablement à l’asile. Quant à ses soeurs, elles étaient toujours à Verdun en 1911 selon le recensement canadien.

Lorsqu’on consulte les recensements de 1871, 1881*, 1891* et 1901, il y a toujours une section où l’on demandait au recenseur de cocher s’il y avait quelqu’un atteint d’aliénation mentale dans le foyer visité. Rien de tel n’a été signalé chez les Hurley.

Une sombre histoire.

*Le nom Hurley a été orthographié Hurly. En 1891, Michael a été orthographié Michel

Bibliographie

Jean-Marie Lebel. Le Vieux-Québec: guide du promeneur. Sillery, Septentrion, 1995, 340 pages.

Jean-Marie Lebel. Les Chroniques de la Capitale. Québec 1608- 2009. Québec, PUL, 2008, 760 pages.

Registre d’inhumation du Mount Hermon Cemetery (BANQ)

Les enquêtes des coroners des districts judiciaires de Beauce, 1862-1947, de Charlevoix, 1862-1944, de Montmagny, 1862-1952, de Québec, 1765-1930 et de Saint-François (Sherbrooke), 1900-1954 (BANQ)

Billets reliés

Drame à Saint-Alban, 23 février 1890

Une mort mystérieuse (Saint-Julien-de-Wolfestown, 1888)

L’Incendie de l’asile de Beauport, 29 janvier 1875

Le fantôme de Mary Gallagher (Griffintown, Montréal, 26 juin 1879)

Le vinum colchici est dangereux pour la santé (Tabb’s Yard, Montréal, 1873)